Marie-Justine-Benoîte Favart et monsieur Harny de Guerville
Les amours de Bastien et Bastienne
Parodie du Devin de village
Représentée pour la première fois par les Comédiens Italiens ordinaires du Roi
le mercredi 26 septembre 1753
Théâtre de M. Favart, t.5, Paris, Duchesne, 1763
Acteurs
Bastien : Monsieur Rochard
Bastienne : Madame Favart
Colas : Monsieur Chanville
Paysans, paysannes
Le théâtre représente un hameau avec un fond de paysage.
Les amours de Bastien et Bastienne
Scène i
Bastienne seule
bastienne
Air : J’ai perdu mon âne
J’ons pardu mon ami,
D’puis c’temps-là, j’n’avons point dormi.
Je n’vivons pus qu’à demi.
J’ons pardu mon ami,
J’en ons l’cœur tout transi.
Je m’meurs de souci.
Air : Lucas, tu t’en vas
Hélas ! Tu t’en vas !
Tu quittes ta maîtresse !
J’en mourrai Bastien.
Hélas ! Tu t’en vas !
Bastien, ça n’se fait pas.
Ta foi
Est à moi.
J’avions ta promesse.
Pour rien,
Mon Bastien,
Maugré ça m’délaisse.
Hélas, etc.
Je l’appelle à toute heure ;
Quand j’y pensons, je pleure.
Et j’y pensons toujours...
Pour eune plus jolie
Le perfide m’oublie ;
Adieu mes amours.
Air : Dans ma cabane obscure
Plus matin que l’Aurore,
Dans nos vallons j’étais.
Bien après l’soir encore,
Dans vos vallons j’restais.
Le travail et la peine,
Tout ça n’me faisait rien :
Hélas ! C’est que Bastienne
Était avec Bastien.
Dès que le jour se lève,
Je voudrais qu’il fût soir ;
Et dès que l’jour s’achève,
Au matin j’voudrais m’voir.
D’où vient c’ que tout m’chagreine,
Et que j’n’ons cœur à rien ?
Hélas ! c’est que Bastienne
N’voit plus son cher Bastien.
Le chang’ment de c’volage
Devrait bien m’dégager.
Mais j’n’en ons pas l’courage,
Et je n’sais qu’m’affliger :
D’un ingrat, quand on s’venge,
C’est se dédommager :
Mais hélas ! Bastien change,
Et je n’saurais changer.
Scène ii
Bastienne, Colas
colas, descend la colline en chantant et s’accompagnant de sa cornemuse
Air : Faut pas êtr’ grand sorcier pour ça
Quand un tendron vient dans ces lieux
Consulter ma science,
Tout mon grimoire est dans ses yeux,
J’y lisons ce qu’ell’pense.
J’d’vinons tout nettement,
Qu’pour un amant alle en tient là, la, la,
Oh, oh ! Ah, ah, ah, ah !
N’faut pas êtr’ grand sorcier pour ça, la, la,
Oh, oh ! Ah, ah, ah, ah !
N’faut pas êtr’ grand sorcier pour ça, la, la,
Même air
Lise à Piarrot s’en va d’mandant :
Pourquoi qu’alle soupire ?
Le gros benêt en la r’gardant,
Rit, et n’sait que li dire.
J’l’instruisis dans un instant.
D’un air content,
All’ me r’mercia, la, la,
Oh, oh ! Ah, ah, ah, ah !
N’faut pas êtr’ grand sorcier pour ça, la, la,
bastienne
Air : Ah ! mon mal ne vient que d’aimer
Colas, voulais-vous me sarvir ?
colas
Oui-dà, ma Reine, avec plaisir.
Voyons ; qu’exigeais-vous de moi ?
bastienne
Au chagrin qui m’possède,
En lui faisant une grande révérence.
Comm’ sorcier, vous pouvais, je crois,
Apporter queuqu’remède.
colas
Air : La bonne aventure
Vous vous adressais au mieux,
Je vous en assure :
J’ons des secrets marveilleux
Pour apprendre à deux beaux yeux
La bonne aventure, ô gué,
La bonne aventure.
bastienne
Air : M. le Prévôt des Marchands
Monsieur Colas, j’n’ons point d’argent,
Mais d’ces blouques j’vous f’rons présent.
All’sont d’or fin.
colas
Non, non, ma fille.
bastienne
Quoi ? vous voulais me refuser ?
colas
Mon enfant, quand on est gentille,
Je tiens quitte pour un baiser.
