Louis Fuzelier
Le Galant brutal
Parodie d’Ajax
Représentée sur le théâtre de l’Opéra-Comique de la foire Saint-Laurent par la troupe du sieur Francisque
le 3 juillet 1726
BnF ms. fr. 9336
definitacteur, L’Amour lamour
Acteurs
Ajax, roi des Locriens : Arlequin
Cassandre
Corèbe, prince de Thrace, amant de Cassandre
Arbas, confident d’Ajax
Phénice, confidente de Cassandre
Pallas
L’Amour
La Discorde, sa Suite
Procureurs et Seigneurs
Le Sacrificateur
Les Furies
Grecs
Matelots
Habitants de Ténédos
La scène est dans l’île de Ténédos.
Le Galant brutal
Scène i
ajax seul
ajax
Le théâtre représente le rivage de l’île de Ténédos et dans le lointain par-delà la mer, les ruines embrasées de Troie.
Air : Confiteor
Amour, redoutable vainqueur,
Applaudis toi de ta victoire :
Après avoir féru mon cœur,
Rien ne manque plus à ta gloire ;
Mais la mienne en pâtit.
Air : Je suis un bon soldat
Ajax, fameux soldat,
Titata,
Signalait son courage,
Et toujours triomphant,
Patapan,
Faisait souvent tapage,
Ah ! Que je suis bien tombé.
Air : Tout cela m’est indifférent
Ajax d’Amour porte les fers,
Morbleu, qu’en dira l’univers ?
On me chantonnera, je gage,
Que je crains le qu’en-dira-t-on.
Et de me voir sur ce rivage
Fourré dans quelque mirliton.
J’ai emménagé Cassandre dans cette île pour la soustraire aux regards des petits maîtres grecs. C’est Arbas, mon valet de chambre, qui a conduit ici la princesse, je ne lui ai pourtant pas encore parlé mais, patience, le voilà, il saura bientôt qu’il m’a servi de Mercure.
Scène ii
ajax, arbas
arbas, se frottant les yeux
Aurais-je la berlue ? Mais c’est lui.
Air : Pendus
Seigneur ! Quoi ! Vous à Ténédos !
Qui vous a fait passer les flots
Malgré la fureur de l’orage ?
Cette nuit les vents ont fait rage,
Les endiablés ont sifflé tous
Comme le parterre en courroux.
Mais vous êtes réveillé de bon matin.
Air : Les feuillantines
Eh quoi ! Dès le point du jour
Ce séjour
Vous attire.
ajax
C’est l’amour.
arbas
Oh ! Oh ! Aimeriez-vous Cassandre ?
L’incarnat au front vous monte.
ajax
J’en rougis, j’en rougis.
arbas
Pour Ajax, de la honte
Cela ne lui sied point trop.
ajax
Rappelle-toi l’embrasement de Troie : je courus d’abord au temple de Pallas pour le démeubler, j’avais déjà mis la main sur un grand vase d’or de trente marcs, lorsque j’aperçus Cassandre :
Air : Amis, sans regretter Paris
Que ses pleurs surent troubler,
Dans ce désordre extrême
Je ne songeais plus à piller,
Je fus pillé moi-même.
L’Amour avait marqué ces vilains moments pour ma défaite et son triomphe.
arbas
Quoi ! Vous quittâtes le vase d’or de trente marcs pour vous approprier la princesse !
ajax
Oui, figure-toi ce tableau.
Air : Tome 1, page 160
Mourante aux pieds de Pallas,
Cassandre soupire,
Me voilà d’abord à bas
Dans un doux martyre.
Je convoite ses attraits
Et je cours m’en néantir... mais
Il ne faut pas tout dire,
Il ne faut pas tout dire,
Oh mais,
Il ne faut pas tout dire.
arbas
À bon entendeur, salut, vous voilà donc épris de la princesse.
Air : J’ai fait à ma maîtresse
Eh ! Dites-moi de grâce
Seigneur, ignorez-vous
Que le prince de Thrace
Doit être son époux.
ajax
Bon, dans une défaite
Il est mort de mes traits.
Faquin, dans la gazette
Tu ne lis donc jamais.
arbas
Cassandre vient, je l’aperçois derrière des rochers.
ajax
Arbas, retirons-nous, quoique la princesse soit ici Arbas, retirons-nous, quoique la princesse soit ici \emph incognito, je veux lui présenter sept mille prisonniers de guerre que je relâcherai à sa considération. Va les avertir de venir dans ces lieux faire éclater leur joie., je veux lui présenter sept mille prisonniers de guerre que je relâcherai à sa considération. Va les avertir de venir dans ces lieux faire éclater leur joie.
arbas
Croyez-moi, retranchez cette fête-là elle n’est pas favorable au dessein que vous avez de cacher soigneusement la demeure de Cassandre.
ajax
Ce maraud-là a plus d’esprit que moi.
arbas
La princesse approche, ne reculez pas sans sujet votre déclaration.
ajax
Il pense encore juste, ne donnons pas à cette désolée le loisir de nous régaler d’un triste monologue.
Scène iii
ajax, cassandre
ajax
Air : Allons gai
Calmez votre tristesse,
Vous perdez tout, mais quoi,
Dans vos meubles, princesse
Je vous remettrai moi,
Allons gai, etc.
cassandre
Ô ciel !
ajax
Que voulez-vous, c’est mon ardeur pour la belle réputation qui m’a fait voler dans ces climats : Que voulez-vous, c’est mon ardeur pour la belle réputation qui m’a fait voler dans ces climats : \emph Trahit sua quemque voluptas Virgile, \emph Bucoliques, 2, 65 : \guill Chacun est entraîné par son penchant. \LC. Oui.. Oui.
Air : Je ne suis né [ni Roi, ni Prince]
Chacun à son goût s’accommode,
Je voulais mériter une ode.
