Pierre-Thomas Gondot
Les Bergers de qualité
Parodie de Daphnis et Chloé, avec des divertissements
Représentée pour la première fois par les Comédiens Italiens ordinaires du Roi
le lundi 5 juin 1752
Paris, Veuve Delormel et Prault fils, 1752
definitacteur, Gros-Jean grosjean
Acteurs
Mondor : Monsieur Thomassin
Rubis : Monsieur Desbrosses
Lucas : Monsieur Chanville
Zirzis : Monsieur Rochard
Colette : Madame Favart
Gros-Jean : Monsieur Sticotti
Egyptienne : Monsieur Carlin
Troupe d’Egyptiens et d’Egyptiennes, disant la bonne aventure
Paysans et Paysannes
Bergers et Bergères
Les Bergers de qualité
Le théâtre représente un paysage : on voit d’un côté la maison de campagne de Rubis, et de l’autre un hameau.
Acte i
Scène i
Rubis, Mondor
mondor
Air : Que ce beau jour promet d’heureux instants
Que ce séjour paraît délicieux !
Quel souffle pur partout l’on y respire,
Tout est riant, tout enchante les yeux,
Flore y renaît dans les bras de Zéphire.
À Rubis, qui paraît.
Air : Amis, sans regretter Paris
Savez-vous que votre maison
Est tout à fait charmante !
Qu’il n’en est point dans ce canton
Qui soit plus élégante.
Air : Confiteor
Loin des embarras, des soucis,
Dans cette maison agréable,
Au milieu des jeux et des ris,
Nombre de valets, bonne table,
Tout s’empresse à combler vos vœux,
Rubis, vous êtes trop heureux.
rubis
Air : Temple que bâtis en l’air
Mondor, j’ai de secrets ennuis,
Un chagrin caché me dévore.
mondor
De votre libertin de fils,
Pleurez-vous le trépas encore ?
Un beau jour on m’enleva le mien ;
Parbleu, je m’en console bien !
rubis
Air : La Samaritaine
J’avais encore une fille
Fort gentille,
Elle avait tout mon minois :
Étouffant de la nature,
Le murmure,
Je l’exposai dans un bois.
mondor
Air : Entre l’amour et la raison
Pourquoi perdiez-vous cet enfant ?
rubis
Pour rendre son frère opulent.
mondor
C’est avoir trop de barbarie.
rubis
Hélas ! Si j’en agis ainsi,
C’est qu’on ne suit pas ici
La coutume de Normandie.
Air : Passant sur le Pont-Neuf
Mais j’en perdrai l’esprit ;
Car, tant que la nuit dure,
Sur le pied de mon lit,
Je crois voir sa figure.
Mondor, j’en suis encor troublé,
Savez-vous qu’elle m’a parlé ?
mondor
Air : Jean, ce sont vos rats
Quel cerveau débile !
rubis
Elle a dit ces mots :
\og En ce lieu tranquille,
Je vis en repos ;
Quittez-vous la ville
Pour causer mes maux ? \fg .
Je n’ai pu fermer la paupière.
Vous riez de mon embarras.
mondor
Bon, ce sont vos rats
Qui font que vous ne dormez guère,
Oui, ce sont vos rats,
Qui font que vous ne dormez pas.
Air : Fille qui voyage en France
Tous les rêves sont mensonges,
Pourquoi s’en entretenir ?
Comment ! vous croyez aux songes ?
Peignons-nous-en le plaisir,
Lorsqu’ils nous charment ;
Chassons-en le souvenir,
S’ils nous alarment.
On entend sonner le tocsin.
rubis
Air : Chantons, chantons, et célébrons, célébrons
Quel bruit soudain !
J’entends sonner le tocsin,
Dans le hameau voisin.
mondor et rubis, ensemble
Quel bruit soudain !
J’entends sonner le tocsin
Sachons d’où vient ce train.
Ils sortent.
Scène ii
Gros-Jean à la tête d’une troupe de paysans armés de fourches, fléaux..., traversant le théâtre en courant.
grosjean
Air : Je suis un bon soldat
Poursuivons ces brigands
Insolents,
Faisons voir du courage !
Ils ont tournés par là,
Les voilà
Qui gagnent le rivage.
