Louis Fuzelier
Le Trompeur trompé
Parodie d’Isis contenant cent vaudevilles
1733
BnF ms. fr. 9333
Acteurs
Hiérax, amant d’Io
Pirante, ami d’Hiérax
Io, fille du fleuve Inachus
Mycène, confidente d’Io
[Jupiter]
Junon
Mercure
Iris
Argus, frère d’Hiérax
Deux Poètes, gelés
Deux Maréchaux
Trois Médecins
Une Furie, en procureur
Chœurs et Danses
La scène est en plusieurs endroits.
Le Trompeur trompé
Acte i
Le théâtre représente les rivages du fleuve Inachus et des coteaux charmants au fond d’un palais.
Scène i
hiérax seul
Hiérax
Air : Quand le péril est agréable
Cessons d’aimer une infidèle,
Plantons-là l’inconstante Io !
Ne faisons plus le pied de veau
Pour cette péronnelle !
Air : Que j’estime mon cher voisin
De moi l’on ne fait plus d’état,
Un autre a pris ma place.
Eh ! Bientôt à bon chat, bon rat :
Trop d’amour embarrasse.
Air : Eh avance
Sortons de la captivité !
Si j’ai perdu ma liberté,
Qu’elle revienne en diligence !
Eh avance, eh avance, eh avance,
Reviens, tranquille indifférence !
Scène ii
hiérax, pirante
pirante
Air : Quand Moïse fit défense
Vous avez la face blême.
Vous venez comme un auteur.
Un pénitent de Carême
N’a pas plus triste couleur.
Voyez ces belles guinguettes,
Voyez comme ces grisettes
Y traitent ces amoureux :
Allons danser avec eux !
Hiérax
Air : Capucins
Depuis que la fille d’Inaque
En ces lieux m’a tourné casaque,
Mon pauvre cœur, tout désœuvré,
Ne sait de quel bois faire flèche.
Pirante, me voila sevré :
Dans son cœur un autre a fait brèche
pirante
Air : Confiteor
Graissez les bottes d’un vilain
Il vous dira qu’on les lui brûle.
Je vous aime mon cousin :
Son cœur ne ferre point la mule.
De plus vous avez pour patron
Argus, le toutou de Junon.
Air : Laire lan la
Et de plus il est votre frère.
Hiérax
Laire la, laire lan laire
Laire la, laire lan la.
Air : Ne m’entendez-vous pas
Io barguigne trop :
Quelque anguille est sous roche.
Quand notre hymen approche,
Son cœur fuit au galop.
Io barguigne trop.
Air : Pour la baronne
Elle a beau faire,
Son cœur ne peut dissimuler. bis
Si sa bouche paraît sincère,
Son cœur sait autrement parler.
Elle a beau faire.
pirante
Air : Va-t’en voir s’ils viennent, Jean
Elle a trop fait de serments
Pour être infidèle.
Vous saurez ses sentiments :
J’aperçois la belle.
Hiérax
Va-t-en voir s’ils viennent, Jean,
Va-t-en voir s’ils viennent.
Scène iii
io, hiérax
io, froidement
Air : Dupont, mon ami
Mon fils, m’aimez vous ?
Hiérax
La belle demande !
Mais je suis jaloux.
io
Tant pis...
Hiérax
Qu’on me pende
Si pour une autre que toi
D’amour j’ai suivi la loi !
Air : Tallaritta laritta la larire
Mais vous paraissez inquiète,
Vous avez l’air embarrassé.
io
À rêver je suis fort sujette.
Hiérax
Ma poule, qu’avez-vous rêvé ?
io
Je n’ai pas trop sujet d’en rire,
Tallaritta, laritta, la larire.
Air : Un petit moment plus tard
Un joli moineau m’en contait
Dans un jour de fête.
Un aigle, qui nous regardait,
Vola sur ma tête.
Il attrapa le moineau,
Et l’emporta dans la nue.
J’eus beau pleurer mon oiseau,
Je fus, je fus perdue !
