Jean Julien-Constantin Renout
Les Couronnes
Le Berger timide
Pastorale, parodie de La Fête de l’Hymen
Représentée par les Comédiens Italiens ordinaires du roi
le samedi 23 décembre 1752
Paris, Dolermel et Prault, 1753
definitacteur, monsieur bride-oison mbrideoison
definitacteur, chœur des bergers chœurbergers
definitacteur, chœur des bergères chœurbergeres
Acteurs
Colin, amant de Lison : Monsieur Rochard
Lucas, rival de Colin : Monsieur Chanville
Lison, bergère : Madame Favart
Mathurine, amante de Lucas : Madame Dehesse
Maître Simon, père de Lison : Monsieur Desbrosses
Monsieur Bride-Oison, tabellion : Monsieur Carlin
Le Greffier
Suite du Tabellion
Bergers et Bergères
Les Couronnes
Le théâtre représente un paysage.
Scène i
Colin
colin
Air : Berger, je n’ose
L’amour me cause
Mille maux,
Que je ne dis qu’aux échos ;
L’amour m’expose
À mille tourments nouveaux.
Je me propose
D’instruire Lison ;
Je crains sans raison,
Et tout prêt à m’expliquer, je n’ose
L’amour me cause
Mille maux,
Que je ne dis qu’aux échos ;
L’amour m’expose
À mille tourments nouveaux.
Scène ii
Colin, Lucas
lucas
Air : Un vaisseau qui dans la plaine
Oui : comment va la tendresse,
Cher Colin ?
colin
Mon cher Lucas...
lucas
Notre commune maîtresse
Ne se déclare donc pas ?
colin
Hélas ! hélas !
Tu m’envois dans la tristesse.
lucas
Tu m’envois dans l’embarras.
colin
Air : Du haut en bas
Pour mes amours,
Je suis dans une crainte extrême.
lucas
Hé quoi, toujours !
colin
Oui, j’aime et je me tais toujours.
lucas
Va, conduis-toi toujours de même ;
Ma foi, c’est là le bon système,
À part.
Pour mes amours.
colin
Air : Beau marinier, beau marinier
Mais tu me parais plus hardi.
lucas
C’est que je suis un étourdi :
Tu ne m’en vois pas plus heureux.
À part.
Il faut qu’il soit sot pour nous deux.
colin
airvide
La gaieté régne en nos villages,
Pour nous les plaisirs sont des trésors :
Nos bergers, par des mariages,
Vont faire éclater leurs doux transports ;
Chacun au gré de ses ardeurs
De s’engager s’empresse ;
C’est la fête de tous les cœurs,
C’est le jour de la tendresse.
Air : De tous les capucins du monde
Hélas ! Serais-je seul à plaindre ?
lucas
Plus que moi tu n’as pas à craindre.
Va ; tantôt monsieur Bride-oison,
Tabellion de ce village
Fera bien expliquer Lison ;
Chaque fille aujourd’hui s’engage.
colin
Air : De tromper un amant volage
Et comment me résoudre à dire
Que pour elle mon cœur soupire ?
lucas
Air : Que je regrette mon amant
Tu sais que ce sont là nos lois.
La bergère la plus timide
Doit de même annoncer son choix ;
Mais sans parler, on se décide :
C’est une couronne, un bouquet,
Qui dévoilera le secret...
Air : Est-ce de moi qu’il veut parler
Tiens, nous pouvons, si tu m’en crois,
Nous accorder ensemble.
Je suis timide quelquefois,
Comme un autre je tremble.
Cher Colin, fais l’amour pour moi
Et moi, je le ferai pour toi.
colin
Air : Tant de valeur et tant de charmes
En agissant de la manière,
On va parler de nous longtemps.
lucas
Amis, rivaux et confidents,
Paraît chose fort singulière.
colin
Air : Va, tu as raison, La Tulipe
Il ne faut pas que la tendresse
À l’amitié fasse aucun tort.
lucas
Colin, soyons toujours d’accord.
colin
Mais si j’épouse ta maîtresse...
lucas
Hé bien, Colin, tant mieux pour toi.
colin
Tu m’en voudrais...
lucas
Nanni, ma foi.