Air : À la façon de Barbari, [mon ami]
Parmi ce fracas et ces cris
Et ce remue-ménage,
Je ne vois pas mon fils Zirzis ;
Il est prudent et sage :
Comme il est délicat et blond,
La faridondaine, la faridondon,
J’allons nous exposer pour lui
Biribi,
À la façon de Barbari,
Mon ami.
Scène iii
Zirzis seul
zirzis
Air : Petits moutons, gardez la plaine
Petits moutons, troupeau que j’aime ;
Fuyez les bois, craignez les loups :
Je n’ai plus souci de moi-même,
Comment prendrais-je soin de vous ?
Scène iv
Zirzis, Lucas à la tête d’une autre troupe de paysans
lucas
Air : Ont enlevé ma mie Margot
Zirzis, tire-moi d’embarras,
As-tu vu ma fillette ?
zirzis
Des gens armés, des scélérats,
Ont enlevé Colette.
lucas
Ont enlevé Colette !
zirzis
Ont enlevé Colette,
Hélas !
chœur
Ont enlevé Colette !
zirzis
Air : Ah, ah, ah, venez-y toutes
Leur troupe était errante
Auprès du grand chemin,
Ils étaient plus de trente
Tous le sabre à la main ;
Nos bergères gentilles
Ont voulu fuir en vain.
lucas
Quoi, morgué, ces malins drilles...
zirzis
Ont pris ces pauvres jeunes filles
Sortant du moulin.
Air : Y avance, y avance, y avance
Nous nous aimions Colette et moi ;
Lucas par une injuste loi ;
Vous la refusiez à ma foi,
De vos rigueurs le Ciel s’offense.
lucas
Y avance, y avance, y avance.
zirzis
L’amour prend soin de ma vengeance.
lucas
Même air
Palsanqué, ne dirait-on pas
Que le Ciel de toi fait grand cas :
Te v’la com’ moi dans l’embarras,
En auras-tu meilleure chance ?
Y avance, y avance, y avance ;
Voyez donc son impertinence.
Air : Billets doux
Tu n’l’aurais pas quand’a’rviendrait.
zirzis
Mais pourquoi donc ?
lucas
C’est un secret
Qu’il est bon que je taise ;
Mais au lieu d’suivre ces brigands
Mal à propos j’pardons not’temps,
Gémis tout à ton aise.
Il sort avec sa suite.
Scène v
Zirzis
zirzis
Air : Nous jouissons dans nos hameaux
Beaux lieux où j’ai longtemps goûté
Des biens que je regrette,
Où je venais en liberté
Causer avec Colette ;
Vous vîtes mes premiers désirs
S’accroître avec ses charmes,
Témoins de mes plus doux plaisirs,
Soyez-le de mes larmes.
zirzis
Air : Sure de ta foi
Colette en ces lieux
Partageait mon transport,
C’est dans ses beaux yeux
Que je lisais mon sort ;
Les plus vives flammes
Embrasaient nos cœurs,
Enivraient nos âmes
De mille douceurs.
Chant d’oiseaux.
Mineur
Vous oiseaux ;
En vain au bruit des eaux
Vous mêlez vos ramages ;
Vos accents
Si tendres, si touchants,
Ne charment plus mes sens.
Ces rivages,
Ces bocages,
Ces prés qui m’étaient si chers,
Sans la beauté que je perds,
Ne sont plus que d’affreux déserts.
Air : La Palisse
De mon destin malheureux
Prend pitié, Dieu de Cythère.
Prélude de tambourin.
Quels sont ces cris et ces jeux !
Ils excitent ma colère.
Scène vi
Zirzis, Arlequin, Égyptienne à la tête d’une troupe de diseuses de bonne aventure jouant du tambour de basque
arlequin, à sa suite
Air : Tambourin des folies de Coraline
Vous qui sur mes pas,
Par des entrechats
Rendez hommage à mes rats.
Accourez enfants,
Secondez mes chants,
Par nos charmes, nos talents,
Nos arts séduisants,
Nos secrets puissants,
Qu’ici des malheureux amants,
Longtemps,
Constants,
Se changent les tourments
En plaisirs charmants.
