Louis Fuzelier
Les Amants transis
Parodie d’Endymion
On ignore s’il a été représenté.
1731
BnF ms. fr. 9333
definitacteur, l’heure lheure
definitacteur, l’Amour lamour
Acteurs
pan
licoris
un satyre
diane
ismène
endymion
eurillas
bergers
bucherons
l’heure
deux amours
Le théâtre représente une forêt du mont Latmos.
Les Amants transis
Le théâtre représente une forêt du mont Latmos.
Scène i
pan, licoris, un satyre
Pan rêve, nonchalamment appuyé sur sa massue.
licoris
Croyez-moi, seigneur Pan, croyez-moi !
Air : Tourelontonton
Cessez, cessez d’être amant d’une ingrate.
le satyre
Cessez vous-même, Mademoiselle Licoris, de vous ingérer de donner des conseils au dieu des bois et cela à ma barbe.
licoris
Mais...
le satyre
Mais c’est moi qui suis son confident exclusif.
licoris
Peut-on vous demander...
le satyre
Peut-on vous demander à vous-même ce que vous faites ici en tiers avec nous deux ?
Air : [Je ne suis pas si diable] que je suis noir
Vous, nymphe de Diane,
Qui devez éviter
Tout entretien profane
Pourquoi nous écouter ?
Sans des raisons très claires
Sied-il bien de vous voir
Seule entre deux compères
D’un poil si noir ?
licoris
Oh ! Depuis que Pan est amoureux de Diane, les satyres ne sont plus si entreprenants.
Air : Vous parlez françois
On s’est poli dans vos retraites ;
Les faunes chantent des brunettes
Comme des gaulois.
le satyre, la contrefaisant
Comme des gaulois.
Vous êtes dans l’erreur, ma fille :
Vous verrez ici plus d’un drille
Qui parle françois.
licoris
Je veux bien courir les risques, mais ne m’interrompez plus.
À Pan.
Air : Tourelontonton
Quittez, quittez vos façons doucereuses.
le satyre, à Pan
Ne perdez pas de précieux soupirs
Ne perdez pas de phrases précieuses.
pan
Que voulez-vous, mes enfants, j’aime Diane, il faut bien que je me conforme à son style !
Licoris et [le] satyre, ensemble
Choisissez mieux l’objet de vos désirs.
pan, minaudant
Ton relon ton ton
Tontaine la tontaine,
Toure lon ton ton
Le conseil est fort bon !
Quelle maîtresse peut mieux convenir au dieu des bois que la déesse de la chasse... Ha ! ha ! ha !
Vous êtes des imbéciles... Quant à l’indifférence de la belle, cela ne me fait pas peur...
Faisant l’agréable.
Air : Les filles de Nanterre
Près d’un amant fidèle
Qui sait son pain manger
Est-il une cruelle
Qui ne soit en danger ?
le satyre, à pan
Pourquoi sortons-nous d’ici ?
pan
Pourquoi y sommes-nous entrés ?
le satyre
Ma foi, je n’en sais rien.
licoris
Ni moi non plus.
pan
Eh bien ! Le diable emporte donc qui le sait, car je ne suis pas plus savant que vous autres !
Scène ii
diane, licoris
licoris
Oh ! Pour cela, vous êtes née coiffée. Votre malotru d’amant, avec son satyre, ne font que sortir d’ici.
diane
Air : Comme v’là qu’est fait
Fi donc ! Quoi, vous restez seulette
Avec tels effrontés ? ... Vraiment,
La démarche est fort guillerette !
licoris
Je voulais examiner Pan.
diane
Vous devez avoir à votre aise
Considéré ce bel objet.
De telle peau ne vous déplaise ?
Votre gout est-il satisfait ?
licoris
Comme v’là qu’est fait !
Cela veut pourtant être aimé de vous.
diane
Air : Laissez faire au temps
Laissons une audace si vaine
Au plus mal bâti des amants.
Mais que me veut la jeune Ismène ?
Accordons lui quelques moments,
Car ma chère,
Lère lan lère,
J’en ai tout le temps.
