Anonyme
Pierrot Pirrhus
Parodie de l’opéra de Cajus Fabricius
Représenté à Berlin par les comédiens italiens du Roi
Berlin, Neaulme et de Bourdeaux, 1747
Acteurs
Pirrhus : Pierrot
Fabricius : Arlequin
\persliste[Colombine, fille d’Arlequin] Sextia
amante de Volusius et aimée de Pirrhus
Bircenna, fille de Glaucias Roi d’Illirie promise avec Pirrhus : Marinette
Volusius, amant de Sextia : Scaramouche
Turius, chef de la république de Tarente : Pantalon
Cineas, conseiller et confidente de Pirrhus : Mezetin
Soldats macédoniens
Soldats romains
Pierrot Pirrhus
Scène i
Pirrhus, Turius et le peuple de Tarente célébrant la fête des Saturnales
pirrhus, au peuple
Air : L’allure
Pourquoi chers Tarentins, mes cousins,
Ces jeux, cette bombance.
turius
De déffunt Saturnus mon cousin
Nous fêtons la naissance, mon cousin.
Voilà, mon cousin,
L’allure, mon cousin,
Voilà mon cousin l’allure.
pirrhus
Air : Lampons
Fi, cela ne me plaît pasbis
Cessez ce tapage-là,bis
Cette fête est effroyable,
Vous faites danser le diable,
Non, non, non, non.
Il n’y a ni sens ni raison.
Air : Allons reprendre la lumière
Reprenez votre ardeur guerrière,
Allez endosser la rapière,
Pour ne faire qu’un cimetière
De Rome et de ses habitants,
Reprenez votre ardeur guerrière,
Et suivez mes commandements.
turius, à part
Air : Dupont, mon ami
Ce tyran n’est pas
Ami de la danse
De ce fier-à-bras
Je crains la puissance
Mais nous nous en vengerons
Haut, à Pirrhus.
Oui, nous vous obéirons.
Scène ii
Les acteurs de la scène précédente et Cinéas
pirrhus
Air : En revenant de Saint-Laurent
Je crois que je vois Cinéas,
Qui vers ces lieux porte ces pas
La quille dondaine.
cinéas
Oui, mon capitaine,
pirrhus
Que penses-tu de la gent romaine,
A-t-elle peur
De Pirrhus vainqueur.
cinéas
Air : Amis, cessez
Seigneur, vous ne connaissez pas
Cette orgueilleuse populace.
Elle disputerait le pas
Même au Roi d’Yvetot en face
Et leur sénat est si glorieux
Qu’il se croit l’image des dieux.
pirrhus
Air : Amis, ne parlons plus de guerre
Ce fier peuple veut-il la guerre,
La veut-il pas ?
Dois-je prendre mon cimeterre,
Pour les combats ?
Ou bien faut-il que je rengaine
Mon coutelas ?
cinéas
Fabricius, leur capitaine,
Vous le dira.
Air : Elle a bien autre chose
Il vient près de vous, Sire,
De la part du sénat,
Sans doute pour vous dire
Quel est le résultat
Qu’a produit le message
Dont j’étais honoré.
Si j’en fais davantage
Je veux être damné.
pirrhus
Air : Eveillez-vous
C’est le père de ma maîtresse,
Celle dont je suis amoureux,
De cette cruelle tigresse
Qui méprise mes tendres feux.
cinéas
Air : Tarala
Vous en tenez donc
Pour cette romaine,
Fit-on jamais onc
Pareille fredaine,
Tarala etc.
Air : Un conseiller
Tout le vaillant de ce consul de Rome
Ne vaut pas vingt écus
De mes deux yeux cet honnête homme
Ce grand Fabricius,
Son âne et lui
Labourer à grand erre,
Quelque arpent de terre, oui,
Quelque arpent de terre.
pirrhus
Air : Vous m’entendez bien
C’est vraiment aussi pour cela
Que je compte avoir Sextia
Pour sortir de misère.
cinéas
Eh bien.
pirrhus
J’obtiendrai tout du père,
Vous m’entendez bien.
cinéas
Air : Frères et compagnons
Ne vous flattez pas tant,
Étouffez votre flamme
Car votre argent comptant
Ne peut rien sur son âme.