Air : Ah, mon cher ami, que j’t’aime
Moi je t’aimerai,
Je voisinerai,
Si Lison t’est facorable.
colin
Je suis lié
D’une amitié
Durable :
Toujours amis,
Toujours unis
De même,
Nous ne faisons qu’un,
Tout nous est commun.
lucas
Ah, mon cher ami, que j’t’aime !
colin
Air : La petite Vallière
En rêvant dans la plaine,
L’autre jour pour Lison,
J’aurais bien pris la peine
De faire une chanson.
J’aime l’ouvrage fait ;
Sur l’écorce d’un hêtre
Je gravai ce couplet,
Que tu peux bien conaître.
Air : Chantez, mon ami
Rossignol, qu’Amour inspire,
Tout prévient, tout sert vos vœux,
Et sans craindre de le dire,
Votre cœur est amoureux.
Mi, mi, fa, ré, mi,
Chantez mon ami,
Mi, mi, fa, ré, sol,
Heureux rossignol.
Air : Il faut l’envoyer à l’école
Derrière moi Lison était.
lucas
Elle te regardait écrire ?...
colin
Sans rien dire,
Cette inhumaine m’écoutait,
Dès que je l’apperçus...
lucas
Ah, drôle !
colin
J’effaçai la chanson.
lucas
Poursuis.
colin
Je m’enfuis
lucas, à part
Il faut l’envoyer à l’école.
Air : Amis, sans regretter Paris
Motus, j’entends chanter Lison,
Observons cette belle ;
Il faut écouter sa chanson,
Avant d’approcher d’elle.
Scène iii
Colin, Lucas au fond du théâtre, Lison
lison
Air : Maman, pardonnez, je vous prie
1
Les doux plaisirs habitent ces retraites,
Dans nos hameaux chacun aime à son tour ;
On n’en sait rien, nos flammes sont discrètes,
On va rêver seule dans un détour :
L’amour s’y rend, les feuilles sont muettes,
L’ombre des bois est le jour de l’amour.
2
Ne craignez plus, gentilles bergerettes,
Tendres amants, triomphez en ce jour,
Ne fuyons plus le danger des fleurettes,
À nos bergers accordons du retour ;
L’hyùen sensible aux langueurs des fillettes
Donne l’essor aux désirs de l’amour.
lucas, approchant
Air : Et zon, zon, zon, Lisette ma Lison
Sur l’objet du désir
On a peine à se taire ;
Qui chante le plaisir
N’a pas le cœur sévère,
Et zon, zon, zon,
Ma petite bergère,
Et zon, zon, zon,
Ma petite Lison.
colin
Air : On n’aime point dans nos forêts
Dans vos accents quelle douceur !
Et dans vos beaux yeux quelle flamme !
Pour nous, c’est un espoir flatteur,
S’ils font l’image de votre âme.
Bas, à Lucas.
Lucas, n’en ai-je point trop dit ?
lucas, à part
Ma foi, le drôle s’enhardit.
Air : Servantes, quittez vos paniers
À Colin.
Sans s’effaroucher cette fois
La belle nous écoute,
Et de l’amour je m’aperçois
qu’elle prendra la route.
À Lison.
Sur vous, la fierté perd ses droits ;
Quand on a fait un pas, je crois,
On en fait deux, on en fait trois,
C’est le premier qui coûte.
lison
Air : Un jour, dans un vert boccage
De l’objet le plus sévère
L’amour peut être vainqueur ;
Mais une jeune bergère
Doit renfermer son ardeur.
Que l’amant qui sait plaire
Lise en ses yeux
Un sort heureux,
À travers ce mystère.
lucas
Air : Mon voisin a pris son orge
Que dites-vous là ma chère ?
On perd le temps en façons ;
Si l’un de nous sait vous plaire,
Tout franc, contez vos raisons.
Une fillette qui se tait,
Et dont le cœur désire,
Gémit en gardant son secret,
Cent fois plus qu’à le dire.
lison
Air : Ingrat berger, qu’est devenu
En disant moins, on parle mieux,
On s’entend sans rien dire,
Et le doux langage des yeux...
lucas
Ah, vous me faites rire !