Scène iii
diane, licoris, ismène
ismène, aux genoux de Diane
Air : Zon, zon, zon, Lisette la [Lisette]
Déesse, à vos genoux,
Qu’avec respect j’embrasse,
Je voudrais bien de vous
Obtenir une grâce ;
Dans votre cour
Daignez me donner place.
diane
Mais, dans ma cour,
On ne fait point l’amour.
ismène
Oh ! Je le sais bien et c’est à cause de cela que j’y veux entrer.
diane
Je suis à présent au fait de votre vocation pour
la retraite. Je gagerais bien que votre Endymion vous néglige.
ismène
Plus que jamais... Oui, plus que jamais. Tenez, je n’y puis plus tenir.
Air : Tout-ci, tout-ça
Avec ce petit mari là,
Tout-ci, tout-ça,
J’espérais tâter du ménage...
Mais je n’y compte plus, aga,
Tout-ci, tout-ça
Dès qu’on parle du mariage
D’abord, Endymion s’en va,
Tout-ci, tout-ça.
On raille mon papa.
diane
Écoutez, mon cher enfant, vous me demandez retraite ? Je vous l’accorde, et même avec plus de plaisir que vous ne pouvez vous l’imaginer... Cependant, vous ne me paraissez pas trop bien guérie d’Endymion.
Air : Ne m’entendez-vous pas
Touché de vos appas
S’il revenait, Ismène,
Vous...
ismène
L’espérance est vaine !
Je le connais, hélas !
Il ne reviendra pas.
licoris
Air : Tu croyais, en aimant Colette
Vous aimez, vous aimez encore !
ismène
Nenni, mes liens sont rompus.
À Diane.
Mais si j’aime encore, j’implore
Votre secours pour n’aimer plus.
diane
Même air
Vous vous adressez bien, ma chère,
Pour obtenir ce secret-la.
Bas.
Pour moi, si je savais le faire,
Je l’aurais employé, déjà.
Haut.
Après votre dernière réponse, qui me prouve démonstrativement
que vous n’avez aucun goût pour nos exercices, je devrais du moins vous éprouver quelque temps. Mais je veux en user avec vous comme font de bonnes mères avec leurs filles ; je ne chicanerai point l’envie que vous avez de vous retirer du monde. À Licoris. Vous, Licoris, allez promptement l’installer parmi vos compagnes. \did Bas, à quartier. Ne lui laissez pas un instant de réflexion ; écartez loin d’elle tout ce qui serait capable de la détourner de son dessein, surtout, n’en laissez pas approcher
Air : Je ne suis né ni roi, ni prince
Ces bergers qui, plaignant la belle,
Pourraient trop s’attendrir pour elle
Et l’ébranler par leurs regrets.
J’aurais la cervelle troublée
Si, pensant comme je le fais,
Je permettais cette assemblée.
Haut, à Ismène.
Suivez Licoris.
Scène iv
diane seule
diane
Pauvre Ismène ! Où t’es-tu fourrée ?
Air : Dirai-je mon confiteor
Tu fuis Endymion, hélas !
Que ton choisis mal ton asile !
Pourquoi donc ? ... Je ne le vois pas.
Si... tu veux te rendre tranquille
Et mon cœur ne l’est pas... eh bien,
Cela conclut-il pour le tien ?
Il faut avouer que quand on a l’amour dans la tête... on raisonne bien pitoyablement !
Scène v
diane, licoris
licoris
C’en est fait, Ismène est engagée. J’ai trouvé heureusement toutes nos nymphes dans un vallon à deux pas d’ici, qui, assises sur l’herbe fraiche, chantaient en baillant
Air : Gardons nos moutons, Lirette
Je veux garder ma liberté
Et mon humeur follette.
Je les ai interrompues, je leur ai signifié votre ordre au sujet de la récipiendaire à qui j’ai mis carquois sur le dos et l’arc à la main.
diane
Je suis très satisfaite de ta diligence.
licoris
Vous venez d’avoir là une bonne scène ! Car, enfin,
Air : Aïe, aïe, Jeannette
C’est un grand régal de voir
Sa rivale qui soupire
Et qui, dans son désespoir,
Vient à vous-même vous dire
Aïe ! aïe ! aïe ! j’expire,
J’expire... Aïe ! aïe ! aïe !
diane, minaudant
Oui, mais en l’écoutant j’étais bien honteuse... car je ne suis plus l’insensible Diane, je te l’ai dit
Air : Non, je ne ferai plus [ce qu’on veut que je fasse]
Tout le monde, il est vrai, me croit encore la même,
Ainsi, ma chère, c’est me reprocher que j’aime
Quand on me vient vanter mon cœur indifférent
On se moque de moi.
licoris, bas
Le crime n’est pas grand.
