Louis Fuzelier
Les Mal Assortis
Arlequin gouverneur
Foire Saint-Laurent
le 21 septembre 1716
BnF ms. fr.9335, f.295-326
Acteurs
Arlequin
Colombine
Pierrot
Léandre
Finette
Le maire de la ville
Le chef des matelots
Les habitants
Matelots
Un huissier
Un cabaretier
Un procureur
La procureuse
Une vieille
Un jeune homme
Un jardinier
Une jardinière grosse
Alcide
Déjanire
Le théâtre représente les rivages agréables d’une île et au fond la mer.
Les Mal Assortis
Acte i
Le théâtre représente les rivages agréables d’une île et au fond la mer.
Scène i
arlequin gouverneur de l’île, colombine
arlequin, seul, entre en riant
Air : Petit boudrillon
Dans cette île charmante
Je deviens gros seigneur,
Quel bonheur !
Que ce pays m’enchante,
On m’en fait gouverneur
Quel honneur !
Petit Arlequin,
Allons, saute et chante,
Il danse.
Petit Arlequin,
Bannis le chagrin.
colombine, arrive
Même air
Pourquoi donc cette danse ?
arlequin
Comment ! On me fait gouverneur de cette île sans savoir pourquoi et vous ne voulez pas que je gambade ?
colombine
Fort bien, réjouissez-vous de votre nouveau rang.
Lorsque vous en saurez
Bientôt la conséquence,
D’abord, vous deviendrez boudrillon,
Et petit boudrillon, boudrillon dondaine,
Et petit boudrillon, boudrillon dondon.
arlequin
Air : On n’aime point dans nos forêts
Pourquoi ? Me voici gouverneur,
À juste prix j’ai cette place.
colombine
On vous vendra cher cet honneur.
arlequin, alarmé
Comment ? Que faut-il que je fasse ?
colombine
Il faut vous marier. C’est le prix de votre dignité.
arlequin
Eh ! Fi donc, c’est trop cher vraiment vendre votre gouvernement.
colombine
Air : Tout cela m’est indifférent
La loi du pays, monseigneur,
Veut que du défunt gouverneur
Vous épousiez une fille.
Nous sommes douze.
arlequin
Douze !
colombine
Autant.
arlequin
C’est un sérail que sa famille.
Je vais être un petit sultan.
colombine
Air : Un capucin à barbe [blonde]
En faveur de ce mariage
On jouira sur ce rivage
Du vieux droit des époux heureux.
arlequin
Des époux heureux ! Époux heureux ! Heureux !
Vit-on jamais cette épithète
Accompagner ce nom fâcheux ?
Pour les époux est-elle faite ?
Et quel est ce droit des époux heureux ?
colombine
Air : Pendu
Écoutez et vous le saurez.
Le jour que vous vous marierez,
Tous les maris, toutes les femmes
Dont l’hymen a glacé les flammes
Viendront vous conter leurs raisons.
arlequin
J’entendrai de beaux carillons !
colombine
Air : Lère la
Vous pourrez le[s – démarier.
arlequin
Cela ne sera pas difficile.
colombine
Et puis les mieux apparier.
arlequin
Oh, ceci c’est une autre affaire
Qui mettra, lère lanlère,
Se montrant lui-même.
A quia ce juge-là.
Mais revenons au droit des époux heureux.
Air : Un capucin à barbe [blonde]
De grâce, expliquez-moi, friponne,
D’où vient qu’ici le peuple donne
À ce droit un nom si pompeux ?
colombine
L’épithète est fort bien choisie,
Car si les époux sont heureux,
C’est le jour qu’on les démarie.
arlequin
Cela est sans réplique mais
Air : Y avance
S’il faut juger tous les époux
Qui viendront s’adresser à nous,
Comment dormir à l’audience ?
Y avance, y avance, y avance,
Je n’aurai donc jamais vacance ?
colombine
Air : Dirai-je mon confiteor
Non, du droit des heureux maris
Peu d’époux usent, je vous jure.
Beaucoup, de peur de trouver pis,
Gardent leur chaîne quoique dure.
arlequin
Cela est fort prudent.
colombine
D’ailleurs, ici, selon nos lois,
On ne reçoit point de françois.
arlequin
Même air
Ventrebleu, de mon tribunal
C’est retrancher le capital.
colombine
Songez qu’il faut incessamment vous marier.
arlequin
Quelle fatigue !
colombine
Air : La curiosité
Entre mes onze sœurs vous trouverez, je gage,
La beauté ;
Elles n’ont point de fard tant au cœur qu’au visage.
arlequin
La rareté.
Ma foi, vous me donnez de me mettre en ménage
La curiosité.
colombine
Ma maison est une pépinière.
Air : Tu croyais en aimant [Colette]
Surtout ma jeune sœur Finette
De cette île fait l’ornement.
C’est une plante joliette
Que je cultive sagement.
Oui, j’ai pris soin d’y greffer la sagesse la plus à l’épreuve.
arlequin
Air : Vous m’entendez bien
Dans une fille, la vertu
Ne prend pas aisément, vois-tu ?
Elle ressemble à ces petites branches mal nourries qu’on ente sur un arbre trop fort.
Aussitôt qu’elle bouffe...
colombine
Eh bien ?
arlequin
La sève les étouffe,
Vous m’entendez bien.
colombine
Venez faire la revue de mes sœurs.
Air : Joconde
Venez voir.
arlequin
Il n’est pas besoin.
colombine
Venez, c’est trop attendre.
Choisissez.
arlequin
Sans aller plus loin
C’est vous que je veux prendre.
colombine
Oh ! Vous me faites trop d’honneur.
Seule de la famille,
J’ai fait un serment, monseigneur,
De rester toujours fille.