Il veut l’embrasser.
bastienne
Air : Hélas ! Maman, c’est bien dommage
Non, non, Colas, n’en faites rien,
Tous mes baisers sont à Bastien,
Et je les gard’ pour not’ mariage.
Mais souffrais que j’vous consultions :
Dites, faut-il que je mourions ?
colas
Mourir si jeune, ah ! queu dommage !
bastienne
Air : De tous les Capucins du monde
On dit partout qu’il m’a quittée.
colas
Rassurais vot’ âme agitée.
bastienne
Se pourrait-il ? ah ! queu bonheur !...
Est-c’ qu’i’ m’trouverait encor belle ?
colas
Il vous aime de tout son cœur.
bastienne
Et pourtant, il est infidèle.
Air : Pourvu que Colin, voyez-vous
Vot’ Bastien n’est qu’un peu coquet ;
N’en ayais point d’ombrage.
Ma chère enfant, qu’est qu’ça vous fait ?
Votre biauté l’engage.
bastienne
Mais, s’il doit être mon époux,
Dam’, je n’veux point d’partage,
Voyais-vous ?
colas
Ce cher amant n’est point un parjure,
Mais il aim’ la parure.
bastienne
Air : Ce ruisseau qui dans la plaine
Autrefois à sa maîtresse,
Quand il volait une fleur,
Il marquait tant d’allégresse,
Qu’alle passait dans mon cœur.
Pourquoi reçoit-il ce gage
D’eune autre amante aujourd’hui ?
Avions-je dans le village
Queuqu’chos’ qui ne fût à lui ?
Mes troupiaus et mon laitage,
À mon Bastien tout était.
Faut-il qu’eune autre l’engage,
Après tout ce que j’ai fait ?
Même air
Pour qu’il eût tout l’avantage
À la fête du hamiau,
De ribans à tout étage
J’ons embelli son chapiau ;
D’eune gentille rosette
J’ons orné son flageolet :
C’n’est pas que je la regrette,
Malgré moi, l’ingrat me plaît ;
Mais pour parer ce volage,
J’ons défait mon biau corset.
[bis]
Faut-il qu’une autre l’engage,
Après tout ce que j’ai fait ?
colas
Air : Piarrot se plaint que sa femme
La Dame de ce village
L’oblige bian autrement
Pour attirer son hommage.
All’ paye assez richement
Sa complaisance.
Manque-t-on jamais d’amant
Quand on finance ?
bastienne
Air : À notre bonheur l’amour préside
Si j’voulions être un tantet coquette,
Et prêter l’oreille aux favoris,
Que je ferions aisément emplette
Des plus galants Monsieux de Paris !
Mais Bastien est l’seul qui peut nous plaire,
Et j’ons sans mystère,
Toujours répondu :
Laissez-nous, Monsieux, je somm’ trop sage,
Sachez qu’au village
J’ons de la vartu.
Même air
Au déclin du jour, près d’un bocage,
Un jeune Monsieu des plus gentis
Voulait dans un brillant équipage
Nous mener, c’dit-il, jusqu’à Paris.
Il voulait m’donner ribans, dentelles ;
Mais toujours fidèle,
J’y avons répondu :
Laissez-nous, Monsieu, je somm’ trop sage,
Sachez qu’au village
J’ons de la vartu.
Même air
En honneur, je vous trouvons charmante,
Me dit un jour un petit collet,
Venez, vous serez ma gouvernante.
Cheux moi vous vous plairez tout à fait.
Tous ces biaux discours n’étions qu’finesse ;
J’ons connu l’adresse,
Et j’ons répondu :
Laissez-nous, Monsieu, je somm’ trop sage,
Sachez qu’au village
J’ons de la vertu.
colas
Air : Buveur fidèle
De ce volage
Colas répond.
Je veux qu’il se rengage ;
Mais prenez un autre ton ;
Devenez un peu fine,
Légère et badine.
Car c’est en badinant,
En folâtrant,
Qu’on rend l’amant constant,
Qu’on rend l’amant constant.
bastienne
Quand je le vois,
Je pards la voix...