Air : Je reviendrai, demain au soir
Ainsi, différons notre hymen !
Hiérax
Sans plus long examen,bis
Je suis votre moineau conteur,
Et l’aigle est l’épouseur.bis
io
Air : Or écoutez, [petits et grands]
Non, je vous aime constamment.
Hiérax
Vous le dites bien froidement.
Vous m’en contez !
io
C’est un mensonge !
Hiérax
Je crains l’effet de votre songe :
Vous ne m’aimez plus, belle Io.
io
Fi donc ! Vous pleurez comme un veau.
Hiérax
Air : Branle de Metz
Si je connaissais le drôle
Qui m’escamote ton cœur,
Et qui contre tout honneur
Te fait manquer de parole,
Par la sambleu, tu verrais
Comme je l’étrille, trille,
Par la sambleu tu verrais,
Comme je l’étrillerais !
io
Air : L’amour plaît malgré ses peines,
Vous avez tort de vous plaindre
Dans des termes si brutaux :
Quand un amant se fait craindre,
Il s’apprête bien des maux.
Air : Morguene de vous
Morguene de vous,
Quel homme, quel homme,
Morguene de vous,
Quel homme êtes-vous ?
Hiérax
Air : Dodo, l’enfant do
Pardon.
io
Non, non,
Tout ce joli carillon
Pour vous ne dit rien de bon.
Hiérax
Pardon.
io
Non, non !
Hiérax sort.
Scène iv
io, mycène
Mycène
Air : Du haut en bas
Oh, c’en est trop !
Votre amoureux ne fait que braire.
Oh, c’en est trop !
Pour le fuir, j’irais au galop.
Vous aurez beau dire et beau faire,
Et rien ne peut le satisfaire.
Oh, c’en est trop !
io
Même air
Il n’a pas tort.
Il se gendarme avec justice,
Il n’a pas tort.
Pour lui, tout mon amour est mort.
Jupiter va faire l’office
De ce misérable jocrisse.
Il n’a pas tort.
Mycène
Air : Confiteor
Je ne dis plus rien à cela,
Et vous ne perdez point au change.
Le grand Jupiter vous fait là
Un sort qui bien mieux vous arrange.
io
Tantôt, Mercure, dans ce lieu,
M’a donné le dernier adieu.
Air : Eh avance
Je le vois ici chaque jour.
Par lui Jupiter fait sa cour
À mon mérite qu’il encense.
Mycène
Eh avance, eh avance, eh avance,
Chassez-moi l’autre en diligence.
io
Air : Vous m’entendez bien
Où vas-tu ? Tu me quittes donc ?
Mycène
Mercure est là, sur l’horizon,
Qui vient pour vous conduire...
io
Eh bien ?
Mycène
Et moi je me retire,
Vous m’entendez bien.
Mycène sort.
Scène v
mercure, io
mercure
Air : De tous les capucins du monde
Le dieu qui lance le tonnerre
Va faire un voyage sur terre ;
Il veut visiter les humains.
Mortels, il vous fait une grâce.
Chantez tous, et battez des mains !
Vous allez le voir face à face.
Air : Dansons le nouveau cotillon
Dansez le nouveau cotillon !
Jupiter descend dans ce beau vallon.
chœur
Dansons le nouveau cotillon !
Jupiter descend dans ce beau vallon.
mercure, à Io
Air : Vous m’entendez bien
Pour mieux tromper les dieux jaloux,
Je ne m’adresse point à vous,
Mais ce dieu tout en flamme...
io
Eh bien ?
mercure
Vient droit à vous, Madame,
Vous m’entendez bien.
io
Air : Que Dieu bénisse la besogne
Jupiter me fait trop d’honneur,
Mais j’ai disposé de mon cœur.
mercure
Jupiter en vaut bien deux autres :
Envoyez votre amant aux piautres !
Air : La bonne aventure, au gué
Ne verbiagez pas tant :
Vous l’aimez, chose sûre.