Cassandre pleure.
Et par des exploits copieux,
Elle éclate.
Me fonder des rentes de gloire.
Les pleurs qu’il en coûte à vos yeux
Me font moins aimer la victoire.
cassandre
La victoire !
Air : Non, il n’est point [de si joli nom]
Non non ne donne pas un si beau nom
Au pillage d’Ilion.
Vous ne vous êtes emparé de notre ville que par un misérable stratagème et votre cheval de bois prouve presque autant de sottise dans ses inventeurs que dans ses dupes. Lui montrant les ruines de Troie. Tiens ! Cruel ! Reconnais ton ouvrage, tu as fait de la belle besogne.
Air : Réveillez-vous, [belle endormie]
Tout est brûlé dans notre ville,
De la cave jusqu’au grenier.
Quelle nuit ! Ouf ! Je crois y être encore, la frayeur me fit sortir sans précaution du palais de mon père.
Et j’allai chercher un asile
En chemise et sans mon panier.
Hélas !
Adieu paniers, vendanges sont faites.
Vous ne servirez plus à étaler mes belles jupes brodées, tout est raflé.
ajax, déclamant comiquement
Telle était du destin l’irrévocable loi.
Mais consolez-vous, je vous rendrai des étoffes plus riches que toute votre défunte garde-robe.
cassandre
Air : Réveillez-vous, [belle endormie]
Prétends-tu me vendre du baume ?
ajax
Avec vous, pour mon dernier mot,
Je vais partager mon royaume.
cassandre
Qui vaut bien celui d’Yvetot.
Déclamant.
Ô Ciel ! Tu mets enfin le comble à mes malheurs.
Faut-il qu’Ajax, après avoir saccagé l’empire de mon très honoré papa Priam, vienne encore m’offrir un sceptre de Bibus avec une main écarlate du sang de mon cher Corèbe qui m’allait épouser, mais j’ai une ressource : je mourrai.
Air : Mirliton
Oui, je tromperai l’attente
De ce maudit garnement.
Par sa main sanguinolente
Je me vois sans mon amant
Et sans
Elle pleure.
ah, ah, ah.
Mais qu’entends-je ? Quelle symphonie hors de saison !
Elle veut s’en aller.
ajax
Demeure inhumaine. C’est une galanterie secrète que je vous fais, je brise les fers de vos Troyens, ils vont paraître.
Air : Oh pardi, j’étais en belle humeur
Ils viennent chanter leur bonheur,
Ils viennent chanter mon ardeur,
Leurs soins doivent vous plaire.
cassandre, s’en allant
Oh pardi, je suis en belle humeur
Pour les entendre braire lonla,
Pour les entendre braire.
Je vais renvoyer ces chanteurs-là.
Scène iv
ajax, arbas
ajax
Air : La troupe Italienne
Elle me fuit, la chienne,
Elle me plante là,
La chienne elle me le payera.
Air : Comme un coucou
Cher Arbas, que viens-tu m’apprendre ?
arbas
L’agent des Grecs est sur ces bords :
Ulysse.
ajax
En veut-il à Cassandre,
Morbleu, qu’il craigne mes transports.
Je ne m’amuserai pas à verbiager avec ce patelin-là, je veux que cinq cent mille millions de diables m’emportent si je n’oppose pas la force à l’artifice.
Air : Par derrière et par devant
Si quelqu’un des Grecs dérobe
L’objet qui fait mon tourment,
Et qu’en chemin je le gobe,
Je nettoierai proprement
Le long de çà, le long de là,
Le long de sa robe,
Par derrière et par devant.
Scène v
corèbe, ajax
Corèbe, en chemise avec des calebasses
Eh, mon ami, par charité enseignez-moi mon chemin. Le drôle fait sourde oreille... Ohimé, tout me tourne le dos... Ah ! Corèbe infortuné.
Air : Folies d’Espagne
Triste rebut des vents et de l’orage.
Pour me sécher j’ai besoin d’un cotret.
Où suis-je ? Dieux ! Et quel est ce rivage,
Je ne vois point ici de cabaret.
Il chancelle.
Air : Aïe, aïe, [Jeannette]
Ô ma douleur tu me sers,
Je vais bientôt rendre l’âme ;
Mais, Cassandre, je vous perds ;
Oui, c’en est fait, je me pâme.
Aïe aïe aïe,
Aïe aïe aïe,
Je me pâme, aïe aïe.
Scène vi
corèbe pâmé, cassandre, phénice
cassandre, sans voir Corèbe
Laisse-moi, seule Phénice, va ma chère enfant, va pénétrer le dessein du cauteleux Ulysse... Ou je ne m’y connais pas ou la Grèce est menacée de quelque mal encombre.
Air : Tu croyais, en aimant [Colette]
J’ai des démangeaisons très fortes
De savoir... Cours d’un pas prudent,
Cours, prends soin d’écouter aux portes,
Je vais mourir en t’attendant.
Scène vii
corèbe pâmé, cassandre
cassandre
Air : Sarabande de l’inconnu
Rochers bientôt arrosés de mes larmes,
Et vous, écho...
Mais...
Air : Tu n’as pas le pouvoir
Lorsqu’il est question, hélas
De voler au trépasbis
M’irais-je amuser à chanter
Et me faire flûter.bis
Air : Sans dessus-dessous
Voici la mer fort à propos :
Je vais me noyer dans les flots.
Quel homme est sur sa litière,
Sans dessus-dessous, sans devant-derrière.
Elle va vers le bord du rivage et bronche en trouvant Corèbe.
Ah Corèbe !
Dieux, j’ai pensé tomber sur vous,
Sans devant-derrière, sans dessus-dessous.
Air : Quand le péril [est agréable]
Est-ce bien vous aussi ? Qui, diantre
Vous a tiré du monument ?
Le pauvre garçon.