Mais j’regard’ si mes manches
Sont blanches,
Si ma colerette
Est bien faite,
Si j’ai lacé drêt
Mon corset,
Si mon jupon
Fait bien le rond,
Et si mes sabiaux
Sont biaux.
colas
Air : Javotte, enfin vous grandissez
Pour ramener un inconstant,
Il faut paraître un peu coquette,
Et fair’ semblant de fuir l’amant
Que d’bonne amiquié l’on souhaite.
Car c’est ainsi, car c’est comme ça,
(La leçon est utile)
Que font, lon la, farla rira,
Les Dames de la ville.
bastienne
Air : Corsaires
Je sis contente :
La leçon m’ sarvira.
colas
S’rais-vous reconnaissante ?
bastienne, en lui faisant une révérence
Autant qu’il vous plaira.
colas, à part
Ah ! Qu’elle est innocente !
À Bastienne.
R’pernais vot’ belle himeur,
Ma pauv’ petite,
Vous en sirais quitte
Pour la peur.
bastienne
Adieu, Monsieur.
Scène iii
Colas seul
colas
Air : De France et de Navarre
Par ma foi, ce couple d’amants
Paraît une marveille ;
On ne saurait trouver qu’aux champs
Innocence pareille.
L’esprit, en tout autre pays,
Brille dès la lisière ;
Fillette à cet âge à Paris
En revend à sa mère.
Air : Je vous aperçus, l’autre jour
Mais j’aperçois venir ici
Notre amant débonnaire.
Et v’là pourtant l’mignon joli
Qu’aux Messieurs on préfère !
Ferluquets, si fiars, si pimpants !
Cette leçon est bonne :
Cheux vos belles on voit des manants
Quand pour vous gnia personne.
Scène iv
Bastien, Colas
bastien
Air : Si le Roi m’avait donné [Paris sa grand’ville]
D’m’avoir instruit de mon bian
Je vous remarcie.
Non, sans Bastienne, il n’est rian
De biau dans la vie.
Tout cet or qu’on me promet,
J’vous l’envoie au barniquet.
J’aime mieux ma mie, ô gué !
J’aime mieux ma mie.
colas
Air : Adieu paniers, vendanges sont faites
Las d’aller conter des fleurettes,
Vous vous rendais à mes avis ;
Trop tard vous les avais suivis,
Adieu paniers, vendanges sont faites.
bastien
Air : Je n’lui, je n’lui donne pas
Comment donc ! on a vendangé ?
Que voulais-vous me dire ?
colas
Que l’on te donne congé.
bastien
Allais, vous voulais rire.
Pour m’ôter son p’tit cœur, hélas !
Ma Bastienne est trop tendre.
À d’autr’ all’ ne l’ donn’ra pas.
colas
Mais se laissera prendre.
bastien
Air : À table je suis Grégoire, et Tircis sur le gazon
Bon ! Bon ! Vous m’contais eun’ fable !
Si Bastienne aime, c’est moi ;
Pour me faire un tour semblable,
All’ est de trop bonne foi.
Quand je la trouvons gentille,
A m’trouve aussi biau garçon,
Et Bastienne n’est pas fille
À dire un oui pour un non.
Même air
Si j’allons dans la prairie,
All’ me guett’ venir de loin.
Pour me fair’ queuqu’ tricherie,
All’ se gliss’ derrièr’ el foin.
All’ me jette de la tarre ;
Et queuqu’ aut’ fois aussi, da,
All’ me pousse dans la mare.
Ce sont des preuves que ça.
Même air
Pis, ce jour qu’à la main chaude,
On jouait sur le gazon,
Moi qui ne sis pas un Claude,
Je m’y boutis sans façon.
All’ toujours folle et maleine,
Pour me divartir un brin,
Courut tôt prendre une épeine
Et m’en tapit dans la main.
colas
Air : Oh, oh, oh, oh !
Mon ami, ta maîtresse,
A fait un autre amant.
Il est plein d’gentillesse,
Il est poli, charmant.
bastien
Oh, oh ! Ah, ah !
Et d’où vient donc ? Comment cela ?
Air : Êtes-vous de Gentilli
Mais d’où savez-vous ceci ?
colas
De mon art.
bastien
De votre art ?
colas
Oui.
bastien
En c’cas-là, je d’vons vous croire.
colas
Vraiment, mon Compère voire,
Vraiment, mon Compère, oui.
Air : V’là c’que c’est qu’d’aller aux bois
Ah ! jarnigué ! qu’j’avons d’guignon !
colas
V’là c’ que c’est qu’d’êtr’ biau garçon.
