Pierre-François Biancolelli, Jean-Antoine Romagnesi
Arlequin Phaëton
Parodie
Représenté pour la première fois pas les Comédiens Italiens ordinaires du Roi
le 22 février 1731
Les Parodies du nouveau Théâtre-Italien, Briasson, 1738
Acteurs
Libye, fille de Mérops, Roi d’Égypte
Théone, fille de Protée
Phaëton, fils du Soleil et de Climène
Climène
Protée, dieu marin
Suivants de Protée
Triton, dieu marin, frère de Climène
Suivants de Triton
Épaphus, fils de Jupiter et de la Déesse Isis
Mérops, roi d’Égypte, qui a épousé Climène après la mort d’une première épouse
Rois Égyptiens et Indiens
Un Vent
Le Soleil
Les Heures du jour
Jupiter
Arlequin Phaëton
Scène i
Libye seule
libye
Air : Ici sont venus en personne
Heureuse une âme indifférente !
Le bonheur dont j’étais contente
Ne me sera-t’il point rendu ?
Dans ces beaux lieux tout est paisible,
Hélas ! que ne m’est-il possible
D’y trouver ce que j’ai perdu !
C’est un petit cœur ingénu,
C’est un cœur sincère et fidèle
Dont je n’aurai plus de nouvelles.
Quand l’Amour une fois le prend,
Jamais le traître ne le rend.
Scène ii
Théone, Libye
théone
Air : Trop aimable Nanette
Quand tout cherche à vous plaire,
Vous rêvez seule ici.
libye
Vous y veniez, commère,
Rêver seulette aussi.
théone
J’aime et je n’en fais point mystère,
Il faut, ma chère,
Aimer pour éprouver
Le plaisir de rêver.
Avouez que vous en tenez aussi bien que moi.
libye
Air : Ma mère mariez-moi
Le Roi me donne un époux,
Dois-je moins rêver que vous ?
théone
Ah, de grâce ! finissons !
Nous nous connaissons,bis
Parlons d’amour sans façons.
libye
Je le veux bien.
théone
Commençons.
Air : Comment, petite effrontée
Avouez en confidence
Que de tant d’amants,
Qu’attire ici la puissance
De vos yeux charmants,
Il en est quelqu’un, Madame,
Dont le joli minois
Vous agite et vous enflamme
En tapinois.
libye
Air : Le joli jeu d’amour
Le petit dieu d’Amour
Nous poursuit nuit et jour,
Et le perfide enfin nous attrape.
On a beau, ma foi
Être fille d’un grand Roi,
Jusque sur le trône il vous frappe,
Le petit Dieu d’amour etc.
théone
airnote
Le fils de Jupiter vous aime.
libye
Je ne serais qu’à lui, si j’étais à moi-même.
théone
Voilà parler.
libye
Air : Je voudrais bien me marier
Je voudrais bien me marier,
Et ne sais comment faire,
Épaphus est un cavalier
Qui ferait mon affaire :
Mais combien nous allons crier,
S’il déplaît à mon père.
Vous êtes plus heureuse que moi, ma chère Théone.
Air : Je vous avais cru belle
Du dieu de la lumière
Le fils charmant vous plaît :
Vous l’aimez sans en faire aucun mystère,
Il vous aime, tout insolent qu’il est.
Vous jouissez d’un plein repos.
théone
airnote
Hélas ! un tendre amour est toujours agité.
Air : Si ta femme gronde
Écoutez, Princesse,
Une courte comparaison,
Quoiqu’elle paraisse
Hors de saison :
La mer orageuse
Après ses fureurs est en paix,
Mais fille amoureuse,
Ne l’est jamais.
Toutes deux, ensemble
Air : Ah ! Madame Anrou
Ah ! Madame Anrou,
Que l’Amour est fou !
Et qu’il fait de folles !
Ah ! Madame Anrou,
Combien de paroles
Ici perdons-nous !
théone
Air : De Versailles à Paris
Je crains bien qu’aujourd’hui,bis
Phaëton ne me quitte.
libye
Je vous laisse avec lui.
Toutes deux, ensemble
Ah ! Madame Anrou, etc.