Je ne vous ai pas encore dit mon petit sentiment sur tout ceci
Air : Et et et et
Çà daignez un peu déesse
Voir quel choix vous avez fait !
Et et et et et et et et !
diane
Je rougis de ma tendresse
Et non pas de son objet.
licoris
Et et et et et et et et !
Votre style est d’une espèce
Qui me chiffonne sans cesse
Vous donnez trop dans l’abstrait.
diane
Cela fait délicatesse !
licoris
Cela fait colifichet !
Air : Orléans Beaugency
À quoi bon
Ce jargon ?
Pourquoi n’avoir pas le ton
Des autres,
Des autres ?
diane
Ne voudrais-tu pas que je m’expliquasse tout uniment comme une petite bourgeoise ?
licoris
J’ai tort.
Air : La ceinture
Condamner vos mots précieux
C’est être un peu trop difficile
L’unique vestale des cieux
Doit se distinguer par son style.
diane
Je suis charmée de te voir devenir raisonnable... Mais allons un peu visiter Ismène ; je suis curieuse de savoir comment elle s’accommode de son noviciat.
Scène vi
endymion, eurillas
eurillas, lui montrant Diane qui se retire
Air : À l’ombre d’un ormeau Lisette
Tenez, voilà votre maîtresse
Qui s’en va !
endymion
Taisez-vous, benêt.
eurillas
Allez apprendre à la déesse
Que pour elle on se met en frais ;
J’ai mis pour son cadeau
Cocarde à mon chapeau.
endymion
Je te suis obligé de la belle dépense que tu as bien voulu faire pour la fête que je prépare à Diane, mais sache qu’il faut s’y conduire avec prudence...
eurillas
Prudence ?
endymion
Vois-tu ? Je conduis mon intrigue avec un mystère qui n’appartient qu’à moi... Mon amour se cache sous un voile de dévotion.
eurillas
De dévotion ?
endymion
Air : Mon mari est à la taverne
Oui, mon cœur pour cacher qu’il aime
Feint qu’il adore seulement,
Cette feinte est un stratagème
Des plus nouveaux, assurément.
Il est de mon crû.
eurillas
C’est tout dire,
Ta la lerita la lerita la lerire.
Mais...
Air : Tu n’as pas le pouvoir
Pourquoi lui cacher vos désirs
Vos soins et vos soupirs ? bis
Moi je serais d’un autre goût
Je lui montrerais tout. bis
endymion
Tu n’y es pas.
Air : On n’aime point dans nos forêts
Écoute ! Quand je veux calmer
L’excès de mes peines cruelles,
Vois-tu ? Je m’applaudis d’aimer
La plus fière des immortelles.
eurillas
Moi je ne vois point, mon enfant,
Là de quoi vous applaudir tant !
Scène vii
endymion, eurillas, bergers chantants
endymion
On vient, commençons notre petite fête capone ; allons, bergers, secondez moi !
Air : Il rentre dans son élément
Diane est rare, quoique brune,
Célébrons ses emplois divers.
Tantôt au ciel elle est la lune,
Puis Hécate dans les enfers,
De là dans les bois chasseresse,
Que de métiers fait la déesse !
Elle en fait tant et tant tant tant
Et les fait tous en maîtresse
Chacun d’eux est son élément.
chœur
Elle en fait tant et tant tant tant,
endymion
Et les fait tous en maîtresse,
chœur
Chacun d’eux est son élément.
endymion
Cessons de louer la déesse sur la multiplicité de ses professions.
eurillas
Ce n’est pas là le plus bel endroit de Diane.
endymion
Le voici... C’est son indifférence, ô Diane ! Rien n’égale vos triomphes !
Air : Pourquoi donc, comment cela
Sur le puissant amour
Vous avez le dessus !
