Auteurs : | Guillemain (Charles-Jacob) |
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Parodie de : | Pygmalion de Rousseau et Coignet |
Date: | 24 mai 1779 |
Représentation : | 24 mai 1779 Théâtre du sieur Lécluse |
Source : | ms. BnF, fr. 9252 |
Remarques : | |
Éditon de Pauline Beaucé, Jean-Jacques Rousseau, Pygmalion suivi d'Arlequin marchand de poupées de Charles-Jacob Guillemain, Saint-Gély-du-Fesq, Espaces 34, 2012. |
À quoi bon me réveiller, vous autres ? Je ne peux rien faire, autant dormir... Je m’étais couché là, pour ne pas tomber dans la ruelle... Je dormais bien... c’est dommage. Il faut se lever cependant, aïe... Si nos petites maîtresses avaient des lits de plumes comme cela, on ne les verrait pas se lever à la pointe de midi. Allons, tâchons de mettre la main à la pâte.
Air : Tôt, tôt, tôt, battez chaud
Air : Dérouillons, dérouillons ma commère
Voilà une poupée que je ne finirai jamais, je crois, ce sont des opéras que que les coiffures d’à présent : il faut être machiniste pour en venir à bout. Quel diable est-ce que je fourrerai là-dessous, pour remplir ce vide là ? oui... non... si fait... Pardine, c’est tout simple... quand un général veut entrer dans une ville malgré les bourgeois,
il ne peut pas y entrer par la porte. Il faut qu’il y entre par la fenêtre ; mais c’est qu’entre lui et la fenêtre, il y a un fossé. Qu’est-ce qu’il fait, il emplit le fossé de fagots, saungudimi ! Je vais faire comme lui moi... Il est drôle ce cotteret-là hé hé hé hé, elle sentira un peu l’oignon... Qu’est-ce que cela fait ? baste ! La mode en viendra peut-être. Tout prend dans ce pays-ci.
Air : En passant par la barrière
Cela fera une poupée du grand ton. Y en-a-t-il assez ?
Air : Vraiment mon compère, oui
Ces deux visages-là, hé hé hé hé, c’est comme le jour et la nuit.
Pas vrai ?
Air : Vraiment mon compère, voire
Il faut relever l’éclat de ce teint-là. Un peintre met toujours des ombres dans ses tableaux, et je suis peintre en rond-de-bosse, moi.
Air : Annette, à l’âge de quinze ans
Vous vous moquez de moi, je crois ! Vous autres, vous appelez cela l’image du printemps, l’aurore d’un beau matin, et cela ferait peur au diable. On dirait d’une poupée qui à la petite vérole. Je ne sais plus ce que je fais, le diable m’emporte. Voyez ce bonnet qui est droit comme mon bras quand je me mouche. Je voulais faire une poupée, et voilà un Scaramouche embéguiné. Je désapprends, je crois. Foi de syndic, mon apprenti en sait plus que moi : à présent me voici devenu adroit de mes mains comme un cochon de sa queue. Peigne, pinceaux, ciseaux, puisque je ne sais plus me servir de vous, j’aime autant vous accrocher à un clou par terre.
Air : Dupont, mon ami
Ah ! pauvre Arlequin d’aujourd’hui, tu ne ressembles guère à l’Arlequin d’autrefois. Oh ! J’ai beau me tâter ce n’est plus moi.
Par exemple, jadis il fallait me voir à la Courtille. J’étais Monsieur Boute-en-train. Oh cela, après moi, il fallait tirer l’échelle... quand j’arrivais... oh voilà l’ami Arlequin. Bonjour Arlequin - Messieurs votre serviteur - Place à Monsieur Arlequin - Messieurs ne vous dérangez pas - Vous vous moquez... Garçon ! - Allons, allons - Un verre pour Monsieur Arlequin - Le verre venait je l’emplissais, je le vidais... je le remplissais, je le revidais ; et puis... oh ! nous nous amusions comme des compères... à présent, bernique ! Ils ont beau venir sous ma fenêtre Il siffle. qui est-ce qui est là bas - C’est moi, c’est nous Monsieur Arlequin - Allez vous promener toi et vous - Eh bien nous y allons ; venez avec nous, faire un petit tour - Ni petit, ni grand, laissez-moi tranquille. Ils s’en vont, et moi je reste-là comme un grigou... Je ne bois plus.