Air : Adieu paniers, vendanges sont faites
Jamais chez moi dans ces retraites
Ne grappilleront les galants.
arlequin, riant
Bon, bon, peut-être dès longtemps
Adieu paniers, vendanges sont faites.
Arlequin donne la main comiquement à Colombine et s’en va avec elle.
Scène ii
pierrot seul
pierrot
Air : Je suis fort surpris qu’en France
Quel emploi ! Quelle corvée !
De notre feu gouverneur
Les filles sont sous ma garde
Soir et matin, nuit et jour.
De douze filles
Il faut remplir les souhaits.
Mordi, j’en sue !
Aussi, quand on me voit auprès d’elles, chacun chante en me montrant au doigt :
Air : Hélas, la pauvre fille
Hélas ! Le pauvre diable,
Il a le mal de tout.
Scène iii
léandre, pierrot
léandre
Air : Lon la
Écoute-moi, cher Pierrot !
pierrot
Pourquoi m’appelez-vous cher ?
Vous ne m’avez pas encore acheté.
Lazzi de compter de l’argent.
léandre
Daigne un moment m’entendre !
pierrot
Si vous voulez vous expliquer
Déliez votre langue, lon la,
Lazzi de donner une bourse.
Déliez votre langue.
léandre, tendrement
Air : Réveillez-[vous, belle endormie]
Eh ! comment veux-tu me comprendre
Sans m’écouter un seul moment ?
pierrot, sur le même ton
À ce récit plaisant et tendre
Il manque un accompagnement.
Lazzi de donner de l’argent.
Là, de certains sons qu’on entendait autrefois chez les agioteurs.
léandre
Air : Tu croyais en aimant [Colette]
Mon cher Pierrot...
pierrot
Depuis une heure
Vous m’amusez. Plantez-moi là !
Mon temps est plus cher que le votre,
Chaque heure enfin me vaut vingt sous.
Je gagne autant qu’un fiacre.
léandre, lui offrant sa bourse
Même air
Eh bien, veux-tu trente pistoles
Pour un quart d’heure seulement ?
pierrot, prenant la bourse
Voilà la bonne rhétorique,
Et tout le monde entend cela.
léandre
Air : Vous m’entendez bien
Apprends...
pierrot
Votre bourse a tout dit :
Vous cherchez ma protection,
Là, vous aimez Finette.
léandre
Fort bien.
pierrot, à part
Moi, j’aime votre bourse,
Haut.
Je la garde bien
léandre
Air : À la façon de Barbari
Ah ! prends pitié de mon amour.
pierrot
Ouf ! Vous me fendez l’âme.
Je m’en vais dans mon cabinet
Digérer votre affaire.
Ne craignez, je vous promets,
La faridondaine la faridondon,
De vous servir fidèlement, biribi,
À la façon de barbari, mon ami.
pierrot
Air : Dirai-je mon confiteor
Mais n’avez-vous aucun soupçon ?
Finette voit souvent mes charmes ;
Je suis un dangereux garçon,
Car voyez-vous,
Air :
Pierrot en vain n’a jamais soupiré.
léandre, riant
Tu ne m’inspires point d’alarmes.
pierrot, gravement
En vérité, monsieur, il faut
Que vous ayez l’esprit bien fait.
léandre
Air : Quand on a prononcé [ce malheureux oui]
Quoi donc, tu n’as jamais rencontré de cruelles ?
pierrot
Où trouve-t-on cela ?
Allez, allez.
Air : Catin qui n’aime pas ce jeu
Si l’amour me poursuit jamais,
Léandre s’en va.
Je boirai sous la treille.
Je veux opposer à ses traits
Une grosse bouteille.
Si quelque trognon,
Fière d’un beau chignon,
Fait trop le fier à bras,
Ah ! Ah !
Et ziste, zeste, point de chagrin,
Je me ri, je me ri, je me rigole,
Et ziste, zeste, point de chagrin,
Je me rigole avec du vin.
Ah ! Voici mademoiselle Finette.
Air : Flon, flon
Elle devait se rendre
Un peu plus tôt ici.
Je l’aurais abouchée
Avec son jeune amant,
Et flon, flon
[Larira dondaine
Flon flon
Larira dondon.]
Scène iv
pierrot, finette
pierrot, à part
Ouais, elle boude. Il manque quelque chose à cette fille-là.
Air : De quoi vous plaignez-vous
De quoi vous plaignez-vous ?
Est-ce d’être toujours fille ?
Que c’est un triste jeu
Quand on n’y triche pas.
finette
Pierrot, connais mes alarmes,
Prends pitié de ma frayeur :
Je crains d’avoir des charmes
Pour notre gouverneur.
pierrot, minaudant sur le chant des quatre derniers vers
Quoi, vous craignez de trop plaire !
Cela n’est pas naturel.
On aime les conquêtes,
Et j’en juge par moi.
finette
Air : J’entends déjà le bruit des [armes]
Ah ! je crains qu’il ne me préfère,
Je crains d’alarmer ses ardeurs.
Pour les disposer à lui plaire
Je fais parer toutes mes sœurs.
pierrot
Il faut, pour les trouver jolies,
Qu’il devienne aveugle et manchot.
finette, inquiète
Air : Branle de Metz
S’il va me trouver aimable...
pierrot
Depuis que je suis ici,
Oh ! Je me suis bien formé
Et parfois je philosophe.
Tenez,
Qui craint de plaire à quelqu’un
A quelqu’autre qui lui plaît.
Hem ! Y suis-je ?
finette
Air : Je suis fils d’Ulysse, moi
En vérité, cher Pierrot, je t’admire,
On ne peut parler mieux.
De nos secrets qui peut si bien t’instruire ?
pierrot
Dans mon particulier,
J’épluche seul vos petits cœurs, mesdames,
À fond je vous sonde, moi,
À fond je vous sonde.
finette
Air : Réveillez-vous, belle [endormie]
Léandre m’aime.
pierrot
Il est fort tendre.
finette
Air : Réveillez-[vous], belle [endormie]
Pierrot, comment sais-tu cela ?
pierrot, montrant la bourse de Léandre
Bon, par la grandeur de sa bourse
Je connais celle de ses feux.
