Jacques-Philippe d’Orneval
Le Jugement de Pâris
La Foire des Amours
Pièce d’un acte
Représentée à la Foire de Saint-Laurent
1718
Le Sage et d’Orneval, Théâtre de la foire ou l’Opéra Comique, t.3, Paris, Ganeau, 1721
definitacteur, l’amour lamour
definitacteur, l’hymen lhymen
Acteurs
Jupiter
Junon
Pallas
Vénus
Mercure
Thétis
Pélée
L’Amour
L’Hymen
Troupe de divinités célestes
Monsieur Gargot, cabaretier
Garçons cabaretiers
Pâris, arlequin
La scène est d’abord à la Chasse Royale, cabaret du Pont au Choux, et ensuite dans un hameau voisin de la Seine.
\titrinit[Le théâtre représente la chasse Royale du Pont au Choux, avec cette inscription :
Ici l’on fait noces et festins\fg.]
Scène i
Mercure, Monsieur Gargot
mercure
Air : On n’aime point dans nos forêts
Serviteur à Monsieur Gargot.
monsieur gargot
Que vois-je ! C’est le dieu Mercure !
mercure
Je vous amène un bon écot.
monsieur gargot, souriant
C’est quelque galante aventure.
mercure
Non. Jupiter vient en ce jour
Chez vous avec toute sa Cour.
Nous y venons célébrer les noces de Thétis et de Pélée.
Air : Dondaine, dondaine
Vous y verrez Pallas, Junon,bis
Et la mère de Cupidon,
Dondaine, dondaine,
Et mainte autre dondon
Olympienne.
monsieur gargot
Le grand Jupiter fait trop d’honneur à ma guinguette. Je vais me mettre en quatre pour contenter une si belle compagnie.
mercure
Ils ont déjà diné. Ils viennent pour passer ici l’après-dinée, et y souper ensuite.
Il lui donne un papier. Tenez. Voilà l’ordre du repas. Mettez vite la main à la pâte.
monsieur gargot
Je ne perdrai point de temps. Holà, garçons ! Vous placerez ces deux bourgeoises avec ces deux officiers dans la chambre sur le devant.
mercure
L’ordre est judicieux.
monsieur gargot
Ils avaient retenu celle-ci qui est plus particulière.
mercure
Ils choisissent bien les logements. Ce sont apparemment deux maréchaux des logis.
monsieur gargot
Garçons ! Mettez du vin au frais.
mercure
Oui, mais point de chasse-cousin, s’il vous plait.
monsieur gargot
Oh ! Nous n’avons que du bon.
mercure
Eh ! mon enfant, à qui vendez-vous vos coquilles ? Ce n’est pas le vin qu’on vient chercher ici.
monsieur gargot
D’accord, mais j’en ai d’excellent.
mercure
Il faudra qu’il soit exquis pour piquer des gosiers accoutumés au nectar. Un peu trop de douceur ou d’âcreté les dégoutera.
monsieur gargot
De l’âcreté !
Air : Quand le péril est agréable
Loin de trouver mes vins trop âcres,
Je réponds que messieurs les dieux
S’en retourneront tous aux cieux
Plus ivres que des fiacres.
mercure
Si cela arrive, les déesses seront aussi bien conditionnées, sur ma parole.
Air : Lon lan la derirette
Ma foi, le sexe féminin
Aujourd’hui fait honneur au vin,
Lon lan lan derirette.
monsieur gargot
Qui le voit mieux que nous ici ?
Lon lan la deriri.
mercure
Mais, voici Jupiter.
Scène ii
Jupiter, Junon, Pallas, Vénus, Mercure, l’Hymen, Thétis, Pélée, Troupe de divinités, Monsieur Gargot
jupiter, tenant Thétis par la main, s’avance en chantant
Fin de l’air : Nanon dormait
Allons, allons, allons
À la guinguette, allons.
De la joie, mes enfants, de la joie ! Je suis en train aujourd’hui. Divertissons-nous. Du vin, du vin comme de l’eau !
monsieur gargot
Vous en aurez bientôt de frais.
jupiter
Et des violons, n’y en a t’il pas ici ?
monsieur gargot
D’excellents.
jupiter
Bon, tant mieux ! Je veux danser, et me réjouir comme un compère.
monsieur gargot, bas, à Mercure
Ce Jupiter me parait bonhomme, je le crois même un peu bêteCe Jupiter me parait bonhomme, je le crois même un peu bête\footnote Dans le ballet du \emph Jugement de Pâris, qu’on jouait alors à l’Opéra, Jupiter y parait un peu de ce caractère...
mercure, bas, à Gargot
Vous lui faites grâce du peu.
jupiter, sautant lourdement
Dansons, chantons. Morbleu ! Qu’il est doux de laisser sa qualité à la porte d’une guinguette, et de goûter des plaisirs à la croque au sel !
mercure
Aussi cela se fait assez souvent.
jupiter
Mais, Dame Vénus, je ne vois point ici votre fils. Où est-il donc, ce petit coquin ?
vénus
Je ne sais. Il ne suit que sa fantaisie.
mercure
Vous ne l’attendrez pas longtemps. Le voici.
