Monsieur Harni de Guerville et Monsieur Sabine
Le Prix des talents
Parodie du troisième acte des Fêtes de l’Hymen et de l’Amour
Représentée pour la première fois sur le Théâtre des Comédiens Italiens ordinaires du Roi
le mercredi 25 septembre 1754
Paris, Duchesne, 1755
Acteurs
Le seigneur du village : Monsieur Rochard
Lison, bergère : Madame Favart
Le Bailli : Monsieur Chanville
La Peinture : Mademoiselle Desglands
Un berger : Monsieur Desbrosses
Un maître d’armes : Monsieur Carlin
Une danseuse : Mademoiselle Catinon
Bergers et bergères
La scène est dans un village.
Le Prix des talents
Scène i
Le Seigneur seul
Le Seigneur du village
Air : C’est un enfant,
Amour
Je t’implore en ce jour,
Que les plaisirs
Suivent mes désirs.
Tu peux
Favoriser nos jeux :
Dans ce séjour
Établis ta cour.
Viens, quitte Cythère ;
Peut-on mieux te plaire,
Qu’en faisant briller tes talents !
Qu’ils sont charmants,
Qu’ils sont charmants.
Air : Tout roule aujourd’hui dans le monde
Le talent quand on le méprise
Disparaît, et meurt en naissant ;
Mais le talent qu’on autorise
Renaît, s’embellit et surprend.
Par une façon peu commune,
Je veux me faire respecter.
Qui sait partager sa fortune,
Prouve qu’il sait la mériter.
Scène ii
Le Seigneur du village, Le Bailli
Le bailli
Air : Mon aimable Javotte
Selon votre ordonnance,
Nos bourgeois sont trétous assemblés
Je viens en diligence.
Savoir ce que vous voulez ;
Tout le monde est poudré,
Paré,
Tiré,
Ambré,
Fardé,
Bien cardé.
Chaque berger
Est léger
Et prétend voltiger.
En galants escarpins,
Ces biaux poupins,
Accoutumés à s’exercer
Sont, quand il faut se trémousser,
Toujours prêt à danser.
Le Seigneur du village
Air : Quoi ? Vous partez
Pour célébrer la fête du village,
Je veux donner quatre prix aujourd’hui.
Chaque vainqueur aura pour son partage
Deux cent ducats, et j’y joins mon appui.
Le bailli
C’est trop, Seigneur, honorer le village,
Et son bailli vous rend grâce pour lui.
Le Seigneur du village
Air : De tous les capucins [du monde]
La Peinture doit la première
Ouvrir cette belle carrière.
De la voix, les charmants attraits,
Feront la seconde conquête :
Les armes paraîtront après,
La danse finira la fête.
Air : Non, je ne ferai pas [ce qu’on veut que je fasse]
Mais de gagner deux prix si quelqu’un à la gloire,
Je veux en l’épousant couronner sa victoire.
Le bailli
Qu’un garçon les remporte, il aura donc l’honneur
De se voir aujourd’hui femme de son seigneur.
Le Seigneur du village
Air : Monsieur Catinat
Ah ! Vous avez raison, et je n’y pensais pas :
Pour suivre Arueris, j’allais faire un faux pas.
Le bailli
Cherchons, sans plus tarder, un remède à cela ;
Car souvent on s’égare en suivant l’Opéra.
Le Seigneur du village
Air : Ici sont venus en personne
Si c’est un garçon, il doit prendre
Le cher objet qui le rend tendre ;
Lui donner sa main et son cœur.
Si quelque fille a l’avantage
D’avoir deux prix pour son partage,
C’est moi qui ferai son bonheur.
Le bailli
Mais, mais, y pensez-vous Seigneur ?
Le Seigneur du village
Oui, je l’épouserai d’honneur.
Le bailli
Air : Quand l’auteur de la nature
Vot’ personne nous est chère,
Je craignons pour vous, qu’en cette affaire
Le sort ne vous soit contraire :
Vous baillant
Un objet déplaisant.