Devais-je, hélas, si lourdement
Lui marcher sur le ventre.
Corèbe, levant un peu la tête
Air : La Cassandre, tome 2, p. 192
Quel charmant son,
Quelle flûte à l’oignon,
Viens-je ici d’entendre ?
cassandre
Mon cher prince, hélas
Je suis ta pauvre Cassandre,
Ne la remets-tu pas ?
Corèbe se lève.
Air : Dubois n’a point de jaquette
Comme la fortune le traite,
Mon amant n’a point de jaquette,
Il se soutient comme un squelette,
Froidement,
Faiblement,
Mon amant n’a point de jaquette,
Pauvre amant.
Corèbe
Air : La Palisse
Où sommes-nous ? À votre air
Ici le chagrin héberge.
cassandre
Vous êtes tombé, mon cher,
Dans une méchante auberge.
Mais comment vous y trouve-t-on ici ? On vous disait enterré.
Corèbe
Air : Je n’ai pas le pouvoir
Blessé, prêt à finir mes jours,
J’ai trouvé du secours.bis
cassandre
Qui sitôt à pu vous panser ?
Corèbe
Je me suis fait sucer.bis
cassandre
Fi, le petit vilain.
Corèbe
Air : J’ai fait souvent [résonner ma musette]
Si je vous vois, je le dois à l’orage.
Auprès de vous il m’a fait arriver.
Je m’en allais vous tirer d’esclavage
Sans seulement savoir où vous trouver.
cassandre
Air : Lon lan la derirette
Voilà des projets bien conduits.bis
Mais
Fuyez, seigneur, fuyez de ces bords dangereux !
Corèbe a Ténédos ! Dieux ! je frémis, je tremble\footnote Vers de l’opéra, acte II, sc. \textsc ii..
Corèbe
Air : Oh, vraiment, je m’y connais [bien]
Tremblement inutile
cassandre
Sachez qu’Ajax est dans cette île.
Corèbe
Qu’importe ! Ajax est généreux.
Et fort poli, je ne crains rien.
cassandre
Oh, vraiment, il le connaît bien.
Ajax, poli !
Air : Par bonheur [ou par malheur]
Ajax est un franc brutal
Et de plus votre rival.
cassandre
Et de plus votre rival...
Corèbe
Juste ciel ! Est-il possible...
cassandre
Le compliment est fort doux,
Que je rende un cœur sensible,
C’est un miracle pour vous.
Corèbe
Ah ma chère, vous prenez facilement la chèvre.
cassandre
Mais, aussi, vous devrez apprendre à parler.
Corèbe
Voulez-vous chicaner sur un mot dans la situation où nous sommes.
cassandre
Non.
Air : Tarare ponpon
Votre haine, grands dieux, doit-elle être implacable ?
Corèbe
Je serai trop content si vous m’aimez toujours.
ensemble, ensemble
Air : Quand la mer [rouge apparut]
Malgré le sort rigoureux
Qui nous ensorcèle,
Rien ne brisera nos nœuds.
Je serai fidèle.
Oui, de soupirs amoureux,
De doux soins, de tendres vœux
Je vous pro pro pro,
Je vous mets mets mets,
Je vous bé bé bé,
Je vous pro, je vous mets, je vous bé,
Je vous promets belle,
Et longue séquelle.
Scène viii
cassandre, corèbe, pallas sur un nuage
Corèbe
Air : Y avance
Mais quel éclat frappe nos yeux ?
cassandre
Qui va descendre dans ces lieux ?
Corèbe
Un nuage brillant s’avance.
ensemble, ensemble
Y avance, y avance, y avance.
Corèbe
C’est Pallas qui fait diligence.
Pallas descend de son char.
pallas
Air : Tout cela m’est indifférent
Espèrez un sort plus heureux,
D’Ajax je troublerai les vœux.
Il osa profaner mon temple
Et respecta peu mes autels ;
Ah je dois en faire un exemple
Qui fasse trembler les mortels.
Le brigand poursuivit Cassandre et fut assez vaurien pour la tirailler jusqu’au pied de ma statue.
Air : Vous chiffonnez [mon falbala]
Il chiffonna son falbala...
cassandre, minaudant
Fi, ne parlez plus de cela...
pallas
À la pauvre enfant ce jour-là,
Qu’il montra d’insolence,
Il chiffonna son falbala.
cassandre, se cachant
Je perdis connaissance.
pallas
Oh, je ne garde pas poire molle à ce grand bandit.
Scène ix
pallas, cassandre, corèbe, la discorde et sa suite
pallas
Air : Ma belle, diguedon
Sors ô Discorde inhumaine,
Belle digue digue diguedon dondaine.
Hâte-toi, sors du gouffre profond,
Ma belle diguedigue, ma belle diguedon,
Où le fier destin t’enchaîne,
Belle diguediguediguedondaine.
Sur les Grecs cours verser ton poison,
Ma belle diguedigue, ma belle diguedon,
D’Ajax rend l’attente vaine,
Belle digue digue digue[don – dondaine.
La Discorde
Air : Ô reguingué
Nous allons remplir tes souhaits,bis
Nous arrivons tous du palais.
Grapignans, Griffardins, Rolets,
J’ai tout ce qu’il faut à ma suite,
Des enfers vous voyez l’élite.
chœur
Des enfers vous voyez l’élite.
La Discorde
Air : N’y a pas de mal [à ça]
Sa paix sur la terre
Par nous cessera,
Une horrible guerre
D’abord y naîtra.
chœur
N’y a pas de mal à ça,
N’y a pas de mal à ça.
La Discorde
Même air
Dans plus d’un ménage
L’époux pestera,
Sur son front sauvage
Un grand bois naîtra.
chœur
N’y a pas de mal à ça,
N’y a pas de mal à ça.
pallas, déclamant
Discorde, allez, volez et servez ma colère.