Scène iii
Phaëton, Théone
théone
Air : Et zon, zon, zon
Vous passez sans me voir, craignez-vous ma présence ?
phaëton
Je vous aime Théone, et ce soupçon m’offense.
théone
Air : Laire la laire lan laire
J’aperçois à votre embarras
Qu’ici vous ne me cherchiez pas.
phaëton
J’y cherchais la reine, ma mère,
théone
Laire lan,
Laire lan laire,
Laire lan,
Le bon enfant.
phaëton
Est-il défendu de chercher sa mère ?
théone
Oui, c’est sa maîtresse qu’il faut chercher.
phaëton
Ma foi, chacun a ses affaires : voilà une maîtresse qui m’importune autant qu’une femme.
Air : De quoi vous plaignez-vous
De quoi vous plaignez-vous,
Je ne suis point infidèle,
De quoi vous plaignez-vous,
Quand on n’aime que vous.
théone
Air : Mariez, mariez-moi
Mon père m’a bien prédit,
Les maux où l’amour m’expose.
phaëton
J’aime, et cela vous suffit.
théone
Non, il faut bien autre chose,
Marions, marions, marions-nous.
phaëton
Je crains la métamorphose.
théone
Marions, marions, marions-nous.
phaëton
Que je ne suis pas si fou !
théone
Air : Belphégor : C’est un plaisir pour mes semblables
Nous sommes seuls dans ces retraites.
Et malgré mes ardeurs parfaites,
Vous ne cherchez qu’à m’éviter.
Ah ! du moins, ingrat que vous êtes,
Puisque vous me voulez quitter,
Quittez-moi mieux que vous ne faites.
phaëton
Air : Réjouissez-vous bons français
Je ne sais comment vous calmer,
J’aime autant que je puis aimer ;
Si mon cœur n’est pas assez tendre,
C’est à l’Amour qu’il faut s’en prendre.
théone
Air : Ah ! qu’il est beau l’oiseau
Quand vous commenciez d’être amant,
Vous me cherchiez à tout moment,
Vous ne savez que trop comment
L’on aime...bis
Ah ! que ne m’aimez-vous toujours de même ?
phaëton
airnote
La reine tourne ici ses pas.
théone
C’est bien répondre, allez, ne vous contraignez pas.
Scène iv
Climène, Phaëton
climène
Air : Or, écoutez petits et grands
Vous paraissez chagrin, mon fils.
phaëton
Ma mère, c’est que je le suis :
Le Roi va se choisir un gendre,
Ce gendre au trône doit prétendre,
Épaphus en brigue l’emploi,
Voyez quelle rage pour moi.
climène
Le pauvre enfant ! consolez-vous mon mignon.
Air : Joconde
À tout j’ai déjà su pourvoir,
En habile personne,
On doit vous offrir dès ce soir
Libye et la couronne,
Vous les refuserez, je crois,
Car vous aimez Théone.
phaëton
D’accord, mais j’aime par ma foi,
Mieux monter sur le trône.
climène
Ah ! que ces nobles sentiments me font bien reconnaître le fils du Soleil.
phaëton
Ma mère, il y a cependant une chose qui m’embarrasse : le Soleil est mon père, n’est-ce pas ?
climène
Oui, vraiment.
phaëton
Air : Vous avez beau faire la fière
Comment avez-vous pu faire
Pour engager votre foi,
Et de vous, ma chère mère,
Que pense notre bon Roi ?
Avez-vous passé pour neuve
Dans l’esprit de ce butor ?
climène
Il m’a prise comme veuve.
phaëton
Mais le Soleil n’est pas mort.
Tout cela me chicane.
climène
Taisez-vous, petit épilogueur, c’est votre sort qui m’inquiète. Protée va venir ici avec ses moutons, et je veux le consulter sur ce qui vous regarde, faites que personne ne vienne nous troubler.
phaëton, en s’en allant.
Ah !
Scène v
Protée
airnote
Heureux qui peut sur les bords de la Seine
Se promener sans rien risquer,
Heureux ceux que l’espoir d’une amoureuse aubaine,
Ne force point à s’embarquer ;
Dangereux en est le voyage,
Jeunes amants, craignez l’orage,
Qui vous fait quelquefois
Faire naufrage
À Javelle, au port à l’Anglais,
À Javelle, au port à l’Anglais.
airnote
Prenez soin sur ces bords des troupeaux de Neptune,
Air : Gardons nos moutons
Surtout prenez bien garde au loup,
Bergères, je vous prie ;
Car il se glisse tout à coup
Du bois dans la prairie :
Quand à petit bruit
Il s’est introduit,
C’est en vain que l’on crie.