Le Seigneur du village
Telle passe
Pour une Grâce,
Dont la beauté n’a rien qui m’agace ;
Elle lasse,
Et s’efface.
Les talents
Ont seuls tous mon encens.
Le bailli
Mais, palsangué, qu’une fille
Qui par tous ses talents prime et brille,
Soit folle d’un autre drille ;
À quoi sert
Qu’vous lui soyez offert.
Le Seigneur du village
Oh ! Je gage
Pour mon suffrage ;
Mon bien m’est garant de cela :
La volage,
La sauvage.
Nulle enfin ne résistera,
Je gagnerais la plus sage.
Le bailli
La plus sage de l’Opéra :
Fatigué, qu’en cette affaire,
Chez les grands la mode est singulière !
Sans choix on prend minagère.
Après ça
L’aimera
Qui pourra.
Le Seigneur du village
Air : Nous sommes précepteurs d’amour
Annoncez les prix destinés,
Que votre zèle me seconde.
Les Talents seront couronnés :
Rassemblez ici tout le monde.
Le bailli
Air :
Morgué queu brave Seigneur,
Comme il prend soin de nos familles !
C’est en les piquant d’honneur,
Bailler du talent à nos filles :
Aisément on les pourvoira ;
Car dès que quelqu’un en aura,
C’est à Paris qu’on l’envoiera,
Et son talent l’établira.bis
Scène iii
Le Seigneur seul
Le Seigneur du village
airvide
Du charmant objet que j’adore,
Rien ne peut effacer les traits ;
Chaque instant l’embellit encore,
Et rien n’égale ses attraits ;
Mais son mérite qui m’engage,
M’offre des charmes plus constants.
Rarement on devient plus volage,
Quand on ne cède qu’aux talents.
Dans la bouche de sa bergère,
Un je vous aime, est bien flatteur ;
Ce mot varié sait nous plaire ;
Il est la source du bonheur.
Tantôt dit avec innocence,
Et tantôt dit avec gaieté.
Lison sait fixer la confiance,
Par l’attrait de la nouveauté.
Scène iv
Le Seigneur, Lison
lison
Air : Ô doux espoir,
Quel coup affreux !
Quoi, vous brisez nos nœuds ?
Expliquez-moi qui vous rend infidèle.
Quel coup affreux !
Quoi, vous brisez nos nœuds ?
Hélas ! pourquoi
Dégager votre foi ?
Le Seigneur du village
Sois sans effroi ;
Rassure-toi :
Mon ardeur doit être éternelle.
Ce cœur soumis
Qui t’est promis,
De tes attraits
Ressent toujours les traits.
Sans s’abuser
L’amour peut tout oser.
De tes talents fais voir une étincelle.
lison
Avant la loi
Votre cœur est à moi,
Et sans égard,
Vous l’offrez au hasard.
Le Seigneur du village
Air : Menuet,
Peux-tu craindre une inconstante ardeur ?
Ta beauté, t’assure de mon cœur,
Permets donc, pour prix de ma tendresse,
Que je me livre au charme si flatteur,
De pouvoir couronner ma maîtresse.
lison
Je ne dois plus espérer ce bonheur.
Le Seigneur du village
Air : De s’engager, il n’est pas trop facile
Les plus beaux dons font votre heureux partage.
Est-ce le prix qui ne vous flatte pas ?
lison
D’un tendre amant est-ce là le langage ?
Vous me vantiez autrefois mes appas.
Le Seigneur du village
Air : À l’ombre de ce vert bocage
À la beauté tout rend hommage.
Sous ses lois elle range un cœur ;
Mais souvent il devient volage,
Séduit par un talent vainqueur.
Puis-je ne pas être fidèle,
Quand Lison qui sait m’engager,
Pourrait même sans être belle,
Fixer l’amant le plus léger.
lison
Air : Que j’estime mon cher voisin
Les talents vous rendraient heureux,
Ah ! Que je les envie !
Le Seigneur du village
Non, bergère, il n’est point sans eux
De charmes dans la vie.