On veut avoir tout à foison,
Nombre de maîtresses,
Biaucoup de richesses ;
Mais un biau jour tout fait faux bon,
V’là c’que c’est qu-d’êtr’ biau garçon.
bastien
Air : Que de bi, que de bariolet
L’aventure est cruelle !
J’en demeure stupéfait.
Pour ravoir cette Belle,
Sauriez-vous un secret !
colas
Air : J’ai rencontré ma mie
Ah ! mes pauvres enfants,
J’vous plains fort ;
Car j’aime que les gens
Soient d’accord.
Tout d’abord,
Dedans ce grimoire,
Je saurai ton sort.
Il tire de sa besace un livre de la Bibliothèque bleue, et fait en lisant plusieurs contorsions qui font enfuir Bastien.
Manche,
Planche,
Salme,
Palme,
Vendre,
Cendre,
D’jo,
Lo,
Mêcre,
Nêcre,
Mir, lar, lun, Brunto,
Tar la vistan voire,
Tar lata qui plo.
bastien
Air : Ton humeur est, Catherine
C’est-i-fait, minon minette ?
colas
Oui, oui, tu peux t’approcher.
Tu vas voir ta Bargerette.
bastien
Mais pourrons-je la toucher ?
colas
Oui, si tu n’fais pas la bête,
Si tu prends un air galant,
Et si, dans le tête à tête,
Tu n’es pas un ignorant.
Air : Ah ! Maman, que je l’échappe belle
L’amour veut que l’on soit téméraire,
Il faut lutiner,
Papillonner
Près d’sa Bargère.
Quoiqu’souvent on fass’ tant la sévère,
Morguenne, un tendron
Veut qu’un garçon soit sans façon.
Quand on trouve sa belle au bocage,
N’faut pas fair’ le sot,
Ni le magot,
Faut du langage.
La fillette rougit, c’est l’usage.
Fille qui rougit
Tout bas approuve ce qu’on dit.
Du discours, on passe au badinage.
La Belle tout net
Donne un soufflet,
Car c’est l’usage.
À prendre un baiser ça vous engage
Petit à petit
L’amour fait ainsi son profit.
Scène v
Bastien seul
bastien
Air : Et j’y pris bien du plaisir
J’allons donc de ma Brunette
Voir encor les doux appas ?
J’aimons bian mieux c’te Poulette
Que tous les plus biaux ducats.
Adieu, grandeur et richesse ;
Sans vous, près d’ma chèr’ maîtresse,
J’ons cent fois bian pu d’plaisir.
Même air
Ces Messieurs de la Finance
Qui sont envieux de tout,
Aimont tant son innocence,
Qu’ils vouliont l’avoir itou :
Sarviteur à leu puissance,
Ailleurs ils pourront choisir ;
Ils n’auront qu’eun’ révérence,
Et nous j’aurons tout l’plaisir.
Scène vi
Bastien, Bastienne
bastien
Air : Devin de village
La voici... tôt décampons...
Si j’fuyons, je la pardons.
bastienne
Il me voit, l’ingrat !
Ah ! l’cœur me bat !
bastien
Pargué je n’savons
Ce que je f’rons.
bastienne
Sans le faire exprès,
Me voilà tout près.
bastien
Parlons li tout net,
Risquons le paquet.
Ah ! c’est vous ! vous v’là !
Dam’, itou me v’là dà.
Air : Que fais-tu là-bas
Bastienn’, vous rêvais,
Eh ! qu’est-c’qu’vous avais ?
Est’c’que vous m’fait’ la meine ?
bastienne
Je n’vous r’connais pas,
Non, Bastien.
bastien
Hélas !
R’gardais-moi donc Bastienne.
bastienne
Air : Les vendangeuses
Fidèle,
Sans moi, mon cher Bastien
N’aimait rien.
Mon cœur était tout son bien,
I’ m’ trouvait si belle !
I’ m’ trouvait si belle !
Et les plus brillants appas
Ne le touchaient pas.
Me plaire,
C’était sa seule affaire ;
Dans tous ses discours,
I’ n’ parlait que d’ses chers amours,
Toujours.
Tredame !
Pour attendrir son âme,
Si queuque grand’ dame
Pour lui plein’ de flamme,
Lui f’sait un présent,
I’ m’ l’offrait à l’instant.