Vous bravez chaque jour
Le beau fils de Vénus !
chœur
Ho ! Ho ! Ha ! Ha !
Rien n’est si beau que ce coup là !
Scène viii
endymion, eurillas, bergers, diane qui est descendue du ciel pendant le chœur
diane
Air : Non, non, je n’en veux pas davantage
Vous pouvez me rendre hommage
Sans dénigrer les amours !
Changez, bergers, de langage
Point de superflus discours.
Car, sans lui faire d’outrage,
Il suffit de fuir Cupidon
Et non, non, non, non,
Je n’en veux pas davantage.
Allez.
eurillas, riant
En voici d’une bonne.
Scène ix
diane, licoris
licoris
Quelle équipée la chaste Diane vient de faire là !
diane
Que veux-tu ? En outrageant l’amour le parjure
Endymion croyait se faire de fête auprès de moi.
Air : Qu’en dira-t’on
Ma chère ! Excuse ma faiblesse,
Son erreur blessait ma tendresse,
Et je n’ai pu la supporter.
licoris
Sans jaboter, sans jaboter.
diane
Oh ! Dans mon discours j’ai pris peine
Et je l’ai tourné de façon
À tromper le qu’en dira-t’on.
licoris, riant
Tonton tonton tontaine
Qu’en dira-t’on ?
Ton ton ton.
Comment donner de bonnes couleurs à toutes vos allées et venues ? Vous n’étiez il n’y a qu’un moment sur la terre...
diane
Je suis remontée aux cieux, c’était pour en descendre à la vue de ces bergers et par là donner plus de lustre à la courte harangue que
je leur ai faite.
licoris
Ho ! ho ! Je vois que quoiqu’on en dise, vous ne faites rien à l’étourdie.
diane
J’entends le dieu des bois, retirons-nous.
Scène x
pan, endymion, le satyre
pan
O çà, mes bons amis, est-il vrai que Diane s’est tantôt expliquée en faveur de l’enfant de Vénus et que la déesse, convertie, ne veut pas
Air : C’est la pure vérité
Qu’en parlant de Cupidon,
De son arc, de son brandon,
Vous usiez de médisance ?
Qu’elle a fait cette défense
D’un air de sévérité
Qui marquait ce qu’elle en pense ?
Endymion et le satyre, ensemble
C’est la pure vérité.
pan
Air : J’en jurerais presque sur sa laideur
Ah ! J’obtiendrai le prix de ma constance !
Ce changement ne regarde que moi.
le satyre
Ne comptez pas si fort sur l’apparence
Pan moins qu’un autre y doit ajouter foi.
pan
Je vous entends, Monsieur le caustique, mais rengainez vos plaisanteries.
Air : L’amour me fait mourir
Rien n’est plus véritable
Qu’avec bien de l’amour
On est toujours aimable,
Fût-on noir comme un four ;
Eût-on un nez de furet,
Des jambes de cotret.
le satyre
Bien des belles riront de cette maxime-la, elle ne passerait pas même sur un écran.
pan
Air : Tarare ponpon
Je veux, je veux marquer ma joie à la déesse ;
Que pour la mieux fêter mes gens s’assemblent tous !
le satyre
Air : Titata
Quoi votre amour, déjà,
Titata,
Sans réfléchir s’apprête
À faire étourdiment,
Patapan,
Éclater sa conquête !
endymion
Air : Tout cela m’est indifférent
L’amant d’une fière beauté
Doit ménager sa vanité.
S’il fait des progrès il doit feindre
De ne pas s’en apercevoir ;
Il faut qu’il ait l’art de se plaindre
Au milieu du plus doux espoir.
pan, brutalement
Même air
Voilà, ma foi, du superfin...
Mais je reprends mon rôle, enfin.
Pan n’est pas moulé pour l’air tendre
Quoi, quand tout flatte son espoir
Vous voulez que, content d’attendre,
Il se borne au venez-y-voir ?
le satyre
Optimé ?
Je reconnais mon maître à ce noble transport. Voila Pan. Le ton doux n’est pas de son ressort.
pan, au satyre
Air : Allons à la guinguette
Allons,
le satyre
Allons,
Allons droit à Diane, allons.