Air : L’amant frivole et volage
Des talents qui savent plaire,
Lison ne manqua jamais :
Ils sont sans nombre, bergère,
De même que tes attraits.
Par tes pas quand tu nous traces,
Les feux naissants des désirs,
Déjà l’on croit voir les Grâces,
Donner la main aux plaisirs.
Tu prêtes à la peinture
Un lustre, un éclat nouveau.
Toujours on voit la nature
Orner ton moindre tableau.
De la reine de Cythère,
Tu fis le portrait un jour.
L’Amour croyant voir sa mère
Vint voltiger à l’entour.
lison
Air : Ne v’la t’il pas que j’aime
On croit trouver tous les talents
Dans un objet qu’on aime :
Hélas ! les cœurs indifférents
N’en jugent pas de même.
Le Seigneur du village
Air : L’amour vous appelle
Ouvrez la carrière,
Embellissez nos jeux,
L’enfant de Cythère
Va combler vos vœux.
Ce Dieu, sur vos traces,
Prouve que le talent
Sait donner aux grâces
Un tendre agrément.
Scène v
Lison seule
lison
Air : L’anonyme
Mon amant veut en vain s’en défendre ;
Son amour fait place à la froideur.
S’il m’aime... Non, je ne puis comprendre
Qu’il m’expose à mourir de douleur ;
Il fallait cacher mon ardeur.
J’aurais plus de pouvoir sur son cœur.
Tendre amour, viens calmer mes alarmes.
Avec toi renaîtront les plaisirs.
On sent mieux ce que valent tes charmes,
Quand ils sont précédés des soupirs.
Inspire-moi dans ce moment
Le moyen de fixer mon amant.
Tu m’instruis... oui, je dois l’entreprendre ;
On peut tout, animé par tes feux,
Mon bonheur, du succès va dépendre ;
Et l’amour me le promet heureux.
Scène vi
Le Seigneur, et tous les prétendants au prix, Le Bailli et sa suite
Le bailli
Air : Tout roule aujourd’hui dans le monde
C’est en ce lieu que l’on couronne
Aujourd’hui le talent vainqueur.
Toute place nous paraît bonne
Quand on est près de son seigneur.
Je n’avons à votre personne
Point marqué de place d’honneur.
Ce gazon même vaut un trône,
Lorsque vous l’occupez, Monsieur.
Scène vii
La Peintresse
Air : Pour fléchir une none austère
Par les attraits de la peinture,
On se retrace en tous lieux
Mille objets gracieux
Qui vous enchantent les yeux.
Par cette agréable imposture,
On voit des fruits en tout temps ;
En hiver, les présents
Du printemps.
Là, sur le bord d’une onde claire,
Est la bergère Doris ;
Auprès d’elle est assis
Le jeune berger Daphnis.
Leur entretien...
Ah, qu’il se devine bien !
Rien,
N’en dit tant que leur maintien.
Des yeux le langage sincère,
L’un à l’autre avec douceur,
Exprime de leur cœur
Le désir et le bonheur.
Oui, pour une tendre bergère,
C’est où l’on lui fait la cour,
Qu’est le riant séjour
De l’Amour.
Scène viii
La Peintresse, Lison, et les précédents
lison
Air : Bergers, sortez de vos retraites
Que le succès m’est nécessaire,
Pour les prix offerts en ce jour ;
Sur mes talents en vain j’espère,
Je n’attends rien que de l’amour.
Ce charmant vainqueur m’encourage,
Il m’enhardit en ce moment.
Il ne peut faire mon partage,
Qu’à la gloire de mon amant.
La Peintresse
Même air
Venez-vous ici pour m’exclure,
De la victoire où je prétends ?
J’aurai le prix, oui, je l’augure,
Je le désire, et je l’attends.
Air : Monsieur le Prévôt des marchands
Le génie a des coups hardis,
Qui balancent le coloris.
Auquel donner la préférence ?
lison
Pour tous deux je disputerai.
La Peintresse
Par les traits frappants je commence,
Voyons si je l’emporterai.