Jupiter dans un instant
Va se rendre bien content.
io
La bonne aventure, au gué
La bonne aventure.
mercure
Air : Margot sur la brune
Jupiter lui-même,
De sa gloire suprême,
Jupiter lui-même
Va descendre ici-bas.
Que l’on s’apprête
Pour cette fête !
De sa conquête
Suivez les pas !
Pour lui, que ce jour a d’appas !
chœur
Jupiter lui-même, etc.
Scène vi
jupiter descend sur un dindon, io, mercure, chœurs et danses
jupiter
Air : Sens dessus dessous
Ne craignez rien mes chers enfants : bis
Je ne combats que les Titans ; bis
J’ai lancé sur eux le tonnerre,
Sens dessus dessous, sens devant derrière,
Et je les ai renversés tous,
Sens devant derrière, sens dessus dessous.
Air : Eugène entrant en campagne ou Prends, mon Iris
Jupiter vient sur la terre
Pour la combler de bienfaits ;
Il est armé du tonnerre,
Mais c’est pour donner la paix.
Amis, de moi qu’on s’approche !
Je n’ai qu’un foudre de poche,
Et je ne m’en sers jamais.
Jupiter vient sur la terre
Pour la combler de bienfaits ;
Il est armé du tonnerre,
Mais c’est pour donner la paix.
chœur
Jupiter vient sur la terre, etc.
On danse et le premier acte finit.
finacte
Acte ii
Le théâtre représente un bois obscurci par des nuages épais.
Scène i
io seule
io
Air : Nous avons de fines aiguilles
Où suis-je ? Ai-je la berlue ?
Ma maison est disparue !
De Junon, je crains les bras :
Elle pourrait, sans dire holà,
La, la, la,
Me repasser du haut en bas.
Scène ii
jupiter, io
Le théâtre s’illumine.
jupiter
Air : Ne m’entendez-vous pas
Pour jouir à l’écart
De toi, belle mignonne,
Jupiter environne
Du plus épais brouillard
Ce petit lieu gaillard.
Air : L’amour, la nuit et le jour
Junon me fait la loi.
Quelle étrange commère !
À toute heure après moi,
Elle m’oblige à faire
L’amour
La nuit et le jour.
Air : Çà, que je te mette
Çà, que je te mette,
Aimable poulette,
Çà, que je te mette
L’amour dans le cœur.
Foin de ma grandeur !
J’aime mieux la grisette
Çà, que je te mette
L’amour dans le cœur.
io
Air : On nous en ratissera
Un autre a su m’engager :
Je ne puis vous soulager
Sans lui faire une injustice.
jupiter
Tant pis, mais je vous tiens là.
io
On vous en ratisse, tisse,
On vous en ratissera
Air : Confiteor
Jupiter peut trouver ailleurs
Un objet qui soit plus aimable.
Après tout, si j’avais deux cœurs...
jupiter
Je vous entends, soyez traitable :
Rendez-vous, ne faisons point là
Un dialogue d’opéra !
io
Air : Vous m’entendez bien
Mon devoir s’est évanoui :
Je consens à tout, je dis oui.
jupiter
Mais vous sortez, ma chère...
io
Eh bien ?
jupiter
Et sans finir l’affaire...
io
On se retrouve bien.
Io sort.
Scène iii
jupiter, mercure
mercure
Air : Capucins
Iris m’est d’un mauvais augure,
Croyez-en le prudent Mercure :
Junon est près de ce hameau.
jupiter
L’ombre de Junon m’épouvante.
mercure
Je vais, en gardant les manteaux,
Amuser ici la suivante.
jupiter
Air : La bonne aventure
Amuse Iris en ces lieux,
Serviable Mercure :
Moi, je vais me rendre heureux
À trouver entre quatre yeux
La bonne aventure, ô gué,
La bonne aventure.
Scène iv
mercure, iris
mercure
Air : Fameux Diogène
Les valets aux soubrettes
Débitent leurs fleurettes,
C’est leur plus doux emploi.
