Anonyme
Les Fra-Maçonnes
Parodie de l’acte des Amazones, dans l’opéra des Fêtes de l’Amour et de l’Hymen
Représenté pour la première fois sur le Théâtre de la Foire Saint-Laurent
le 28 août 1754
Paris, Duchesne, 1754
Acteurs
Le Vénérable : Monsieur Deschamps
persliste, Monsieur de l’Isle Le premier Surveillant
Hortense : Mademoiselle Deschamps
Marine : Mademoiselle Deschamps Cadette
Le second Surveillant : Monsieur de la Ruette
Troupe de Francs-Maçons
Troupe de Femmes
Les Fra-Maçonnes
Scène i
Le Vénérable, le Surveillant
le vénérable
Air : Non, je ne ferai pas [ce qu’on veut que je fasse]
Eh bien, tout est-il prêt pour la cérémonie ?
le surveillant
Oui, Maître, vous pouvez compter sur mon génie ;
À suivre vos désirs les Francs-Maçons zélés,
Sont déjà, par mes soins, en ces lieux rassemblés.
le vénérable
Air : Ton humeur est, Catherine
Je craignais, par quelque obstacle,
Qu’ils ne soient tous arrêtés,
Ou qu’ils ne soient au spectacle
Conduits par les nouveautés :
J’aurais remis notre affaire
À demain, sans nul détour ;
Car je sais qu’à présent, frère,
Les nouveautés n’ont qu’un jour.
Air : Menuet de Grandval
Cependant j’ai l’âme ravie
Que tous mes projets soient suivis.
Commençons la cérémonie ;
Dans l’instant nous serons servis.
le surveillant
Air : La bonne aventure
Aurons-nous un bon repas ?
le vénérable
Oui, je t’en assure ;
le surveillant
J’ai vu des ragoûts là-bas
D’assez bon augure :
le vénérable
Nous recevons l’héritier
D’un vieux marchand usurier :
le surveillant
La bonne aventure !Oh gué !
La bonne aventure.
Air : Mais comment ses yeux sont humides
Mais savez-vous, mon Vénérable,
Qu’une cohorte redoutable
Veut nous jouer un méchant tour ?
Je viens, en surveillant habile,
D’apprendre en parcourant la ville,
Que trente femmes en ce jour
Doivent forcer notre séjour.
le vénérable
Des femmes savoir nos mystères !
Et quelles sont ces téméraires ?
le surveillant
Ce sont celles qui dans Paris
Font la ressource des maris ;
Qui savent, à force d’adresse,
Dégourdir la belle jeunesse ;
Mais qui sur les pas du plaisir,
Guident souvent le repentir.
le vénérable
Air : Prévôt des Marchands
En ces lieux qui conduit leurs pas ?
le surveillant
C’est cet objet si plein d’appas,
Cette Hortense, que l’on admire
Beaucoup moins que ses diamants,
Et qui, crainte de la satire,
Se contente de six amants.
le vénérable
Air : Je n’y puis rien comprendre
Hortense ! Oh Ciel ! Que me dis-tu ?
Cette Hortense ?
le surveillant
Eh bien !
le vénérable
Qu’elle est belle !
le surveillant
Quoi, votre cœur est abattu !
Vous aimez cette Péronnelle.
le vénérable
Non, je la hais.
À part.
Qu’elle a d’attraits !
le surveillant
Vous l’aimez : allons, frère,
Je vois que de votre argent frais
Vous voulez vous défaire.
Air : Ma raison s’en va bon train
Mais quoi, ce minois trompeur
Toucherait-il votre cœur ?
Si vous pouviez voir
Quel est le savoir
De toutes ces coquettes ;
Allez, leurs appas chaque soir
Restent sur leurs toilettes, lon la.bis
le vénérable
Air : Ne v’là-t’il pas que j’aime
Hortense ne mérite pas
Cette cruelle injure ;
Rien à ses yeux n’a plus d’appas
Que la simple nature.
Air : C’est Mademoiselle Manon
Par ses petits talents
Surtout elle m’enchante ;
Toujours ses vêtements
Sont riches et galants :
Elle fait des nœuds,
Chante au mieux,
Sait jouer des yeux ;
Pour persifler les gens
Elle est toute excellente.