Fidèle,
Sans moi mon cher Bastien
N’aimait rien ;
Mon cœur était tout son bien,
En vain je l’appelle,
En vain je l’appelle,
Je n’vois au lieu d’mon amant,
Qu’un inconstant.
bastien
Air : C’est une excuse
J’voyons bian c’qui peut vous fâcher,
C’est qu’vous croyais qu’j’ons pu changer.
T’nez, c’est c’qui vous abuse :
C’était un sort de queuque esprit ;
Mais le bon Colas l’a détruit.
bastienne
Mauvaise excuse.
Air : Je suis malade d’amour
Si vous avais un sort, eh ! bien,
Pareil malheur m’obsède ;
Mais le bon Colas n’y peut rien,
Et tout son art y cède ;
Bastien, pour un sort comme le mien,
Il n’est point de remède.
Air : Mon papa toute la nuit
Mariais, mariais, mariais-vous.
Ça guarit les sorcilèges :
Mariais, mariais, mariais-vous,
Rian n’est si bon qu’un époux.
bastienne
On n’a dans l’mariage
Que du souci,
Que du souci,
Quand on prend un volage
Pour son mari.
C’est un trouble ménage,
Oh, oh !
Est-ce l’moyen d’êt’ sage ?
Oh ! que nenni !
bastien
Air : Résonnez ma musette
Puisqu’ vous êt’ si sauvage,
À la Dam’ du village
J’nous allons drès ce jour
Rendre amour pour amour.
bastienne
Même air
Moi, j’courons à la ville ;
C’est là qu’i’ m’sera facile
D’avoir cent favoris,
Comm’ les Dam’ de Paris.
bastien
Même air
J’nag’rons dans l’opulence,
Eun’ maîtress’ d’importance
Au gré de mes désirs,
Va payer mes plaisirs.
bastienne
Même air
À Paris, la richesse
S’prodigue à la jeunesse,
Et pour en ramasser,
Tiens, l’on n’a qu’à s’abaisser.
Ils font semblant de s’en aller, et se rencontrent comme ils reviennent.
bastienne
Air : Dans un détour
Quoi ! vous voilà !
Mais je vous croyais bien loin déjà !
bastien
Vraiment, l’on s’en va,
J’nous apprêtons pour cela,
La.
bastienne
Vous n’aurais sûrement
Nulle peine à me fuir, inconstant.
bastien
Je vous f’rons du plaisir
Drès que j’nous dispos’rons à partir.
bastienne
Vous agirais,
Monsieur, ainsi comm’ vous voudrais.
bastien
Parlais-vous tout d’bon ?
Dois-je rester ici ?
bastienne
Oui...
Non.
bastien
Air : Un brave gentilzomme
Ma peine vous rend fière ;
Mais tout de c’pas,
J’m’en vas,
Morgué, j’m’en vas
Me j’ter dans la rivière.
Vous n’me retenais donc pas ?
bastienne
Ah ! Je n’ m’en souci’ guère.
bastien, à part
Air : L’amour me fait, lon lan la
J’serions pourtant trop bête
D’aller là nous plonger.
bastienne
Qu’est-c’ donc qui vous arrête ?
bastien
Je n’savons pas nager...
Et pis avant d’être mort,
J’veux vous parler encor.
bastienne
Air : Les niais de Sologne
Non, infidèle,
Cours à ta belle,
Soins superflus,
Non, Bastien, je n’vous aime plus.
bastien
À la bonne heure ;
Tu veux que j’meure :
Eh bien, je vais
Du hamiau sortir pour jamais.
bastienne
L’ingrat me quitte.
bastien
Oui, tout de suite.
Voudrais-tu donc
Que j’allions comm’ ça sans façon
Être de ton joli Monsieur,
Le sarviteur.
bastienne
Bastien, Bastien !
bastien
Vous m’appelais ?
bastienne
Vous vous trompais.
Quand j’te plaisais,
Dam’ tu plasais.
La bell’ marveille ;
Quand tu m’aimais,
Moi, j’t’aimais.
Tu me fuis.
Ensemble, ensemble
Va, je te rends la pareille.
Deviens volage,
Je me dégage ;
D’un autre amour
J’prétendons tâter à mon tour ;
Nouviau ménage
N’est qu’avantage,
Et chacun m’dit
Que ça réveille l’appétit.
bastien
Quoique l’on prise,
bastienne
Quoique l’on dise,
bastien
Ces grand’ maîtresses,
bastienne
Des grand’ richesses
bastien
Si tu voulais,
Ensemble, ensemble
Si tu voulais,
Renouer nos amours,
Je ne pourrais
bastien
Toujours aimer.
bastienne
Aimer toujours.
bastien
Rends-moi ton cœur.