Scène xi
endymion, eurillas
endymion
Quel coup affreux ! Quel coup terrible !... C’en est fait, ôtons mon cœur à l’infidèle Diane.
eurillas
Air : Ce n’est point par effort qu’on aime
Quelle constance vous doit-elle ?
Portez-vous le même lien ?
endymion
Elle devait m’être fidèle,
Du moins en n’aimant jamais rien.
eurillas
Cette fidélité nouvelle
Ne vous aurait pas fait grand bien.
endymion
Vengeons nous...
eurillas
Tranquillisez vous.
endymion
Air : Mariez, [mariez, mariez]-moi
Tu m’as dit cent et cent fois
Que je deviendrais plus sage
Si d’Ismène faisant choix
Je me mettais en ménage
Marions, marions, marions-nous
Et ... que Diane enrage
Marions, marions, marions-nous
Ainsi le veut mon courroux.
eurillas
Air : Réveillez-vous, belle [endormie]
Ô dieux ! La vengeance est complète !
Pour signaler votre fureur
Vous épousez gente brunette,
Mais vraiment cela fait horreur !
endymion
Air : Lère la
Ce projet de vengeance là
N’est pillé d’aucun opéra.
Mais on vient, regardez moi faire.
eurillas, hochant la tête
Lère la, lère lan lère,
Lère la, voyons cela.
Scène xii
diane, endymion, eurillas
endymion
Déesse, oserais-je vous faire une petite prière ?
diane
Parlez, je suis très disposée à vous accorder bien des choses.
endymion
Daignez me rendre Ismène, si elle y consent.
diane
Air : Y avance
Quoi, vous qui rejetez ses soins...
endymion
Bon ! Lorsque l’on l’attend le moins
Bien souvent l’amour prend naissance
Et avance, et avance, et avance
Il est grand sans que l’on y pense.
De grâce, rendez-moi Ismène...
diane
Air : Joconde
Berger, ce que vous souhaitez
N’est pas une vétille.
Quand, soumise à nos volontés,
Nous tenons une fille
Qui veut la ravoir entreprend
Une épineuse affaire.
eurillas
Que dites-vous ? Cela se rend
Comme une tabatière.
diane
Laissez-moi, je verrai, je verrai.
Scène xiii
diane seule
diane
Air : Attendez-moi sous l’orme
Ciel, que je suis honteuse !
J’allais trahir mon feu...
Mais je suis trop heureuse
Qu’il n’entende si peu.
Ce beau projet qu’il forme !
Rendez-lui son tendron.
Attendez-moi sous l’orme,
Petit Endymion.
N’y pensons plus.
Déclamé.
Oui, rompons une indigne chaîne !
Je redeviens Diane et veux l’être toujours.
Je reprends ma première haine
Pour tous les cœurs esclaves de l’amour.
Mais
Air : Non, je ne ferai pas [ce qu’on veut que je fasse]
Je vois le dieu des bois, faut-il que je l’entende ?
Après ce que j’ai dit ma complaisance est grande.
Mais si, comme il convient, je partais brusquement.
À qui donnerait-il son divertissement ?
Scène xiv
diane, pan, bucherons
pan, à Diane
Air : Fiez-vous-y
Déesse, souffrez qu’en ce jour,
Je vous offre au lieu de ma cour,
Trop peu discrète,
Les bons ouvriers que voici.
Fiez-vous y.
Les bucherons sont plus modestes que les satyres et les faunes. De plus
Air : Changement pique l’appétit
Changement pique l’appétit.
La cognée après la houlette :
Après le berger qui muguette
Le gros bucheron divertit,
Changement pique l’appétit.
Danse des bucherons.
didascalie, À la fin du divertissement Diane dit à Pan d’un
ton ironiquement poli :
diane, à Pan
Air : Vous perdez vos pas Nicolas
Comme je suis honnête,
J’ai su, tranquillement,
Recevoir votre fête
Et voici mon compliment :
Vous perdez vos pas
Nicolas
Sont tous pas perdus pour vous.