Ainsi, belle suivante,
Souffre que je te vante
Ce que je sens pour toi.
Air : Confiteor
Tes yeux fripons, ton sein friand,
Portent mille feux dans mon âme.
iris
Tu me parle trop en riant
Pour que je réponde à ta flamme.
mercure
Promets de m’aimer constamment !
iris
Tu m’endors, finis promptement !
Air : Belle Iris, vous avez deux pommes
Je n’écoute point tes sornettes :
Autant en emporte le vent !
Tu vois cajoler si souvent,
Qu’en ce moment tu me répètes
Tout ce que dit un amoureux
Dont tu sais protéger les feux.
Air : Que Dieu bénisse la besogne
Mercure, changeons de propos !
Jupiter est dans ces hameaux :
Qui l’a fait descendre sur terre ?
mercure
Junon le suit, dis vrai, ma chère !
iris
Air : Prévôt des marchands
Junon est à deux pas d’ici,
En tête elle n’a nul souci.
mercure
Dis-moi, parle : es-tu bien sincère ?
iris
Je suis sincère comme toi.
mercure
Je n’ai pas trouvé mon affaire :
Ah, je veux de la bonne foi !
Scène v
junon, iris
junon
Air : Capucins
Je cherche en vain la gourgandine
Pour qui mon chien d’époux s’obstine
À soupirer si lâchement.
Jupiter est maître du monde,
Mais il verra, dans un moment,
Ce qu’est une femme qui gronde.
Air : Sans dessus dessous
Vois qu’il fait beau dans ce canton : [bis]
C’est là qu’il lorgne sa guenon. [bis]
Le vieux fou lui fait chère entière,
Sans dessus dessous, sans devant derrière,
Et le ménage va chez nous
Sans devant derrière, sans dessus dessous.
Air : L’amour plaît malgré ses peines
Filons doux : voilà le drôle !
À fourbe, fourbe et demi :
Pour mieux jouer notre rôle
Parlons d’un ton radouci.
Scène vi
jupiter, junon, iris
junon
Air : Vous avez bien de la bonté
Je te cherche, mon cher bouchon :
J’ai besoin d’une grâce.
jupiter
Il n’est rien pour toi, mon Bichon,
Qu’avec cœur je ne fasse.
junon
Jure ?
jupiter
Par le Styx redouté,
Je fais serment à l’ordinaire.
junon, à part
J’ai mon affaire.
[Haut.]
Mon cher, en vérité,
Vous avez bien de la bonté !
Air : Le démon malicieux et fin,
J’ai besoin d’une dame d’atours,
Pour briller un peu sur mes vieux jours.
J’ai fait choix de la fille d’Inaque,
Mais je prétends ne rien faire sans vous.
jupiter, à part
J’y suis pris, comment fuir cette attaque ?
Vous obliger est mon bien le plus doux !
junon
Air : Eh, avance
Ah, que mon petit homme est beau !
Il veut bien m’accorder Io.
Qu’on l’avertisse en diligence !
Eh avance, eh avance, eh avance,
Iris, cours servir ma vengeance !
junon, à Jupiter
Air : Pendus
Baise-moi, mon petit mari !
Je t’aime comme un favori,
Tu fais tout de si bonne grâce,
Mon cher Jupin, que je t’embrasse !
Viens faire ensemble un petit tour,
Nous parlerons un peu d’amour.
Ils sortent.
Scène vii
argus, io
argus, tenant Io
Air : Cela m’est bien dur
Junon vous confie à ma garde,
Et vous ne m’échapperez pas.
io
Junon me trompe, la pendarde !
Mais quel est donc mon crime, hélas !
argus
À Jupiter vous avez plu, la belle !
io
Quelle bagatelle !
argus
Votre malheur n’est que trop sûr.
io
Cela m’est bien dur !
Air : Ah, ah, le plaisant personnage
Oh, la méchante femme
Que madame Junon !