Pourquoi faire parler les yeux,
Lorsque l’on peut s’expliquer mieux ?
Air : C’est monsieur Delalande
Si vous cherchez, bergère,
Un amoureux transi,
J’ai trouvé votre affaire,
Prenez moi celui-ci ;
Ô le doux, doux et charmant lien,
Colin vous, vous aimera si bien,
Que vous n’en saurez rien.
colin
Air : Monsieur, en vérité, vous avez bien de la bonté
À Lucas.
Ami, tu parles bien pour moi,
Je dois faire de même,
À Lison.
Lucas aspire à votre foi,
Son amour est extrême,
Oui, ce berger a mérité
Qu’en ce jour Lison s’intéresse
À sa tendresse.
lison
Colin, en vérité,
Vous avez bien de la bonté.
lucas
Air : Il s’est élevé querelle
Nous vivons comme à la ville
Sans jalousie en aimant.
colin
Nous verrons d’un ;œil tranquile,
Le destin qui nous attend.
lucas
Nous sommes d’accord ensemble,
Par une tendre amitié.
colin
Un même esprit nous assemble.
lucas
Oui, nous sommes de moitié.bis
lison
Air : Accorde ta musette
Pas même susceptible
D’un jaloux sentiment ?...
Un ami si sensible
Est un mauvais amant.
lucas
Air : Paris est en grand deuil
À tort vous balancez,
Entre nous prononcez ;
Qu’est-ce qui vous arrête ?
lison
L’intrigue finirait ;
Pour savoir mon secret,
Vous attendrez la fête.
lucas
Air : Voici les dragons qui viennent
Pour vous, j’ai quitté Mathurine,
Elle vient : je fuis.
Elle me fait toujours la mine,
Evitons son humeur chagrine.
colin
Je te suis.
Scène iv
Lison, Mathurine
mathurine, au fond du théâtre
Air : De la confession
Je n’ai qu’un amant,
Hélas ! le volage me quitte,
Qui n’a qu’un amant,
S’expose au plus affreux tourment.
Dès qu’il me voit, le traître m’évite.
lison
Quel transport t’agite ?
mathurine
Je n’ai qu’un amant,
Vous me l’enlevez ma petite.
Je n’ai qu’un amant,
Vous convient-il d’en avoir tant ?
lison
Air : Comment faire
Calme l’excès de tes douleurs,
Je ne cherche point tant de cœurs,
Je voudrais, pour te satisfaire,
À ton amant ne plaire pas ;
Si l’on me trouve des appâs ;
Comment faire ?
mathurine
Air : Le premier du mois de janvier
Vous le prenez sur le bon ton,
Et je comprends votre raison ;
Vos attraits surpassent les nôtres.
Vraiment,
C’est agir prudemment
De se ménager un amant
Accompagné de plusieurs autres.
lison
airnote, n.2
Il faut te dévoiler
Le secret de ma flamme,
Je vais t’ouvrir mon âme,
Cesse de te troubler.
Mon tendre cœur préfère...
mathurine
Qui ?...
lison
Colin ; mais hélas !
Tu sais trop que mon père
Favorise Lucas.
mathurine
Air : Mon petit cœur de quinze ans
Colin est l’amant qu’il te faut,
Je ne crois pas son cœur perfide ;
Mais il est sottement timide.
lison
Et vraiment oui, c’est son défaut.
Air : De l’amour, je subis les lois
Je l’aperçus triste et rêveur
Assis un jour sous un feuillage ;
De loin, je lui jette une fleur,
Il me poursuit dans un boccage ;
Je croyais que de son ardeur
Il allait à la fin m’instruire :
Colin en m’abordant sourit
Et rougit,
Il n’osa me rien dire.
mathurine
Air :
Mais toi, tu ne fus pas muette ?
lison
Colin, lui dis-je, laisse moi,
Tu me parlerais d’amourette,
Je suis ici seule avec toi :
Je risquerais trop à t’entendre,
Et je ne pourrais me défendre...