Air : Grégoire est mort
Et vous, gentilles vielleuses, vous dont les instruments m’inspirent la ribote, vous qui m’aguichiez, qui m’appeliez votre joli petit blondin, vous qui.... Oh, je trouvais cela si charmant, si agréable : eh bien à présent, je m’en bats l’œil. Friponnes, je ne pense plus à vous, je ne vous verrai plus.
Air : Ils sont passés ces jours de fêtes
Je crois que je suis cloué dans ma boutique, encore si j’y travaillais ; mais non, je suis là les bras croisés à écouter d’où vient le vent. Et je fais tout aussi bien, car quand je me mets à la
besogne, vous voyez comme je réussis...oh oui, je le vois bien. C’est une affaire faite... Me voici devenu plus bête qu’une oie, à mon âge, à trente-cinq ans quatre mois, n’avoir plus d’estoc.
Air : Quel désespoir
Mais si je suis bête, je ne suis pas ladre, car je me sens encore là... Tenez, là cela fait tic tac tic tac et tant que cela bat
,voyez-vous ? il y a du remède. Mais pourquoi donc est-ce que j’ai le cœur sensible comme cela ?
Air : Finissez donc, Mademoiselle Fanchon
Allons, allons il ne faut pas jeter le manche après la cognée... Ah ! Voyons que je voie un peu ma belle poupée qui est dans mon armoire... oh ma foi, c’est un beau morceau que cela, je ne le vois jamais qu’avec plaisir. Ce n’est pas parce que c’est moi qui l’ai faite, mais c’est que je ne sais pas... Elle a quelque chose d’agréable qui fait que... je l’ai serrée dans ma grande armoire, de peur de la poussière, car si elle se gâtait, ce serait dommage... oh ! cette poupée-là je ne la donnerai pas à moins de quinze louis... oh, elle les vaut comme un liard... J’ai envie de mettre mon nom dessus, car enfin quand elle sera vendu, on ne saura pas si c’est Gautier ou si c’est Garguille qui l’a faite. C’est tout simple cela. Et puis, cela me fera honneur... car enfin
c’est juste... ah je ne m’en déferai qu’avec peine... quand je la vendrai, je chanterai :
Air : Adieu donc, dame Françoise
Mais ouvrons l’armoire, cela fera prendre l’air à l’étoffe, cela ne peut pas lui faire de mal... et puis que sait-on ? il pourrait y avoir quelque chose de dérangé, et pis en voyant mon chef d’œuvre, cela me remettra peut être le cœur au ventre... Cela pourrait bien être là, mais dites-moi donc pourquoi est ce que je suis toute chose, quand je vas pour ouvrir la porte de cette armoire. Quand ce serait la porte d’un huissier, à qui j’irai demander du temps, c’est bête cela... allons, allons.
Air : Qu’elle est, qu’elle est bien
On dirait qu’elle sort de mes mains... Ce n’est pas une poupée que j’ai faite, c’est une princesse, le diable m’emporte ; oh ! elle est charmante... mais je me suis surpassé... Voyez-moi ce teint,
auprès de cette autre : veux-tu te cacher vilaine ? Quelle taille, quel maintient... c’est moi qui ai fait cela. Ma foi, je suis un habile garçon...comme je me donne du talon dans le cul-là. Oh, je le mérite bien : mais elle n’a pas de bouquet ; si j’y en mettais un, cela ne ferait pas si mal. Je suis galant, moi.
Air : Çà, que je te mette
Mademoiselle, voulez-vous permettre que j’aie l’honneur de... hé hé hé hé. Je suis bête moi...mais est-ce que j’ai fait quelque mauvais coup donc ? Comme la main me tremble... Il s’écrit. Mille z-yeux, elle m’a fait la grimace !
Air : Il a voulu, il n’a pas pu
Oui, riez vous autres... Je l’ai vue peut-être, ou bien j’ai la brelue ?
mais brelue ou non, si j’y touche je veux que le loup me croque... et puis elle se passera bien de bouquets... elle est bien assez belle sans cela... Ah, qu’elle est jolie ! ah, si ce n’était pas une poupée... si cela marchait... si cela vivait... si cela... comment ?... quoi ?... qu’est-ce ?... mais cela n’est pas possible ! Ah ! Mon dieu, si... bêta... me voici... amoureux... Et de qui... ? D’une poupée.