Scène iii
Les acteurs de la scène précédente, l’Amour\footnote Un enfant [de – deux ans faisait ce personnage.
vénus
Hé, d’où venez-vous donc, petit fripon ?
lamour, d’un air brusque
Oh, dame ! Chacun à ses affaires.
vénus
Comme vous répondez ! Qu’avez-vous donc ? Quelle mine vous faites !
lamour
Je ne saurais la faire meilleur, tant que je verrai devant moi ce benêt d’Hymen. C’est ma bête..
lhymen, à l’Amour
Air : Quand je tiens de ce jus d’octobre
En vain vous faites la grimace.
Je triomphe en cet heureux jour.
Cédez le pas de bonne grâce.
lamour, à l’Hymen
Cédez le vous même à l’Amour.
Riant.
Ha, ha, ha ! Regardez un peu ce nigaud, avec sa face de papier mâché.
Air : Y avance, y avance
Ah ! Voyez donc comme il est fait !
Avec ton air plat et discret,
Tu fais trop le Dieu d’importance.
Y avance, y avance, y avance,
Avec ton habit d’ordonnance !
jupiter
Mes enfants, point de querelle.
lamour
Je suis fâché d’être venu ici, puisque je l’y trouve.
lhymen
Tout beau, Seigneur Cupidon. Ma compagnie vous fait honneur, au moins.
Air : Petit boudrillon
Malgré cette humeur vaine,
Dans plus d’une maison,
Boudrillon,
Vous ne pourrez sans peine,
Entrer que sous mon nom,
Boudrillon,
Petit Boudrillon,
Boudrillon dondaine,
Petit Boudrillon,
Boudrillon dondon.
lamour
Il est vrai que vous êtes un prête-nom. Mais sans moi, mon ami, vous auriez l’air d’attendre longtemps la pratique.
lhymen
Pourquoi donc, sans vous ?
lamour
Air : Ne m’entendez-vous pas
J’aveugle les amants
Qui prennent votre chaîne ;
C’est moi qui vous les mène,
Qui, cachant vos tourments,
Leur peins vos nœuds charmants.
Après tout, vous n’avez que mes restes.
lhymen
Oh ! Je me passe de vous assez souvent.
lamour
Oui, mais cela va d’une belle dégaine, quand je ne suis pas de la partie.
lhymen
Allez. Vous n’êtes qu’un libertin.
lamour
Et vous, qu’un vil esclave. Écoutez ce que dit l’Opéra :
Air : L’Hymen vient
L’Hymen vient quand on l’appelle,
L’Amour vient quand il lui plait.
L’Opéra met entre nous bien de la différence, comme vous voyez.
lhymen
L’Opéra dit bien d’autres sottises. C’est un impertinent, et vous aussi.
lamour, le frappant
Et vous, vous êtes un sot.
lhymen, se défendant
À qui en veut donc ce brutal ?
jupiter, les séparant
Hé bien, hé bien... Cela finira-t-il bientôt ? On vient ici pour se réjouir, et...
vénus
Allons, mon fils, soyez sage.
jupiter, à l’Amour
Je veux que vous vous raccommodiez avec l’Hymen. Tout en ira mieux.
lamour
Au contraire. Sans mes petits tours de passe-passe, tout irait sans dessus dessous. Voulez-vous que je vous le prouve ?
jupiter
Voyons.
lamour
Air : Dans ces lieux, tout rit sans cesse
Si d’une pudique flamme
Le magistrat, le marquis
Brulaient toujours pour sa femme,
Que deviendraient cent belles à Paris ?
jupiter
Il a raison.
vénus
L’enfant dit vrai.
lamour
Air : Tu croyais, en aimant Colette
Très souvent d’un père à béquille,
Qui se voit sans espoir d’enfants,
Je sais recruter la famille,
Et faire honneur à ses vieux ans.
jupiter
Cela est véritable.
vénus
Oh, pour cela, oui !
lamour
Air : Je ne suis né ni roi, ni prince
Ce procureur à mine austère
Pourrait-il, par sa maigre chère,
Garder jamais de clercs chez lui,
Si Madame la procureuse,
En secret plaignant leur ennui,
Ne leur devenait gracieuse.