Air : De tous les capucins du monde
Je peins un homme sans science,
Pourvu d’un poste d’importance,
Que lui procura son Iris ;
Je le peins ardent à tout faire.
lison
Moi, je le représente assis,
Appuyé sur son secrétaire.
La Peintresse
Air :
Je peins une veuve en noir,
Qui se livre au désespoir.
lison
Je peins une veuve en noir,
Pleurant devant un miroir.
La Peintresse
Une prude est-elle bien peinte,
Avec un livre en méditant ?
lison
Pour tracer cette vertu feinte,
Ce n’est pas ainsi qu’on s’y prend.
Je la peins un masque en main,
En rendez-vous clandestin.
La Peintresse
D’un parasite indigent,
Je peins l’air bas et rampant.
lison
Je le peins au Palais Royal,
De midi guettant le signal.
La Peintresse
J’ai coiffé dans le plus galant,
Cette actrice, qui brille tant.
Perles, rubis, dentelle,
Tout marque sa fierté.
lison
Je la coiffe, cette belle,
À la frivolité.
La Peintresse
D’un air minaudier, mis comme un petit-maître,
La lorgnette en main, je peins l’abbé Poupin.
lison
Et moi, pour le faire encore mieux reconnaître,
Je le peins en femme, un flacon à la main.
Le Seigneur du village
Air : Folies d’Espagne
Pour le dessein, ma Lison vous surpasse.
La Peintresse
Que les couleurs me vengent à l’instant.
Lui montrant un portrait.
Considérez ce portrait d’une Grâce.
lison
Examinez celui de mon amant.
Le bailli
Air : deuxième couplet – des Folies d’Espagne
Quel vif éclat ! rendez, rendez les armes.
Le Seigneur du village
Tout est frappant, tout flatte en ce tableau.
À ces couleurs, l’Amour prête des charmes.
lison
Oui, l’Amour même a conduit mon pinceau.
Scène ix
Un berger, les précédents
Le Seigneur du village
Air : Pour soumettre mon âme
Doit-on dans un village,
Se piquer de bien chanter ?
Un brillant étalage,
Ne peut ici nous flatter.
Souvent un grand air ennuie.
Égayez-nous mes amis ;
La chanson la plus jolie,
En ce jour aura le prix.
Le bailli
Air : Vantez-vous en
Ô s’il s’agit de chansonnettes,
Morgué, j’en sais des plus drôlettes ;
Qui pourraient fort bien l’emporter
Sans hésiter,
J’vons disputer !
Il faut que je sachions chanter ;
Car plus d’une fois les fillettes
Ont pris plaisir à notre chant :
Vantez-vous en.
Prélude de musette
Le berger
airvide
Pour écouter une fauvette,
Les sons amoureux et touchants ;
Chaque jour la jeune Lisette,
Dès le matin, va dans nos champs.
Chantez, chantez, fauvette,
Pour amuser ma bergerette.
Vos sons charmants,
Inspirent les amants. \indicreprmus [fin]
Heureux oiseau, ton doux ramage,
De Lisette fait les plaisirs.
Que ne puis-je dans mon langage,
Comme toi peindre mes désirs ?
Chantez, etc.
Si c’est le tendre amour, lui-même,
Qui t’instruit dans l’art de charmer,
Dis à Lisette que je l’aime,
Et Lisette pourra m’aimer.
Chantez, etc.
Le bailli
airvide
Ronde, prélude de tambourin
Notre voisine Marotte,
Ne faisait rien chaque jour ;
Dormait comme une marmotte,
Avant qu’on lui fit la cour.
À présent, un rien l’éveille ;
Au travail qu’elle a d’ardeur !
On a la puce à l’oreille,
Quand on a l’amour au cœur.
Elle trouvait fort étrange
Que ses gens fussions si soigneux ;
Dans le temps de la vendange,
Qu’ils étions trop matineux.
Avant l’aurore elle éveille,
Aujourd’hui le vendangeur.
On a la puce à l’oreille,
Quand on a l’amour au cœur.