Troublez bien l’esprit des grecs et faites que ces bélîtres-là s’entretuent tous.
La Discorde et sa suite, en s’en allant
N’y a pas de mal à ça,
N’y a pas de mal à ça.
pallas
Air : Confiteor
Ton rival porte ici ses pas,
Il te croit encor dans la bière,
À ses yeux ne te montre pas.
Son erreur nous est nécessaire,
Je ne sais pas trop bien pourquoi ;
Mais il n’importe, éloigne-toi.
Corèbe
Quoi, j’abandonnerai Cassandre ? Je jouerai là un vilain personnage.
pallas
Oh oh ! Corèbe sait que son rival s’approche et il ne s’en va pas.
Corèbe
Air : Sans dire mot
Vous vous étonnez de cela,
Corèbe ici ferme tiendra ;
Mais il décampe à l’Opéra
Sans dire mot,
Sans sonner mot,
Il est dit qu’en ce pays-là
Il fait sot.
pallas
Allez, Corèbe, vous êtes fait pour être obéissant. Partez et moi je vais trouver Neptune.
Air : Comme un coucou
Çà, descendons au sein de l’onde,
Gagnons le maître du trident ;
Il faut que ce dieu me seconde,
Aux troyens il garde une dent.
Mais je n’irai pas sans voiture. Hé ! fiacre marin, alerte !
Il paraît un char marin. Pallas s’y met...
cassandre, seule
Air : Réveillez-vous, [belle endormie]
Ajax paraît... Qu’on s’évertue !
Remuez-vous donc, mes jarrets !
Je reste comme une statue,
On dirai que j’attends exprès.
Scène x
cassandre, ajax
ajax
Air : Mon mari est à la [taverne]
Ô ciel, quelle rigueur extrême,
Cassandre veut donc m’éviter.
Princesse, eh, du moins pour vous même,
Daignez un moment m’écouter.
cassandre
Quel beau secret va-t-il me dire,
Talelerita lalalire.
ajax
Air : Non, je ne ferai pas [ce qu’on veut que je fasse]
Savez-vous où les Grecs veulent porter leur haine ?
Mais d’Ulysse et des Grecs l’attente sera vaine.
À vos bras potelés on veut donner des fers,
Mais je vous défendrai contre tout l’univers.
cassandre
Air : Biribi
Je n’entends pas bien ce discours,
Quoi contre l’esclavage
C’est toi qui m’offre du secours ?
Des Grecs, dis-tu, la rage
Me menace de la prison,
La faridondaine, la faridondon.
Il est vrai je suis libre, ici,
Biribi,
À la façon de Barbari,
Mon ami.
ajax
Laissez-moi vous dire le meilleur.
Air : La Tétard
Daignez plus tôt que plus tard,
De ma main saisir le gage
Que je sois votre rempart.
Contre les Grecs et leur rage
Marions, marions, marions-nous,
Ne faisons plus qu’un ménage,
Marions, marions, marions-nous,
Ils seront bien camus tous.
Air : Confiteor
Parlez... Vous ne répondez mot.
Ventrebleu ! quel mortel outrage !
C’est trop tourner autour du pot.
Parlez sans tarder davantage,
Entre ma main et la prison
Choisissez.
cassandre
Écoutez-moi donc.
ajax
Quel mépris, c’est trop en souffrir.
ensemble, ensemble
Air : Morguenne de vous
deuxcol, \cassandre
Vous voyez, hélas,
Ma douleur mortelle.
Ne me pressez pas,
Je veux mourir pucelle.
Morguenne de vous,
Quel homme, quel homme,
Morguenne de vous,
Quel homme, quel homme.
ajax
Vous voyez hélas
Mon ardeur fidèle.
Ne résistez pas,
Pourquoi mourir pucelle.
Morguenne de vous,
Quelle fille, quelle fille,
Morguenne de vous,
Quelle fille, quelle fille.
ajax
C’en est fait, les menaces de Grecs, les symptômes de mon amour : tout vous prescrit un prompt hymen.
Air : Un certain je ne sais quoi
Au pied des autels, croyez-moi,
Courons, volons, princesse,
Épousons-nous, tout nous presse ;
Et tout m’en presse aussi ma foi,
Je veux un certain je ne sais qu’est-ce.
cassandre
Gourmandez votre je ne sais quoi.
ajax
Vous avez beau contester, vous viendrez et présentement au temple de l’Amour.
cassandre
Tu prétends te marier au temple de l’Amour ?
ajax
Air : On n’aime point [dans nos forêts]
Je sais que le temple de l’Amour
N’est pas fait pour le mariage.
Je m’en ris, je veux dans ce jour
Contrevenir à ses usages,
Et chez lui faire avec fureur
Une noce dont il n’est pas.
\scene[Le théâtre change et représente le vestibule du temple de l’Amour, on joue l’air \scene[Le théâtre change et représente le vestibule du temple de l’Amour, on joue l’air \emph Flon, flon.] [corèbe seul]
Corèbe
Air : Flon, flon
Dans ton temple superbe
Amour je suis tondu.
Si tu souffres qu’en herbe
On me fasse cocu,
Flon, flon lariradondaine,
Flon, flon lariradondon.
Je vois Cassandre... Quoi, l’on me la soufflerait ? Ventre saint gris, mort nonbille, jarnicoton.
Scène xi
corèbe, cassandre
cassandre
Où courez vous cruel ? Où courez vous petit furibond ?
Air : Pierre Bagnolet
Ah vous ne vous souvenez guère
Qu’Ajax est le maître en ces lieux.
Hélas ! que peut votre colère
Contre ce tyran odieux ?
Corèbe
Je ne l’ai pas encore vu mais
Je le verrai,
Je le battrai.
cassandre
Oh ciel, quel projet téméraire.