Voilà mon thermomètre pour juger du degré de la chaleur d’un amant.
finette
Air : Réveillez-[vous, belle endormie]
Tu veux donc servir notre flamme ?
pierrot
Si je veux vous servir ? Ma foi,
Il faudrait être bien malade,
Madame, pour vous refuser.
Oui, comptez sur moi.
Air : Bacchus est le protecteur
Pierrot est le protecteur
De la liberté des cœurs.
finette
Air : Tarare ponpon
Léandre me paraît d’un fort bon caractère.
pierrot
Oh, je vous en réponds.
finette
Eh ! comment le sais-tu ?
pierrot
Bon, j’ai voulu le rendre jaloux de moi, mais néant.
finette
Jaloux de toi ? Fi donc !
pierrot
Fi donc ? Ne faites pas tant la dégoûtée.
Air : La Bigarnaise
Quand j’étais chez mon père
Encor petit garçon, eh donc,
J’étais déjà, ma chère,
Un maître compagnon, eh donc !
La Bigarnaise,
Sont-ce des fraises au bois ou non ?
Mon bouchon sur le ga, sur le gazon
J’ai vu bien des tendrons bigarnaises, eh ! donc ?
Prendre de mes leçons bigarnaises.
J’aperçois le gouverneur.
finette, s’en allant
C’est lui que je veux éviter.
Scène v
arlequin, pierrot, colombine, le maire de la ville, le chef des matelots, habitants et matelots
colombine
Air : Amis, sans regretter Paris
Pour recevoir son gouverneur
La ville est préparée.
Il faut vous disposer, seigneur,
À faire votre entrée.
arlequin
La ferai-je en bateau ou en charrette ?
Air : Y avance
Apercevant le maire et sa suite.
Qui vient là-bas ? Qui sont ces gens ?
colombine
Ce sont les habitants de l’île.
arlequin
Quoi, ce sont là les habitants ?
Qu’ils me fassent la révérence.
Au Maire.
Eh ! Corbeau,
Y avance, y avance, y avance.
pierrot
C’est le maire de la ville.
arlequin, le regardant
La mère de la ville est bien laide.
le maire, faisant la révérence
Air : Zon, zon, Lisette
Monseigneur voudra bien...
arlequin
Dorez votre style.
Quoi ! Point de présents ? Est-ce ainsi qu’on reçoit un gouverneur ?
Croyez-vous que pour rien
Je gouverne votre île ?
Et zon, zon, zon,
Instruisez votre ville,
que que \emph miscendum utile dulci..
Et zon, zon, zon,
Là, cotisez-vous donc !
le maire
Illustre gouverneur...
arlequin
Jeûne-t-on dans cette île ?
Le maire lui présentant les clefs de la ville dans un plat, [Arlequin] fait le lazzi de goûter une sauce.
le maire
Recevez, monseigneur,
Les clefs de notre ville.
pierrot, au maire
J’aimerais mieux les clefs de votre cave.
arlequin
Et zon, zon, zon,
Ce vivant a raison.
le maire
Air : Grimaudin
Que ce jour à boire on emploie.
tendant leurs chapeaux pierrot \emph et arlequin, ensemble
Versez tout plein.
le maire
Brillez, lanternes, feux de joie.
pierrot
Grillez, boudin[s]
le maire
Célébrez notre gouverneur,
Il a tout l’air d’un grand seigneur.
Arlequin se quarre.
chœur
Célébrez notre gouverneur,
Il a tout l’air d’un grand seigneur.
Il arrive une troupe de matelots avec des tambourins conduits par un chef.
le chef des matelots
Air : Je suis fort
Monseigneur, voici la bande
Qui, pour vous, brave les flots.
Vous savez ce que demande
Le gosier des matelots :
De l’eau de vie.
pierrot
Vite, donnez-leur un sou
Et qu’ils s’enivrent.
arlequin, fouillant dans sa poche
Air : Réveillez-[vous, belle endormie]
Mes amis, vous pouvez m’en croire,
Je ne suis pas ladre, vraiment,
Je veux vous donner de quoi boire
Sitôt... que j’aurai de l’argent.
pierrot
Il en aura bientôt, car il est gouverneur.
\lechef[ chante sur la passacaille d’\lechef[ chante sur la passacaille d’\emph Armide]]
Notre île est la douce retraite
De la félicité parfaite.
Nous n’y voyons jamais
De guerre et de procès.
pierrot
C’est que dans notre île il n’y a point de Normands.
arlequin
Oh l’heureux pays !
pierrot
Air : la passacaille
Qu’il est doux d’y trinquer sous les treilles !
La pinte en conscience aux guinguettes s’y vend.
Si le vin n’était pas en bouteille,
Les fameux cabarets ne gagneraient pas tant.
On danse.
le chef des matelots, chante
Que le temps est doux !
Embarquez-vous.
chœur
Que le temps [est doux !
Embarquez-vous.]
le chef des matelots
Ne craignez plus que l’aquilon renverse
La flotte des amours.
La paix et les beaux jours
Vont de Cythère enfin rétablir le commerce.
Que le temps est doux,
Embarquons-nous.
chœur
Que le temps [est doux,
Embarquons-nous.]
le chef des matelots
Que le commerce de Cythère
Est différent
Du trafic ordinaire !
On y quitte souvent
Un vieux et bon marchand
Pour un jeune corsaire.
chœur
Que le temps [est doux,
Embarquons-nous.]
On danse. Mademoiselle Delisle chante.
vaudeville
1
le chef des matelots
Ô le bon vent,
Quand une belle soupire,
Mettez à la voile, amant,
Et zeste, zeste, le navire
Vogue très heureusement.