On danse.
arlequin, à Zirzis
Mineur de l’air précédent
Mon fils, je pourrais d’abord
Vous apprendre votre sort ;
Mais je fais toujours danser
Avant de rien annoncer ;
Toujours gaillards et dispos,
Nous faisons à tout propos,
Un saut, deux sauts,
Mon art n’instruit
Que quand j’ai fait un grand bruit.
On danse.
arlequin, à Zirzis
Air : La bonne aventure, [ô gué]
Jeune garçon dont le cœur
A reçu blessure,
Je vais pour votre bonheur
Vous annoncer à grand chœur
La bonne aventure, ô gué !
La bonne aventure.
chœur
La bonne aventure, ô gué !
La bonne aventure.
arlequin
Même air
Çà, donnez-moi votre main,
Je vous en conjure,
Prenez un air plus serein
Tout ceci ne fera rien.
chœur
La bonne aventure, ô gué !
La bonne aventure.
arlequin
Air : Et vogue la galère
Pour trouver ta bergère,
Mets toi dans un bateau ;
Le long de la rivière,
Sans voile, ni cordeau :
Eh vogue la galère,
Lanlere, lanlere, lanlere,
Eh vogue la galère,
Suis le courant de l’eau.
Air : Ô reguingué, ô lon lan la
L’amour propice à tes désirs ;
Pour te payer de tes soupirs,
Sous la conduite des zéphirs,
Mènera ta barque légère,
Tout vis-à-vis de ta bergère.
Air : Tout le long de la rivière
Aucun vent contraire,
Ne te retiendra,
Avec la bergère
Chacun reviendra,
Et le long de la rivière,
Lère lon lan la,
Et le long de la rivière,
Il fera bon là.
zirzis
Même air
Le destin l’ordonne,
Accourez bergers ;
Qu’il vente, ou qu’il tonne,
Quittez vos vergers :
Et le long de la rivière,
Lère lon lan la,
Et le long de la rivière,
L’amour nous suivra.
finacte
Acte ii
Le théâtre représente un rivage agréable, un banc de gazon couvert d’ombrage est sur le devant du théâtre.
Scène i
Colette seule
colette
Air : Quand vous entendrez le doux zéphir
Espoir flatteur,
Renais dans mon cœur,
Viens rassurer, une amante plaintive ;
Espoir flatteur,
Charme ma douleur
Sur cette triste rive.
Fais moi songer
Que mon berger
Vient en ce séjour
Guidé par l’Amour ;
Son ardeur l’empresse,
Ah ! Sans sa tendresse,
Je renonce au jour.
J’évite les fers,
J’échappe des mers,
Sans voir finir mes cruelles alarmes ;
Loin de Zirzis,
Je gémis,
Je languis,
Rien ne tarit mes larmes.
Air : L’orage sur ma tête
Que fais-tu sans Colette,
Berger trop malheureux ?
En vain l’écho répète
Tes accents douloureux ;
Tu mourras de tristesse,
Mon cœur était ton bien,
Ce cœur me dit sans cesse,
Que je vis dans le tiens.
Air : Résonnez ma musette
Mais ma faible paupière,
Se ferme à la lumière,
Le sommeil à propos
Vient m’offrir le repos.
Elle s’endort.
Scène ii
Colette, Zirzis
zirzis, dans un bateau
Air : Sans cesse le zéphir
Ô, vous qui me portez sur ces paisibles bords,
Rendez, charmants zéphirs, ma course plus légère,
Redoublez, s’il se peut, vos généreux efforts,
Volez et guidez-moi vers cette heureuse terre,
Dans ce charmant réduit,
Où le sort a conduit
Les pas de ma bergère.
Air : Par un matin, Lisette
Est-ce en ces lieux que Colette sera ?
Apercevant Colette.
Ma barque arrête... ô Ciel ! Que vois-je là ?
Il débarque et s’approche de Colette avec empressement.
Air : Nanette, dormez-vous
Colette, dormez-vous ?
Colette, dormez-vous ?
Respectons son sommeil, il me paraît trop doux,
D’un repos si charmant, mon cœur n’est point jaloux.
colette, rêvant
Air : Plus belle que l’Aurore
Zirzis.
zirzis
Elle m’appelle !
colette
Quand seront nous unis ?
zirzis
Quoi, mon amour fidèle,
Occupe ses esprits !
colette
Oh ! mon cher Zirzis !
zirzis
Elle dort encor, qu’elle est belle !
