Fuzelier
L’Enfer galant
Parodie des Amours des déesses
jouée avec Pierrot Céladon et la pantomime anglaise
1729
ms. BnF fr. 9336, ff. 360–381
definitacteur, chœur caché chœurcache
definitacteur, chœur des dieux chœurdesdieux
Acteurs
Diane
Pluton
Endymion
Vénus
Melpomène
Hébé
Bacchus
Apollon
Mars
Pan
L’Enfer galant
Le théâtre représente le mont Latmos couvert de bois, avec une caverne au fond.
Scène i
Bacchus, Pan
pan, à part
Que vois-je ?
Air : Toujours que si,
C’est le charmant dieu du raisin ;
Il paraît en pointe de vin\definition Être en pointe de vin Avoir de la gaieté, à cause qu’on a bu un peu plus qu’à l’ordinaire. \acad 1694.
Haut.
Fils de Sémélé, quelle affaire
Vous conduit sur le mont Latmos ?
Sous cet ombrage solitaire
Venez-vous chercher le repos ?
bacchus
Quoi ! Le dieu Pan, le dieu des forêts ne sait pas ce qui se passe ici, dans le sein de son empire ?
pan
C’est que depuis un mois ou deux je me trouve souvent à Paris.
bacchus
Quoi ! Vous ignorez encore que Pluton est amoureux dans ces bois ?
pan
Pluton amoureux ! Cela ne lui sied pas ; il ferait bien d’aller chercher l’indifférence à l’Opéra !
bacchus
Air : Sur Radegonde
L’indifférence !
Eh ! Que fait-elle là ?
Mon cher, je pense,
Vous inventez cela !
Que venez-vous conter ? Qui diantre songera
Avec tant de prudence
De mettre à l’Opéra
L’indifférence ?
pan
Eh ! Quelle est, s’il vous plaît, l’enchanteresse qui a métamorphosé Pluton si prodigieusement ?
bacchus
Vous ne le devineriez jamais : c’est la régulière Diane.
pan
Comment le savez-vous ?
bacchus
La découverte de ce secret ne nous a [pas] beaucoup coûté : un faune curieux l’a surpris en rôdant sous cet ombrage, ce faune l’a dit à Cérès, la maman Cérès n’a pas manqué de le rapporter à sa fille Proserpine qui a eu la discrétion de ne s’en plaindre qu’à Mercure, dans le temps qu’il conduisait la dernière caravane des trépassés et Mercure à son retour n’en a fait confidence qu’à tous les dieux.
pan
Cette nouvelle n’a pas dû les ennuyer... Pluton amoureux ! Je n’en reviens pas.
bacchus
Air : J’en avons tant ri
Tout l’Olympe en est réjoui,
J’en avons tant ri.
pan
Ma foi, Pluton, pour ce coup-ci,
Mérite l’ellébore\definition Ellébore Herbe medicinale, que l’on croit propre à guerir la folie. \acad 1694.
bacchus
J’en avons tant ri,
J’en rirons bien encore.
pan
J’approuve vos bonne intentions.
bacchus
Et pour les bien remplir, presque tous les dieux se sont donné aujourd’hui un rendez-vous général sur le mont Latmos ; nous savons que Pluton doit y chercher Diane, nous avons formé le dessein de les surprendre et de les régaler d’une espèce de charivari.
pan
Air : Mon mari est à la taverne
Vous vous arrangez à miracle,
On ne peut pas vous critiquer !
Oh ! J’en jouirai !
L’enfer galant est un spectacle
Que je ne prétends pas manquer.
Comme les autres j’en veux rire
Ta la lerita la retita la lerire.
bacchus
Ce n’est [pas] trop à vous d’en rire,
Ta la lerita la retita la lerire.
Air : Par bonheur ou par malheur
Dans le faubourg Saint-Germain
Sur le théâtre romain
sept, Vous avez certaine intrigue
pan
Mon acte a fort plu, vraiment.
Il a réussi sans brigue.
bacchus
Oui, mais solidairement.
pan
Air : Landeriri
Oh ! Que vous êtes pointilleux !