Cet homme, quoique gueux,
Tout doucement laisse flotter sa barque
Et se croit cent fois plus heureux
Que le plus grand monarque.
Air : Je ne veux aimer que Colin
Et d’ailleurs vous ne songez pas
Que de la fille de Glaucias
Il faut défricher les apas,
Selon votre ancienne promesse.
Vous voudriez donc dans ce cas
Manquer à cette princesse ?
Fi, Seigneur, vous n’y pensez pas
De quitter ainsi Bircenna.
Scène iii
Les acteurs de la scène précédente et ensuite Fabricius et sa suite.
turius, à part
Air : Lorsque Tarquin
Vit-on jamais un chef de république
Auprès d’un roi servir d’introducteur
Et lui présenter l’ambassadeur,
De l’ennemi, ma foi, monsieur l’Auteur
Le trait est neuf, mais craignez la critique.
Fabricius entre avec sa suite, habillés grotesquement à la romaine.
turius, à Pirrhus
Air : Des fraises
Je vous annonce Seigneur
À part.
Par la mort, par le ventre,
Haut.
De Rome l’ambassadeur,
Ne vous fera-t-il pas peur ?
pirrhus
Qu’il entre, qu’il entre, qu’il entre.
fabricius
Air : La bonne aventure
De la part de Rome ici,
je viens, Roi d’Épire,
Vous visiter aujourd’hui,
Et de plus vous dire,
Que nous sommes tous charmés,
D’avoir été bien rossés,
Par un si grand Sire, au guet
Par un si grand Sire.
Air : Elle a bien autre chose
Sur la paix proposée,
De votre part Seigneur,
Toute notre assemblée,
L’approuve de bon cœur,
Mais il faut d’abord, Sire,
De ces lieux décamper
Pour prendre dans l’Épire
Votre quartier d’hiver.
Air : La chose impossible
Abandonnez les Tarentins
Et laissez-là cette canaille,
Faites-nous rendre les Romains
Qui furent pris dans la bataille
Ensuite l’on concertera
Entre nous un accord paisible.
pirrhus
C’est la la la la la la la
C’est la chose impossible.
Air : Que Bonneval
Laissons là tous ces vains discours,
Allez un peu voir votre fille,
Consolez-la, car tous les jours,
Elle pleure après sa famille.
Aussitôt qu’elle vous verra
Sa bonne humeur reparaîtra.
Il s’en va avec sa suite.
Scène iv
Sextia, Fabricius
Air : Et pourquoi donc
Et pourquoi donc ma chère fille,
Pourquoi t’affliges-tu si fort ?
sextia
Hélas, mon cher père, ai-je tort
Quand, loin de ma famille,
Je me vois, par un cruel sort,
Esclave d’un soudrille ?
fabricius
Air : On dit que les officiers
Ce n’est pas tout à fait ça
Tu me trompes Sextia,
Parlons avec confiance
Et j’en soupçonne l’absence
De ton cher Volusius.
Mais arme-toi de constance
Le pauvre garçon n’est plus.
sextia
Air : des Pendus
Ah ! Ce coup me perce le cœur.
fabricius
Va, ce n’est qu’un petit malheur.
sextia
D’accord, si prêtres et notaires,
S’étaient mêlés de nos affaires,
Car femme qui perd son mari,
Ne s’afflige pas aujourd’hui.
Fabricius s’en va.
Scène v
Le portrait de Pirrhus pend à un poteau placé à un des côtés du théâtre Sextia, Bircenna déguisée et Turius
turius, à Bircenna
Air : de Joconde
Reconnaissez-vous ce portrait,
Qui pend ici madame ?
bircenna
Oui, c’est là Pirrhus trait pour trait
Le maître de mon âme,
Mais si sa figure me plaît,
Son cœur je vous assure
Ne saurait plus être mon fait
Puisqu’il devient parjure.
turius
Air : Un jour, une vieille
Tournez-vous madame de cet autre côté.