Colette...
colette
Zirzis...
zirzis
Ah ! mon bonheur n’a plus de prix !
Air : La vallée de Montmorency
Approchons,
Écoutons,
Doucement elle soupire ;
Je pourrais...
Je voudrais...
De fleurs orner ses attraits :
Paix...
Taisez-vous
Tous,
Rossignols et toi Zéphire,
Agite moins fort ces eaux,
Et ces roseaux...
Enchanté...
Transporté...
J’éprouve un charmant délire,
Et mon cœur...
Plein d’ardeur...
Elle s’éveille déjà.
colette, s’éveillant sans voir Zirzis
Ah !
Air : Italien
Dieux ! Quels enchantements !
Je croyais en dormant
Entendre mon amant,
Répondre aux sons touchants
De mes accents.
Mon bonheur s’évanouit,
Comme une ombre il se détruit.
Ce songe si charmant
N’a duré qu’un moment ;
Mais quel moment !
zirzis, à part
Air : Quel bonheur
Quel bonheur !
colette, sans voir Zirzis
Douce erreur
Reviens encore une fois.
zirzis, à part
Le plaisir suspend ma voix !
Colette ? ...
colette, apercevant Zirzis
O Ciel ! Zirzis ! C’est toi que je vois,
Ah ! Je me meurs...
zirzis
Oui bergère, c’est moi.
colette
Ah ! Cher amant est-ce toi ?
Ah ! Cher amant est-ce toi !
colette et zirzis, ensemble
Air : Menuet Italien
Qu’il est doux de revoir ce que l’on aime,
Quel bonheur suprême !
C’est l’amour lui-même,
Qui sèche nos pleurs,
Au sein des malheurs,
Pour les tendres cœurs,
Il est des douceurs.
Nous n’avons plus de peines,
Serrons, serrons nos chaînes,
Serrons-les pour jamais,
Et goûtons désormais
Des plaisirs parfaits.
zirzis
Air : Menuet de monsieur Exaudet
Mais quel Dieu,
Dans ce lieu
Solitaire,
Te rend à mes tendres vœux
En ce moment heureux
Je revois ma bergère,
Eh ! Comment,
Ce brigand,
Ce corsaire
T’a t’il fait débarquer là ?
Conte-moi tout cela
Ma chère.
colette
À peine avec ses captives
Il avait quitté nos rives,
Que les vents
Inconstants
Avec rage,
Font ravage,
Tous les matelots tremblants,
Perdent dans ces instants
Courage :
L’ouragan
Augmentant,
On se trouble,
On est prêt de submerger,
Et pour fuir le danger,
Que chaque instant redouble :
En canot,
Aussitôt,
On nous jette,
Un vent heureux me conduit
Et porte en ce réduit
Colette.
zirzis
Air : Eh, lon lan la loure loure
Rendons grâce à l’Amour,
Que mon âme est ravie !
Hélas ! Voici le jour
Le plus beau de ma vie.
ensemble, ensemble
Eh, lon lan la loure loure loure loure,
Et lon lan la loure loure.
Duo
zirzis et colette, ensemble
Nos vœux sont satisfaits.
colette
Tu m’aimes ?
zirzis
Je t’adore.
ensemble, ensemble
Nos plaisirs sont parfaits,
Que désirer encore :
Avec le chœur.
Eh, lon lan la loure loure loure loure,
Et lon lan la loure loure.
On entend une symphonie.
zirzis et colette, ensemble
Air : Quitte ta musette
Quelle symphonie !
Quels sont ces accords ?
Des bergers la troupe chérie,
Paraît sur ces bords.
Scène iii
Zirzis, Colette, Matelots, bergers et bergères
On danse.
Un matelot, chante
Qu’ici nos bergères
Prennent leurs passe-temps,
Par ma foi, ces corsaires
Étaient d’honnêtes gens ;
Nos belles interdites,
Redoutaient leurs fureurs,
Les pauv’ petites ;
Mais les en v’la quittes
Pour la peur.
Il est des corsaires
Blanchis sous le harnais,
Qui font les téméraires
Et vantent leurs exploits ;
Ne prenez pas la fuite,
Car malgré la fureur
Qui les agite,
On en est toujours quitte
Pour la peur.