C’est pourtant mon ouvrage, cela.
jupiter
Mais, mais, il a raison.
vénus
L’enfant dit vrai.
lamour
Sans moi, que deviendraient la Villette, Passy, les Bois de Boulogne et de Vincennes, Charenton, la Rapée etc ? Ces doux asiles des époux mal assortis, ces correctifs de la nonchalance des maris deviendraient d’affreux déserts.
jupiter
Tout cela est le mieux du monde, mon enfant, mais fais quelque chose pour Thétis et Pélée.
lamour
Soit. Mais ce sera sans tirer à conséquence.
Jupiter pour mieux accorder l’Hymen et l’Amour les fait boire ensemble. Ensuite il dit
jupiter
Voilà qui est bien. Dansons présentement.
Les divinités subalternes commencent à danser, mais leur danse est tout à coup interrompue par un grand bruit qu’on entend dessous le théâtre. Il s’ouvre un abîme, d’où il s’élève une épaisse vapeur.
jupiter
Que signifie donc cette vapeur-là ? Qui diable fait un si grand sabbat ? Apercevant la Discorde qui sort de l’abîme. Ah, morbleu ! C’est cette vilaine Discorde ! \did Tapant du pied. Voilà bien du rabat joie. Jarni !
Scène iv
Les acteurs de la scène précédente, la Discorde appuyée sur deux bas Normands dont l’un tient à la main une grosse pomme
la discorde, parlant avec un accent normand marqué
Ah, ah ! Je vous y attrape ! Dianche ! Comme vo z’y âllez ! Hé, d’où vient donc que vous ne m’avez pas priée de lâ noche ?
mercure
On a grand tort, assurément.
jupiter, en colère
Peste de Normande, ta présence m’afflige. Va-t-en au Diable.
la discorde
Hé ! Vas-y tey-même, grand chenâpan.
jupiter
Morguienne de vous
Morguienne de vous !
Quell’femme, quell’femme,
Morguienne de vous !
Quell’femme êtes-vous ?
la discorde
J’aurais été de trop ichit, apparemment. No valons pourtant bien toutes ces pinbèches-là.
Air : Je reviendrai demain au soir
Demandez à ces deux Normands
Combien j’ai fait d’amants.bis
un des normands
Donn’z’au Guiéble, tout notre pays
En va pour ses attraits.bis
la discorde
Air : Menuet,
Domfront reconnait ma puissance,
Ainsi que Valogne et Guibray :
L’on m’adore à Vire, à Coutance :
Tout Caen ne jure que par mey.
un des normands
Oh ! vére, mâ fey.
jupiter
Plaisante puissance.
le normand
All’ est aussi pissante que vo, si pus n’est.
la discorde, entrant en fureur
Vére, Guieu me danne ! Par la sang-Guiêble ! Il me prend envie de vo galvauder tretous, et de jeter par les fernêtres les Dieux, les Diesses et les violons z’aussi.
junon
Ma commère, ne te fâche point. Si nous ne t’avons pas mise de la partie, ce n’a point été par mépris. Tu sais que je t’ai toujours aimée.
vénus
On nous a dit que tu avais affaire aujourd’hui.
la discorde
Cela est vrai. On a besoin de mey dans l’Université de Paris, où l’on va procéder à l’élection d’un recteur. Mais, item, il fallait tréjours me semoncer de lâ noche.
junon
Tu n’aurais rien perdu pour cela, mon enfant, nous t’aurions gardé une part de gâteau.
la discorde, avec un ris perfide
Ah ! Que vo z’êtes de braves femmes ! Tenez, par reconnaissance, v’la un petit présent que je vo fais.
vénus
Voyons, voyons.
la discorde
C’est une poume de Vire z’en Normandie. Elle prend la pomme des mains du Normand. Que Junon, Pallas et Vénus se la disputent.
junon, à la Discorde
Air : Comme un coucou que l’amour presse
Ah ! Donne-la moi, ma mignonne !
Avec quel plaisir je la vois !
la discorde
Non, s’il vo pglaît, je ne la donne
Qu’à la plus belle de vo trois.
les trois déesses ensemble, ensemble
C’est donc pour moi, c’est donc pour moi.
la discorde, donnant la pomme à Jupiter
Tenez, vieux grigou. C’est en vos mains que je lâ remets, pour en faire l’adjudication comme adviserez bon être.
jupiter
Hé, que voulez-vous que j’en fasse, moi ?
la discorde
Ce qu’il vo pglaira. Adieu.. Réjouissez-vo bien, mez’efants. Cette poume vo bâillera du tintoin, comptez là-dessus.