Est-ce que je n’ai pas de la voix ? Est-ce que Doris ne chante pas joliment ?
bacchus
Ma foi, sans \emph L’Avare amoureux
Landeritte
Pan, vous auriez en vérité,
Bien déchanté.
pan
Vous ne vous connaissez qu’en gosiers de buveurs. Adieu, je vais chercher Doris, je veux qu’elle ait sa part dans la fête d’aujourd’hui.
Scène ii
Bacchus seul
bacchus
Ceci ne commence pas mal, Pan se mêle de vouloir faire le goguenard...
Air : J’ai fait à ma maîtresse
On peut juger du reste
Par cet échantillon.
Je prévois, malepeste,
Qu’il viendra sur ce mont
Bien des dieux sans cervelle,
Et de qui sans façon
On peut dire la pelle
Se moque du fourgon.
\emph Exemplum (ut talpa), j’aperçois la muse de la tragédie., j’aperçois la muse de la tragédie.
Scène iii
Bacchus, Melpomène
bacchus
Eh bien, grave Melpomène, vous venez donc en cothurne à une partie bouffonne ? Mais,
Air : Lon lan la deriri
huit, Comment gouvernez-vous Linus
Ce digne fils du blond Phébus
D’une humeur si doucette ?
Je crois que cet amant chéri
Doit être un bon mari !
melpomène
Aussi l’est-il.
bacchus
Et bien lui en prend, car je ne vous trouve pas aisée à vivre ! Le pauvre Linus saurait bien qu’en dire.
Air : Le joli jeu d’amour
Vous lui fîtes une avanie
Sur le chapitre d’Uranie.
melpomène
huit, Oh ! Je le croyais
bacchus, riant
treize, Toure loure, loure loure, loure loure loure
melpomène
Oh ! Je le croyais dans ce jour
Fripon au jeu d’amour.
bacchus
Vous êtes un peu trop prompte à soupçonner les bonne gens.
melpomène
Comment ? Je verrais de loin mon amant aux genoux d’une belle et ne soufflerais pas !
bacchus
Mais ! Ce que vous preniez pour un rendez-vous n’était qu’une consultation. Linus interrogeait Uranie sur votre mariage !
melpomène
Air : La bonne aventure, ô gué
Il prenait là trop de soin !
bacchus
Je le conjecture.
melpomène
Aimé de moi, quel besoin
Qu’on lui dise dans un coin
Sa bonne aventure ô gué,
Sa bonne aventure ?
bacchus
Au fond, vous n’avez pas absolument tort.
Air : Tu croyais, en aimant Colette
Linus parlait d’astrologie ;
Mais qui diantre devinerait
Que seul avec fille jolie
huit, Des astres l’on s’entretiendrait
melpomène
Oublions cela... Je sens que ce discours rallumerait ma colère. Mais plus de querelle ! Je vais rejoindre mon tendre Linus qui s’est écarté un moment dans ce bois pour me composer une élégie.
bacchus
Une élégie !
Air : Aïe, aïe, aïe, Jeannette
Par vous en fut-il prié ?
Son refus devrait vous plaire !
Lorsqu’un nouveau marié
S’amuse à rimer ma chère
Aïe, aïe, aïe,
Il pourrait mieux faire,
cinq, Ma chère aïe, aïe, aïe
Scène iv
Bacchus seul
bacchus
Air : Je ne m’y connais guère
Je ne m’y connais guère
En mari fait à l’ordinaire.
Pour les poètes, je sais bien
Qu’en ménage ils ne valent rien.
Scène v
Bacchus, Apollon, Hébé
bacchus
À propos de poètes, voici leur beau directeur, d’où vient que la jeune Hébé l’accompagne ?
apollon
Elle m’a prié de la conduire dans ce bois. Il est question de turlupiner un vieux galant, ceci est de sa compétence...
hébé
Air : Du haut en bas
C’est mon métier
Que de me divertir sans cesse ;
C’est mon métier
De ne point faire de quartier.
Laissons radoter la vieillesse
Rire sied bien à la jeunesse ;
C’est mon métier.
bacchus
Passe pour vous, folâtre Hébé, mais Apollon ne devrait pas, lui, être si enclin à dauber sur les amants malheureux. Ne se souvient-il déjà plus de Daphné et Coronis ?