2
colombine
Ô le bon vent
Lorsqu’un financier soupire,
Que l’on s’embarque aisément,
Et zeste, zeste, le navire
Ne revient pas sans argent.
3
le chef des matelots
Le vilain vent
Lorsqu’un vieux galant soupire,
On échoue à tout moment.
Et zeste, zeste, le navire
Vogue hélas ! très lentement.
4
pierrot
Oui, le barbon
Reste toujours à la rade
Lorsqu’il croit entrer au port.
Et zeste, zeste, le navire
Vogue tout cahin caha.
5
arlequin, au parterre
Ô le bon vent
Messieurs, quand vous daignez rire
Rafraichissez-nous souvent.
Et zeste, zeste, le navire
Voguera joyeusement.
6
pierrot
Air : Allons à la guinguette
Venez enfin
Assurer à la ville
L’heureux destin
Dont va jouir notre île,
Allons, seigneur, allons.
arlequin, gravement
Air : Allons à la guinguette
Allons, allons, allons, dans mon palais, allons !
On emporte Arlequin au son des instruments et le chœur chante :
Allons, allons, allons, dans son palais, allons !
finacte
act
\acte[Le théâtre représente un jardin agréable où est le tribunal d’Arlequin pour juger les mal assortis\acte[Le théâtre représente un jardin agréable où est le tribunal d’Arlequin pour juger les mal assortis La numérotation des actes passe de I à III. L’acte II manque, comme indiqué sur la page de titre du manuscrit. \LC.].]
Scène vi
léandre, chœur des mal-assortis dans la coulisse
léandre
Air : Tout cela m’est [indifférent]
C’est dans cet aimable jardin
Que le trop heureux Arlequin
Sur ce tribunal va se rendre
Pour juger les mal assortis.
chœur, derrière le théâtre
Air : Allons à la guinguette
Allons, allons, allons, qu’on nous sépare, allons.
léandre
finairpreccrochets
Déjà leur voix se fait entendre,
Le rossignol fuit à leurs cris.
chœur
airvidecrochets
Tôt, tôt, tôt, qu’on nous sépare promptement.
léandre
Air : Un capucin [à barbe blonde]
Vous qui voulez briser vos chaînes,
Vos maux n’égalent point mes peines.
Époux, on va vous délivrer
Des objets de votre colère,
Et l’on vient de me séparer
Du seul objet qui m’a su plaire.
chœur
Tôt, tôt, [tôt, qu’on nous sépare promptement.]
léandre
Air : Réveillez-[vous, belle endormie]
Hélas ! La beauté que j’adore
Vient d’épouser le gouverneur.
Risquons tout... oui, je peux encore...
Mais on vient ; cachons ma douleur.
chœur
Tôt, tôt, tôt, [qu’on nous sépare promptement.]
Scène vii
arlequin, un huissier
arlequin, à la cantonade
Air : Lampons
Paix là, paix là, camarades, paix là.
Huissier, faites les venir l’un après l’autre ou je vous interdis le cabaret.
L’huissier amène un cabaretier et sa femme Gille.
le cabaretier
Air : Tu croyais en [aimant Colette]
Ah ! que je change ou que je meure...
arlequin
Vous vous plaignez à tort, vraiment.
Je suis époux depuis une heure,
Je ne m’en lasse pas pourtant.
Air : Lere là
Ami, quel est votre métier ?
le cabaretier
Je suis fameux cabaretier.
arlequin, se suçant les doigts
Oh ! fait-on chez vous bonne chère ?
Lere la lere lanlere,
Arlequin veut s’en aller, l’huissier le retient.
Lere la, voyons cela.
le cabaretier
Air : Vous m’entendez bien
Jadis des buveurs assidus
Dès le matin chez moi rendus
Sous ma treille jolie...
arlequin
Eh bien ?
le cabaretier
Buvaient jusqu’à la lie.
arlequin
Oh, je le crois bien.
le cabaretier
Air : Lon lan la derirette
Mais depuis que cette guenon
A mis le pied dans ma maison,
Chacun bas la retraite ;
Tout mon vin en cave s’aigrit.
arlequin
Le buveur en pâtit.
le cabaretier, regardant sa femme
Oh ! Le vilain bouchon !
arlequin, riant
Air : Belle Manon
Elle est pourtant fort délicate ;
Par les nuances de son teint
Je juge qu’elle se frelate
Comme vous faites votre vin.
le cabaretier
Air : Turelure
Je prévois un triste hiver
Car chacun me chante injure.
L’un dit : ton vin est trop vert,
Turelure,
L’autre, ta femme est trop mûre,
Robin turelure lure.
arlequin
Air : Je ferai mon devoir
Sans doute et le cabaretier
Ne sait pas son métierbis
S’il n’a pour plaire aux curieux
Jeune femme et vin vieux.bis
Scène viii
le cabaretier et sa femme, un procureur et sa femme, arlequin
la procureuse
Air : Ne m’entendez-vous pas
Audience, monsieur,
Audience, audience.
arlequin
Un peu de patience.
Qu’avez-vous, mon cher cœur ?
la procureuse, regardant son mari
Mon mari me fait peur.
arlequin
Il a pourtant l’air d’un animal pacifique.
la procureuse
Même air
Il est ladre, menteur,
Sans parole, sans âme.
arlequin
À ce portrait, madame,
N’est-il pas procureur ?
le procureur
Et votre serviteur.
arlequin
Eh ! gardez vos services pour des Normands.
le procureur
Air : pendu
Oui, je suis procureur fiscal.
arlequin
À plus d’un villageois fatal.
la procureuse, à Arlequin
Écoutez...
arlequin, au Procureur
Laissez-moi donc l’entendre.