Il dit ; je vais donc vous quitter,
Et s’en alla, sans hésiter.
mathurine
Air : Vaudeville,
Quelle indolence extrême !
Toujours ce nigaud là
Se taira.
Il faut parler toi-même,
Peut-être il répondra.
lison
Oh oh, ah ah !
Ah oui da !...
mathurine
Les sots amants que voilà !
Air : L’occasion fait le laron
Unissons-nous d’une ardeur mutuelle,
Si ce berger est l’objet de ton choix.
Je cours, Lison, chercher mon infidèle,
Je ferai bien valoir mes droits.
Scène v
Lison, Lucas
lucas
Air : Trop matin s’est levé le roi d’Angleterre
Je ris de son fracas,
Bon, la voilà partie.
À Lison.
Ce soir avec Lucas
Vous allez être unie.
Et riez, riez donc,
Bergerette jolie,
Et riez, riez donc
Gentille Lison.
Air : Cela réveille
Ranimez votre belle humeur,
Faites parler ce petit cœur
Qui sommeille,
À votre âge est-on sans désir ?
Écoutez la voix du plaisir
Cela réveille.
airnote, n.3
Si j’en crois ce qu’on lit dans vos yeux,
Vous n’avez plus un cœur de roche,
Quittez donc cet air mystérieux,
Quand l’instant de s’unir approche :
Colin n’est qu’un sot,
Moi je suis votre vrai balot,
L’imbécile vous génait tantôt,
Nous sommes seuls, plus de contrainte ;
Vous m’aimez, allons, tranchez le mot,
Déclarez votre ardeur sans feinte.
lison
Mineur
Pour me plaire,
Cher Lucas...
lucas
Ça que faut-il faire ?
lison
Porte ailleurs tes pas.
lucas
Vous n’y pensez pas,
Vous n’y pensez pas.
lison
La tendresse
D’un ami
Trop fort t’intéresse,
Il a ton appui ;
Tu dois aujourd’hui
Parler pour lui.
lucas
Attendez vous-y,
Attendez vous-y.
lison
Air : Ah, ma voisine, es-tu fâchée
Celle qui d’un berger volage
Reçoit les vœux,
Soutient son crime et le partage
Avec ses feux :
L’amour vengeur déjà médite
De la punir,
Elle-même enfin, elle invite
À la trahir.
lucas
Air : Le seul flageolet de Colin
Quand un papillon voltigeant
Ne suit que son caprice,
C’est un séducteur inconstant,
Qu’entraîne l’injustice :
Mais quand une plus belle fleur
Mérite son hommage,
Le sentiment conduit son cœur,
Sans le rendre volage.
lison
Air : Tout drès le matin
Je ne veux point d’un cœur léger.
lucas
Oh, la plaisante excuse !
Regardez du moins le berger
Que votre cœur refuse.
Point de chagrin,
Toujours badin,
Et dès le matin
Toujours en train,
Je vais gaiement mon chemin.
Oh, oh, oh, oh, oh, oh ! Ah, ah, ah, ah, ah, oh !
Non, vous n’en trouverez pas
Comme Lucas
Oui dès le matin, etc.
lison
Air : Je viens de vous choisir pour ma petite femme
Lucas, si je pouvais
Vous être favorable,
Tenez, je le ferais :
Vous êtes fort aimable,
Mais...
lucas
Air : Joconde
Voyant des poissons assez gros
Un pécheur les méprise ;
Ils n’étaient jamais assez beaux,
Admirez sa sotise :
Il ne vint plus que du goujon,
Il fut trop difficile ;
Pour les filles, jeune Lison,
La leçon est utile.
lison
Même air
Un oiseleur avait trouvé
Une jeune fauvette ;
Mais l’oiseau qui n’est point privé
s’agite, s’inquiéte ;
Dès qu’il peut forcer sa prison,
Il court les champs, la ville,
Monsieur Lucas, pour un garçon,
La leçon est utile.
lucas
Air : Lon lan la toureloure
Je sais apprivoiser
L’oiseau le plus sauvage,
Je vais tout disposer
Pour notre mariage.