Faisons un petit somme sous ces arbres pour tuer le temps.
Scène vi
Climène, Triton, Protée
climène
Air : Joconde
Il faut, mon cher frère Triton,
Que par quelque rubrique,
Sur le destin de Phaëton,
Protée enfin s’explique.
Il est très sensible, dit-on,
À son panégyrique.
Il faut, sur un sublime ton,
Le lui faire en musique.
triton
Air : Adieu paniers, [vendanges sont faites]
Que Protée avec nous partage
De nos vieux airs les doux appâts,
Car dans les nouveaux opéras,
Il n’aurait pas le même avantage.
Air : Bergeries de Couperin
Bondissez,
Petits agneaux paissez
Sur ces rivages ;
Vous oiseaux,
Vous chalumeaux,
Et vous, murmures des eaux,
Vous feuillages,
Vous ombrages,
Vous badins Zéphyrs,
Qui rimez à plaisir,
Vous charmants boccages,
Vous tendres désirs,
Amoureux soupirs,
Et sornettes,
Qui sont faites
Depuis si longtemps,
Qu’on remet tous les ans
Dans les chansonnettes,
Remplissez nos chants.
On danse le même air.
protée
Air : Tarare pompon
Je suis tout réjoui de vos airs en bécarre,
Mais vous vous enrhumez, mon cher ami Triton,
Et mon troupeau s’égare.
triton
Daignez de Phaëton
Dire le sort.
protée
Tarare pompon.
triton
Air : On vous en ratisse
Comme Madame Jobin
Vous lisez dans le Destin :
Que votre art nous éclaircisse
De la chance qu’il aura.
protée
On vous en ratisse, tisse, tisse,
On vous en ratissera.
Il se change en arbre.
triton
Air : La Chasse
Vainement de la métamorphose,
Sorcier, vous empruntez le secours,
Il faut nous éclaircir de la chose,
Ou nous vous obsèderons toujours ;
Mais que vois-je ? c’est un ânon,
Ah ! vous parlerez mon mignon :
Répondez donc.
protée, contrefait l’âne
Hihon, hihon.
triton
C’est un cochon.
protée, contrefait le cochon
Hon, hon, hon, hon.
triton
Peut-on comprendre à ce jargon,
Le destin de Phaëton ?
protée, en vendeur de ptisanne
Air : Ramonez ci, ramonez là
À la fraîche, qui veut boire.
triton
Voici bien une autre histoire,
Parbleu, vous resterez là.
protée
Buvez par ci, buvez par là,
La, la, la.
Il les mouille.
triton
Le grand sorcier que voilà !
Air : Je reviendrai demain au soir
Nous voilà bien accommodés,
Nous sommes inondés.bis
protée, en pluie de feu
Vous avez tort de vous fâcher,
Voici pour vous sécher.bis
triton
airnote
Il reviendra bientôt sous sa forme ordinaire.
Air : Le fameux Diogène
Ma sœur, venez l’entendre.
climène
Puisqu’il devait se rendre,
Pourquoi tant différer ?
triton
Quand il s’agit d’oracle,
Toujours par un spectacle,
Il faut le préparer.
protée
Ma foi, je suis au bout de mon rollet.
airnote
Puisque vous le voulez, je romprai le silence,
Le sort de Phaëton se découvre à mes yeux.
Dieux ! que d’argent ! quel monde ! Ô Dieux !
Il ne doit son succès heureux
Qu’à sa magnificence.
Mais n’importe ? malgré sa grande dépense,
Et son nouveau soleil, il ennuiera toujours.
En vain un pinceau d’importance
Aux yeux de tout Paris fait briller sa science ;
Dans peu de temps il finirait son cours,
Si d’un danseur il n’avait le secours.
Mais quoiqu’on admire sa danse,
Le vendredi ne vient pas tous les jours.
Mais quoiqu’on admire sa danse,
Bientôt de ce nombreux concours
Cessera l’affluence.
Climène et Triton, ensemble
Air : Or, écoutez petits et grands
Quel oracle ! quelle terreur !
Ah ! je me sens saisir d’horreur.
Scène vii
Climène, Phaëton
phaëton
Hé bien, ma mère, que vous a dit Protée ?
climène
Il m’a dit que vous mourriez bientôt, mon fils.
phaëton
Air : Morguienne de vous
Il croit m’effrayer
Par cette menace,
Car le vieux sorcier
Veut avoir ma race.