Elle rentre dans l’abîme.
Scène v
Jupiter, Junon, Pallas, Vénus, Mercure
jupiter
Peste de la carogne, avec sa chienne de pomme !
mercure
Hé, pourquoi la preniez-vous ? En vous la donnant, on vous avertit qu’elle sera fatale, et vous êtes assez sot pour la recevoir.
jupiter
Oui, j’ai tort, il est vrai, j’ai tort. Ah ! maudite Discorde !
junon
Ça, ça, qu’on nous donne cette pomme.
pallas
Ne différons point.
vénus
C’est le plus pressé.
jupiter
Hé bien, hé bien, ne voilà-t-il pas déjà le commencement du branle ? Ah ! Que je prévois de maux à l’heure qu’il est !
pallas
Air : Robin turelure lure
Mon papa, dépêchez-vous.
Considérez ma figure.
junon
Allons, mon fils, jugez-nous.
jupiter, branlant la tête
Turelure.
vénus
J’aurai le prix, je vous jure.
pallas, se moquant
Robin turelure lure !
jupiter
Oh ! Que je me garderai bien de prononcer entre vous.
pallas
Air : Laire-la, laire lan-laire
Décidez en maître des dieux.
vénus
Il ne faut avoir que des yeux,
Pour bien décider cette affaire.
junon
Laire-la,
Laire lan-laire,
Laire la,
Laire lan-la.
jupiter
Je n’en ferai rien, vous dis-je. Rapportez-vous en à quelque mortel qui ait du discernement.
mercure
J’ai votre fait, Mesdames.
junon
Qui ?
mercure
Pâris. C’est un berger de Charenton, un Pâris. C’est un berger de Charenton, un \emph virtuose, qui fait arrêter les carrosses, et nouer l’aiguillette., qui fait arrêter les carrosses, et nouer l’aiguillette.
pallas
J’ai entendu parler de ce drôle-là.
mercure
Air : Menuet d’Hésione
C’est lui qui juge les querelles
De tous les bergers d’alentour.
vénus
Qu’il juge donc trois immortelles ;
Qu’il ait cet honneur en ce jour.
jupiter, à Mercure
Portez vite cette pomme à Pâris, qu’il la donne à qui elle appartient. Pour nous, que cela ne regarde plus, continuons de nous réjouir.
Le théâtre change en cet endroit, et représente un hameau assez près de la rivière.
Scène vi
Pâris seul
pâris
Il est assis sous un arbre touffu. Après avoir achevé de jouer de la flûte, il chante :
Gardons nos moutons
Gardons nos moutons,
Lirette, liron,
Liron, liré, lirette.
Scène vii
Pâris, Mercure
mercure
Air : Voulez-vous savoir qui des deux
Apprends à quel sort glorieux
T’élève le maître des dieux.
Il met en tes mains la querelle
De Junon, Pallas et Vénus.
Il lui présente la pomme.
Donne ce prix à la plus belle.
Voilà ses ordres absolus.
pâris, après avoir bien considéré la pomme
Air : On n’aime point dans nos forêts
Jupiter me gonfle d’honneur.
Vous pouvez, mon ami Mercure,
Aller dire à ce bon Seigneur
Qu’il doit compter sur ma droiture.
On entend un bruit de trompettes et de timbales.
Quel bruit fait retentir ces lieux ?
mercure
C’est Pallas qui s’offre à tes yeux.
Mercure disparait.
Scène viii
Pâris, Pallas
pallas
Air : Pata, pata, pata, pon
Suis, Pâris mes étendards,
Si tu veux briller dans l’histoire.
Viens dans les nobles hasards
Chercher une immortelle gloire.
La fière Pallas
Suivra tes pas
Dans les combats.
Tu deviendras
Un fier à bras.
On entend un bruit de tonnerre.
pâris, tombant sur le ventre
Hoïmé ! Je suis mort !
pallas, le relevant
Ne crains rien. C’est Junon qui s’approche.
Scène ix
Pâris, Pallas, Junon
pâris
Morbleu, Madame Junon, vous m’avez fait grand peur ! Ne sauriez-vous marcher d’une manière moins bruyante ?
junon
Air : Voulez-vous savoir qui des deux
Berger, ce qui cause ta peur,
N’était que pour te faire honneur.