Air : Ton hymen est Cateraine
Jamais il n’a fait fortune
Dans l’empire de Vénus.
apollon
Point d’apostrophe importune !
Doucement, seigneur Bacchus !
hébé, à Bacchus
Vous n’avez pas le vin tendre.
bacchus
De quoi se plaint Apollon,
Oserait-il se prétendre
Aussi galant que Pluton ?
apollon
Non, assurément, je ne prétends pas cela. Je conviens que tout cède aujourd’hui à Pluton en fait de galanterie.
Air : On n’aime point dans [nos] forêts
En aimant Diane il surprend,
Sur les sentiments il raffine.
hébé
Oh ! Qu’il était bien différent
Quand il enleva Proserpine !
C’était un amant très mal né,
Il s’est depuis façonné.
Venez, blond Phébus, il me tarde de voir Pluton faire l’amour en berger ; cela doit être drôle.
Scène vi
Bacchus, Vénus
bacchus
La petite a raison, il est temps que j’aille me cacher dans les bois, ainsi que font tous les dieux qui s’y rendent... Mais quelle est cette venue ? Eh ! C’est Vénus en grand deuil ! Ceci mérite attention.
À Vénus.
Bonjour, aimable souveraine de Paphos... Êtes-vous en noir par affliction ou par coquetterie ?
vénus
Hélas !
bacchus
Air : Joconde
Pour qui ces crêpes sont-ils mis ?
Çà, parlez, soyez franche !
Voulez-vous pleurer Adonis
Ou paraître plus blanche ?
À présent tout est en replis
Tout est indéchiffrable
Du deuil, des cœurs, des habits,
L’équivoque est semblable.
vénus
Air : Monsieur de La Palisse est mort
Bacchus ! Ne badinez pas
Sur ma perte trop cruelle.
Adonis est mort hélas !
Et moi je suis immortelle.
bacchus
Eh ! Tant mieux, vous aurez le temps de vous retourner !
vénus
Perfide Mars, quelle indignité ! Avoir fait tuer par un vilain sanglier un des plus jolis hommes du monde.
bacchus
Air : Lon lan [la – derirette
Cette mort-là, certainement,
Ne peut être honorablement
Mise dans la gazette.
vénus
Eh ! l’on ne l’oubliera jamais
Et j’en ferai les frais.
Oui, je vais instituer des jeux funèbres en l’honneur d’Adonis, qui seront célébrés dans la Grèce, dans l’Égypte, dans la Syrie.
bacchus
En attendant ces anniversaires-là,
Air : Amis, sans regretter Paris
Mettez, pour augmenter encor,
Vos pompes douloureuses,
huit, Les Grâces en ras de Saint-Maur
Et l’Amour en pleureuses.
vénus
Ce qui me pique le plus, c’est que cette funeste mort est l’ouvrage de mon imprudence... Je savais que Mars venait pour me surprendre clandestinement avec son rival.
Air : Ces filles sont si sottes
Ah ! Je devais plus promptement
Envoyer chasser mon amant,
Le congédier brusquement.
Mais quand on nous cajole
Nous perdons bientôt le jugement.
Une femme est si folle,
Vraiment,
Une femme est si folle.
bacchus
Il le faut avouer, le retardement d’Adonis n’était pas trop sage et ses chasseurs n’étaient pas plus raisonnables que lui, de s’amuser à danser quand ils avaient un sanglier furieux à courir. Avaient-ils peur de n’être pas assez fatigués ?
Air : Sept sauts
Il faut qu’Adonis soit en délire,
Ce qu’il fait peut[-il] se concevoir ?
Mortel qu’un dieu veut occire,
Doit-il s’amuser à voir
Il saute.
Un saut, deux sauts, trois sauts, quatre sauts, cinq sauts, six sauts, [sept sauts] ?
vénus, riant
Halte-là, Bacchus, vous me feriez étouffer de rire.
Air : Je ne suis né ni roi, ni prince
Votre danse est par trop comique.
bacchus
Elle triomphe du tragique
Que vous veniez représenter.