Va, je t’en réponds :
Crois-tu que je fasse
De petits poupons
Gardeurs de moutons ?
climène
Non, vous dis-je ! vous devez mourir si vous montez au trône.
phaëton
Oh que non.
climène
Air : Je ne suis né ni roi, ni prince
Vous êtes digne de l’Empire,
Mais en tremblant je vous admire.
Vivez, mon fils, contentez-vous,
De régner sur un cœur fidèle ;
Il n’est point d’empire plus doux
Que de l’avoir sur une belle.
phaëton
Air : Mariez-moi ma mère
Vous vous moquez, ma mère,
En vérité.
Eh quoi ! le fils du père
De la clarté,
Vivrait-il dans l’obscurité ?
Quelle absurdité !
J’ai trop de fierté.
Vous vous moquez ma mère,
En vérité.
climène
Ah ! qu’il a d’esprit ! Adieu, mon fils, j’espère que l’amour de Théone l’emportera sur votre ambition.
phaëton
Air : Dedans nos bois il y a un ermite
Hé quoi ! ma mère au besoin m’abandonne !
climène
Théone a votre foi.
phaëton
Je n’en veux plus, la gloire me talonne,
J’aime mieux être Roi.
climène
Mais vous mourrez, si vous montez au trône.
phaëton
Je veux la couronne, moi,
Je veux la couronne.
Scène viii
Épaphus, Libye
épaphus
Air : Mon père, je viens devant vous
Quel malheur ! quel supplice ! hélas !
libye
Que vous alarmez ma tendresse !
Cher Épaphus, ne pleurez pas.
épaphus
Je vous perds, charmante Princesse,
Quel malheur ! quel supplice ! hélas !
De perdre un bien si plein d’appâts !
Le Roi vient de me donner mon congé, un autre vous épouse.
Quel malheur ! quel supplice ! hélas !
De perdre un bien si plein d’appâts !
Quoi, vous ne pleurez point. Voilà un nouvelle qui ne vous touche guère.
libye
Air : J’ai perdu ma liberté
Mes feux vous sont trop connus
Pour avoir rien à craindre.
Votre amour, cher Épaphus
Se plaint sans se contraindre :
Mais l’amour qui se plaint le plus,
N’est pas le plus à plaindre.
épaphus
Ah, voilà un jeu de mots qui me rassure.
Air : Sont les garçons du port au bled
Oh ! vous dont j’ai reçu le jour,bis
Jupiter, vengez mon amour,bis.
Écrasez ce Roi téméraire.
libye
Songez du moins qu’il est mon père.
épaphus
Ah ! je ne m’en ressouvenais plus.
Air : Si Margoton avait voulu
Mais vous ne me demandez pas
Le nom de votre époux.
libye
Hélas !
De quelque sorte,
Que soit fait cet époux,
Fort peu m’importe,
Puisque ce n’est pas vous.
épaphus
C’est Phaëton.
libye
Air : Rossignolet du vert boccage
Funeste choix !
épaphus
Douleur mortelle !
libye
Ô jour affreux.
Tous deux, ensemble
Ô d’un amour tendre et fidèle
Sort malheureux !
épaphus
Air : Les filles de Nanterre
Pourrez-vous, inhumaine,
Rompre un si doux lien ?
libye
J’aurai bien de la peine,
Mais il le faudra bien.
épaphus
Cela est fort honnête.
Tous deux, ensemble
airnote
Faut-il que le devoir barbare
Pour jamais nous sépare ?
épaphus
Air : Ici chacun s’engage
Je vous perdrai, cruelle,
Ah ! quel affreux tourment !
Mon cœur tendre et fidèle
Gémira vainement,
Inconstante Libye.
Privé de vos appâts,
Je vais perdre la vie,
Et vous n’en mourrez pas.
Encore un petit duo pour achever de nous consoler.
Libye et Épaphus, ensemble
Air : Cotillon Vendôme
Que mon sort serait doux,
Si je passais avec vous
La vie, la vie.
Scène ix
Mérops, Phaëton, Libye, sa suite
mérops
Air : Seigneur Turc a raison
Écoutez, Messieurs les Rois
Ce que je vais dire :
De Phaëton j’ai fait le choix
Pour succéder à l’Empire,
On voit à son teint vermeil,
Qu’il est le fils du Soleil,
Cela doit vous suffire.