Il est une espèce
De corsaires fort doux,
Ils vous feront caresse ;
Mais ce sont des vrais loups :
Évitez leurs poursuites,
Fuyez avec ardeur,
Mes pauv’ petites,
Vous n’en seriez pas quittes
Pour la peur.
On danse.
Ronde
Il n’est point de fleurettes,
Sans le printemps,
Ni de printemps, Brunettes,
Sans les amants.\indicreprmus [Fin]
Une âme sans tendresse
S’ennuie à chaque instant ;
Quand le cœur s’intéresse,
On va toujours chantant.
Il n’est point de fleurettes, etc.
L’Amour aux dons de Flore
Ajoute un coloris,
Des charmes de l’Aurore
Il fait sentir le prix,
Il n’est point de fleurettes, etc.
Rossignol, ta voix tendre
Est la voix des plaisirs,
Quand ses sons font entendre
L’écho de nos soupirs.
Il n’est point de fleurettes, etc.
Qu’une jeune bergère
Se plait en ce séjour !
Quand la tendre fougère
Sert de trône à l’Amour.
Il n’est point de fleurettes, etc.
finacte
Acte iii
Le théâtre représente les jardins de Rubis, on voit une statue de l’Amour au fond d’un cabinet de verdure.
Scène i
Zirzis [seul]
zirzis
Air : Dans un lieu solitaire et sombre
Je te perds, ma chère bergère,
Tu vas suivre un cruel devoir,
Je viens de te rendre à ton père,
Et l’ingrat trahit notre espoir.
Air : Une bergère jolie
Amour j’ornais ton image,
Chaque jour de mille fleurs ;
Nous venions dans ce bocage
T’offrir l’encens de nos cœurs.
Nos transports sont ton ouvrage,
Tu voulais nous rendre heureux ;
C’est ta gloire qu’on outrage
En brisant de si beaux nœuds.
Scène ii
Zirzis, Rubis
zirzis
Air : Quoi, Monsieur, ne doit-on pas aimer tout le monde
Monsieur j’ose vous prier...
rubis
Quel soin t’inquiète ?
zirzis
Pour moi, de votre fermier,
Obtenez Colette.bis
Air : Le langage des soupirs
Ma bergère, mes Amours
Est ravie à ma tendresse ;
Il faut donc finir mes jours ?
Que la pitié vous en presse,
Faites rendre à ma tendresse
Ma bergère, mes amours.
rubis
Air : Que chacun de nous s’empresse
Tu vaux bien cette bergère,
J’agirai selon tes vœux ;
Mais du plus tendre mystère,
C’est un récit que je veux ;
Cette peinture intéresse,
Quoiqu’on soit sur le retour :
Pour ta petite maîtresse
Comment naquit ton amour ?
zirzis
Air : L’austère Philosophie
Avec nous il prit naissance,
On l’a vu croître avec nous,
Et les jeux de notre enfance,
Sans lui n’avaient rien de doux :
Quand nous ignorions encore
Des mots le tour et le choix,
Nos yeux disaient, je t’adore,
Au défaut de notre voix.
Même air
Sans savoir quelle puissance
Pouvait agiter nos sens,
Un jour, un seul jour d’absence
Rendait nos cœurs languissants ;
Colette sans défiance,
M’embrassait à mon retour ;
Les baisers de l’innocence
Cachaient les traits de l’amour.
Air : Sortez de vos retraites
Ma bergère chérie,
S’égara dans le bois ;
Le soir dans la prairie,
Elle vint à ma voix :
Nos cœurs pleins de tendresse
Mêlaient en ce moment,
Les ris de l’allégresse
Aux pleurs du sentiment.
rubis
Air : Vous comptez avec peine
Hélas ! un cœur de roche
Se sentirait troubler.
Zirzis, Lucas approche,
Pour toi je vais lui parler.
Scène iii
Rubis, Zirzis, Lucas
rubis
Air : Jean danse mieux que Pierre
Accorde-lui ta fillette,
Pour son sort je m’attendris.
Zirzis est fait pour Colette,
Et Colette pour Zirzis ;
Tous deux sont bien épris,
Tous deux qu’ils soient unis ;
Zirzis est fait pour Colette,
Et Colette pour Zirzis ;
zirzis
Air : C’est une chose qui ne se peut pas
À nos désirs, cédez mon cher Lucas.
lucas
C’est une chose qui ne se peut pas.