Son goût est exquis ;
Nos Marquis sont par elle instruits,
Ce qui fait qu’à Paris
Sa conquête est de prix.
le surveillant
Air : À la façon de Barbari
Eh bien, soyez-en amoureux ;
Mais si jamais, mon frère,
Elle ose conduire en ces lieux
Sa troupe téméraire,
Nous n’entendrons point de raison,
La faridondaine, la faridondon ;
Nous les arrangerons ici, biribi,
À la façon de Barbari, mon ami.
le vénérable
Air : De tous les capucins du monde
Garde-toi de leur faire injure.
le surveillant
Je veux les rendre à la nature ;
Je veux que d’un fard spécieux
Leurs figures soient dépouillées.
le vénérable
Combien de femmes en ces lieux
Craindraient d’être débarbouillées !
Air : La béquille du Père Barnabas
Mais pourquoi les bannir
De nos secrets mystères ?
le surveillant
Pensez-vous qu’au plaisir
Elles soient nécessaires ?
le vénérable
Ce sexe né pour plaire
Mérite quelque soin ;
le surveillant
Moi, je n’en ai que faire.
le vénérable
Moi, j’en ai grand besoin.
Air : Printemps, dans nos boccages
Dans les beaux yeux d’Hortense
L’amour plaça ses traits ;
Son aimable présence
Enchaîne pour jamais.
Si tu la voyais,
Tu céderaient à sa puissance ;
Si tu la voyais,
Tu céderait, et tu dirais :
Dans les beaux yeux d’Hortense
L’amour plaça ses traits ;
Son aimable présence
M’enchaîne pour jamais.
le surveillant
Air : La beauté sauvage
Ce sexe n’aspire
Qu’à nous asservir ;
le vénérable
Mais sous son empire
Règne le plaisir.
le surveillant
Que dites-vous ?
Ce sont les fous
Qui vantent sa tendresse.
Par ses travers,
Par ses grands airs,
Il sait nous émouvoir :
C’est notre faiblesse
Qui fait son pouvoir.
le vénérable
Air : L’amant frivole et volage
Le jeune enfant de Cythère
N’a pas toujours un bandeau ;
La vertu souvent l’éclaire
Et lui prête son flambeau :
En adorant une femme
On peut honorer son cœur,
Dès lors qu’il élève l’âme,
L’amour n’est plus une erreur.
Air : Dans un bois solitaire et sombre
Vas donner l’ordre nécessaire
Pour prévenir tout incident,
Et qu’en ces lieux, la loge entière
Se réunisse dans l’instant.
Scène ii
Le Vénérable seul
le vénérable
Air : Pour passer doucement la vie
Qu’ai appris ? Se peut-il qu’Hortense
Veuille pénétrer ces lieux ?
Des frères je crains la vengeance ;
Pour la voir que n’ont-ils mes yeux !
Air : Réveillez-vous, belle endormie
Mais j’aperçois déjà nos frères
Pensons à notre dignité,
Et pour commencer nos mystères,
Reprenons notre gravité.
Scène iii
Le Vénérable, Le premier et le deuxième Surveillant, L’Orateur, Le Récipiendaire, Troupe de Francs-Maçons en habits de cérémonie
les deux surveillants
Air : Marche des Satyres de l’Opéra
C’est ce jour
Que vous aurez votre tour ;
Mais avant de vous recevoir,
Il faut savoir
Quel sera votre devoir.
Avançons,
Commençons,
Loin d’ici tout profane :
Nos secrets
Veulent des gens discrets.
Votre cœur
Doit redoubler sa ferveur.
Sachez donc comme il faut marcher,
Parler,
Toucher,
Et puis nous vous apprendrons
Comment nous reconnaissons
Les fidèles Maçons.
Ici les Francs-Maçons font quelques cérémonies ; et lorsque le Récipiendaire se trouve au milieu conduit par l’Orateur, le Vénérable s’approche de lui, et lui dit :
Air : Or, écoutez, petits et grands
Mon frère, je vais à vos yeux
Découvrir ce secret fameux ;
Ce secret, ce profond mystère,
Respecté de toute la terre :
C’est...
On entend un grand bruit.
Scène iv
Le Vénérable, \emph les acteurs précédents, Hortense, Marine, \emph troupes de femmes de la suite d’Hortense
les femmes, derrière le Théâtre
Poussons, poussons fort,
Jetons la porte à terre ;
Poussons, poussons, poussons fort.
le surveillant
Air : La pierre [...]
Ciel ! Qui peut causer de tels transports !
hortense, entrant avec sa suite
Faisons tout céder à nos efforts.
le surveillant
Quoi, des femmes entrer ! Quel démon !
Allons vite, sortez, sortez donc.
hortense
Non.
le surveillant
Frères, venez tous,
Défendons-nous.
definitacteur, chœur de femmes chœurfemmes
chœurfemmes
Ah, nous entrerons.
definitacteur, chœur de francs-maçons chœurfrancs
chœurfrancs
Nous le verrons
chœurfemmes
Nous entrerons.
hortense
Arrêtez, Messieurs, y pensez-vous ?