Air : J’avais toujours gardé mon cœur
Ah ! nous y voici... C’est donc cela qui fait que je ne peux plus rien faire... c’est donc cela qui est cause que je ne vas plus au cabaret... c’est donc pour cela que... sangudimi me voilà bien propre ; grand dadet, il lui faut une poupée... ah ! Arlequin mon pauvre ami, tu es bien cruche. Va... pas si cruche... quel diable, je me gronde là mal à propos... il n’y a pas de quoi fouetter un chat... Pardine, on voit bien cela tous les jours. Un jeune freluquet passe sur le Pont-neuf, il regarde le cheval de bronze, et il dit, ah ! si j’avais un cheval comme cela, comme je me carrerais à Longchamp. Ce n’est pas le cheval de bronze qu’il voudrait avoir... quoiqu’il n’y perdrait pas, car dans ce cheval-là, il y a autant de pièces de six liards, qu’il y avait de vertus dans le cavalier... Eh bien moi, je suis tout de même, ce n’est pas à ce carton-là que j’en veux. Je m’en soucie comme d’un zeste ; mais je serais bien aise d’avoir une femme comme cela. Cela ferait une petite commère bien ragoûtante... mais je vous en fais juger vous autres. Ah ! mignonne, petit cœur, petit trognon, si tu pouvais répondre à la flamme de mon amour, si.. ah !comme je t’aimerais ; comme je te dorloterais... Tiens comme cela les soirs je te prendrais par-dessous le bras, et nous irions nous promener ensemble sur le Boulevard... comme je ferais mon faraud... et puis ensuite je te mènerais chez mon ami Ramponneau, en me voyant comme cela avec toi, il me dirait comme cela, bonjour compère, il y a longtemps qu’on ne vous a vu - c’est vrai compère - nouvelle conquête cela, compère - Qu’appelez-vous ? conquête vous-même. C’est ma femme. Au mot, maître, garçons, maîtresse tous t’ôteraient leurs chapeaux - Excusez compère, je ne savais pas - Il n’y a pas de mal compère, donnez-nous du bon, et qu’il ne soit pas cher, nous nous assoirions, nous boirions, à ta santé petite femme, à ta santé petit homme... ah ! que nous aurions de plaisir... ah ! ma chère, hélas ! tu n’es qu’une poupée... je te parle, c’est comme si je parlais à une bûche. Tous les compliments que je te fais, toutes les douceurs que je dis, c’est comme si je jetais des perles devant des pourceaux... ouf ! Je n’en puis plus... je bats la campagne... j’ai une fièvre de cheval... Amour chien de vaurien ; ce n’est plus du sang, c’est de l’huile bouillante qui coule dans mes veines... savant
second... et toi illustre Bienfait, ô génies mécaniques, vous qui jadis à la Foire Saint-Laurent faisiez danser et chanter les Polichinelles et les mères Gigognes, vous qui avez su de toutes ces bamboches faire des personnes d’esprit, qui m’ont fait rire à bouche que veux-tu ; venez à mon secours, venez donner à ma poupée, ces mouvements, cette vie, que vous donniez à vos très jolies marionnettes... Oh mon dieu, que je dis de bêtises !... Je perds la tête... Que le diable te dégalonne, vas poupée de mon cœur... Je suis si honteux de cette farce-ci, que je n’ose plus en regarder l’héroïne...
Ah ! mon dieu, qu’est-ce que c’est que cela ?
Air : Ma commère, quand je danse
Ah ! mon dieu, c’est ici comme chez le luthier de la rue Croix des Petits champs.
Elle veut connaître les êtres.
Ohi.
Casse-cou... Elle n’y voit pas encore, elle ne fait que de naître !
Je me suis fait un mal de chien.
Elle est femme, la parole lui vient avant la vue.
Je n’aime pas à être Colin-Maillard.
Voyons, il faut aider la nature.
Bonjour, Monsieur Arlequin.
Et bonjour ma petite femme... Ah ! que je suis content... Oh charmante Catin , comme je vas t’aimer... et puis nous gagnerons de l’argent ensemble, je te ferai voir à la foire Saint-Laurent, je n’aurai pas besoin de ressorts pour te monter !
On n’a pas besoin de vos conseils à vous autres.
Tais-toi donc, tu gâtes la sauce !
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