Air : J’ons un secret à vous dire
J’craindrions d’faire une sottise
Si j’li faisions épouser,
Car puisqu’il faut que j’vous l’dise,
Je n’saurions en disposer :
C’est qu’j’avons trouvé cet enfant
Dans un bois solitaire ;
J’l’avons élevé jusqu’à présent
Com si j’étions son père.
rubis
Air : Voici le jour solennel
Colette n’est pas à toi ?
lucas
Non ma foi,
Queuque Seigneur l’avont fait naître,
J’portons toujours avec nous
Des bijoux,
Qui la f’ront un jour reconnaître.
Air : Vous allez voir, Messieurs, Mesdames
Ah ! Remarquez bien, je vous prie
Ce biau béguin d’satin blanc,
Et ce biau hochet d’orfévrie,
Garni d’ses grelots d’argent.
rubis
Ah ! Juste Ciel que voila
lucas
Eh palsanguène comme vous v’la...
rubis
Air : Avec vous je veux m’unir
Embrasse-moi cher Lucas,
Ah ! Je ne m’en doutais pas,
Colette est ma fille.
lucas
Comment ! Jarnombille !
zirzis
Air : Jardinier, ne vois-tu pas
J’éprouve un autre embarras,
lucas
Qu’al’sera satisfaite !
rubis
Cherche-la.
lucas
J’la vois là-bas.
Hé ? Tournez ici vos pas,
Colette, Colette, Colette.
Scène iv
Rubis, Zirzis, Lucas, Colette
rubis, à Colette
Air : Ah ! Je vous vois Valère
Mon plaisir est extrême,
Embrasse ton papa.
colette
Mon père ! Vous ?
rubis
Moi-même.
colette
Que veut dire cela ?
lucas
Oui, t’es son héritière,
Tu m’en vois tout surpris.
colette, à Rubis
Ah ! Montrez-vous mon père
En m’accordant Zirzis.
zirzis, à Rubis
Air : Ah ! Mon mal ne vient que d’aimer
Vous paraissiez me protéger,
Que je crains de vous voir changer !
rubis
Éloigne-toi d’ici berger ;
Voyez la belle emplette !
À ma fille oses-tu songer ?
À sa fille.
Renoncez-y Colette.
colette, à Rubis
Air : Ne v’la t’il pas que j’aime
Mon père...
zirzis, s’en allant
Quelles dures lois !
lucas, à Colette
Faut changer de système.
colette, à Rubis
À peine je connais vos droits,
Vous m’ôtez ce que j’aime.
lucas
Air : Y allons donc, Mademoiselle
Y allons donc Mademoiselle,
Ayez l’goût pû délicat.
rubis
On doit, étant riche et belle,
Penser selon son état.
lucas
Y allons donc Mademoiselle,
Ayez l’goût pû délicat.
colette
Air : Ne v’la t’il pas que j’aime
Pour moi ce serait un malheur
De n’être plus bergère ;
Si le rang doit changer le cœur,
L’obscurité m’est chère.
Air : Fleurettes
Dans ce champêtre asile,
Tout rit à nos désirs ;
L’innocence tranquille
N’y voit que des plaisirs ;
J’étais riche en ces retraites,
Tous nos vœux étaient remplis ;
Vos trésors ont moins de prix
Que nos fleurettes.
rubis
Air : Quand je regarde Margotton
Que vas-tu nous chanter encor !
lucas
Sottise toute pure.
rubis, à Lucas
Allons vite apprendre à Mondor,
Mon heureuse aventure.
À Colette.
Ce berger qui te plait tant
À mon nom fait injure,
De ton cœur ma chère enfant,
Étouffe le murmure.
Scène v
Colette seule
colette
Air : Que je regrette mon amant
Que je regrette mon amant !
Me plaire était sa seule étude ;
De nous voir à chaque moment
Je m’étais fait une habitude :
Zirzis m’aimait si tendrement
Qu’il me plaisait infiniment ;
Zirzis m’aimait,
Le disait,
Le chantait,
L’exprimait
Si tendrement,
Qu’il me plaisait infiniment.
Air : Il ne vient point, quel soin l’arrête
Que cette houlette est jolie !