Et lon lan la toureloureloureloure,
Et lon lan la toureloure.
Scène vi
Lison, Colin
colin, au fond du théâtre
Air : Quel désespoir
Quel sort affreux !
Lison m’est pour jamais ravie ?
Quel sort affreux
Éprouve un amant malheureux !
lison
Hymen, tes nœuds
Feraient le bonheur de ma vie :
Quel sort affreux
S’ils sont formez contre mes vœux !
colin, au fond du théâtre
Ma crainte, mes alarmes
Lui prêtent de nouveaux charmes,
Il semble que mes larmes
Raniment l’ardeur de mes feux.
Quel sort affreux
Lison m’est pour jamais ravie :
colin, lison, ensemble
Quel sort affreux
Éprouve un amant malheureux ?
Éprouve un amour malheureux ?
lison
Air : Ne m’entendez-vous pas
Quel est votre embarras ?
colin
J’apprends que Lison donne
Aujourd’hui sa couronne
Au fortuné Lucas.
lison
Hé bien, Colin ? ...
colin
Hélas !
Air : Le beau Dion
Hé quoi, mon malheureux destin,
Cruelle, ne vous touche pas ?
lison
Si mon cœur parlait pour Colin,
Colin répondrait pour Lucas.
colin
Air : Contre un engagement
Ah ! Pouvez vous douter
À quel point je vous aime ?
L’amour, sans éclater,
N’en est pas moins extrême.
En vain j’ai su me taire :
Vous lisiez dans mes yeux
Un feu que le mystère
Exprimait encor mieux.
Air : Nous jouissons, dans nos hameaux
Cruelle, tu vois mon tourment
Avec indifférence ;
Sans doute un plus heureux amant
Obtient la préférence...
lison
Non, non, tu n’eûs jamais pour moi
Un amour véritable,
Ingrat, ou ton cœur, magrè toi
Ne me croit point coupable.
colin
Air : Sur le bord d’un ruisseau
Tes yeux perdent leurs feux
Dans un regard sévère,
La tendresse est pour eux
L’art suprême de plaire :
Ah, Lison ! de ses grâces
Ta bouche perd le prix,
Si l’amour sur ses traces
N’y ramène un souris.
lison
Air : Pour soumettre mon âme
Colin, tu sais mal lire
Les secrets d’un tendre cœur,
En causant ton martyre,
Puis-je goûter le bonheur ?
Des maux de l’objet qu’on aime
Hélas ! Quand on est l’auteur,
Plus cruelle pour soi-même,
On sent deux fois son malheur.
colin
Air :
Pourquoi, si mon sort t’intéresse,
De Lucas écouter l’amour ?
lison
Ah ! Sans captiver ma tendresse,
Ton ami m’épouse en ce jour :
Ce sont les ordres de mon père.
colin
L’amour ne les écoute guère,
Il ne connaît que son ardeur,
C’est la première loi du cœur.
lison
Air : Nous sommes précepteurs d’amour
Colin, ne perdons point l’espoir,
Tantôt apporte une couronne ;
En vain la rigueur du devoir
Défend ce que l’amour ordonne.
colin
Air :
Songe au tourment
Qu’un tendre amant
Pour toi ressent ;
Lison, sans tes feux,
Le jour heureux
Qui me luit,
fuit.
Mes amours
Et mes jours
Ne sont plus qu’une trame,
Un soupir
Doit finir
Et ma vie et ma flamme,
Songe au tourment
Qu’un tendre amant
Pour toi ressent ;
Lison, sans tes feux,
Le jour heureux
Qui me luit,
fuit.
Scène vii
Lison
lison
Air : Laisse agir ma flamme
D’un amour si tendre
Puis-je me défendre ?
Raison contraire à nos plaisirs,
Mon faible cœur ne peut t’entendre,
Tu vas céder à mes désirs,
En t’ennivrant de mes soupirs.
Mon destin m’accable !
Suis-je si coupable ?
Et d’où me vient ce sentiment,
Qui décide en faveur de mon amant
D’un amour si tendre
Puis-je me défendre ?