Vénus qui pleure et qui soupire
Dès que l’on parle de sauter
Ne saurait s’empêcher de rire.
vénus
C’est une inattention qui est échappée à mon désespoir.
bacchus
Les veuves sont fort sujettes à ces inattentions-là ; mais où vous conduit à présent votre désespoir inattentif ?
vénus
Je viens sur le mont Latmos, chercher à me dissiper un peu, il faut bien suivre le torrent.
bacchus
Air : On n’entend plus le bruit des armes
Le torrent à tout nous engage
Malgré tout le poids des raisons
Le torrent aussi sous l’ombrage
Conduira Mars et j’en réponds,
Vous ferez un rapatriage\definition Rapatriage Réconciliation \acad 1762
En dépit de tous vos crépons.
Scène vii
Bacchus, Mars
bacchus, seul
Je sais que Mars est admirable pour consoler les belles affligées... Eh ! Le voilà ! D’abord, le torrent opère.
mars
Air : Carillon
Pour le coup Adonis n’est plus ;
J’ai puni l’ingrate Vénus.
bacchus, ironiquement
Rien n’est égal à sa tristesse.
mars
Pour calmer celle qui me presse,
Din dan don, [din – din dan don,
Je viens carillonner Pluton.
bacchus
L’amusement est digne du dieu de la guerre.
Même air
Mais Mars, qu’est-ce donc que ceci ?
Sans fanfare, arriver ici ?
Quoi ! [Vous] ne menez vos trompettes
Que dans les affaires secrètes ?
Là, quand il faut furtivement
Trouver Vénus et son amant ?
Répondez Répondez \emph ad rem
mars
Din dan don, [din – din dan don,
Je vais carillonner Pluton.
Scène viii
Bacchus, Pluton
bacchus
Mars se tire d’affaire en petit-maître. Sans doute le monarque des enfers n’est pas encore ici... Allons prendre notre poste avant qu’il arrive... Morbleu, le voici, il m’a aperçu, je ne peux me dispenser de le saluer.
À Pluton.
Air : Lon la
Pluton sans bruit infernal !
Que vous vous annoncez mal !
Quoi, tranquillement...
pluton
Par un tremblement
La terre ne chancelle
Que quand sur mon char poliment
Je reconduis ma belle,
Lon la
Je reconduis ma belle.
bacchus
Que vous quittez docilement dès qu’elle vous congédie.
Air : Julien l’hospitalier
Vous faites gémir les campagnes,
Vous faites mugir les montagnes,
Et puis, aussi doux qu’un mouton,
Vous endurez tout sans vergogne.
On dira, ma foi, que Pluton
Fait plus de bruit que de besogne.
Adieu, beau ténébreux, je ne veux pas vous gêner.
À part.
Allons informer les dieux de l’arrivée de Pluton, ils comptaient d’en être avertis par un tremblement de terre ; ce petit signal leur a manqué, c’est à moi d’y suppléer.
Scène ix
Pluton seul
pluton
Enfin le mont Latmos est paisible, je ne rencontre plus de bergers téméraires qui osent y chanter des airs nouveaux pendant que Diane s’y promène.
Air : Ô gué lon la bergère
Ils me cèdent la place,
Et sans souffler,
D’abord qu’ils ont l’audace d’y flageoler.
Diane se plaît fort vraiment
À les voir jouer de leur instrument !
Oh ma foi ! Je les chasse
Bien promptement.
Elle vient, cette déesse de mauvais exemple qui s’avise d’être prude quand la mode en est passée dès le déluge !
Scène x
Pluton, Diane boudant
diane
Ne puis-je être seule un moment ?
pluton
Vous m’avez cette obligation-là, j’ai écanillé tous ces bergers chantants qui vous étourdissaient.
diane
Air : De quoi vous plaignez-vous
De quoi vous mêlez-vous
D’épouvanter leurs musettes ?
pluton
D’amour ils parlaient tous.
diane
De quoi vous mêlez-vous
De venir dans ces retraites
Nous y donner pour régal
Au lieu de leurs brunettes
Un concert infernal ?
pluton
Air : Zon, zon, zon, Lisette
Si Diane souffrait
L’amour sous ces ombrages
Mon cœur me conduirait
Toujours dans ce bocage ;
Riant.
Et zon, zon, zon
Sérieux.