Il montre Sextia.
Voyez
C’est la rivale qui vous a supplanté
Voyez
Ah, voyez donc madame.
bircenna
C’est Sextia
Cette fière romaine.
sextia
De moi déjà
Faut-il qu’on s’entretienne
Non
Pour faire finir la scène
Sans dire mot décampons.
Elle s’en va.
Scène vi
Bircenna, Turius
bircenna
Air : Belle brune
Qu’elle est fière,bis
Il me paraît Turcius, qu’elle est d’humeur singulière
Qu’elle est fière.bis
turius
Air : De bas en haut
Et bien tant mieux,
Car enfin apprenez madame
Que ses beaux yeux,
Qui rendent Pirrhus amoureux
Sans dessein ont fait dans son âme
Naître son infidèle flamme
Et bien tant mieux.
Air : Ton humeur est, Catherine
J’emploierai ma puissance
À seconder Sextia.
Est-ce la reconnaissance
Qu’ici pour Pirrhus on a ?
turius
Vous ignorez donc princesse
Combien il nous traite mal !
Je sers de plus ma tendresse
En détruisant mon rival.
bircenna
Air : De bas en haut
Quoi ? Vous m’aimez ?
turius
Oui, madame, je vous le jure.
bircenna
Quoi ? Vous m’aimez ?
turius
Par ce discours vous le voyez,
Vous yeux m’ont fait une blessure
Qui perce boyaux et fressure.
bircenna
Air : des Folies d’Espagne
Soit, je vous crois et n’en suis point fâchée
Un tel aveu me fait toujours plaisir,
Mais je prétends une ardeur éprouvée,
Toujours constante et prompte à me servir.
turius
Air : Éveillez-vous
Oui, dût-il m’en coûter la vie...
bircenna
N’entreprends rien sans mon aveu.
turius
Mais si Pirrhus vous a trahie ?
bircenna
Je récompenserai ton feu.
Scène vii
Pirrhus, Fabricius, Quatre juifs dont deux portent un coffre-fort et deux autres de la vieille vaisselle d’argent dans les corbeilles
pirrhus, à Fabricius
Air : Vous ne m’entendez pas
Voilà mes trésoriers
Qui portent mes finances,
Tous ces trésors immenses,
Seront mis en lauriers
Par mes travaux guerriers.
À sa suite.
Air : du Branle de Biron
Partez tous
Et laissez-nous,
Je n’ai plus besoin de vous.
Ils s’en vont.
À Fabricius.
Mais d’affaire,
Mon compère,
Parlons tous les deux.
fabricius
Soit fait, je le veux.
pirrhus
Air : Je croyais, en aimant Colette
Quand je vous déclarais la guerre,
Je ne le fis que par honneur,
Et je ne viens sur cette terre
Que pour mesurer ma valeur.
fabricius
Air : de la Chaconne [de Pyrame et Thisbé]
Si vous demandez.
pirrhus
Seigneur, écoutez
De mon intention
La solution.
Un cruel destin,
Barbare inhumain,
En tous lieux vous poursuit.
Sans aucun répit,
À votre âge,
Quel dommage,
De n’avoir pas un écu,
De mon coffre,
Je vous offre
Tout le contenu
Que vous avez vu.
fabricius
Vous vous moquez de moi.
Je ne suis par ma foi
Point tenté ni de biens, ni de richesses.
Vos largesses,
Vos promesses,
N’auront qu’un refus
De Fabricius.
pirrhus
Air : J’ai fait grâce à l’amour
Je ne suis point étonné
D’un refus si magnanime,
Car Fabricius est né
Pour mériter mon estime.
Mais donne-moi ta Sextia
Pour qui dès longtemps j’en tiens là.
Il porte la main sur son cœur.
Car c’est une merveille
Qui n’eut jamais sa pareille.
Il s’en va.