Scène xv
pan, le satyre, bucherons
pan
Me voila bien payé d’avoir forcé mon naturel en me radoucissant si fort pour cette ingrate !... Elle me brave impunément... Pourquoi impunément ? Qui nous empêche de nous venger ? ... Oui, entrons en fureur... Que la superbe Diane ne s’attende plus à des politesses. Qu’elle ne s’attende plus à des fêtes !
Air : Sans dessus dessous
Bucherons, servez mon courroux,
Abattez, coupez, fendez tous
Les bois de la déesse fière,
Sans dessus dessous, sans devant derrière,
Mettez tout chez elle à grands coups
Sans devant derrière,
Sans dessus dessous.
chœur
Mettons tout chez elle à grands coups
Sans devant derrière,
Sans dessus dessous.
pan, plus furieux encore
Mettez tout chez elle à grands coups...
le satyre
Là, là, ne vous chauffez pas.
Air : Belle brune
Le tapage,
Le tapage,
Ne guérit jamais de rien,
Mais qui sait être volage
Est plus sage,
[Est plus sage.]
pan, froidement
J’approuve J’approuve \emph sonica ton avis. ton avis.
Air : C’est l’ouvrage d’un moment
Ma fureur semblait implacable
On craignait mon emportement.
Toi, par un conseil, simplement,
Tu fais une brebis d’un diable :
C’est l’ouvrage d’un moment.
Pan et le satyre, ensemble
Air : Oh, la grande puissance de l’orviétan
Oh ! La grande puissance
D’un conseil prudent !
pan
Retirons-nous sans bruit et sans scandale.
le satyre
Faisons place à Ismène qui sera peut-être aussi raisonnable que nous.
Scène xvi
ismène seule
ismène
Air : Folies d’Espagne
Sombres forêts qui charmez la déesse,
Hélas ! Hélas ! Vous charmez peu mes yeux !
Plaisirs nouveaux qui vous offrez sans cesse
Sans cesse aussi vous êtes ennuyeux !
Diane vient, déguisons mon ennui, gardons-nous bien de bailler devant elle.
Scène xvii
ismène, diane, licoris
diane
Air : Ouiche
Ismène, parlez-moi sans feinte,
Votre amant veut vous ravoir.
De douceur son âme est atteinte,
Je l’ai vu.
ismène
Je voudrais le voir.
Ha ! Ha ! Ha !
Ouiche ! Ouiche !
Pour m’éprouver, je sens cela,
Diane triche ;
Ouiche, ouiche,
Eh ! Oui da !
diane
Non, je vous parle très sérieusement, mais j’entends ce que votre défiance veut dire. Allez, je verrai Endymion et je ferai fort bien les choses.
Scène xviii
diane, licoris
licoris
Ainsi, vous permettez qu’Ismène épouse votre amant.
diane
Air : Je ne suis né ni roi, ni prince
Ah ! Que c’est une peine affreuse
De rendre une rivale heureuse.
licoris
Céder un amant dans tel cas,
C’est lorsqu’on a la faim canine
Céder en plein son poulet gras
Et se livrer à la famine.
Mais si cela n’est pas rassasiant, cela est en récompense bien glorieux.
diane, rêvant
Oui, je me vaincrai moi-même, je dois cela à me réputation.
Air : Pierre Bagnolet
Seule dans la troupe céleste
Je te bravais, maudit enfant !
Amour ! Vois mon état funeste !
Cruel amour ! Es-tu content ?
Es-tu content ?
Es-tu content ?
licoris
Il doit, ma foi, l’être, de reste
Son triomphe est fort éclatant !
Le petit drôle approche, prenez votre masque de prude.
Scène xix
diane, endymion
diane
Air : Soit fait ainsi qu’il est requis
Venez, tout vous est favorable.
endymion
Ah, que mon sort est déplorable !
diane
Un doux espoir vous est permis,
Et sur votre placet j’ai mis :
La demande est très raisonnable,
Soit fait ainsi qu’il est requis.
endymion
Ah ! déesse ! Rayez cela de vos papiers.
diane
Air : Gardons nos moutons
Ho ! ho ! Quel impoli garçon !
Avec moi comme il traite !