Raison contraire à nos plaisirs,
Mon faible cœur ne peut t’entendre,
Tu vas céder à mes désirs,
En t’ennivrant de mes soupirs.
Scène viii
Lison, Lucas, Mathurine
mathurine, poursuivant Lucas
Air : Piersitoise
Tu me fuis, trop perfide Lucas,
Mais partout je veux suivre tes pas.
lucas
Mathurine, à quoi bon ce fracas ?
mathurine
Ingrat, tu ne me tromperas pas.
lucas
Ah !
lison
Air : Sur le pont d’Avignon
Mathurine poursuit son amant infidèle,
Laissons les à loisir déméler leur querelle.
Lison sort.
mathurine
la Piersitoise
Lucas qui suivait mes lois
Fait en tapinois,
Comme un sournois,
Un autre choix.
Lucas qui suivait mes lois...
lucas
Redis-le cent fois.
mathurine
Tu ris, je crois
Mais j’ai les droits,
Elle le prend au collet.
Ne crois pas que tu m’échapperas.
Je te tiens trop perfide Lucas.
lucas
Mais tout beau, ne m’étrangle donc pas.
mathurine
Je t’étrangle, ou tu m’épouseras.
lucas
Ahi, ahi, ahi.
Air : Ton humeur est, Catherine
Diable... en t’épousant ma chère,
Ce serait un doux lien.
mathurine
Ce serait une autre affaire.
lucas
Va, va, je m’en doute bien.
Je sais qu’on ne traite guère
Un mari comme un amant.
À part.
Je voudrais, pour m’en défaire,
L’épouser dans ce moment.
mathurine
Air : Il ne faut jurer de rien
L’amour céde à la fureur
Pour punir un infidèle.
lucas
Bon, bon, la perte d’un cœur
N’alarme point une belle.
mathurine
Tu m’avais juré que le tien
Me serait toujours fidèle.
lucas
J’avais tort : ainsi tu vois bien,
Qu’il ne faut jurer de rien.
mathurine
Air : Je vous rencontrai, l’autre jour ,au milieu d’une bande
Au mépris du plus tendre amour
Cruel, tu m’abandonnes.
Les bergères, pour ce grand jour,
Préparent leurs couronnes.
Chacune va, pour s’engager,
Disposer de la sienne ;
Et moi, qui n’ai point de berger,
Que faire de la mienne ?
lucas
Tout ce qu’il vous plaira,
L’arira
Tout ce qu’il vous plaira.
mathurine
Air : Oh ricandaine, oh ricandon
Tu le prends sur un plaisant ton.
lucas, mathurine, ensemble
Oh ricandaine, oh ricandon
mathurine
Je vais dire au tabellion
Que tu n’es qu’un traître, un fripon
Je serai pire qu’un dragon,
Qu’une mégère, qu’un démon,
Si tu n’écoutes pas raison.
lucas
Ricandaine.
ensemble, ensemble
deuxcol, \lucas
Patati patata
Patati patata
Patati patata
Patati patata
Pouf
mathurine
Tu me traites sans nul égard,
Tu portes tes vœux autre part,
Crains de t’en repentir trop tard,
Je mets toute honte à l’écart,
Car
mathurine
Partout je me plaindrai,
Oh ricandaine,
lucas
Je m’en gobergerai,
Oh rivandé.
Ils sortent.
Scène 9
Entrée des bergers et des bergères, tenant des bouquets et des couronnes.
Le tabellion vient appuyé sur deux bedeaux, il est suivi du greffier, de différents personnages villageois, et d’une symphonie comique. Après une marche, ils vont tous se placer sous les arcades, le tabellion est au milieu, et devant lui, le greffier écrivant sur une table.
Air : Ah, venez-y toutes
Présentez vos hommages
À monsieur Bride-Oison
Tabellion ;
De tous nos mariages
Il est le factotum.