Fais mon bonheur ;
Viens dans mes bras.
bastienne
Hélas ! qu’il est charmant
De faire un heureux dénouement.
ensemble, ensemble
Va je m’rengage,
Et sans partage,
Tian, v’là ma foi,
Ton cher Bastien est tout à toi.
Ta chèr’ Bastienne est toute à toi.
Plus de langage,
De varbiage,
À nos dépends
Ne faisons pas rire les gens.
Scène vii
Bastien, Bastienne, Colas
colas
Mes enfants, après la pluie,
On voit toujours v’nir l’biau temps.
Rendais grâce à ma magie,
À la fin vous v’là contents.
Allons, mariais-vous,
Votre noce est déjà prête ;
Allons, mariais-vous,
De la fête
Je s’rons tous.
On danse.
Colas, Bastien, Bastienne, ensemble
Même air
Allons gai, gens de village,
Chantais les époux nouviaux !
Pour fêter leur mariage
Pour fêter not’ mariage
Faites claquer vos sabiots.
Faisons claquer nos sabiots.
Sautez, faites fracas ;
Sautons, faisons fracas
Chantais Bastien et Bastienne :
L’hymen, grâce à Colas,
Les enchaîne
Nous enchaîne
Dans ses lacs.
chœur
Sautons, faisons fracas,
Chantons Bastien et Bastienne,
L’hymen grâce à Colas,
Les enchaîne dans ses lacs.
Bastien, Bastienne, ensemble
Même air
Vive la Sorcellerie
Du fameux sorcier Colas ;
Il fallait tout’ sa magie,
Pour nous tirer d’embarras.
bastienne
Il viant d’rapatrier
Bastien avec sa Bastienne.
bastien
Il viant d’nous marier,
Jarniguenne,
Queu Sorcier !
chœur
Il vient d’rapatrier
Bastien avec sa Bastienne ;
Il viant d’les marier,
Jarniguenne,
Queu Sorcier !
Duo
Bastien, Bastienne, ensemble
bastienne
À présent
J’n’ons pus rien qui n’t’appartienne,
bastien
À présent,
Ensemble, ensemble
J’n’nons plus rien qui n’t’appartienne.
bastienne
Bastienne s’ra Bastien,
bastien
Et Bastien s’ra Bastienne
Ensemble, ensemble
Com’ deux moutons en paix dans leur pâturage
Ah ! J’vivrons en paix dans l’ mariage,
Et j’f’rons à jamais bon ménage.
Ronde
bastienne
1
Autrefois la jeune Thérèse,
Était niaise
N’osait parler, ni l’ver les yeux ;
À présent c’est tout autre chose,
Thérèse cause,
Alle raisonne tout au mieux,
Eh ! gai, gai, gai, légère Bergère,
C’est l’amour qui lui fit ce tour.
Mineur
2
Un biau jour de sa Bargerie,
Dans la prairie,
Un de ses moutons s’égara ;
Voulant le chercher la pauvrette
Fort inquiète,
Dans le fond d’un bois s’enfonça.
Eh ! gai, gai, gai, etc.
3
Coridon qui de loin la guette
La voit seulette,
De l’agneau contrefait la voix,
L’innocente y court au plus vite.
C’est dans ce gîte
Où l’attend cet amant sournois.
Eh ! gai, etc.
4
Le Barger s’avance vars elle.
D’abord la Belle
Le r’garde et l’écoute en tremblant.
Mais aussitôt alle s’échappe,
Il la rattrape,
Fait un faux pas, ah, le méchant !
Eh ! gai, etc.
5
Coridon deviant téméraire,
Et la Bergère
Avec son sabiot se défend ;
Mais hélas ! son sabiot se casse,
Quelle disgrâce !
Cheux elle all’ s’en r’tourne en boitant.
Eh ! gai, etc.
6
Au logis, all’ cherch’ eune excuse,
All’ a d’ la ruse,
All’ répond à tout c’qu’on lui dit.
Et v’là comm’ souvent à notre âge
Dans un boccage
Sans l’savoir, on trouv’ de l’esprit.
Eh ! gai, etc.
Fin