Après vous pourrez vous défendre
Quand elle aura tout dit.
le procureur
D’accord,
J’attendrai jusqu’à la mort.
la procureuse
Air : Joconde
Oui, oui, je parlerai, Monsieur,
Écoutez ma requête.
On m’a contraint, quelle rigueur,
D’épouser cette bête.
arlequin
Elle a raison, c’est une bête à cornes.
la procureuse
Il est avec moi familier,
Caressant, incommode...
arlequin
Il est familier avec sa femme ? Oh !
la procureuse
Je vous dis que c’est un grossier
Qui ne sait pas la mode.
arlequin, lazzi des cornes
Vous la lui avez apprise sans doute.
la procureuse
Air : Au Cap de Bonne-Espérance
Dans un cercle fort aimable
Chez mon oncle le greffier
Ce nigaud insupportable
Vint hier nous ennuyer.
Il est d’une impolitesse, d’une impolitesse... c’est un cheval.
arlequin
Je l’aurais pris pour une licorne, moi.
la procureuse
Loin de m’appeler madame
Le sot me nomme sa femme.
Ce n’est pas assurément
S’exprimer correctement.
arlequin, répétant l’air des quatre derniers vers
Il vous appelle sa femme
sept, Il n’y pense pas, madame,
Faisant la révérence.
Personne n’a moins que lui
Droit de vous nommer ainsi.
la procureuse
Air : Vous m’entendez bien
L’autre jour avec mes amis,
Tous gentilshommes fort polis,
Je voulais sous la treille...
arlequin
Eh bien ?
la procureuse
D’abord vider bouteille
et puis,
Vous m’entendez bien.
arlequin
Oh ! J’entends à merveille,
Vous contez fort bien.
la procureuse
Air : Lon la
Dans ce souper délicat
On servit un mauvais plat ;
Ce hardi gourmand
Vint impunément
Y chercher sa lippée
Sans être connu seulement
D’aucun de l’assemblée, lon la,
D’aucun de l’assemblée.
arlequin
Fi, c’est un écornifleur.
Air : Réveillez-[vous, belle endormie]
Çà, terminons cette affaire,
Épousez ce cabaretier.
la procureuse
Qui, moi, devenir gargotière !
arlequin
Vous faites déjà ce métier
Puisque vous tenez table chez vous.
Au cabaretier.
Air : Amis, sans regretter Paris
Et vous, cabaretier fripon,
Qui manquez de pratique,
Allez de ce joli bouchon
Parer votre boutique.
la procureuse, s’en allant avec le cabaretier
Air : Vous m’entendez bien
Au cabaretier.
Venez, je vais, mon cher poulet,
Rétablir votre cabaret.
Je veux que l’on me pende...
le cabaretier
Eh bien ?
la procureuse
Si je ne l’achalande,
Vous m’entendez bien.
arlequin, au procureur
Air : Tout cela m’est indifférent
Pour vous, monsieur au noir jupon,
Épousez-moi cette guenon.
Un procureur, s’il ne se blouse
Doit avoir chez lui des vins verts,
Du pain dur, une laide épouse,
Et le tout à cause des clercs.
Scène ix
arlequin, une vieille avec une bourse vide, un jeune homme qui se cure les dents, un jardinier, une jardinière grosse
arlequin, voyant arriver le jeune homme et la vieille femme
Air : Adieu paniers, [vendanges sont faites]
Ma foi, cette scène muette
S’explique intelligiblement :
Quand une vieille est sans argent,
Adieu paniers, vendanges sont faites.
À la vieille.
Air : Tu croyais en [aimant Colette]
Malheur, malheur à qui s’enflamme
Pour ces jolis aventuriers.
Il ne vous aura pas, Madame,
Fourni l’emploi de vos deniers.
le jardinier
Oh ça, écoutez mon histoire ! Montrant le jeune homme. Voilà mon maître, d’abord.
arlequin
Voilà un bel exode .
le jardinier
Air : Réveillez-[vous, belle endormie]
Je suis expert en jardinage.
arlequin
Vous êtes jardinier.
le jardinier
Oui, fort habile et fort vanté.
Et cependant,
Ce n’est pas moi, dans mon ménage,
Qui produit la fertilité.
Montrant sa femme grosse.
la jardinière
Air : Flon, flon
Vous le croyez peut-être
Toujours dans son jardin ?
Il cultive, le traître,
Celui de son voisin.
Et flon flon
[Larira dondaine
Flon flon
Larira dondon.]
arlequin
Air : Réveillez-[vous, belle endormie]
Il a pour lui les apparences.
la jardinière
Monsieur, ne vous y fiez pas.
arlequin
Parbleu, si les apparences ne sont pas pour lui, elles sont donc contre vous ?
la jardinière
Si vous saviez les inconstances !
Il ne sort point de chez Lucas.
le jardinier
Sans doute ! Lucas est absent, il faut bien aider sa pauvre femme ; elle ne savait faire sa besogne toute seule.
arlequin
Oh, cela est vrai.
le jardinier
Air : Je ferai mon devoir
Ne faut-il pas, en bon voisin,
Secourir le prochain ?biscrochets
la jardinière
Non, charité bien ordonnée doit commencer par soi-même.
Eh ! doit-on faire un seul présent
Lorsqu’on vit pauvrement ?biscrochets
arlequin
Air : Tuton tutaine
Jardinier, dites, entre nous,
Quoi ? vous ne plantez rien chez vous ?
Et qui vous en empêche ?
la jardinière
Bon, bon, monsieur, c’est un libertin
Qui ne laboure pas son terrain.