Recevez-vous ainsi le don
Que votre ardeur souhaite ?
endymion
Gardez votre don,
Lirette Liron,
Gardez votre don,
Lirette.
diane
Que devient ce tendre retour que vous sentiez tantôt pour Ismène ?
endymion
Hom ! Vous faites la sourde oreille... Tout ne vous dit-il pas que je ne pense plus à ma bergère ?
Air : La serrure
Item, qu’un autre amour m’enflamme ?
Qu’en vain je me suis éprouvé
Pour l’arracher hors de mon âme ?
Il y tient comme un clou rivé.
diane, affectant de la colère
Cela n’est pas bien. Suivez votre projet avec plus de courage. Je veux autant qu’il m’est possible établir la tranquillité dans tous les cœurs ; ce sont là proprement mes affaires.
endymion
Eh ! N’ayez pas tant de soin de vos affaires.
Air : De quoi vous plaignez-vous [belle Iris, quand on vous aime]
De quoi vous plaignez-vous
Ô, déesse impitoyable ?
De quoi vous plaignez-[vous] ?
Et pourquoi ce courroux ?
Quand, d’un objet adorable,
Je dis que je sens les coups,
Je ne suis pas coupable.
Vous dis-je que c’est vous ?
diane
Air : Ah vraiment, je m’y connais bien
Ciel ! Que viens-je d’entendre ?
Quoi ? berger...
endymion
Sur un ton trop tendre
J’ai lâché quelque petit rien,
Dans vos yeux je le vois fort bien.
Scène xx
diane, endymion, une heure
lheure
Air : Que faites-vous, Marguerite
Votre char est prêt, ma reine,
Il faut remplir votre cours,
Songez que vous êtes pleine,
Ce n’est pas comme en decours.
diane, à l’heure
Air : Du berger j’entends sonner l’heure
Ne croyez pas que je demeure
De mon sort que je sens l’ennui.
Montrant l’heure.
[bis]
Du berger ce n’est pas là l’heure
Montrant Endymion.
Puisqu’elle m’éloigne de lui.
Scène xi
endymion seul
Air : Mon père m’a donné mari Rondes page 44 t.I
Elle part et me laisse ici
En proie au plus affreux souci,
Elle part... S’en va-t’on ainsi ?
Sans dire mot ?
Sans sonner mot ?
Devais-je tant jaser, aussi ?
Je suis un sot...bis
Ohime !
Air : Joconde
Allons, allons finir mes jours
Dans d’éternelles larmes.
Déserts ! vos rochers et vos ours
Ont seuls pour moi des charmes :
Pour recevoir un malheureux,
Qu’Endymion l’on nomme,
Ouvrez vos antres ténébreux.
Doucement.
Je vais y faire un somme.
Il s’endort, la décoration change et représente une caverne du mont Latmos.
\scene[Le théâtre représente une caverne du mont Latmos.] endymion
endormi, l’amour, deuxième amour
lamour, à Endymion
Air : Dormez, Roulette
Berger sensible,
Dormez sur le mont Latmos,
J’aime un désespoir paisible
Qui finit par le repos.
deuxième amour
Air : Voyelles anciennes
Au milieu de l’obscurité
Quelle est cette clarté naissante ?
On vient dans cet antre écarté ? ...
Ho, c’est quelque déesse amante !
lamour
Chut ! C’est Diane qui, sans bruit,
Vient dans ce lieu chercher fortu u u u
U u u u une
Et l’amour cause cette nuit
Une grande éclipse de lu u u u u
U u u u une.
deuxième amour
Il me semble que Diane ne fait que monter et descendre du ciel.
lamour
Il est vrai que depuis que madame la Lune aime Endymion, il lui a fait faire plus de chemin depuis une heure et demie qu’elle n’en fait ordinairement en un mois. Mais cachons nous promptement, il ne faut pas que cette précieuse céleste se doute que nous sommes ici.
Scène xii
endymion endormi, diane
diane
Air : Ne vous mariez pas
Puis-je encore me reconnaître ?
Quoi ! Des cieux j’ose disparaître
Pour voir Endymion ! Hélas !
Ne le réveillons pas...
Mais quelle figure ferai-je
À contempler ce beau garçon ?
Eh ! réveillons-le donc.