Ayez un peu plus d’égard pour nous.
On ne m’a jamais reçue ainsi :
Nous ne sortirons point d’ici.
le vénérable
Si.
hortense
Air : Que craignez-vous, charmante reine
Que craignez-vous, mon vénérable,
On ne fuit point l’amour quand on est beau garçon.bis
le surveillant
Air : Reçois dans ton galetas
Sortez vite de ces lieux,
Ne troublez plus nos mystères.
hortense
Que sert d’être furieux ?
le surveillant
Elle ose nous braver, mes Frères !
Allons : de leurs témérités,
Il faut les punir.
le vénérable
Arrêtez.
definitacteur, chœur d’hommes chœurhommes
chœurhommes
Il faut les punir.
chœurfemmes
Arrêtez.
le vénérable
Air : Quand un tendron vient en ces lieux
De grâce sortez de ces lieux,
Croyez-m’en, belle Hortense.
hortense
Pourquoi ce ton mystérieux :
Craignez-vous ma présence ?
Je vois que votre amusement
N’est pas décent.
Oui, c’est cela, là, là.
le vénérable
Oh, oh, ah, ah, ah, ah !
hortense
Vous cacheriez-vous sans cela là, là.
le vénérable
Air : Sous un Ormeau
Un tel soupçon
N’est pas dicté par la raison ;
Oui c’est un affront,
Mais tout de bon
Sortez donc.
hortense
Non.
Je veux d’abord savoir
Quel devoir.
le vénérable
Je suis au désespoir ;
La seule liberté
Fait ici notre félicité.
Et dans ces lieux
Nous goûtons loin de tous fâcheux
Des moments heureux
Que troubleraient vos beaux yeux.
hortense
Dieux !
Air : Petits ballets
Eh, pourquoi nous éloignez-vous ?
Pourquoi montrer tant de courroux ?
Eh, pourquoi nous éloignez-vous,
D’un plaisir qui nous paraît si doux ! \indicreprmus fin
Les ris et les jeux
Suivent nos traces :
Est-on heureux
En chassant les grâces ;
Sans nous, en ces lieux
Tout est ennuyeux.
Il n’est point de plaisirs
Pour qui vit sans désirs.
Eh, pourquoi nous éloignez-vous, etc.
le vénérable
Air : Pour soumettre mon âme
Nous avons des mystères,
Il faut garder un secret.
Votre sexe, mes chères,
Par goût n’est pas fort discret.
Mille soins sous votre empire
Empoisonnent nos beaux jours.
hortense
De nous vous pouvez médire,
Vous y reviendrez toujours.
Air : Si des galants de la ville
Les Femmes, mon cher grand maître
Même en vous donnant des fers
Sont des fleurs qu’Amour fit naître
Pour embellir l’Univers.
petitespacevert
La discorde, ou la tristesse
Sans nous, occupent vos jours ;
Nous apportons l’allégresse,
Nous réveillons les amours.
Les Femmes, etc.
Quelquefois, sous notre chaîne
Il en coure des soupirs,
Mais quand on connaît la peine,bis
On sent bien mieux les plaisirs.
Les femmes, etc.
le surveillant
Air : Entre l’amour et la raison
Cessez ces propos ennuyeux.
marine
Oui, sortons, nous ferons bien mieux.
hortense
Marine, voulez-vous vous taire.
marine
Ne point parler, mais on rira.
hortense
Mais vous savez qu’à l’Opéra
Osiris fait seul son affaire.
Air : Tout roule aujourd’hui dans le monde
Tant en cabriolets qu’en diables,
J’ai fait voiturer en ces lieux
Bon nombre de Nymphes aimables ;
Vous pouvez leur offrir vos vœux.
Rien n’est si beau que leur conduite :
Aimez-les, vous ne risquez rien ;
Je vous ai fait choisir l’élite
Des Princesses du magasin.
Air : Allons gai
Mais pourquoi ce silence ?
Rêverez-vous toujours ?
Comment chacun balance
À suivre les Amours ?