Le diable est dans son âme.
La vilaine action !
argus
Elle hait à la rage
Les revenus du contrat.
Air : Quand le péril est agréable
Je m’en vais vous garder à vue
Entrez au plus tôt là-dedans
Je serais dans de beaux draps blancs
Si vous étiez perdue.
Scène viii
hiérax, argus
Hiérax
Air : Capucins
La perfide me désespère ;
Laisse-moi lui parler, mon frère !
argus, le repoussant
Mon frère, vous n’entrerez pas.
Hiérax
Mais je suis ton frère !
argus
Qu’importe ?
Jupiter l’aime.
Hiérax
Il l’aime ? Hélas !
argus
Tu te morfonds à cette porte.
Air : Hélas, s’il n’était pas mort
Fais trêve à tous ces \og hélas \fg :
Jupiter n’est pas traitable ;
Il te casserait les bras.
Envoie l’amour au diable !
Mercure en porteur de curiosités paraît et crie la lanterne magique et la curiosité ; il tient une espèce d’orgue portatif.
Scène ix
mercure en porteur de curiosités, hiérax, argus
argus
Air : Ton humeur est, Catherine
Qu’entends-je, et quelle musique ?
mercure
C’est la curiosité !
C’est la lanterne magique !
Et plus d’une rareté !
argus, à Hiérax
Pour chasser votre humeur noire,
Mon frère, il faut voir cela !
mercure
Vous verrez plus d’une histoire
Qui sans doute vous plaira.
Il étale sa curiosité, Argus et Hiérax s’approchent des lunettes.
Air : Je le crois bien
Voyez cette danseuse aimable
Elle est riche, elle a bonne table.
argus
Je le crois bien.
mercure
Elle vient de quitter la danse ;
Elle est vestale à toute outrance.
argus
Je n’en crois rien.
mercure
Air : [Vous m’entendez bien]
Voyez ce pauvre procureur
Qui tempête et crie au voleur
Sur sa femme coquette...
argus
Eh bien ?
mercure
Qui lui fait maison nette,
Vous m’entendez bien !
Air : Ami, regarde mon verre
D’une actrice mercenaire,
Remarquez le joli saut
Elle passe en Angleterre, terre, terre
Elle passe en Angleterre
Le cul en haut.
argus
Air : Menuet d’Hésione
Quel est ce benêt qui lamente ?
mercure
C’est un grand faiseur d’airs nouveaux
Qui gagnait une grosse rente
Chez elle à garder les manteaux.
Air : Comme un coucou [que l’amour presse]
Regardez dans cette coulisse
Ce soupirant mille-soudier
Qui marchande comme novice
La veuve de plus d’un rentier.
Air : Capucins
Regardez l’Opéra-Comique
Qui prétendait faire la nique
Aux trois théâtres de Paris :
Vous le voyez qui culbute,
Sans pouvoir rencontrer d’amis
Qui le relèvent de sa chute.
Air : À la façon de Barbari
Regardez cet acteur forain
Qui change d’exercice :
Sur le Théâtre Italien,
Il veut qu’on l’applaudisse
Mais des sifflets, quel carillon !
La faridondaine, la faridondon,
Le pauvre diable est applaudi,
Beribi,
À la façon de Barbari,
Mon ami.
On peut encore ajouter d’autres faits du temps. Mercure, voyant Argus et Hiérax occupés à regarder, entre dans la maison d’Argus où Io est gardée et la fait sortir en lui disant :
Air : L’allure
Je sors de votre prison :
Reconnaissez Mercure !
Mettez à profit la trahison
Que j’ai faite ! Argus est un bon garçon ;
Pour tromper ses yeux
J’ai l’allure, j’en sais vieux,
Pour tromper ses yeux,
J’ai l’allure.
Hiérax, apercevant Io avec Mercure
Air : Mon pain brûle à Gonesse
Au guet, au guet, le drôle
Enlève mon Io !
mercure
J’ai mal joué mon rôle !