Allons gué, filles gentilles,
Choisissez de sgarçons bons drilles,
Et requinquez-vous donc.
le tabellion
Air : Mariez, mariez-moi
Amants, c’est en ce grand jour
Que l’hymen fait ses emplettes,
Il est heureux si l’amour
Ne lui vend pas des aigrettes ;
Mariez, mariez, mariez-vous,
Voici la foire aux fillettes,
Mariez, mariez, mariez-vous,
Voici la foire aux époux.
chœurbergers
Marions, marions, marions-nous,
Voici la foire aux fillettes.
chœurbergeres
Marions, marions, marions-nous,
Voici la foire aux époux.
le tabellion
Air : Allons donc, mesdemoiselles
Allons donc sautez les belles,
Remuez le cotillon,
Ne faites pas les rebelles,
À l’Opéra c’est le ton :
Et allons donc, sautez les belles,
Remuez le cotillon.
On danse.
le tabellion
Air : Sont les garçons du port au blé
Allons greffier, ça lisez-nous
La liste des futurs époux,
Que vous avez inscrits d’avance.
le greffier
Paix là, messieurs, faites silence.
airnote, n.4
3
Une fringante brunette
Prend un vieillard pour époux,
Elle est complaisante et folette,
Et le vieillard n’est point jaloux.
Quel avis est le votre,
Monsieur le tabellion ?
le tabellion
Ils sont fait l’un pour l’autre,
Le mariage est bon.
4
Un commis de la gabelle,
Qui commence et qui n’a rien,
Prend une femme jeune et belle,
Dont les appâs font tout le bien.
Quel avis etc.
5
Margot lasse du veuvage
Choisit le simple Colas,
Elle sait le train du ménage ;
Mais Colas ne s’en doute pas.
Quel avis etc.
Plusieurs bergères déclarent leur choix en donnant leur couronne à leur amant, ce qui forme plusieurs entrées pantomimes.
Scène x
Maître Simon, Lucas, Lison entrent d’un côté, Mathurine, Colin entrent de l’autre
maître simon
Air : Car c’est comm’çi, car c’est comm’ça
Venez couronner un époux,
Montrez-moi votre obéissance,
Allons, Lison, présentez-vous,
Et faites bonne contenance ;
Car c’est comm’çi, car c’est comm’ça,
Entendez-vous ma fille ?
Qu’on fait la la, farlarira,
Honneur à sa famille.
lucas, à Lison
Air : Est-il de plus douces odeurs
Chère Lison, ma vive ardeur
Mérite la couronne.
lison, donnant sa couronne à Lucas
Lucas, au défaut de mon cœur,
Le devoir vous la donne.
colin, offrant sa couronne à Lison
Ô ciel ! Un amant malheureux
Peut-il t’offrir la sienne ?
lison, la recevant
L’amour, qui parle dans mes yeux,
Va consacrer la tienne.
Air : À l’ombre de ce vert bocage
lucas, colin ensemble, ensemble
Lison m’a donné sa couronne,
Lison a reçu ma couronne,
Son père est témoin de son choix.
Ce n’est qu’à celui qu’on la donne,
Ce n’est qu’à celui qui la donne,
Que l’amour accorde sa voix.
lison
Ce n’est qu’à celui qui sait plaire.
À Lucas.
Lucas, l’amitié...
lucas
Quel retour !
lucas, colin ensemble, ensemble
Vous m’aimez !
Vous l’aimez !
lison
Attendez...
lucas, colin ensemble, ensemble
Ma chère !
lison
Colin, Colin a mon amour.
Air : Mon petit doigt me l’a dit
lucas, colin ensemble, ensemble
Ô, ciel !
maître simon
Voyez-vous sa ruse ?
lucas
Est-ce ainsi que l’on en use ?
maître simon
C’est agir contre nos lois.
lucas, maître simon ensemble, ensemble
Croyez-vous qu’on nous abuse ?
le greffier
Paix-là.
le tabellion
Voyons quelle excuse
Peut justifier son choix.
lison
Air : Non, je ne ferai pas ce qu’on veut que je fasse
Lucas a de ses soins reçu la récompense,
Mais Colin a les droits de la reconnaissance,
On ne doit rien à ceux que l’on veut obliger,
Ce n’est qu’en recevant que l’on peut s’engager.
le greffier
airnote, n.4
Quel avis est le votre,
Monsieur le tabellion ?
le tabellion
Ils sont faits l’un pour l’autre,
Le mariage est bon.
lucas
Air : La bonne aventure
Ne puis-je dans mon courroux
Venger mon injure ?
maître simon
Il faut céder malgré nous.
mathurine
Ah ! J’aurai donc un époux ;
La bonne aventure, ô gué,
La bonne aventure.