Elle le tire par la manche.
endymion, se recouchant deux ou trois fois
Air : Laissez-moi m’enivrer en paix
Laissez dormir le monde en paix... bis
diane, le tiraillant encore
Son flegme, son flegme blesse mes attraits.
Je ne devrais pas lui pardonner ce sommeil-là.
Elle le tire encore et le fait lever.
Air : Les filles de Nantes
Quel excès de paresse !
Ah ! levez-vous, enfin !
endymion, se frottant les yeux
Que vois-je ? Quoi déesse...
À part.
Quel réveil-matin !
Air : Je suis la fleur des garçons du village
Vous demandez ici votre victime,
Mes jours ne tiennent plus à rien.
j’allais mourir, pour expier mon crime.
diane, riant
Oui ? Vous vous y preniez fort bien !
endymion
Air : J’ai fait à ma maîtresse
Contentez la colère
Qui vous guide en ces lieux.
diane
Ne pouvais-je le faire
Tout du plus haut des cieux ?
endymion
Pour plus urgente affaire
Vous en descendez donc ?
diane
Oui, pour dire à voix claire
Que j’aime Endymion.
endymion
Qu’ai-je entendu ? Mais non, les oreilles m’ont corné... ou vous vous moquez de moi.
diane
Je ne me moque pas. Vous avez décontenancé ma pruderie.
endymion
Air : Le joli jeu d’amour
Ah ! Ce songe va disparaître !
diane
Je le ferai durer, mon maître.
endymion
Quoi, Diane apprend à son tour,
Toure loure, loure loure loure loure lour,
Quoi, Diane apprend à son tour,
Le joli jeu d’amour !
diane
Je suis votre écolière.
Air : Et surtout [prenez] bien garde [à votre cotillon]
Sans vous, je n’eusse point aimé.
endymion
Sans vous, je n’eusse point aimé.
à deux, ensemble
Mon cœur, sans vous, restait armé...bis
diane, le caressant
Dans cet antre obscur, sans façon,
Tenons ménage, mon mignon.
Scène xiii
diane, endymion, l’amour, deuxième amour
lamour, ironiquement
Diane, prenez donc garde
À votre cotillon.bis
les deux amours, ensemble
Diane, prenez donc garde
À votre cotillon.bis
diane
De grâce, charmant fils de Vénus !
Air : Ma pinte et ma mie, ô gué
Ne me tympannisez pas !
lamour
Je perdrais ma gloire.
Non, non, je vais de ce pas
Chanter ma victoire.
J’afficherai sûrement
Ce fameux
Évenement
Et même à la foire, ô gué,
Et même à la foire.
Air : Non, je ne ferai [pas ce qu’on veut que je fasse.]
Pour publier ceci bien mieux que la gazette,
L’antre se change en guinguette semée de cabinets de verdure, de tables, d’écots et de violons.
Antre, disparaissez, changez-vous en guinguette !
Guinguette, les jardins élevés à grands frais
Servent moins les amours que vos simples bosquets.
diane
Ô ciel ! Diane à la guinguette !
Air : Ah ! qu’il y va gaiement
Quel supplice ! Quel tourment !
Ah, quel affront !
lamour
Vraiment,
Lorsqu’on est avec son amant,
On va, sans faire la sotte,
On va partout ma poulotte
Et l’on y va gaiement.
diane
Air : Ah, que Colin l’autre jour me fit rire
Rétractez-vous, promettez le silence !
lamour
N’espérez pas la fade complaisance
Que j’ai pour vous à l’Opéra,
A a a a a a a a a a a a,
Pour ici, vous y serez trompée.
diane
Air : Des fraises
Eh bien, à votre fracas,
Je m’abandonne toute.
lamour
Voici donc la prude à bas !
Ce n’est que le premier pas
Qui coûte, qui coûte, qui coûte.
Air : Marotte n’est plus si fière
Diane n’est plus si fière,
Elle est plus souple qu’un gant.
chœur
Diane n’est plus si fière,
Elle est plus souple qu’un gant.
lamour
Plus de manière
Trop singulière,
La pauvre enfant
À tout se rend,
À tout se rend.
chœur
Diane n’est plus si fière,
Elle est plus souple qu’un gant.
Fin