Air : Mirliton
De ma fille qu’il demande,
Volontiers je lui fais don :
De tous côtés qu’on entende
Retentir cent fois le nom
Du grand Phaëton,
Mirliton mirlitaine,
Du grand Phaëton, ton, ton.
chœur
De tous côtés qu’on entende, etc.
On danse.
Scène x
Théone, Phaëton
théone
Air : Pierre Bagnolet
Ah, Phaëton ! est-il possible,
Que vous m’ayez manqué de foi :
Pouvez-vous être sensible
Pour la fille de ce vieux Roi ?
Répondez-moi.bis
Ah, Phaëton ! Est-il possible, etc.
phaëton
Air : L’amour, la nuit et le jour
Mon aimable tendron,
Cela me désespère,
Mais mon ambition
M’empêche de vous faire
L’amour
La nuit et le jour.
théone
Air : La charmante catin
Vous aimez la Princesse à la folie,
Et votre cœur perfide enfin m’oublie :
Oui, l’amour vous transporte,
Et vous livre à ses appâts.
phaëton
Non, le diable m’emporte,
L’amour ne s’en même pas,
La, la,
Je n’épouse que ses ducats.
théone
Que je suis malheureuse !
phaëton
Air : Digue don don daine
Punissez-moi par votre haine,
Cherchez aussi fortune ailleurs,
Accablez-moi de vos rigueurs.
Ma foi, je ne vaux pas la peine,
Digue digue don, digue don dondaine,
Que vous répandiez tat de pleurs.
théone
Infidèle, tu me trahis donc ! puissent tous les dieux me venger de ton ingratitude !
Air : Ta la le rire
Que l’Amour allume la foudre,
Sur lui qu’elle tombe en éclats,
Que l’ingrat soit réduit en poudre...
Dieux vengeurs, ne m’exaucez pas !
Car je ne l’ai dit que pour rire,
Ta la leri, ta la leri, ta la lerire.
Scène xi
Phaëton
Air : Changement pique l’appétit
On dit que deux beaux yeux en larmes
Sur les cœurs ont de puissants charmes.
Mais on ne sait ce que l’on dit,
Changement pique l’appétit.
Mais à propos, je dois une visite à la Déesse Isis, et comme elle est la mère de mon rival, elle va me recevoir à merveille.
Scène xii
Phaëton, Épaphus
épaphus
Air : En sortant l’autre jour
Qui vous fait si hardi,
Petit étourdi,
D’être à cette porte ?
Ignorez-vous
Qu’Isis, ma mère, est en courroux ?
phaëton
Nous saurons l’apaiser.
épaphus
Et comment ?
phaëton
Que vous importe ?
Parbleu, je vous trouve encor bien plaisant :
N’est-on pas bienvenu quand on apporte ?
Je veux entrer ici pour mon argent.
épaphus
Air : Que l’on ne parle plus de guerre
Votre attente sera trompée.
phaëton
Ça ! commençons
Par ôter chacun notre épée
En bons poltrons.
Voilà nos mesures bien prises,
Et nous pouvons
Nous dire toutes les sottises
Que nous voudrons.
épaphus
Air : Et zeste, zeste
Croyez-vous qu’à vos vœux,
Le juste Ciel réponde ?
phaëton
Je suis maître du monde,
Puis-je être plus heureux ?
épaphus
Bientôt, un coup funeste
Pourra vous mettre au désarroi.
phaëton
Et zeste, zeste, zeste.
Puisque tout le monde est à moi,
Rien ne vous reste.
épaphus
Quel orgueil ! Songez que Jupiter est mon père.
phaëton
Et qu’est-ce que cela me fait ? le Soleil est le mien !
Air : J’entends déjà le bruit des armes
Mon père est le dieu favorable,
Qui partout répand ses rayons :
C’est à sa chaleur secourable
Que l’on doit les vins bourguignons,
Et sans sa clarté charitable,
Les hommes n’iraient qu’à tâtons.
épaphus
Même air
Mon père est le dieu redoutable,
Qui régit la terre et les cieux.
Il peut d’un coup inévitable
Renverser les audacieux ;
Vous n’avez qu’à lire la fable,
Vous les connaîtrez encor mieux.
Tous deux, ensemble
airnote
Non, rien n’est comparable,
Au destin glorieux
Du plus luisant des Dieux.
Du plus bruyant des Dieux.