Air : Pour la baronne
À Lucas.
Je suis trop bonne
Pour insulter à ton malheur ;
Je t’offre encore ma couronne,
Prends-là, Lucas, avec mon cœur,
Je te les donne.
lucas
Air : Palsangué Monsieur le Curé
Ah, je suis encor trop heureux
D’avoir ton cœur en partage :
Sans Mathurine, on m’eut vu dans ces lieux
Jouer un sot personnage.
Entrée de bergers tenant des corbeilles de fleurs. À la fin de leur entrée, les fleurs des corbeilles s’élèvent en berceaux, sous lesquels passent les amants : entre les différentes allées de ces berceaux, qui varient leur forme à chaque figure, s’exécutent différents pas de bergers, de bergères et de paysans.
le tabellion
Air : Étant à l’hôpital
Amants, soyez époux,
Des moments les plus doux
Sachez bien faire usage :
L’amour est père des plaisirs,
S’il fait banqueroute aux désirs,
Au diable le ménage.
lison
airvide
La grandeur et la richesse
N’ajoutent rien aux plaisirs.
colin
L’heureux prix de la tendresse
Satisfait à nos désirs.
lison
Jamais la simple nature
N’a perdu de ses attraits,
Le bonheur n’est qu’imposture
Dans les superbes palais.
La grandeur et la richesse
N’ajoutent rien aux plaisirs.
colin
L’heureux prix de la tendresse
Satisfait à nos désirs.
L’opulence, où l’on aspire,
Trompe un cœur ambitieux
Mais il gémit, il désire,
Même en croyant être heureux.
colin et lison, ensemble
La grandeur et la richesse
N’ajoutent rien aux plaisirs.
L’heureux prix de la tendresse
Satisfait à nos désirs.
le tabellion
Air : J’ai l’pied dans le margouilli
Au trébuchet les voilà pris,
Ti relire,
Tirltantire,
Au trébuchet les voilà pris,
Tirez vous en mes bons amis.
vaudeville
6
Mamans, gardez vos fillettes,
Empêchez qu’un amant
Ne leur conte fleurettes,
C’est agir prudemment.
Mais si le cœur désire,
Malgré vos soins un jour,
Un seul coup d’œil saura tout dire,
L’amour sait plus d’un tour.bis
7
Pour traverser un bocage,
Où l’on court du danger,
N’est-ce pas être sage
Que de prendre un berger ?
Ce berger imagine
De nous parler d’amour ;
Qu’y faire ? Est-ce qu’on le devine ?
L’amour sait plus d’un tour.bis
8
Lycas prend sur la fougère
Un baiser à tonton,
Elle aperçoit sa mère,
Elle fait le dragon :
La maman est crédule,
Tonton par ce détour,
Lui fait avaler la pilule,
L’amour sait plus d’un tour.bis
9
Fanchon est ingénieuse,
Apercevant Alain,
Elle fait la dormeuse
Elle fait la dormeuse
Pour qu’il baise sa main :
Tel pense qu’il friponne
Bien souvent en amour
Ce que de bon cœur on lui donne,
L’amour sait plus d’un tour.bis
10
Dans mon temps près des fillettes
J’étais vif et coquet,
Je laissais les follettes
Attraper mon bouquet ;
J’étais d’humeur friponne,
Il n’était point de jour
Que je n’eusse quelque couronne,
Mais ce n’est plus mon tour.bis
11
Un auteur de son ouvrage,
Ne juge qu’après vous,
Messieurs, votre suffrage
Est un charme bien doux :
Mais sans juger la pièce,
Cent fois renvoyés-là,
Quoique son sort nous intéresse,
Jouez-nous ce tour là.bis
Ballet général