Hiérax
Sur lui crions haro !
À Argus.
On vous surprend, mon frère !
Venez, Reine des Cieux !
mercure
Argus, crains ma colère :
Tombe mort à mes yeux !
Mercure touche Argus de son caducée, il tombe mort ; ensuite il touche Hiérax en lui disant :
Air : Tu croyais, en aimant Colette
Et toi qui veux troubler la joie
Du souverain maître des dieux,
Hiérax, soit oiseau de proie :
Deviens un sergent odieux !
Hiérax devient sergent.
io, à Mercure
Air : Que j’estime mon cher voisin
Eh quoi, Mercure vous fuyez,
Et me laissez pour gage ?
mercure
Junon paraît, vous ne sauriez
Échapper à sa rage !
io
Air : Je le crois bien
Pour un dieu qui partout redresse,
Mercure, vous manquez d’adresse !
mercure
Je le sais bien.
Mais il faut encor du spectacle ;
Tout était fait sans cet obstacle :
Je ne puis rien.
Il sort comme un sot.
Scène x
io, argus mort, junon
junon, à Argus
Air : Confiteor
Avec plus d’yeux qu’il ne t’en faut,
Argus, tu te laisses surprendre !
J’ai pitié de toi, grand nigaud.
Revis, et, près de moi, viens prendre
Le rang qu’un laquais doit tenir :
C’est le moyen de parvenir !
Argus ressuscite et prend la queue de Junon.
junon, continue
Air : Non, je ne ferai pas [ce qu’on veut que je fasse]
Sors, barbare Érinys, sors du fond du Ténare !
Qu’Io serve en tous lieux ta malice barbare !
Pour pouvoir encor mieux inspirer la terreur,
Prends à ses yeux la robe et l’air d’un procureur !
Un démon vêtu en procureur sort des Enfers et entraîne Io. Junon sort, suivie d’Argus qui lui porte la queue, et le second acte finit.
finacte
Acte iii
Le théâtre représente des cavernes affreuses et un lieu gelé.
Scène i
deux poètes gelés
Le Premier poète
Air : Trembleurs d’Isis
Personne ne nous console.
Apollon, qui nous désole
En nous ôtant la parole,
Nous prive de ses rayons.
Nos pièces sont à la glace,
Chacun nous fait la grimace,
Et pour nous le Mont Parnasse
Est tout couvert de glaçons.
Le deuxième Poète
Même air
Biblis à moi se présente,
Que cette pièce est pesante !
Elle est froide et languissante,
Et glace le spectateur.
Retire-toi, sœur de Caune !
Ta face débile et jaune
Fait que partout on me prône
Pour un misérable auteur
Scène ii
io, la furie, les poètes gelés
io
Air : Pèlerins de Saint-Jacques
Quel froid me saisit et me glace ?
Ah, je me meurs !
La Furie
Tes cris n’ont rien qui m’embarrasse.
io
Plains mes malheurs.
Froids habitants de ces climats,
Voyez ma peine !
La Furie
Plains-toi ! Je ne t’écoute pas.
io
Quoi ?
La Furie
J’ai l’âme inhumaine.
Les deux Poètes
Air : Pour la baronne
Ah, quelle peine
De vivre dans ce triste endroit !bis
Ici, tout jusqu’à notre veine
Se ressent des horreurs du froid.
Ah, quelle peine !
io
Air : Elle a bien autre chose [qui surpasse cela]
Furie impitoyable,
Es-tu contente, hélas ?
La figure de diable
Sans cesse est sur mes pas.
Permets que je repose
Un petit moment là.
La Furie
Tu vas voir autre chose
Qui surpasse cela.
Scène iii
io, la furie, deux maréchaux
Le théâtre représente des forges ; on entend battre sur l’enclume et l’on voit des étincelles de feu.