C’est un grand hasard
Lorsque le pendard
Y donne un coup de bêche.
arlequin, à la jardinière
Air : Amis, sans regretter Paris
Là, radoucissez-vous.
la jardinière
Hélas,
Jamais il ne me flatte.
le jardinier
Mordi, c’est que je ne veux pas
Semer en terre ingrate.
la jardinière
Air : Vous m’entendez bien
Je me vengerai, mon ami,
Ce ne sera pas à demi,
Vous verrez, face plate.
le jardinier
Eh bien ?
la jardinière
Si je suis terre ingrate,
Vous m’entendez bien.
le jardinier
Oh ! Cela est tout vu.
Air : Réveillez[-vous, belle endormie]
À Arlequin.
Tenez.
arlequin, regardant la jardinière
Fort bien.
J’entends votre reproche.
Le fruit est mûr, la pauvre enfant ?
le jardinier
Je crois que la récolte approche,
Et je n’ai rien semé pourtant.
arlequin
Air : De quoi vous plaignez-vous
De quoi vous plaignez-vous ?
le jardinier, montrant le jeune homme
Envisagez bien mon maître.
Ce ne sont pas nos choux
Qu’il vient cueillir chez nous.
la jardinière
Il est vrai que notre maître
S’amuse à greffer chez nous.
Il n’y gâte rien, traître,
C’est trop d’honneur pour vous.
le jardinier
Quel chien d’honneur ! Je le laisse aux bourgeois de Paris. Or écoutez la manigance de mon maître. Dans le temps que j’étais garçon il me dit :
Air : Joconde
Je veux être votre support,
Écoutez, maître Ambroise,
Épousez tôt, épousez tôt
Ma servante Françoise.
Je me doutais d’abord de quelque tour, car
Si les paysans sont nigauds,
Moi, je suis un fin merle.
Dans mon village, on voit cent sots
Et moi, j’en suis la perle.
arlequin
Ainsi, cadet la pErle, vous refusâtes d’abord la mie Françoise.
le jardinier
Tout au contraire.
Air : Lère la
Je l’épousai subitement
Pour découvrir plus sûrement
Tout le micmac.
arlequin
Le fin compère...
Lere la lere lanlere.
le jardinier, se montrant le front
Lere la, j’ai de cela.
arlequin, lazzi des cornes
Oh ! oui, vous avez de cela et beaucoup, et beaucoup.
la jardinière
Dès qu’on eut fini
Notre mariage
le jardinier
Je me suis banni
De notre ménage
Pour voir ce que l’on ferait.
la jardinière
On a fait comme si vous y auriez été.
le jardinier
C’est là le tort.
la jardinière
C’est le droit.
arlequin
Oui, c’est le droit du seigneur.
le jardinier
Apparemment, car grâce à ses soins,
Air : Reguingué
Monsieur, en arrivant ici
J’ai trouvé mon jardin fleuri,
Ô réguingué, ô lon lan la.
la jardinière
Voyez un peu l’esprit tordu. Parce qu’en son absence notre bon seigneur s’abaissait à me rendre visite...
le jardinier
Oh, je sais fort bien, ma princesse,
Jusqu’où le bon seigneur s’abaisse.
arlequin
Tout bien compté, vous voilà père.
le jardinier
Eh, mardi ! je suis absent depuis six mois que nous sommes mariés, et voilà du fruit prêt à tomber.
la jardinière
Air : Belle Manon
Que sert l’absence ou la présence ?
Ici vous les citez en vain.
Bon, toujours sans que l’on y pense
Le mariage va son train.
le jardinier
Et bon train même, et bon train.
arlequin
Air : Riche du jus de la treille
Quel soin vous effarouche ?
Apprenez, mon garçon,
Qu’un fruit semé sur couche
Vient avant la saison.
le jardinier
Air : Dirai-je mon confiteor
Depuis quinze jours seulement
Je suis de retour au village.
la jardinière
Il se mécompte assurément,
Le temps m’a duré davantage.
Dès qu’on est marié, vraiment,
L’horloge va très lentement.
arlequin
Je vois que tout ceci n’est qu’une erreur de calcul.
Air : Réveillez-vous, [belle endormie]
Si comme vous votre Françoise
Calculait tout dans sa maison,
Pour faire semer, la matoise
Aurait mieux choisi la saison.
la jardinière
Assurément, il ne faut pas déshonorer une femme parce qu’elle ne sait pas l’arithmétique.
le jardinier, à Arlequin
Et bien, si vous voulez que je garde ma femme,
Air : J’entends déjà le bruit des armes
Que le seigneur de mon village
Aille cultiver ses oignons ;
Je prétends à mon jardinage
Donner seul toutes les façons.
la jardinière
Mon fils, vous avez trop d’ouvrage,
Il vous faut au moins deux garçons.
le jardinier
Air : Lon lan la derirette
Un peu de modération,
Vous aimez l’expédition,
Lon lan la derirette
Je travaille
la jardinière
Couci
Lon lan la deriri.
arlequin
Finissons, il faut vous démarier.
Air : Au Cap de Bonne-Espérance
Le troc est facile à faire.
le jardinier
Quoi, vous prétendez ?
arlequin, au jardinier
Tout doux.
Au jeune homme.
Épousez la jardinière
Puisque le fruit est à vous.
Au jardinier.
Vous, épousez la grand-mère.
le jardinier
Que diable en pourrai-je faire ?
Je vais cultiver en vain
Ce sec et mauvais terrain.
arlequin, au jardinier
Air : Quand le péril [est agréable]
Travaillez, vous deviendrez riche,
Ce terrain fleurira bientôt.
la jardinière, au jardinier, ironiquement
C’est aux bons jardiniers qu’il faut
Donner la terre en friche.
Scène x
arlequin, léandre le nez dans un manteau
arlequin
Air : Lere la
Pourquoi donc ce déguisement ?
léandre
Monsieur, je viens secrètement
Vous apprendre ici mon affaire.
arlequin
Lere la lere lanlaire,
Lere la, dites donc la.
léandre
Air : Un capucin [à barbe blonde]
Ma femme est jeune, tendre et belle.
arlequin
Qu’avez-vous à dire contre elle ?