Lorsque dans la rêverie,
Autrefois je la trouvions,
Avec sa nièce jolie,
Je nous familiarisions ;
Mais qu’Marotte dorme ou veille,
Elle entend tout par malheur.
On a la puce à l’oreille,
Quand on a l’amour au cœur.
lison
airvide
Prélude de mandoline
On veut se défendre
D’écouter l’amour ;
Mais le malin sait bien nous prendre
Par quelque détour,
Sans cesse il nous guette,
Le rusé matois,
Nous suit au bois.
Est-on sur l’herbette ?
Il vient s’y cacher,
Et nous fait trébucher.
L’amant qui sait plaire,
Cause du tourment
À la trop naïve bergère,
Qu’il trompe aisément.
Que faire à notre âge ?
On ne peut songer
À ce danger,
Lorsque l’on s’engage,
On voit seulement
Les yeux de son amant.
Mon berger Silvandro
Est vif et charmant
S’il cessait pour moi d’être tendre,
Hélas ! Quel tourment !
D’une ardeur sincère,
Un tendre lien
Est le soutien ;
Loin d’être légère,
Je veux l’aimer tant,
Qu’il soit toujours constant.
Le bailli
Air : Vous en venez
Pour le prix, je n’ai plus de zèle,
Et je sens ma voix qui chancelle.
Par vos talents, vous contentez,
Vous enchantez,
Vous l’emportez.
Oui, la belle, vous le méritez,
Et vous l’emportez.
Le Seigneur du village
Air : Quand aux champs
Lycas, froid et langoureux,
Peint mal les feux de Cythère.
Le bailli, chanteur, joyeux,
Plait ; mais il ne touche guère.
D’un et d’autre coté,
Tout cède à ma bergère.
Sa naïve gaieté,
Sait attacher et plaire.
Air : Comme un oiseau
Ma Lison, a double avantage.
Qu’à jamais l’Hymen nous engage,
Ah ! Quel bonheur !
lison
Mais d’un berger de ce village,
Je puis devenir le partage,
S’il est vainqueur.
Le berger sort.
Scène x
Lison et les précédents
lison
Air : La foire de Brie, contredanse
Puisque jusqu’ici,
J’ai réussi ;
Tout doit m’exciter
À remporter
Victoire
Puisque jusqu’ici,
J’ai réussi
Tout doit m’exciter
À finir ainsi.
Le plaisir flatteur,
D’avoir le c\œ ur
De mon vainqueur,
Est le seul bonheur
Qui me touche et sait me plaire.
J’espère en ce jour
Un doux retour ;
Du tendre amour.
C’est lui qui m’instruit,
Et son flambeau me conduit.
Puisque jusqu’ici etc.
Scène xi
Arlequin en maître d’armes avec un plastron, les précédents
arlequin
Air : À table, je suis Grégoire
Allons, d’estoc et de taille,
Répondons à qui va là.
C’est notre champ de bataille.
Ça ventrebleu, ti, ta, ta.
Largement je viens de boire.
Que je vais faire d’éclat !
À table je suis Grégoire,
[Comme] le diable en un combat.
lison
Air : Courez vite, prenez le patron
C’est par trop garder l’incognito,
Quand tu fais là le fat à gogo.
Mais pour contenter ton vertigo,
Je t’attaque ici subito.
arlequin
Ho !
lison
Air : Tu, ton, tu, taine
Allons, montrez votre savoir.
arlequin
Oh ! C’est ce que vous allez voir ;
Mais contre vous, c’est vain espoir :
Vous plaisantez, ma reine.
lison
Et, tu, tu, tu,
Quel garçon est-tu ?
Et, ton, ton, ton,
Est-ce là le ton ?
Pour qui me prend-on ?
Pour un hanneton,
Tutaine, tuton,
Tuton, tuton, tutaine.
arlequin
Air : Vous avez bien de la bonté
Le prix que je viens disputer,
Ne peut-être le votre.
lison
Et moi, je prétends remporter,
L’un, aussi bien que l’autre.