Corèbe
Je le verrai,
Je le battrai.
cassandre
Quel pâle entrain ! Tantôt Corèbe qui s’emporte, tantôt Ajax qui fulmine ! Ne verrai[-je] jamais que de ces scènes-là ; en vérité on pourrait dire de ces deux guerriers-là :
Air : Jean danse mieux [que Pierre]
Jean jure mieux que Pierre,
Pierre jure mieux que Jean.
Ils jurent bien tous les deux,
Mais Ajax jure mieux.
Corèbe
Vous avez beau dire,
Son procès est tout fait, et je l’assommerai.
cassandre
Et les conseils de Pallas, que sont-ils devenus ? C’était bien la peine, vraiment, que la déesse de la sapience descendît des cieux pour ne vous pas rendre plus raisonnable que cela.
Corèbe
Pallas est une craqueuse.
cassandre
Air : Ton humeur [est, Catherine]
Oh, taisez-vous donc, profane.
Corèbe
Non, je ne la croirai plus.
cassandre
Vous perdez la tramontane.
Corèbe
Je n’ai pas l’esprit perclus.
cassandre
Prince, au nom de ma tendresse,
Là, ne précipitons rien.
Corèbe
Il faut attendre, princesse
Qu’Ajax, vous m’entendez bien.
Ventrebille, mademoiselle Cassandre, vous êtes bien flegmatique.
cassandre
Air : Non, je ne ferai pas [ce qu’on veut que je fasse]
Tu veux mourir, cruel, aux yeux de ton amante
En devançant tes pas, mon ombre impatiente
Ira seule aux rnfers gémir de ta fureur.
Ciel, on vient, c’est Ajax.
Corèbe
Il ne me fait pas peur.
cassandre
Air : Tu croyais en aimant Colette
Mon cher, évite sa présence.
Corèbe
Voilà pour la seconde fois
Qu’on me fait fuir son arrogance,
Mais on n’ira pas jusqu’à trois.
cassandre
Eh, bon Dieu, allez vous-en !
Corèbe
Air : Halte-là
Il faut vous obéir, princesse,
Je pars, mais c’est peu de soin.
Contrôlez avec soin
Ajax et sa tendresse,
Car il vous va,
Tout ci tout ça,
Bredi breda
Lever la collerette,
Fouiller dans la pochette,
Halte-là.
Scène xii
cassandre, ajax, le sacrificateur, chœur
ajax
Oh, pour le coup, vous allez être reine.
Air : Ne vous estimez [pas tant]
Voyez ce que je fais pour vous quand...
cassandre
Et ne vous estimez pas tant,
Il met toujours son trône en avant,
Vraiment.
Qu’il y fait chaud,
Et ne vous zeste, zeste, zeste,
Et ne vous estimez pas tant.
ajax
Air : Je ne veux pas troubler [votre ignorance]
Peuples soumis à mon obéissance,
Chantez l’Amour, je vais donner le ton.
cassandre, à part
Oh, vous l’aller donner fort mal, je pense.
ajax
Chantez l’Amour sur l’air du mirliton.
chœur
Mirliton
Amis, chantez la puissance
Et la gloire de l’Amour,
Les plaisirs et l’abondance.
Tous les jeux forment sa cour,
Que de rigaudons cotillons,
Tous y dansent,
Que de mirlitons dondon.
ajax
Allons ma poule, c’est trop longtemps vous reluquer, cédez enfin à mes désirs.
airopera, Amadis
Cédez il est temps de vous rendre,
Cédez, rendez vous,
Rendez-moi votre époux.
cassandre
Air : tome 2, page 32
Cruel, tu le prétends en vain,
Qui moi, j’accepterais ta main,
Bonbonbonderirette,
Bonbonbonderirette,
Holà,
Bonbonbonderirette.
Scène xiii
les acteurs précédents, corèbe
Corèbe
Air : Sois complaisant
Arrête, Ajax, Corèbe vit encore,
Tu veux ravir un objet que j’adore
Mais,
Moi vivant, grande pécore,
Tu n’en tâteras jamais.
chœur, qui s’oppose à Corèbe et le désarme
Turlututu rengaine, rengaine,
Turlututu rengaine,
Rengaine ton couteau.
Corèbe, désarmé
Air : Réveillez-vous, [belle endormie]
Je prends à propos des airs fermes.
ajax
Ô ciel, mon rival sur ces bords !
Je le croyais depuis deux termes
Logé dans le quartier des morts.
Te voilà pris comme dans un bled. Corèbe enfonce son chapeau et tape du pied. Cependant...
Air : Joconde
Tu veux faire ici le têtu,
Tu connais ma vaillance,
Téméraire, que prétends-tu ?
Corèbe
Cassandre ou la potence.
ajax, riant
Fort bien, mais de l’hymen prescrit
Je vais finir l’affaire,
Et demain en sortant du lit
J’irai te satisfaire.
Qu’on l’éloigne. On emmène Corèbe. Au Sacrificateur. Achevons. \did Tirant Cassandre. Viens ici.
cassandre, le repoussant
Air : Songez à vous défendre
Ajax, Ajax, ouvrez l’oreille,
Chapeau bas, chut, écoutez-moi.
Air : La Mariée
Car un accès prophétique
Et même un peu frénétique
Pique
Mon noir cerveau.
Air : Trembleurs d’Isis
Ô ciel, un affreux naufrage
Dans les vaisseaux fait ravage,
Cric crac cric crac ! Quel tapage !
Ah, que de pleurs, que de cris !
Quoi, tu fais tête à l’orage ?
Ajax, en vain ton courage
Te fait jeter à la nage.
La foudre gronde avec rage,
Dieux, elle part, bon voyage.
Tatatata, tu péris, péris, péris, péris,
Péris, péris, péris, péris, péris, péris.