Elle ne vous aime donc pas ?
léandre
Monsieur, rien n’égale sa flamme.
arlequin
De quoi vous plaignez-vous
léandre
Hélas !
C’est qu’enfin ma femme est ma femme.
Scène xi
finette déguisée, léandre déguisé, arlequin
arlequin
Autre déguisement !
finette
Tâchons d’attraper pour mari Arlequin.
arlequin
Air : Tout cela m’est indifférent
Vient-on en masque au tribunal,
Suis-je un juge ou bien roi d’un bal ?
finette
Daignez me donner audience,
Écoutez un procès nouveau.
arlequin
Je veux, de peur d’incompétence,
Voir vos pièces sur le bureau.
finette
Air : Réveillez-[vous, belle endormie]
Monsieur, je n’ai rien à produire.
arlequin
Tant pis pour le juge, ma foi.
Si vous voulez à fond l’instruire,
Le procès serait long, je crois.
finette
Air : Vous m’entendez bien
Ne l’allongez pas : entre nous,
Lorsqu’on veut quitter un époux,
Une pareille affaire...
arlequin
Comment ?
finette
N’est jamais trop sommaire.
Jugez promptement.
Tôt, tôt, tôt.
arlequin
Tôt, tôt, tôt. Quelle tranquillité d’esprit ! Mais pourquoi vous déguiser ?
finette
Air : Tu croyais en aimant [Colette]
Si vous refusez ma requête,
Je ne veux pas que mon époux
Sache que je suis de la fête.
Je veux le tromper, entre nous.
arlequin
Oh ! Je serai de moitié.
finette
Au moins.
arlequin
Air : Tu croyais en aimant [Colette]
Découvrez-moi votre visage.
finette
N’usez pas de votre pouvoir,
Ne me pressez pas davantage.
Vous seriez fâché de me voir.
arlequin
Air : Un capucin [à barbe blonde]
Du mariage qui vous flatte
Dites-moi s’il vous plaît la date,
Allons.
finette
Cela ne se peut pas.
arlequin
Il faut instruire votre juge
Du temps de votre hymen.
finette
Hélas,
Monsieur, datez-le du déluge.
arlequin
Air : Dirai-je mon [confiteor]
Je vois bien qu’à votre mari,
Madame, vous ne chantez guère :
Vous chiffonnez mon falbala,
Ah, fripon, que faites-vous là ?
Mais cet époux chéri, consent-il à vous céder à un autre ?
finette
Air : pendu
Il en a sans émotion
Reçu la proposition ;
Comme vous il prend cette affaire.
arlequin
Oh ! je ne suis pas débonnaire.
finette
Sur vous il se copie en tout.
arlequin
Peste,
Votre époux est un homme de goût.
Air : Réveillez-vous, [belle endormie]
Eh ! pourquoi donc changer de chaîne ?
finette
Pourquoi ! ... Que me demandez-vous ?
Mon époux...
arlequin
Est-ce qu’il vous gêne ?
finette
Oui... mon époux... est mon époux.
arlequin, montrant Léandre
C’est queussy queumy.
Air : Vous m’entendez bien
Voilà deux cerveaux bien tournés,
Ma foi, l’un pour l’autre ils sont nés.
Avez-vous été faits dans cette île ?
finette
Oui.
arlequin
\emph Ergo,,
Quelque Français volage...
finette
Eh bien ?
arlequin
A fait ici voyage.
Vous m’entendez bien.
Air : Pendu
Oh ça, dans ce moment je veux
Vous unir ici tous les deux.
Allons, que l’on ne me conteste...
finette
Quoi donc, sans le connaître ?
arlequin
Et zeste,
On unit souvent des époux
Qui se connaissent moins que vous.
finette
Air : Lon lan la derirette
Quoi, sans appel ?
arlequin
Cela me plaît,
N’épiloguez pas mon arrêt,
Lon lan la derirette.
finette, se démasquant
J’y consens, mon défunt mari,
Lon lan la deriri.
léandre, se démasquant
Quel bonheur !
arlequin
Air : Tout cela m’est indifférent
Vous vous connaissez bien tous deux
Léandre et Finette s’en vont.
La coquine a trompé mes vœux.
Mais quel trouble agite mon âme
Lorsque je ne suis plus mari ?
Il pleure.
Quoi, je pleure en perdant ma femme
Et dans six mois j’en aurai ri.
Scène xii
arlequin, pierrot et alcide
arlequin, voyant arriver Alcide tremble et dit :
Qu’entends-je ? Ohimé, c’est un loup-garou.
alcide, à la cantonade
Air : acte I, scène IV – d’ Alcide
Princesse, prenez soin des apprêts d’une fête
Qu’à l’honneur de Junon je prétends célébrer.
Ne perdez point de temps, allez tout préparer
Tandis qu’un autre soin dans ces beaux lieux m’arrête.
M’entendez-vous bien, mademoiselle Iole ?
À Arlequin.
N’êtes-vous pas, monsieur, le démarieur de cette île ?
arlequin, tremblant
Je suis tout ce que vous voudrez.
alcide
Va, ne crains rien.
Air : Y avance
À Arlequin qui s’éloigne.
Je n’assomme que des géants.
arlequin, de loin
Quoi, vous ne mordez pas les gens ?
alcide, riant
Ami, quelle est ton ignorance ?
Y avance, y avance, y avance,
Viens, je protège l’innocence.
arlequin, se rassurant
Oh ! je ne suis pas un innocent, je suis le nouveau gouverneur de l’île.
alcide
Air : Mon mari est à la taverne
Vous voyez le puissant Alcide.
arlequin
Moi, je vous ai pris pour un ours.
alcide
Hélas ! Un fameux monstricide
A besoin de votre secours.