Le Maître Maréchal
Air : Je suis Madelon Friquet
Tôt, tôt, tôt, tôt, tôt, tôt, tôt,
Battez le fer sur cette enclume,
Tôt, tôt, tôt, tôt, tôt, tôt, tôt,
Battez le fer, car il est chaud !
chœur
Tôt, tôt, tôt, [tôt, tôt, tôt, tôt].
Le Maître Maréchal
Faites retentir les échos !
Que le feu des forges s’allume !
Prenez chacun vos marteaux !
chœur
Tôt, tôt, tôt, [tôt, tôt, tôt, tôt] ?
io
Air : Capucins
Ce bruit me donne la migraine.
C’est trop, Furie inhumaine :
De grâce, laisse-moi mourir !
La Furie
Parle haut, pour être entendue !
Io s’enfuit.
Tu fuis, mais je sais bien courir :
Je ne te perdrai point de vue.
Chœur des maréchaux
Tôt, tôt, tôt, tôt, tôt, tôt, tôt,
Battons le fer sur cette enclume,
Tôt, tôt, tôt, tôt, tôt, tôt, tôt,
Battons le fer, car il est chaud !
Un maréchal
Air : Belle Iris, vous avez deux pommes
Qu’ici chacun de nous s’anime,
Faisons briller notre savoir,
Qu’en foule on vienne ici nous voir !
À l’Opéra, l’on nous supprime ;
C’est bien à tort car ce feu-là
Aurait échauffé l’Opéra.
Scène iv
trois médecins
Le théâtre représente une école de médecine.
Premier médecin
Air : Pendus
Exécutons l’arrêt du sort :
Livrons les humains à la mort !
Le chemin des Enfers est large,
Acquittons nous de notre charge,
Mes confrères : tout médecin
Impunément est assassin.
Chœur des médecins
Air : Ramonez la cheminée
Que les mortels à poignées
Expirent par les saignées !
Que le vieux Charon soit las
De les passer par-ci, par-là,
La, la, la,
Dans le noir séjour du trépas
Scène v
io, la furie, les trois médecins
io
Air : On vous en ratissera
Messieurs, exercez sur moi
Votre redoutable emploi !
La Furie
Junon veut qu’elle pâtisse.
io, aux médecins
J’attends de vous ce bien-là.
Les médecins
On vous en ratisse, tisse, tisse
On vous en ratissera !
La Furie
Air : Confiteor
Jupiter, qu’elle a su ravir,
Méprise sa femme pour elle
On ne saurait trop la punir !
io, à la Furie
Ah, laisse-moi mourir, cruelle !
Eh quoi, voici trois médecins,
Et j’échapperais de leurs mains ?
Un médecin
Air : Ah, ah, ah
C’est à regret que nous vous laissons vivre,
Mais le destin le veut, il nous faut suivre
Tout ce qu’il nous ordonnera
Ah, ah, ah, ah, ah, ah, ah, ah, ah, ah, ah, [ah].
Un médecin
Air : Tarare pompon
Nymphe, puisque Junon contre toi se déclare,
Il faut pour l’apaiser renoncer au flon flon :
Ta rivale barbare,
Plus douce qu’un mouton ;
Sera pour toi.
io
Tarare
Pompon
Les médecins sortent.
Scène vi
io, la furie
io
Air : Tallarita, la ritta, talarire
Finissez, maître du tonnerre,
Les peines que vous me causez
Hélas ! Vous voyez ma misère
Et vous avez les bras croisés.
Je pleure et vous songez à rire.
La Furie
Tallaritta, la ritta talarire
Scène vii
jupiter, io, la furie
jupiter
Air : Lairela, laire lanlaire
Vous souffrez bien, ma pauvre Io.
Hélas, je crève dans ma peau
Quand je pense à votre misère !
Laire, lalaire lanlaire
Laire, lalaire lanla.
Air : Non, je ne ferai pas [ce qu’on veut que je fasse]
Il ne m’est pas permis de finir votre peine :
Junon me tient les bras et ma puissance est vaine.