Scène viii
Fabricius, Sextia
fabricius
Air : Quand une femme a résolu
Quoi, Pirrhus aime Sextia,
Et Sextia n’en parle pas,
Que dois-je penser de cela ?
sextia
Ah ! Mon papa.
fabricius
Air : Je suis d’un bon tempérament
Quoique l’esclave de Pirrhus
Songe à te bien défendre,
Dût ce Ferragus
Cet olibrius
Un jour te faire pendre.
Air : De tout temps le jardinage
Non, jamais, ma chère fille
L’on n’a vu dans la famille,
Que des cœurs vraiment romains.
Et jamais fille romaine,
N’a couru la prétentaine,
Pour aller chez nos voisins.
sextia
Air : Un conseiller
Mon cœur n’est point porté pour ce grand drille.
Je n’aime point Pirrhus.
fabricius
Mais s’il voulait entrer dans la famille,
Malgré tous tes refus ?
sextia
Il verrait bien si je suis votre fille
Par la jernonbille, oui,
Par la jernonbille.
fabricius
Air : du Flonflon
Mais si dans sa colère
Cet insolent garçon
S’avisait de te faire
Sans rime ni raison,
Et flon, flon, flon etc.
Air : Filles, qui passez par ici
Pour te garantir de cela,
Si ce galant te presse,
Tu peux, avec ce poignard là
Il lui donne le manche d’un poignard.
Mourir comme Lucrèce, lon la
Mourir comme Lucrèce.
Il s’en va.
Scène ix
Sextia seule
sextia
Air : Lampons
Servons-nous de ce poignard,
Lucrèce mourut trop tard,
Et sans tâche à mon histoire,
Passons vite l’onde noire.
Elle lève le poignard.
Non, non, non, non,
Il faut faire une oraison
Air : Allez reprendre la lumière
Cher amant qui dans une bière
Ne voit plus du jour la lumière,
Reçois mon âme toute entière,
Je vais me donner le trépas
Et finir ainsi ma misère.
Volusius entre et lui ôte le poignard en disant
volusius
Volusius ne le veut pas.
Il sort précipitamment.
sextia
Qu’ai-je vu ?
Juste ciel, qu’ai-je entendu ?
Ah ! Qui l’aurait cru ?
J’en suis étonnée !
Mon amant,
Ou son ombre assurément
Qui m’a désarmée,
Dans l’instant,
C’est sa voix, ses yeux, son encolure,
Croira-t-on jamais cette aventure ?
Mais quand je te vois,
Pourquoi loin de moi
Fuis-tu si c’est toi ?
Sans dire pourquoi !
Chez les morts, une âme descendue
Ne peut plus s’offrir à notre vue.
Dans ceci mon âme est confondue,
Je n’y connais rien par ma foi.
Air : N’avez-vous pas connu
Mais, s’il n’était pas mortbis
Il devait me le dire,
Lire lire
Il devait me le dire
Il a tort.
Scène x
Pirrhus, Fabricus, Cinéas et ensuite Bircenna déguisée
fabricius
Air : Voici les dragons
Je viens de voir votre armée
Et vos éléphants.
pirrhus
Comment l’avez-vous trouvée ?
fabricius
Pas si bien disciplinée
Que nos gens. bis
bircenna
Air : Je vous le donne
Vers vous grand Sire....
pirrhus
Que me veut cette femme-ci ?
À Cinéas.
Mon cher Cinéas va lui dire
Qu’elle s’éloigne un peu d’ici.
bircenna
Je me retire.
pirrhus, à Fabricius
Air : Je n’en veux pas davantage
Profitez de l’avantage
Que je vous offre aujourd’hui.
fabricius
Pour prévenir le tapage
Faites tout ce que j’ai dit,
Allez dans votre patrie,
Manger vos poulets, vos dindons.
pirrhus
Et bon, bon, bon
Le pourrais-je sans Sextie ?
Air : Tirsis, dans une grotte
Qu’elle soit sur mon trône
Assise un jour,
Partageant ma couronne
Et mon amour.