Scène xiv
les acteurs précédents excepté cassandre, furies avec des flambeaux
ajax, courant après Cassandre, qui lui ferme la porte au nez
En vain, devineresse des malheurs, en vain vous vous sauvez dans ce temple après les belles prophéties de malheur que vous venez de débiter.
Air : Joconde
Quand je sens redoubler l’ardeur
Du feu qui me transporte,
Croyez-vous que je sois d’humeur
À rester à la porte.
Ajax va pour forcer les portes du temple, il en sort des Furies avec des poignards et des flambeaux qui s’opposent à son passage.
Quoi, démons ?
definitacteur, Chœur des grecs chœurdesgrecs
chœurdesgrecs
Ah, quelle horreur !
Fuyons comme des basques.
Le chœur s’enfuit.
ajax, chassant les Furies et entrant
Vous ne me ferez pas peur,
Je vous connais beau masques.
Scène xv
cassandre, ajax
cassandre
Oh, le garnement qui a forcé les portes du temple de l’Amour au grand mépris des dieux et des diables.
ajax, revenant
Vous avez beau aller et venir, je vous accroche toujours.
cassandre
Air : Zon zon, la lisette
Eh, quoi ! dans ces lieux,
Quel effronté barbare,
Même contre les dieux
Ta rage se déclare.
ajax
Et zon zon zon.
cassandre
Quoi, les autels ?
ajax
Tarare.
cassandre
Les prêtres.
ajax
Bon.
cassandre
Foin du damné larron.
ajax
Air : Je ne suis pas si diable [que je suis noir]
J’ai peine à me contraindre,
Craignez de m’offenser,
Je suis las de me plaindre.
cassandre
Frappe. Viens me percer.
ajax
Vous percer, mon aimable ?
Fi donc, quel désespoir !
Je ne suis pas si diable
Que je suis noir.
Non, mais j’ai un petit accommodement à vous proposer.
Scène xvi
ajax, cassandre, arbas
ajax
Holà quelqu’un !
arbas
Plaît-il, seigneur ?
ajax
Allez chercher Corèbe, notre prisonnier, et me l’amenez.
arbas, s’en allant
J’y cours.
Scène xvii
ajax, cassandre
cassandre
Air : Lonla
Que voulez-vous dans ces lieux
Faire de Corèbe, ô dieux.
ajax
Rien.
Vous lui parlerez,
Vous le prêcherez.
cassandre
Eh bien çà, sur quelle affaire ?
Corèbe !
ajax
Vous seule en ferez
Ce que l’on en doit faire, lonla,
Ce que l’on en doit faire.
cassandre
Expliquez-vous mieux.
ajax
Soit, voici ce que vous ferez de votre cher Corèbe.
Air : Non, je ne ferai pas [ce qu’on veut que je fasse]
Ma poule, si l’espoir de le sauver vous flatte,
Battez-lui froid, boudez plus vous l’aimez ingrate,
Qu’il parte prévenu par vos trompeurs mépris,
Faites lui son paquet, ses jours sont à ce prix.
cassandre
Il ne vous manque plus que de vous cacher derrière une tapisserie.
Air : Ô reguingué
Pour épier de nos amours,
Et les gestes et les discours,
Ô reguingué, ô lon lan la,
Nous cacherions une copie
Vous de Néron, moi de Junie.
ajax
Elle n’a, parbleu, pas tort : passons cette scène, car aussi bien à quoi servirait-elle ? Dans un instant je vais embarquer Corèbe... Mais le voilà. Jasez donc un moment ensemble puisque je suis assez fort pour vous procurer à tous deux le plaisir de vous voir encore sans y être forcé par aucune bonne raison. Adieu, sur les yeux de votre tête n’oubliez pas de lui faire grise mine.
Scène xviii
cassandre, corèbe, arbas, gardes qui se retirent
Corèbe, riant
Air : Ah, mon beau laboureur
Est-ce vous que je vois ?bis
cassandre
Il est bien temps de rire.
Corèbe, riant
O lire, o lire.
cassandre
Il est bien temps de rire.
Corèbe, sautant
O lire, o la.
Air : Comme un coucou [que l’amour presse]
Pourquoi quand le sort nous assemble
Faites-vous cette mine-là ?
Songez que nous sommes ensemble.
cassandre
Que bientôt il nous en cuira.
Corèbe, agité
Air : Mirlababibobette
Expliquez cette énigme-là.
cassandre
Mirlababibobette, la voilà :
C’est qu’il vous faut faire retraite.
ensemble sanglotant., ensemble
Mirlababi serlababo mirlababibobette
Sarlababorita
On s’en pendra.
arbas, approchant
Air : Confiteor
Seigneur, on vous attend au port,
Ajax ne veux plus qu’on diffère.
J’ai ordre de vous séparer tous les deux quand vous seriez le plus en train.
cassandre
Oh le malicieux.
Corèbe
Morbleu.
cassandre
Quels funestes transports !
Corèbe
Je cours m’offrir à sa colère.
Oui, quoique prisonnier hélas,
Je cours le chercher de ce pas.
Scène xix
cassandre seule
cassandre
La tête lui tourne, je n’ai pas fait la cérémonie de vouloir le reconduire, car je suis sûre que ces bélîtres de Grecs m’en auraient empêchée. Or çà, prions les dieux pour lui.
Air : Lonla
Amour ne l’abandonne pas,
Amour ne l’abandonne pas.
Scène xx
cassandre, l’amour
lamour
Au premier sifflet sur ses pas
D’abord l’Amour agile
Comme un barbet docile paraît
Comme un barbet docile.
cassandre
L’Amour ne s’est pas fait attendre.
lamour
Air : Je ne suis né ni [roi, ni prince]
Remets ton mouchoir dans ta poche,
L’Amour est venu dans un coche
Parce qu’il n’avait point de char.
Apprends donc de grandes nouvelles,
Aime, soupire, espère, car
Je protège les cœurs fidèles.