Allons gai,
Toujours gai,
D’un air gai.
le surveillant
Air : Ceci fort peu m’embarrasse
Oui, morbleu de ce silence ;
J’ai tout lieu d’être en courroux,
Comment frère, leur présence
Vous a-t’elle troublés tous ?
hortense
Pense-t’il par sa grimace
Nous inspirer de l’effroi,
Sa voix dure et sa disgrâce
Me font rire malgré moi.
le surveillant
Air : Tambour d’amour
Braves Francs-Maçons,
Suivez mes leçons ;
Par de cruels affronts
Vengeons notre injure,
Sans aucun égard
Otons-leur ce fard,
Qui sait avec tant d’art
Voiler la nature.
le vénérable
Cruels, arrêtez,
Si jamais vous m’irritez
De tant de témérités...
le surveillant
Menace vaine,
Suivez tous mes pas,
Perdons ces trompeurs appas.
le vénérable, à Hortense
Je tremble pour vous, ma Reine.
hortense
Je ne les crains pas.
Les Francs-Maçons sortent conduits par les deux surveillants.
Scène v
Le Vénérable, Hortense et sa suite
hortense
Air : Que chacun de nous se livre
Oui, bientôt par ma prudence
Leur fureur s’apaisera :
Suivons dans cette occurrence
Les leçons de l’Opéra.
Ses ressources sont fort bonnes ;
C’est par de petits présents
Qu’Osiris des Amazones
Fait changer les sentiments.
Air : Mais comment ses yeux sont humides
Apportez-moi, mes Demoiselles,
Des nœuds d’épée, et des dentelles ;
N’oubliez pas les grands chapeaux,
Les redingotes en chenille,
Pour courir le matin la Ville :
Les fouets, les petits couteaux,
Les cocardes pour les chevaux,
Les grandes cannes en usage ;
Car tout cela sied au visage,
Surtout apportez des liqueurs,
Des fleurs, des bouteilles d’odeurs,
Des canapés, de longues chaises
Pour leur procurer tous leurs aises,
Enfin, il faut de leur prison,
Faire une petite maison.
La suite d’Hortense sort.
Scène vi
Le Vénérable, Hortense
le vénérable
Air : Madame, en vérité
À nos lois, malgré mon courroux
Vous me rendez parjure.
hortense
Comment, je suis seule avec vous ?
Quelle heureuse aventure !
Nous serons plus en liberté :
Allons, découvrez-moi votre âme.
le vénérable
Qui ? Moi, Madame ?
Eh, mais en vérité,
Vous avez bien de la bonté.
hortense
Air : Menuet d’Hésione
Pourquoi nous faites-vous l’injure
De nous bannir ?
le vénérable
Ce sont nos lois.
hortense
Vos lois outragent la nature,
N’en croyez jamais que sa voix.
Air : J’aime une ingrate beauté
Elle a formé les doux nœuds
Qui nous joignent l’un à l’autre.
Votre sexe n’est heureux,
Qu’alors qu’il s’unit au notre.
Il en coûte à vos cœurs,
Quelque soin pour nous plaire ;
Mais on n’obtient des fleurs
Qu’en arrosant la terre.
le vénérable
Air : Des favoris de la gloire
Votre adresse séduisante
Ressemble, sexe imposteur,
Aux feux que la terre enfante
Pour tromper le voyageur ;
Il se perd suivant ces guides ;
L’espoir aide à son erreur :
Ainsi, vos faveurs perfides
Nous éloignent du bonheur.
Air : Turelure
Nous jouissons en ces lieux
D’une paix tranquille et pure :
Sans vous, nous sommes heureux.
hortense
Turelure.
J’en doute à votre encolure,
Robin turelure, turelure.
Air : Ce ruisseau, qui dans la plaine
Loin d’un sexe né pour plaire,
Quel est donc votre plaisir ?
La paix qui vous est si chère
Vaut-elle un tendre désir ?
Un Amant près de sa belle
Méprise la liberté,
La douceur d’être aimée d’elle
Le mène à la volupté.
Plus un tendre amour l’engage,
Plus l’ivresse de son cœur
Lui dit qu’un doux esclavage,bis
Est l’image
Du bonheur.
le vénérable
Air : J’aime une jeune brunette
Oui, mon cœur pourrait se rendre
Au jeune enfant de Cypris,
Si de l’ardeur la plus tendre,
Le bonheur était le prix,
Mais d’abord, c’est l’artifice
Qui fait naître nos désirs,
Et bientôt un vain caprice
Empoisonne nos plaisirs.
hortense
Air : À notre bonheur l’Amour préside
Pour deux cœurs qu’un tendre amour enflamme,
Un caprice est un moment heureux,
Ils se quittent, mais au fond de l’âme
Ils brûlent de resserrer leurs nœuds :
À leurs transports, le calme succède,
La Maîtresse cède,
Et de son amour
L’Amant prend bientôt un nouveau gage,
C’est après l’orage
L’éclat d’un beau jour.
le vénérable
Air : Tout parle amour
Je veux en vain me défendre,
Il faut me rendre
À vos accents :
Ils ont enchanté mes sens ;
Vous voyez l’Amant le plus tendre ;
Oui, mon cœur, dans ce beau jour,
Connaît l’Amour,
Cède à l’Amour.