épaphus
Air : Ouiche et ouidà
Le grand Jupiter est mon père,
Tout le monde sait cela :
Pour vous on ne vous connaît guère.
phaëton
Le Soleil est mon papa.
épaphus
Ah, ah, ah,
Ouiche, ouiche,
Votre mère nous dit cela,
Mais elle triche,
Ouiche, ouiche,
Et oui dà.
phaëton
airnote
Osez-vous attaquer ma gloire ?
épaphus
Défendez-la si vous pouvez.
Scène xiii
Climène, Phaëton
phaëton
Air : Belle brune
Ah, ma mère !bis
À ce que dit Épaphus,
Le Soleil n’est pas mon père,
Ah, ma mère !bis
climène
Ah, quelle insolence !
phaëton
Air : Pierrot se plaint que sa femme
Qu’ici votre cœur s’explique,
Confondrons-nous les jaloux ?
La chose est problématique ;
Car on trompe tant d’époux,
Dites ma mère,
N’auriez-vous point, entre nous,
Trompé mon père ?
climène
Air : Savez-vous bien, beauté cruelle
Mon fils, vous me faites injure,
Phœbus vous a donné le jour,
Je dois le savoir, et j’en jure,
Pour m’y tromper, j’eus pour lui trop d’amour.
phaëton
Je vous crois, mais je prétends qu’à son tour,
Lui-même aujourd’hui m’en assure.
Les vents descendent.
climène
Vous n’en douterez plus, petit incrédule, voilà une voiture qu’il vous envoie pour monter à son palais.
phaëton
Vivat
Air : Des fraises
Mon triomphe éclatera,
De l’un à l’autre pôle,
Épaphus enragera.
climène
Partez, mon fils.
phaëton
M’y voilà,
Je vole, je vole, je vole.
Scène xiv
Le Soleil, les Heures
Le théâtre représente le palais du Soleil.
Une heure
airnote
Je suis l’heure des rendez-vous ;
Aux doux instants je m’abandonne,
J’aime à tromper les jaloux,
C’est pour les amants que je sonne,
Et jamais pour les époux.
Une deuxième Heure
airnote
Je suis l’heure des bons repas,
Toujours la foule m’environne,
Que pour les Gascons j’ai d’appâts
Quand par hasard pour eux je sonne.
Une troisième Heure
airnote
Je suis l’heure des emplettes,
Que l’on entend toujours carillonner.
Une quatrième Heure
Moi celle de payer les dettes,
On ne m’entend jamais sonner.
soleil
Air : Menuet de M. Grandval
Redoublez la réjouissance
Qu’en ces lieux vous me faites voir,
J’aperçois mon fils qui s’avance,
Dansez pour le bien recevoir.
On danse.
Une heure
Air : J’avais cent francs
Dans ce palais,
Tout brille, tout enchante,
D’une gloire éclatante
Jouissez en paix,
Qu’il est joli !
Qu’il est poli !
Il ressemble à son père, on dirait que c’est lui.
chœur
Qu’il est joli, etc.
soleil
Air : Passant sur le Pont-Neuf
Approchez Phaëton, que rien ne vous étonne,
J’adoucis en ces lieux l’éclat qui m’environne.
phaëton
De votre ton plutôt adoucissez l’éclat, ouf !
soleil
Qu’avez-vous donc mon fils ? vous soupirez.
phaëton
Air : Marotte fait bien
Puisqu’il m’est permis, mon père,
De vous appeller ainsi,
Faites donc taire
Le téméraire,
Qui dit que ma mère
En a menti.bis
soleil
Quelle langue de vipère,
Que le monde est perverti !
Oui, Phaëton, je vous reconnais pour mon fils.
phaëton
Ce n’est pas le tout, les autres n’en voudront rien croire.
soleil
Air : Quand on a prononcé ce malheureux oui
Quel gage voulez-vous du sang qui vous fit naître ?
Je vous l’accorderai.
phaëton
Vous vous moquez peut-être.
soleil
J’en jure par le Styx, effroyable serment,
Que ne pourrait pas même enfreindre un bas-Normand.