Défaites-moi de Déjanire,
La la lerira, la lerira la lerire.
arlequin
Eh ! Que ne vous adressez-vous à Martin bâton ? Regardant la massue. Vous paraissez assez bien avec lui.
alcide
Vous en parlez bien à votre aise.
Air : Je suis fils d’Ulysse, moi
J’ai patiné deux très grosses couleuvres
Étant dans mon berceau.
Depuis que grand je porte la culotte
J’ai tué des lions.
Je n’ai pas craint les sangliers, les hydres,
Mais je crains ma femme, moi,
Mais je crains ma femme.
Ouf, la voilà, la voilà.
Scène xiii
alcide, pierrot, arlequin, déjanire
déjanire, à part
Air : Lon lan la derirette
Ô ciel ! Mes attraits sont bernés !
Ô ciel ! On chantait à mon nez :
\guill Alcide est le roi des vainqueurs
\guill Iole est la reine des belles.
Air : Pendu
L’amusante musique, hélas !
alcide, gravement
Vous avez quitté vos états
Qui demandent votre présence,
Vous venez malgré ma défense.
déjanire, tendrement
C’est l’amour qui conduit mes pas,
Se soulevant il me porte.
alcide
Il doit être las.
déjanire
Air : Dirai-je mon [confiteor]
Malgré vos ordres absolus
J’ai cru me pouvoir tout permettre.
Seigneur, l’amour a commandé, j’ai obéi.
Depuis quand n’excuse-t-il plus
Tous les crimes qu’il fait commettre ?
arlequin
Ma chère, l’amour, entre nous,
N’excuse jamais les époux.
déjanire
Air : Lanturlu
De certaine Iole
Alcide est charmé ;
D’un autre elle est folle,
Il n’est pas aimé.
Monsieur Philoctète
En est, dit-on, bien venu.
alcide
Lanturluetc.,
Allez ma mie,
Air :
Alcide en vain n’a jamais soupiré.
déjanire
Air : Tarare ponpon
Ô vous, dieux protecteurs de la foi conjugale,
Dieux justes, dieux puissants, je vous invoque tous.
Punissez ma rivale,
Rendez-moi mon époux.
alcide
Déjanire tarare ponpon\versfaux \LC.
déjanire
Air : Grelin guin guin
Hélas ! Vous voulez donc changer ?
pierrot
Je ne veux pas déroger,
Car mon papa, je vous le jure,
Aime à courir l’aventure
Je tiens cela de nature
Lure lure lure,
Je suis fils du grand dieu Jupin
Grelinguin.
arlequin
Ma foi, bon sang ne peut mentir.
déjanire
Air : À la façon de barbari
Daignez me flatter un moment.
alcide
Eh, plus de révérence,
Prouvez-moi vos feux seulement
Par votre obéissance,
Partez, courez à Calidon,
La faridondaine la faridondon
Ou je vais vous flatter ici biribi
À la façon de barbari, mon ami.
déjanire
Air : Sarabande
Quoi, ma douceur ne peut toucher votre âme ?
Eh bien, tremble, perfide époux, et crains mon désespoir. Déjanire en fureur ne connaît plus Alcide. Tremble...
alcide
Air : Oh ! pardi, j’étais en
Oh ! voilà madame en belle humeur.
déjanire, tendrement
C’est à vous à m’y mettre lon la,
C’est à vous à m’y mettre.
alcide
Oh ! Voyez ailleurs. À Arlequin. J’ai fait les douze tâches que Junon m’a imposées, mais, ma foi, je n’ai pas achevé le plus difficile de mes travaux, c’est de faire taire ma femme.
Air : Pendu
J’ai travaillé comme un lutin,
Il est temps de faire une fin.
Pour donner la paix à mon âme,
Monsieur, ôtez-moi donc ma femme.
arlequin
Mais par la loi du pays je ne puis vous en défaire que lorsqu’un autre la prendra.
alcide, s’en allant
Hélas ! Elle me restera.
déjanire
Air : Vraiment, ma commère, oui
Quoi donc, Alcide est parti ?
arlequin
Vraiment, ma commère, oui.
déjanire
Air : Vous m’entendez bien
Allons au devin de ce pas,
Allons faire tourner le sas,
Vengeons-nous.
arlequin
Ah, madame !
déjanire
Eh bien ?
arlequin
Ne vous vengez qu’en femme,
Vous m’entendez bien.
déjanire
Air : Ses charmes peuvent tout, acte II, scène III – d’ Alcide
Tôt, cherchons Thestylis, il y faut recourir,
Je vais la consulter dans son antre terrible
Et, par l’effort de son art infaillible,
Réparer mes malheurs, les venger ou mourir.
Air : Non, je ne ferai pas [ce qu’on veut que je fasse]
Mais j’ai trouvé mon fait, allons en Thessalie,
Dans un antre profond Thestylis établie
Exerce de son art les mystères affreux.
arlequin
Hélas, ne partez pas, allez.
déjanire
Allons la consulter dans ces lieux ténébreux.
arlequin
Hélas, madame, où allez-vous ?
Vous allez vous casser le cou,
Vous allez sans chandelle.
déjanire
Allons la consulter dans ces lieux ténébreux.
arlequin
Irez-vous sans chandelle, eh bien ?
déjanire
Air : L’amour me fait mourir
De son antre terrible
Je crains peu les horreurs
Oui, allons chercher Thestylis, et par l’effort
De son art infaillible
Réparer mes malheurs,
Les venger ou lon lan la,
Les venger ou mourir.
arlequin
L’amour la fait lon lan la,
L’amour la fait mourir.
Air : Vous m’entendez bien
Vous que je viens d’assortir mieux,
Venez gambader dans ces lieux.
Livrez-vous à la danse,
Eh bien,
Puis à la contredanse,
Vous m’entendez bien.
Les mal assortis viennent danser [ce qui] finit l’acte.
Fin