Air : Babet, que t’es gentille
Par un aveu flatteur,
Répondez à ma flamme ;
Non, jamais tant d’ardeur
N’a régné dans mon âme,
Je n’aime que vous.
hortense
Que ce mot est doux !
Que ma joie est extrême !
Votre cœur vient de s’enflammer.
Quoi ! Mes yeux ont pu vous charmer
Ah ! Puissiez-vous toujours m’aimer.
M’aimer.bis
Toujours de même.
Air : Bouchez, Naïades, vos fontaines
J’entends du bruit.
le vénérable
Ah ! Chère Hortense,
Rassurez-vous sur ma puissance ;
En vain, les frères contre vous...
hortense
Ne craignons rien, c’est mon escorte.
Nous apaiserons leurs courroux,
Par les présents qu’on leur apporte.
Scène vii
Le Vénérable, Hortense, Marine, Suite d’Hortense portant des corbeilles pleines de fleurs et de nœuds de rubans
hortense
Air : À l’ombre de ce vert bocage
Avez-vous rempli mes demandes ?
marine
Oui, belle Hortense, les voilà,
Mais nous n’avons pas de guirlandes,
On a tout pris à l’Opéra,
Pour enchanter les Amazones :
Osiris en vainqueur malin
En emploie quinze mille aulnes,
Dont on forme un grand baldaquin.
On entend du bruit.
Scène viii
Le Vénérable, Hortense, Suite d’Hortense, les deux Surveillants, Troupe de Francs-Maçons armés de petits sceaux
le vénérable
Air : Ô, vous, puissant Jupin
Ciel on vient en ces lieux !
Je vois, furieux
Votre projet affreux.
le premier surveillant
Avançons, braves Compagnons,
Suivons les leçons
De nos anciens Maçons.
Rappelez vos serments,
Qu’en ces instants.
le vénérable, en les arrêtant
Air : Comme v’là qu’est fait
Quoi ! vous oseriez téméraires.
hortense
Je vais apaiser leurs fureurs.
À sa suite.
Vous, que l’on porte à tous les frères,
Nos petits présents et nos fleurs,
Qu’un nœud de ruban les enchaîne,
Remplissons d’ambre la maison.
Les femmes donnent aux hommes des nœuds d’épée.
le second surveillant
Ma foi, pour calmer notre haine,
Vous prenez la bonne façon :
Oh, que ça sent bon !
tout le chœur, ensemble
Oh, que ça sent bon !
le second surveillant
Air : De tout temps le jardinage
Oui, sous votre heureux empire,
Malgré nous tout nous attire,
L’Amour dicte vos accents,
Vos yeux brillent de ses flammes,
Et pour enchanter nos âmes,
Vous savez charmer nos sens.
le premier surveillant
Air : La Bourgogne
Quoi, de pareilles misères
Pourraient tous vous arrêter.
Eh bien ! je vais seul mes frères.
le vénérable
C’est trop enfin m’insulter,
Je vais bientôt punir, traître,
Ton impertinent fracas,
En qualité de grand maître,
Je te bannis du repas.
le premier surveillant
Quel arrêt ! le repentir
À mon courroux succède ;
Vous savez trop bien punir :
Oui, Maître, à votre désir,
Je cède, je cède, je cède.
le vénérable
Air : De tous les capucins du monde
Enfin, vous l’emportez, Hortense,
Formons une heureuse alliance,
Que votre suite pour jamais
Vienne s’unir avec nos frères,
Et que les femmes désormais
Soient admises à nos mystères.
Fin
Cette Parodie est terminée par un ballet, dont la musique est prise dans l’acte même que l’on a eu dessein de parodier. Il commence par une marche dansante, dans laquelle les hommes s’unissent avec les femmes. Cette marche est suivie d’un pas de deux, qui forme par lui-même tout le plan et l’intrigue de la Pièce. Une femme veut attendrir un homme qui lui résiste d’abord et qui lui cède à la fin. Le corps du Ballet qui succède au pas de deux, aussi bien que la contredanse connue vulgairement sous le nom des oiseaux, achève de marquer l’union des Francs-maçons avec les femmes, et le Chorégraphe a donné des preuves de son talent en adoptant avec art dans une contredanse très courte et composée simplement de douze personnes, les figures les plus connues de la maçonnerie.