Bonsoir.
Scène xi
cassandre seule
cassandre
Et bonne nuit. Voilà un voyage bien utile ! En vérité, les dieux ne sont pas plus sensés que les hommes ! Pallas nous a fait tantôt les plus belles promesses du monde, zeste, et l’on ne l’a pas revue. L’Amour à présent se donne la peine de venir me trouver pour me dire quatre mots et une bredouille qui ne signifie rien... Mais
Air : L’amour me fait mourir
Dans un doute funeste
C’est trop rester en l’air.
Un seul espoir me reste :
L’opium n’est pas cher,
Je serai bien lonla,
Je saurai bien mourir.
\scene[Le théâtre change et représente la première décoration à la mer, on jour l’air \scene[Le théâtre change et représente la première décoration à la mer, on jour l’air \emph Comment faire.] ajax seul
ajax
Tenons ici tout seul un petit conseil de guerre. Que ce maudit Corèbe m’embarrasse ! De quoi s’est il avisé aussi de ressusciter si ridiculement ?
Air : Comment faire
Me vengerai-je d’un rival ?
On dira que je suis brutal ;
Mon honneur combat ma colère.
S’il meurt il noircit ma vertu,
S’il vit il me fera cocu,
Comment faire ?
Scène xii
ajax, arbas
arbas, arrivant tout essoufflé
Air : Ah, que Colin l’autre jour
Venez, Seigneur, hâtez-vous, le temps presse,
Opposez-vous aux efforts de la Grèce,
Leur flotte ici bientôt sera.
Ah a a a a a.
ajax
Que te voilà essoufflé, écoute attentivement mon ordre de bataille navale.
Air : Confiteor
Sur un seul vaisseau par tes soins,
Que l’on embarque la princesse,
Ne la mets pas sur deux au moins,
Et si la flotte de la Grèce
S’avise de suivre ses pas,
Je vous l’arrête avec mon bras.
arbas
Air : Réveillez-vous, [belle endormie]
Vous sauriez bien, je m’imagine,
Briller dans les combats navaux,
Et vous entendez la marine
Comme un déchireur de bateaux.
ajax, gravement
Air : Folies d’Espagne
Ce n’est pas tout. Que le prince de Thrace
Dans cet instant soit mis en liberté.
Il suffira, pour punir son audace,
De lui ravir sa tamponne beauté.
arbas, à part
Air : Mon mari est à la [taverne]
Ma foi, je crois qu’Ajax se raille,
Et son bon sens est endormi.
Lorsqu’on lui va livrer bataille,
Il rompt les fers d’un ennemi.
Quelle prudence, je l’admire,
Talalerita talalerita lalerire.bis
Scène xiii
ajax seul avec fureur
ajax
Air : Ma commère, quand je danse
Crains Amour, crains ma vengeance,
Si tu trahis mon espoir
Je me rirai de ton pouvoir
Et tes autels partout je ferai choir.
Froidement.
Parbleu, je suis en démence,
Mes discours le font bien voir.
Scène xxiv
ajax, matelots se tenant par la main
Un Matelot
airvide
Embarquez-vous Cassandre,
Ne craignez point les eaux.
L’amour pour vous surprendre
Attend sur nos vaisseaux.
ensemble, sautant autour d’Ajax chacun
Pour bien aimer
Sans être homme de mer,
Les matelots
Aiment au milieu des eaux.
ajax, les faisant taire
Eh paix donc ventrebleu, paix donc, voici bien d’autres fous ! Des matelots qui viennent chanter et danser quand ils sont près d’appareiller pour un combat. Allez, extravagants, allez mettre la voile, nous avons bien d’autres tambourins à entendre. Jarni, je crois que tout le régiment de la flotte est en garnison à Ténédos.
Scène xxv
ajax, arbas
arbas
Air : Des fraises
Cassandre non sans effort
A quitté le rivage.
Corèbe en jure bien fort
Et délaissé sur le port
Enrage, enrage, enrage.
Scène xxvi
ajax, arbas, corèbe
Le vaisseau où est Cassandre passe au fond du théâtre.
arbas, montrant le vaisseau à Ajax
Voyez, voyez ; la voilà, la voilà, la voilà.
ajax
Air : Je ne suis né ni roi, [ni prince]
Pour la suivre ma flotte est prête
Partons.
Il montre un des vaisseaux qui viennent d’arriver.
Corèbe, courant
Barbare Ajax arrête.
ajax, monte dans le vaisseau
Je te hais trop pour t’échigner.
Le vaisseau et Ajax disparaissent.
Corèbe
Ô dieux, tout fuit.
Pallas, que devient ta promesse.
Ah, on peut voir sans s’indigner
Qu’un mortel nargue une déesse.
Mais l’horizon change de couleur.
airvide
Le temps se barbouille bouille bouille,
Le temps se barbouille là.
Scène xvii
corèbe, habitants de ténédos arrivant au rivage
La tempête commence.
chœur
Le temps se barbouille bouille bouille,
Le temps se barbouille là.
Corèbe
Même air
Quel désordre ! Quel ravage !
Je suis charmé de cela.
Riant.
Ajax va faire naufrage.
Pleurant.
Mais Cassandre périra.
chœur
Le temps se barbouille bouille bouille,
Le temps se barbouille là.
Le vaisseau où est Cassandre reparaît et approche du rivage.
Corèbe
Air : Des fraises
Cassandre, quel heureux sort
A forcé tout obstacle,
Et des vents bravant l’effort
Son navire rentre au port.
Miracle.ter
chœur
Miracle, miracle, miracle.