Mais Diane est trop sage
Et zon, zon, zon
C’est un petit Caton.
diane
Que vous sert de m’aimer ?
pluton
La belle demande !
diane
Air : Ô reguingué
Oui, car je n’aimerai jamais.
pluton
Comment esquiver vos attraits ?
Où ne lancent-ils pas leurs traits ?
Au ciel, en terre redoutables
Dans l’enfer même ils font les diables.
diane
Air : Des fraises
Quoi, dans l’éternelle nuit,
Vous l’affirmez sans honte,
Quoi, dans l’éternelle nuit
Le flambeau de l’amour luit ?
Quel conte, quel conte, quel conte !
Air : Non, je ne ferai pas [ce qu’on veut que je fasse]
Non, Pluton n’est pas fait pour semer la fleurette.
pluton
Oh ! Je sais quand il faut dire la chansonnette !
diane
Non, Pluton n’est pas fait pour se laisser charmer.
pluton
Pluton vous voit souvent, peut-il ne pas aimer ?
diane, ironiquement
Comment donc ? Je ne vous reconnais plus.
Air : Branle de Metz
Ce style galant et rare
Est-il du dieu des enfers ?
Vous ferez bientôt des vers
Sous les cyprès du Ténare.
pluton
Vous conviendrez que Pluton
N’a rien du tout de barbare
diane
Je conviendrai que Pluton
Ne fut jamais si mignon.
Oh çà ! J’ai affaire au ciel et vous en enfer ! Ce n’est pas tout à fait le même chemin, quittons-nous sans cérémonie.
pluton
Oh ! Je ne vous laisserai pas là toute seule !
diane
Vous avez une fureur de politesse qui assomme ! On ne saurait sortir de chez vous que vous ne fassiez atteler votre char et que vous ne vous campiez vous-même dedans pour ramener
Bas.
des gens qui ne vous tiennent pas grand compte de vos honnêtetés.
pluton
Air : Toure loure
En soupirant, quel déboire j’essuie !
Mon rang, ici, de rien ne me tient lieu.
Je vois fort bien que Pluton vous ennuie.
diane
Oui, comme amant
Mais
Je respecte le dieu.
À part.
Toure lon ton ton tontaine la tontaine,
Toure lon ton ton tontaine la tonton.
Air : J’en jurerais presque sur sa laideur
C’est à ce mot que Pluton se retire,
Par son amour il n’est pas retenu.
Partez, mon cher, de vous on pourra dire :
dix, Jean s’en alla comme il était venu
pluton, à part
Je n’ai garde de faire une... pareille sortie... Demeurons plutôt pour examiner la conduite de Diane, son empressement à me chasser doit m’être suspect.
Air : J’ai fait à ma maîtresse
Cachons-nous pour apprendre
Ce qu’elle deviendra.
Il sort.
diane, seule
Le sot va redescendre
Sur son char sonica\definition Sonica À point nommé, justement, précisément \furetiere.
Riant.
Ah ! Pour faire une scène
Toujours le pied en l’air,
Ce n’était pas la peine
De sortir de l’enfer.
Mais Endymion se montre à mes yeux ! Qu’il paraît inquiet ! Il n’ose m’aborder, il est un peu honteux, il a besoin qu’on le mette en train.
Scène xi
Diane, Endymion
diane
Air : Mariez, mariez, mariez-moi
Vous êtes par trop discret.
À part.
Je vous désire moins sage.
Haut.
Car Diane vous permet
L’accès de ce vert bocage.
Rassurez, rassurez, rassurez-vous,
Là, berger, prenez courage.
Approchez, échauffez, dégelez-vous,
Vous filez un peu trop doux.
À propos de doux, apprenez, Endymion, que j’ai cent fois entendu vos concerts... les plus doux... mais...
Air : Tarare pompon
Vos chants n’expliquent point quel est votre esclavage
À qui destinez-vous ce cadeau musical ?
endymion
Ah, déesse, laissez-moi mon secret !
Air : Tique tique taque lon lan la
N’allez pas me l’arracher.
On ne saurait trop cacher
Un amour trop téméraire.
Lazzi de bâtonnement.
Tique tique taque et lon lan la,
L’amant ne peut trop se taire
Quand il en est logé là.
diane
Ne craignez rien.