Le Dieu des cieux et de la terre
A bien voulu te régaler
De ce petit coup de tonnerre,
Que tu viens d’entendre rouler.
pâris
Beau régal, ma foi.
En cet endroit, on entend une symphonie douce qui annonce l’arrivée de Vénus. Cette déesse sort de la rivière de la Seine.
Scène x
Pâris, Pallas, Junon, Vénus
vénus, à Pâris
Air : Quand le péril est agréable
De toi dépend toute ma gloire.
Aurai-je le don précieux ?
Oui, berger, je lis dans tes yeux
Ma prochaine victoire.
pâris, regardant Vénus avec admiration
Air : Ma raison s’en va beau train
Tudieu ! quel essaim d’appas !
Peut-on voir un plus beau bras ?
Plus blanc, plus mignon,
Plus ferme et plus rond ?
Ah ! quelle main jolie !
Ces petits doigts d’un moribond
Rappelleraient la vie, lonla
Rappelleraient la vie.
pallas
Air : La Ceinture
Mon ami, juge ne ma faveur.
junon
Je compte sur la préférence.
vénus
Je connais bien son tendre cœur.
Je ferai pencher la balance.
pâris
Air : Je ne suis né ni roi, ni prince
Mais voulez-vous sur l’apparence
Que je prononce ma sentence ?
Puisqu’il s’agit de vos attraits,
Il faut, Mesdames les Déesses,
Qu’à fond de ce fameux procès
J’examine toutes les pièces.
vénus
Le petit badin !
junon, lui montrant une bourse
Air : J’ai fait souvent résonner ma musette
Charmant berger, accepte l’abondance.
vénus
Je te promets des plaisirs à ton choix.
pallas
C’est moi, mon cher, qui donne la prudence,
Et la valeur mère des grands exploits.
vénus
Air : Ce sont les amours
Laisse-là les armes,
Les travaux guerriers,
Pour de vains lauriers,
Causent mille alarmes.
Ce sont les Amours
Qui font les beaux jours.
pâris, à Pallas
Air : D’une main, je tiens mon pot
Ne vantez point les combats,
Je n’en tâterai pas.
pallas
De la valeur je suis la source.
junon
Il n’est rien de bon que la bourse,
Et l’amant comme le héros
N’est jamais en repos.
vénus
Air : Ce sont les amours
Pâris, sois plus sage,
Méprise son or.
Le plus grand trésor
Offre un esclavage.
Ce sont les amours
Qui font les beaux jours.
pâris, rêvant
Cela mérite réflexion.
junon
Air : Comme un coucou que l’amour presse
Tu ne choisis point les richesses !
pallas
La valeur ne te touche pas !
pâris
Je penche fort vers les espèces,
Mais l’Amour a bien des appas.
pallas
Air : Réveillez-vous, belle endormie
Je te donne le bras d’Ulysse.
junon
Et moi des biens et des honneurs.
vénus
Moi, la mais d’une jeune actrice,
Qui doit ruiner vingt seigneurs.
pâris
Oh, parbleu, attendez. Je vais vous accorder toutes trois.
Il tire son couteau.
junon
Que veux-tu faire ?
pâris
Partager la pomme entre vous, et vous me donnerez chacune un peu de votre marchandise.
vénus
Je veux tout ou rien.
pâris, donnant la pomme à Vénus
Hé bien, elle est à vous, belle Vénus.
Air : L’autre nuit, j’aperçus en songe
Au diable l’argent et les armes,
À vos promesses je me rends.
junon
Tu décides sur les présents,
Au lieu de juger sur nos charmes !
pallas
Est-ce là juger sainement ?
pâris
L’Opéra fait-il autrement ?
pallas, en colère, s’en allant
Air : Le fameux Diogène
Tu méprises la gloire !
Tu mourras dans l’histoire
Comme un lâche soldat.
junon
Va. Je me donne au diable,
Tu seras, misérable,
Toujours gueux comme un rat.
Junon et Pallas s’en vont.
Scène xi
Pâris, Vénus
pâris, alarmé des menaces de Junon
Air : Je ne suis né ni roi, ni prince
Je pourrais bien être un sot homme,
D’avoir ainsi livré la pomme.
Junon m’annonce un sort fatal :
Vous l’avez entendu, Madame.
vénus
Bon ! Peux-tu craindre l’hôpital ?
Je te donne une belle femme.
Vénus emmène Pâris, et le fait entre avec elle dans sa conque.
pâris, chante en partant
Et vogue la galère
Et vogue la galère,
Tant qu’elle, tant qu’elle,
Et vogue la galère,
Tant qu’elle pourra voguer.
Fin