Je ne veux point d’honnêteté.
arlequin
Belle, n’employez que vos charmes,
Pour toutes armes.
lison
Monsieur, en vérité,
Vous avez bien de la bonté.
arlequin
Air : Fanfare de Saint-Cloud
Que mon pareil fasse rage,
Aussitôt j’aurai mon tour ;
Mais qu’une beauté m’engage,
À la combattre en ce jour ;
L’un anime mon courage,
L’autre excite mon amour.
lison
Air : Menuet d’Exaudet
Sur ceci,
Point ici
De faiblesse.
Voyons donc votre début :
Recevez le salut.
Elle fait le salut.
En garde, avec vitesse.
Le nigaud ?
Quel assaut !
Il hésite.
S’il ne fait mieux, sur ma foi,
La victoire est pour moi.
Petite...
Elle tire une quarte, il pare en rompant la mesure.
Une quarte sous les armes,
Déjà le met en alarmes.
Soutenez,
Prévenez,
Votre perte...
Ils ferraillent.
Mais, il prend mieux son essor.
Voyons s’il est encor
Alerte.
arlequin
Grâce, hélas !
Je suis las :
Faisons trêve.
lison
Votre espoir est une erreur.
arlequin
Ce n’est point par terreur ;
Mais, ventrebleu je crève.
lison
Redoublez.
arlequin
Vous troublez ma cervelle.
lison
Voulez-vous finir, hé bien ?
arlequin
Oh ! cette femme est bien
Cruelle !
Air : Si c’est un honneur de boire
C’est aussi trop de faiblesse ;
Songeons à lui résister.
lison
Mettons toute notre adresse
À pouvoir le surmonter :
Il se rit d’une cornette ;
Mais agissons tout de bon.
Elle lui porte une botte.
Bon !
Apprenons à cet athlète,
Qu’à tort il fait le pimpant...
Pan.
Elle le désarme.
arlequin
Air : Et non, non, non
C’est assez, plions bagage ;
Cette femme est un démon.
Je suis vaincu, j’en enrage.
Avoir le sort d’un poltron !
lison
Est-ce qu’à votre courage,
Il faut encor une leçon ?
arlequin
Et non, non, non,
Je n’en veux pas d’avantage.
Il sort.
Scène xii
Le Seigneur, les précédents
Le Seigneur du village
Air : Il faut l’envoyer à l’école
Ah ! quel espoir pour mon amour !
Chacun ici vous rend les armes,
À vos charmes :
Je vois que tout cède en ce jour.
Le bailli
Elle sait bien
Jouer son rôle.
Qui lui dispute son talent
À l’instant,
Elle vous envoie à l’école.
Scène xiii
Une danseuse, les précédents
La Danseuse
Grandeur brillante J’ai tout vu
La danseuse enchante,
Anime les désirs,
Les transports, les plaisirs.
Qu’elle est brillante !
Qu’elle reçoit d’encens !
Par ses charmes puissants
Qui séduisent les sens.
Fille novice,
Lorsque le pied vous glisse,
Ne vous troublez pas ;
La plus savante, hélas !
Fais bien d’autres pas.
Charme suprême,
Par tes vives ardeurs,
Tu séduis tous les cœurs.
L’Amour lui-même,
Se plaît dans nos ébats,
Et fait voir dans nos bras,
Ses grâces, ses appas.
Le bailli
Air : J’ai pris bien du plaisir
Quelle petite éveillée !
Elle ne manque point d’art.
Pour danser sous la feuillée,
Que j’aimons cet air gaillard !
Elle est vive, elle est légère ;
Elle est taillée à ravir :
Danse, gentille bergère,
Nous aurons bien du plaisir.
La Danseuse
Air : Dieu de la tendresse
Lise, avec aisance,
Danse,
Toujours en cadence :
J’entreprends,
Des pas brillants.
Je pars avec pétulance :
L’activité,
Nous peint la gaieté ;
L’agilité,
Dont on est enchanté.
Il faut sans attendre,
Tendre,
Au prix le plus tendre,
Que l’amour,
Donne en ce jour.