Tu n’as qu’à me demander tout ce que tu voudras.
phaëton
Air : Je ne suis pas assez beau
Dans votre beau chariot...
soleil
Oh, oh.
phaëton
De l’Orient jusqu’à l’Ourse
Je voudrais bien au grand trot...
soleil
Oh, oh.
phaëton
Faire une petite course.
soleil
Diablezot,
L’entreprise est trop téméraire.
phaëton
Eh bien, je n’irai, mon cher père,
Que de Paris à Chaillot.
soleil
Et ho, ho, ho,
Vous tomberiez comme un sot.
phaëton
Il ne s’agit pas de cela, vous avez juré.
soleil
Air : Oh que si
Tu n’as pas, jeune étourdi,
Pour conduire un tel équipage
Assez de force en partage.
phaëton
Oh que si.
soleil
Ma crainte doit te suffire
Tu peux encor t’en dédire.
phaëton
Oh, que nenni.
soleil
Air : Mais surtout prenez bien garde à votre cotillon
Malheureux père que je suis !bis
Eh bien, puisque je l’ai promis,
Allez vous promener, mon fils ;
Mais j’espère petit fou,
Vous voir casser le cou !bis
Une heure
Air : À la santé de la folie
Allez répandre la lumière,
Puissiez-vous dans votre carrière
Ne trouver aucune ornière
Qui vous fasse un mauvais tour ;
Allez répandre la lumière,
Nous vous donnons le bonjour.
chœur
Allez répandre la lumière, etc.
Scène xv
Climène, Mérops, Suite
Le théâtre représente une campagne et un soleil levant.
climène
Air : La beauté, la rareté, la curiosité
Venez tous en ces lieux, pour voir d’une merveille,
La beauté,
Dans le monde on n’a point encor vu sa pareille,
La rareté,
Mes enfants, le Soleil est dans une bouteille,
La curiosité.
airnote
Que tout chante, que tout réponde,
C’est un Soleil nouveau,
Qui doit attirer bien du monde,
C’est un Soleil nouveau,
Cela doit être beau.
Pour le coup, Phaëton est le fils du Soleil.
Air : Ô reguingué
Mon fils éclaire ses jaloux,bis
C’est lui qui brille aux yeux de tous.
mérops
Par quel courrier le savez-vous ?
Pour moi, je ne saurais le croire.
climène
On l’a vu de l’observatoire.
Scène xvi
Épaphus
Air : Jupin du grand matin
Ô vous, puissant Jupin,
C’est en votre main,
Que je mets mon destin.
Jusqu’aux Cieux,
Un audacieux
Porte sous vos yeux
Son vol ambitieux.
Je croque le marmot,
Et le magot,
De son père idiot
Prend le fallot,
Conduit le chariot,
À l’amble, au trot,
Tandis que comme un sot,
Je ne dis mot.
Lancez à ce nabot,
Votre brûlot ;
Enflammez son jabot,
Comme un fagot.
Faites un escargot,
De sa sotte figure à Calot.
Scène xvii
Climène et Mérops
[Ensemble], ensemble
airnote
Que tout chante, que tout réponde, etc.
Scène xviii
Théone, les Acteurs précédents
théone
Air : À l’ombre d’un ormeau
Changez en des plaintes funèbres
Votre allégresse et vos concerts ;
Car les plus épaisses ténèbres
Vont obscurcir tout l’univers.
Et Phaëton bientôt
Va faire un joli saut.
C’est mon père qui me l’a dit.
climène
Ah ! l’étourdi, il n’a jamais voulu me croire !
Air : Je ne suis pas si Diable [que je suis noir]
Quelle effroyable flamme
Se répand dans les airs ?
théone
La peur saisit mon âme,
Phaëton, tu te perds,
Devais-tu, misérable,
Jouer un si gros jeu ?
mérops
Quelle chaleur de diable,
Au feu, au feu !
chœur
Quelle chaleur de diable, etc.
climène
Air : Réjouissez-vous bons Français
Peuples qui chantiez à l’instant
Sa gloire et son sort éclatant,
Songez qu’il est très ridicule,
De crier parce qu’il vous brûle.
Scène xix
Phaëton dans son char, les Susdits
phaëton
Air : Dia huriau
Arrêtez, Messieurs les chevaux,
Ces animaux
N’ont point de bouche ;
Vous vous pressez trop,
Hola, ho, dia huriau,
Tout beau.
Scène xx
Jupiter
Air : Laissez-moi m’enivrer en paix
Malheureux ! quel dégât tu fais,
On ne pourra plus boire au frais :
Culbute, culbute, culbute à jamais.
tous, ensemble
Ah ! que c’est bien fait !
Fin