Corèbe entre dans la coulisse et va se trouver au débarquement de Cassandre. Pendant ce temps-là la flotte d’Ajax est battue par la tempête. On voit le vaisseau couler à fond au bruit du tonnerre. Ajax dans le sien fume une pipe.
definitacteur, Chœur des hommes sur la flotte chœurdeshommessurlaflotte
chœurdeshommessurlaflotte
Air : Lampons
Secourez-nous juste dieux.
definitacteur, Chœur des femmes sur le rivage chœurdesfemmessurlerivage
chœurdesfemmessurlerivage
La flotte abime à nos yeux.
chœurdeshommessurlaflotte
Nous allons mourir sans gloire.
chœurdesfemmessurlerivage
Ce ne sera pas sans boire
Lampons, lampons,
Camarades, lampons.
Scène xviii
les chœurs, corèbe ramène Cassandre
Corèbe
Je sais ma chère Cassandre que vous devez être cruellement fatiguée de la tempête et que vous avez grand besoin de vous reposer, mais un devoir indispensable vous ramène ici, nous avons un duo à chanter ensemble.
corèbe, cassandre, ensemble
Air : Et vogue [la galère]
Dieux, que votre colère
Mette en poudre un fripon
Qui ne respecte guère
Vos lois ni votre nom,
Et vogue la galère
Tant qu’elle, tant qu’elle, tant qu’elle,
Et vogue la galère
Tant qu’elle coule à fond.
Scène xxix
les chœurs, corèbe, cassandre, ajax sur son vaisseau qui périt, tenant toujours sa pipe
chœur
Air : Sois complaisant
Ajax périt, ô destin déplorable.
corèbe et cassandre, ensemble
Tant mieux \ibis\ Qu’il aille vite au diable.
Mais
Ajax nage et s’accroche à un rocher n’ayant plus qu’un brûle-gueule.
Pour sauver ce misérable
Un rocher se trouve exprès.
ajax, sur le rocher
Air : Je n’ai pas le [pouvoir]
Ô dieux, j’ai pris pied malgré vous,
Tonnez, doublez vos coups.bis
Je suis un grenadier morbleu,
Je ne crains pas le feu.bis
Scène xxx
les chœurs, corèbe, cassandre, ajax fumant sur le rocher, Pallas sur un nuage
cassandre
Voici donc enfin madame Pallas.
Corèbe
Oui, voici la diligence embourbée.
pallas, dans son nuage
Oh, Dame, il n’y a point dans l’arsenal de Jupiter un seul tonnerre de prêt. Vulcain, au lieu de travailler, s’est amusé à quereller sa femme, il a fallu que Jupiter me prête l’unique foudre qui lui restait, mais je vais réparer le temps perdu et régaler le seigneur Ajax comme il le mérite.
Air : Cap de Bonne-Espérance
Je vais le réduire en poudre.
ajax
Dites-moi, dame Alison
Savez-vous tirer un foudre ?
pallas
Vous l’allez voir plat bouffon,
Il est temps qu’on fasse exemple
De cet honnisseur de temple,
Je vais punir ses forfaits.
cassandre
Il vaut mieux tard que jamais.
ajax
Air : Vous en venez
En vain vous me faites la guerre,
Pallas, quittez votre tonnerre,
Je vois que vous me raterez.
pallas, remuant son tonnerre
Vous en aurez, vous en aurez,
Ah, je promets que vous en aurez,
Que vous en aurez.
Ajax jette sa pipe au nez de Pallas et elle le foudroie.
corèbe, cassandre et les chœurs, ensemble
Vous en aurez, vous en aurez,
Ah, je crois que vous en aurez,
Que vous en aurez.
Scène 31
corèbe, cassandre, les chœurs et habitants de l’île qui viennent avec des crocs ramasser les débris du naufrage
cassandre
Voici des gens qui sont aussi contents que nous de cette tempête.
Corèbe
Qui donc ? Ah ! Ce sont les pêcheurs et les habitants de l’île qui se préparent joyeusement à pêcher les débris du naufrage. Pour couronner toutes nos bévues, voyons cette fête au lieu de songer à nous mettre en sureté.
On danse.
Une Pêcheuse
Un amour qui déplaît à l’objet qui l’engage
Combat en vain l’orage.
Il devrait se flatter d’un inutile effort,
S’il redouble ses soins on le hait davantage,
Sa constance ne fera que l’éloigner du port.
On danse.
vaudeville
1
Nous attendons les orages,
Nous profitons des naufrages,
Et de tous les débris flottants ;
Plus il se perd, plus notre gain redouble.
Nous nous plaisons à pêcher en eau trouble :
La tempête est notre beau temps.
2
Lorsqu’une maman grondeuse
Montre une humeur orageuse,
Quels favorables instants.
Amants, veillez quand son chagrin redouble,
Le cœur se plaît à pêcher en eau trouble :
La tempête est son beau temps.
3
Pauvre époux dans ton ménage,
S’il s’élève quelqu’orage,
Toi seul est battu des vents ;
Plus tu te plains, plus ta perte redouble,
Mais le galant sait pêcher en eau trouble :
La tempête est son beau temps.
4
L’intendant d’un jeune comte,
Qui ne sait pas trop son compte,
Disait à ses confidents
Dans sa maison que l’embarras redouble ;
Nous nous plaisons à pêcher en eau trouble :
La tempête est notre beau temps.
5
Vous qu’accable un sort contraire,
Voulez-vous d’un cœur sincère.
Apaiser les ouragans,
Verser du vin que votre main redouble ;
Tendres amours quand la raison se trouble :
Bacchus vous donne du beau temps.
6
Certain voisin à mon père
Disait tout bas qu’à ma mère
Il devait montrer les dents.
Quand il est seul avec maman, le double
Parle autrement, oh, qu’il pêche en eau trouble
Et sait lui donner du bon temps.
7
Au parterre.
Que le vent de la critique
Épargne un vaisseau comique
Égaré depuis longtemps ;
Ah, que pour nous votre bonté redouble,
Je ne crains pas que l’orage nous trouble
Si vous nous donnez du beau temps.
Fin