Par une danse légère,
Toujours on est sur de plaire.
Le sérieux est ennuyeux :
Je me ris d’un terre-à-terre,
Quand je puis m’élever aux cieux.
Elle danse au tambourin.
lison
Air : Sous un ormeau
Sur un air lent,
Tendre et galant,
Dans ce talent,
On touche, on surprend ;
Tout ce que l’on entreprend
Prend.
Au prix il faut tenter ;
Je veux sans m’emporter,
L’emporter.
Je prends des airs mignards,
J’adoucis mes regards,
Et je pars.
Voyez mes pas,
Mes ports de bras,
Sans ce fracas,
De vos entrechats ;
Ceci mettra nos débats,
Bas.
Elles forment un pas de deux et sur le même [air] l’une danse légèrement, et l’autre majestueusement.
Le bailli
Air : Ton joli, belle meunière
Celle-ci, qu’elle est jolie ;
C’est un vrai bijou ;
Mais cette autre dégourdie
Nous rend presque fou :
Elle nous baille l’envie
De danser itou.
Le Seigneur du village
Air : Ah ! qu’il est gentil mon mari
L’une a des charmes sémillants,
Et pour les grâces, l’autre est faite.
À la danseuse.
L’art vous donne mille talents.
À Lison.
La nature vous rend parfaite :
Vous méritez tous nos égards ;
Et voici votre arrêt, Mesdames.
À la danseuse.
Vous, vous étonnez nos regards ;
À Lison.
Mais, vous, vous enlevez nos âmes.
La Danseuse
Air : Je m’éloigne vainement
Un jour viendra que j’aurai
Le prix en partage.
En m’exerçant, je pourrai
Faire d’avantage.bis
Le Seigneur du village, à Lison
airvide
Tant de talents en ta personne,
Rendent tous mes sens interdits.
L’Amour croit te donner un prix,
Et c’est à moi seul qu’il le donne.
lison
Air : Charmant Amour
En ce beau jour, nous allons nous unir :
Pour toi, mon ardeur est extrême.
Que je m’engage avec plaisir !
Je t’aimerai toujours de même.
Quand on aime, et qu’on aime bien,
On ne désire plus rien.
vaudeville
1
Dans ses Talents, trop d’espérance,
Indispose le spectateur ;
Mais aussi trop peu d’assurance,
Peut être nuisible à l’acteur.
Qu’importe ! Le sort qu’on nous garde ;
Tendons toujours d’aller au bien.
Qui ne hasarde,
N’a jamais rien.
2
Si Lycas me peint son martyre,
Il est triste, Il est languissant ;
Il me regarde, et puis soupire.
Est-ce là le fait d’un amant ?
Quand la vertu n’est plus en garde,
L’Amour doit presser l’entretient.
Qui ne hasarde, etc.
3
Un vieux caissier par son usure,
Trafique en argent confié ;
Il sait qu’il met à l’aventure.
Qu’on pourrait lui faire haut le pied ;
Mais toujours à payer il tarde ;
De s’enrichir, c’est le moyen.
Qui ne hasarde, etc.
4
Vous risquez, disait Araminte,
Ma fille, d’aller seule aux bois :
La belle y retourne sans crainte ;
Elle attrape un nid cette fois,
Elle arrive l’humeur gaillarde,
Et dit, voyez ce que je tiens.
Qui ne hasarde, etc.
5
Églé, jeune solliciteuse,
Chez Damis poursuit un procès :
Damis d’une jeune plaideuse,
Toujours assura le succès.
L’Amour pourrait bien par mégarde,
Se mêler dans leur entretien.
Qui ne hasarde, etc.
6
Messieurs, daignez à la jeunesse,
Prouver aujourd’hui vos bontés :
Nos auteurs sentent leur faiblesse ;
Mais de vous plaire, ils sont tentés.
Aux défauts ne prenez point garde ;
Quelquefois risquer est un bien,
Qui ne hasarde,
N’a jamais rien.
Fin