Je ne puis que vous plaindre...
io
Ah, le grand godenot !
jupiter
Ma femme n’aime pas à croquer le marmot.
Air : Capucins
Mais j’aperçois l’acariâtre.
io
Elle me battra comme plâtre.
jupiter
Son courroux sera superflu :
Je vais bien jouer ma marotte.
io
La femme a toujours le dessus
Quand elle porte la culotte.
Scène viii
jupiter, junon, io, la furie
jupiter
Air : À la façon de Barbari
Ma femme, venez voir les maux
De cette pauvre fille :
Elle est pâle et n’a que les os,
Elle n’est plus gentille.
Ayez-en pitié, ma Junon !
junon
La faridondaine, la faridondon
Par vous mon cœur est attendri,
Beribi,
À la façon de Barbari,
Mon ami.
jupiter
Air : Le fameux Diogène
Junon est bien entière.
junon
Non, je ne veux rien faire
Pour cette guenon-là.
jupiter
Guenon ! Quelle épithète !
junon
Quittez cette grisette,
Son tourment cessera.
jupiter
Air : Flon, flon
Junon ma chère femme,
Vous avez le cœur bon :
Je vous promets, Madame,
De garder la maison
Et flon flon
Larira dondaine
Flon, flon
Larira dondon.
jupiter et junon, ensemble
Air : Pierre Bagnolet
junon
J’abandonnerai ma vengeance...
Si vous me rendez votre amour.
jupiter
Abandonnez votre vengeance...
Et je vous rends tout mon amour.
jupiter, à genoux
Air : Comme un coucou [que l’amour presse]
Par le Styx plus noir que de l’encre,
Junon, je jure à vos genoux
Que je veux passer pour un cancre
Si j’en aime une autre que vous.
junon
Air : Capucins
Ce fameux jurement m’apaise.
Nymphe, respirez à votre aise !
Que le diable sorte à l’instant
Et qu’il laisse son équipage
À quelque procureur normand
Qui sache en faire un bon usage !
La Furie sort.
Air : Tu croyais, en aimant [Colette]
Comme je connais vos prouesses,
Nymphe, je n’en reste pas là :
Je vous mets au rang des déesses,
Mais des déesses d’opéra.
jupiter, à Junon
Air : Il faut l’envoyer à l’école
Que ne vous dois-je point mon cœur ?
junon
Vous allez être oublié d’elle,
Car la belle
Vous promet plus d’un successeur.
Je vous tiens, j’ai votre parole
Vous avez juré comme il faut.
Le nigaud,
Il faut l’envoyer à l’école.
Air : Frère Andouillard, c’est ainsi
Pour honorer cette nouvelle actrice,
Qu’on se réjouisse,
Que son nom fameux
Soit célébré en tous lieux !
Vous, Chœurs banaux connus sur les théâtres,
Par vos yeux folâtres,
Approuvez mon choix !
Donnez-lui votre voix !
Une troupe galante d’hommes et de femmes célèbrent par leurs danses la réception d’Io à l’Opéra.
junon
Air : Que Dieu bénisse la besogne
Qu’elle change bientôt de nom,
Comme mainte et mainte Fanchon !
Que les bijoux et l’opulence
Lui fassent oublier sa naissance !
vaudeville
On danse.
vaudeville
1
Qu’un mari trompe sa femme :
Sa femme prend un ami !
Il a beau pester dans l’âme :
À fourbe, fourbe et demi.
2
La vieille promet pour plaire,
L’épouseur promet aussi ;
Tous deux font une mauvaise affaire :
À fourbe, fourbe et demi.
3
Une actrice bien apprise
Attrape le bien d’autrui,
Un Gascon la dévalise :
À fourbe, fourbe et demi.
4
Dorine fait la Lucrèce
Pour se donner un mari,
Mais un galant la redresse
À fourbe, fourbe et demi.
5
Qu’un auteur trop sûr de plaire
Craigne jusqu’à son ami :
Il n’en a point au parterre
S’il n’est auteur qu’à demi.
Fin