Air : Pierre Bagnolet
Quel est ce feu qui vous anime ?
Il ne paraît pas fort pressant.
Parlez.
endymion
Vous m’ordonnez un crime.
diane, à part, haussant les épaules
Il veut toujours être innocent !
Quel innocent !
Pauvre innocent !
Haut.
Parlez...
endymion
Vous m’ordonnez un crime.
diane
La peste crève l’innocent.
endymion
Air : Le bonhomme Diogène
Si vous saviez déesse
L’objet de ma tendresse,
Loin de me tourmenter
Pour déclarer qui j’aime
Vous verriez qu’un dieu même
N’oserait s’y frotter.
diane
Air : Camp de Porché-Fontaine
En amour tout rang est égal,
Il s’agit seulement de plaire ;
Ce qu’on refuse au général
Souvent s’accorde au mousquetaire.
L’amour est un mutin d’enfant
Pata pan pata pan pata pan pan pan
Qui mène tout tambour battant.
endymion
Air : Un boulanger de Gonèsse
Ainsi donc la tendre flamme
Du maître des enfers
Ne touche point votre âme ?
Il porte en vain vos fers ?
C’n’est pas pour lui
Que le four chauffe ?
C’n’est pas pour lui
Qu’on cuit chez vous ?
diane
C’est la pure vérité !
endymion
Oh ! Je devine l’enclouure !
diane
Quel devin ! Qu’il est bouché.
endymion
Confessez la dette ! Vous donnez dans le subalterne, vous oubliez la grandeur.
Air : Du haut en bas
Du haut en bas,
Votre cœur se plaît à descendre.
Du haut en bas,
Vos yeux ont trouvé des appas.
Quelque heureux mortel vous rend tendre,
Et pour lui vous daignez vous rendre
Du haut en bas.
diane
Enfin, vous y êtes. Oui, c’est un mortel qui me charme.
Air : La serrure
Au dieu du ténébreux empire
Je le préfère.
endymion, à part
Aveu maudit !
Comment nommez-vous ce fortuné-là ?
Eh bien ?
diane
Faut-il vous le redire ?
endymion
Vous ne l’avez pas encor dit.
Air : Lampons
Parlez donc plus clairement...bis
diane
Je n’ai jamais vu d’amant...bis
De conception plus dure.
Eh bien ! Le feu que j’endure
C’est vous, vous, vous,
Vous qui l’allumez chez nous.
Cela est-il clair ?
endymion
Vous commencez à être intelligible.
Air : I’ n’ faut pas tout dire
Eh quoi ? J’obtiens tant d’appas
Pour qui je soupire !
Eh quoi ? J’obtiens tant d’appas
Oh ! Je n’en parlerais pas,
I’ n’ faut pas tout dire.
diane
Il faut tout vous dire à vous !
Il faut tout vous dire !
definitacteur, \char091endymion\char093 edymioncrochets
edymioncrochets
N’approchez pas de ce bocage, plaisirs indiscrets et causeurs ! Restez à Paris, et vous qui savez parfaitement bien vous taire, venez bergers, accourez troupe prudente.
Air : Flon, flon
Soyez ma confidente
Et célébrez mon choix.
Ici, Diane chante
Pour la première fois.
definitacteur, \char091diane\char093 dianecrochets
dianecrochets
Air : Tout comme il vous plaira
Tout comme il vous plaira,
Larira,
Tout comme il vous plaira.
endymion, inquiet
Ouais, les bergers ne viennent pas.
diane
Nous nous en passerons bien.
Air : Fi donc, Julien
Il me suffit de mon berger.
endymion
Et moi de ma déesse.
Nous pouvons ici sans danger
Nous parler de tendresse.
Allons, cher cœur,
Plus de rigueur,
Que l’amour la suspende !
diane
Endymion !
Songez-y donc !
Est-ce que cela se demande ?
Serez-vous toujours aussi neuf ?
Scène xii
Diane, Endymion, Tous les dieux
chœurcache
Endymion !
Songez-y donc !
Est-ce que cela se demande ?
endymion
Air : Charivari
Oh ! J’en deviendrai malade !
Maudit Pluton !
Est-ce encore là quelque aubade
De ta façon ?