Le nom de Zirzis est autour :
Je regretterai plus d’un jour,
Mon chien et ma brebis chérie,
Zirzis les flattait tour à tour.
Adieu ma pauvre bergerie,
Eh, quels biens, quels trésors plus chers,
Remplaceront ce que je perds.
Scène vi
Zirzis, Colette
zirzis
Air : J’étais seule en un bocage
C’en est fait, ma chère amie,
Reçois mes derniers adieux.
colette
Ah ! Berger, ma triste vie
Languira loin de tes yeux.
zirzis
Je vois ton injuste père,
Contraire,
À nos ardeurs.
colette
Mon cœur est toujours le même,
Je t’aime,
Sèche tes pleurs.
zirzis
Air : Hendel
Ma douleur
Prend trop d’empire,
Mon malheur
Veut que j’expire.
colette
Infortuné berger,
Puis-je soulager
Ton cruel martyre.
zirzis
Hélas !
colette
Triste devoir !
zirzis
Je sens que mon âme s’envole.
colette
Que l’espoir
De me voir
Te console.
zirzis
Non, non, c’est trop souffrir.
colette
Oh ! Ciel que prétends-tu faire ?
zirzis
Je veux, je veux mourir.
colette
Fais don mourir ta bergère.
De l’Amour,
Tu vois l’image,
Tour à tour
Dans ce bocage ;
D’être toujours amants,
Viens renouveler nos serments.
zirzis
Que dis-tu bergère ?
colette
Ton ardeur m’est chère.
zirzis
Tu veux que j’espère ?
colette
Oui, je suis sincère.
Suite de l’air :
Duo
colette
Viens Zirzis,
zirzis
Ah ! Zirzis
ensemble, ensemble
L’Amour t’appelle.
Que le prix
D’un cœur fidèle,
Après tant de soupirs,
Enfin couronne tes/mes désirs ;
Viens, jurons-nous,
Oui, jurons-nous
Une flamme éternelle
En dépit des destins jaloux.
Ils vont au pied de la statue de l’Amour et se donnent la main.
Duo
Air : Il y a longtemps que mon cotillon traîne
colette
Reçois, Zirzis la foi de ta bergère,
zirzis
Reçois ma foi, mon aimable bergère,
ensemble, ensemble
Dieu des amants, garantis nos serments,
Si je trahis jamais son cœur sincère,
Livre le mien aux plus affreux tourments.
colette
Reçois, Zirzis la foi de ta bergère,
zirzis
Reçois ma foi, mon aimable bergère,
ensemble, ensemble
Dieu des amants, garantis nos serments,
Si je trahis jamais son cœur sincère,
Livre le mien aux plus affreux tourments.
Scène vii
Zirzis, Colette, Rubis, Lucas
lucas, à Rubis
Air : Morgué l’y v’la
Quel bonheur pour votre famille,
Monsieur, je vous fais compliment.
rubis
[...] ma fille.
lucas
J’gage qu’al’est avec son amant.
Je vois à travers la charmille,
Deux têtes dans ce bosquet là,
Morgué les v’la.bis
Scène viii
Les précédents, Gros-Jean
rubis
Air : Baise-moi donc, me disait Blaise
Comment donc, malgré ma défense ?
grosjean, entrant
Gros-Jean, Gros-Jean, vous demande audience,
Ne rebutez point tant Zirzis...
lucas
Pourquoi ?
rubis
Que veux-tu faire entendre ?
grosjean
C’est que mon fils, n’est pas mon fils,
Gn’ia pas là d’quoi tant vous surprendre.
Air : Vous voulez me faire chanter
C’est un enfant qu’j’avons trouvé
Et Mondor est son père.
zirzis
O Ciel !
grosjean
Le fait est bien prouvé.
rubis
La chose est singulière !
grosjean
Mondor vous attend tous, chez lui.
Venez en diligence,
J’vous avons épargné l’ennui
D’une reconnaissance.
rubis
Air : Allons gai
Zirzis, je te pardonne.
colette
Quel incident heureux !
rubis, à Colette
Viens-ça, je te le donne.
zirzis
L’Amour comble mes vœux.
tous, ensemble
Allons gai, d’un air gai, toujours gai,
Ta la la la, etc.
Fin