Entendrons-nous encore ici
Charivari ?
diane
Vous n’avez que trop bien deviné. J’aperçois dans le bois votre rival qui fulmine et tous les dieux qui se moquent de lui... Hélas, je vais avoir mon tour.
chœurdesdieux, [qui arrivent en formant un branle, avec Pluton qu’ils entraînent malgré lui, ils environnent Diane et Endymion en chantant
Endymion !
Songez-y donc !
Est-ce que cela se demande ?
Pluton se débarrasse des dieux qui l’arrêtaient. Diane et Endymion entourés tâchent de s’échapper.
pluton, à Diane
Je vous prends donc sur le fait, madame la sévère.
Air : Tu croyais en aimant Colette
Vous faisiez la prude, déesse ?
Vous faisiez la Lucrèce, enfin ?
hébé
N’est-elle pas une Lucrèce ?
On la trouve avec un Tarquin !
chœurdesdieux, riant
N’est-elle pas une Lucrèce ?
On la trouve avec un Tarquin !
bacchus, retournant Endymion qui s’était toujours caché avec son chapeau.
Sachons du moins quel dieu est le galant de notre chère sœur... Quelle chute ! Ce n’est qu’un simple berger !
endymion, tremblant
Fort à votre service...
apollon
L’effronté ! Avoir perverti ma chaste jumelle ! Ceci mérite un châtiment exemplaire !
endymion
Air : Des fraises
Ah ! Messieurs les dieux, pardon !
apollon
Non, non, point de clémence.
endymion
Épargnez Endymion !
pluton
Il faut punir ce fripon !
Vengeance, vengeance, vengeance !
chœurdesdieux
Vengeance, vengeance, vengeance !
bacchus
Oh çà ! Pluton, vous êtes juge et partie dans cette affaire-ci, voyons un peu ce que vous ferez de votre criminel !
pluton
Moi ? Je ne prétends rien innover. Je me copierai sur l’arrêt rendu par mon frère Jupiter en cas pareil. Vous devez vous souvenir tous que ce même Endymion a et jadis l’audace de s’attaquer à la reine des cieux et que son époux condamna le téméraire à un sommeil de plusieurs années, je lui impose encore ce supplice.
endymion
Miséricorde !
diane
Quelle barbarie !
vénus
En vérité, Pluton, vous êtes trop cruel !
pluton
En vérité, Vénus, vous ne l’êtes pas assez !
vénus, à Diane
Air : Va-t’en voir s’il viennent, Jean
Chère Diane aujourd’hui
Vous faites des vôtres !
Vénus prend votre parti !
pluton
Quoi, contre nous autres ?
vénus
Puisqu’elle est des nôtres,
Oui,
Puisqu’elle est des nôtres.
pluton
Vous allez voir le cas que je fais de votre protection. Holà, suivants de Morphée !
Il arrive deux songes.
Emparez-vous de ce galant et endormez-le très profondément pour deux ou trois siècles, car il n’est que trop éveillé.
hébé, à Endymion qui baille
J’endors le petit,
Mon fils,
J’endors le petit.
diane, tiraillant Endymion
Air : Bonsoir la compagnie
Remuez-vous, Endymion ?
Là...
endymion, baillant
C’en est fait ma mie !
diane
Juste ciel !
endymion, s’endormant
Bonsoir, bouchon !
Bonsoir la compagnie !
Bonsoir,
Pour deux ou trois cent ans !
Bonsoir la compagnie !
bacchus
Voilà ce qui s’appelle agir vertement.
Air : Je ferai mon devoir
Les plaisants seront bien camus,
Ils ne chanteront plusbis
Que Pluton sortant de l’enfer
Ne vient que prendre l’air.bis
diane, désespérée tenant Endymion
Le voilà dans un engourdissement épouvantable.
Air : Adieu paniers, [vendanges sont faites]
Que ferai-je dans ces retraites,
Sans mon berger, sans mes amours ?
Hélas ! Il dormira toujours.
Adieu paniers, vendanges sont faites.
Les suivants de Morphée emportent Endymion endormi, Diane désespérée le suit, et tous les dieux lui font cortège en chantant.
chœurdesdieux
Adieu paniers, vendanges sont faites.
Fin