Nous ferons des petits enfants
Qui seront charmants,
Et diront papa,
O guêt lon la lan lère o guêt lon la.
fabricius
Air : Quand maman me maria
Rome n’approuverait pas
Que ma fille Sextia
Fut unie par un contrat
À un roi d’Épire,
Car à Rome on n’aime pas
Le titre de Sire.
pirrhus
Air :
Vous savez le droit de la guerre,
Je puis disposer à mon gré
D’un bien que le sort m’a livré.
Et si la capture m’est chère,
Je puis agir en souverain.
fabricius
Mais le trait serait fort vilain.
pirrhus
Air : C’est le curé de Lustignan
D’accord mais j’aime Sextia,bis
Bientôt Pirrhus l’épousera.
Bircenna s’avance.
bircenna
Tu ton tu ton tu taine
Et tu tu tu
Nous verrons un peu,
Et ton ton ton,
Mon joli mignon
Si nous souffrirons
Tu taine tu ton
Une telle fredaine.
Air : Non, tu n’as pas ce qu’il me faudrait
N’as-tu pas promis infidèle,
Ta main, ton cœur à Bircenna,
Faut-il qu’une flamme nouvelle
Lui fasse perdre tout cela ?
Crains les effets de sa colère,
Elle saura venger son droit,
Puisque tu manques, téméraire,
À lui donner ce qu’il lui faudrait.
Elle s’en va.
Scène xi
Pirrhus, Fabricius et Cinéas
fabricius
Air : Un bel oiseau
Et quoi donc, brave Roi d’Épire ?bis
Au sénat me faudra-t-il dire,
Que vous êtes si lâche Sire,
Pour flétrir ainsi votre honneur.bis
Il s’en va.
Scène xii
Pirrhus et Cinéas
cinéas
Air : Par l’épée ou par le fourreau
Ah ! Pirrhus, prenez garde à vous,
Quand une femme est en courroux,
C’est un dangereux adversaire.
pirrhus
Lère la lère lan lère, lère la
Lère lan la.
Air : Le mirliton
Je veux chercher ma maîtresse.
cinéas
Ce seront des pas perdus,
Elle garde sa tendresse
Toute pour Volusius
Et son mirliton etc.
pirrhus
Air : L’on dit d’Hercule,
Faudra-t-il que je renonce
Au doux plaisir de la voir,
Mais sachons par sa réponse
S’il ne reste aucun espoir
À mon lan la landerirette
À mon lan la landerira.
Ils sortent.
Scène xiii
Sextia, Fabricius
fabricius
Air : Voulez-vous savoir l’histoire
Venez écouter ma fille,
Ce qui vous surprendra fort.
Tout l’appui de ma famille,
Volusius, n’est pas mort,
Je l’ai vu, je l’ai vu mais très bien,
Se promener en souguenille,
Je l’ai vu, je l’ai vu mais très bien,
En sarrot macédonien.
sextia
Air : L’autre jour, en bonne fortune
Mon père je l’ai vu moi-même,
Pendant que ma surprise extrême
Ne m’a fait voir qu’un revenant.
Mais dites-moi donc je vous prie,
Par quelle aventure et comment
Il vient ici. Quelle folie !
fabricius
Air : De bas en haut
Je n’en sais rien,
Il viendra te parler sans doute.
Je n’en sais rien,
Mais conseille-lui pour son bien
Que de Rome il prenne la route,
Et fais en sorte qu’il t’écoute,
C’est pour son bien.
Il s’en va.
Scène xiv
Sextia, puis Volusius
sextia
Air : Je n’irai plus à l’Opéra
Mon père craint avec raison,
Car on le mettrait en prison,
Si l’on pouvait apprendre,
Et bien,
Qu’il vient ici pour prendre...
Vous m’entendez bien.
Volusius paraît
Air : Un conseiller
Vous me fuyez, seriez-vous point volage
Parlez, répondez-moi !
Quand vous changez d’habits et d’équipage
Trahissez-vous ma foi ?
volusius
C’est pour tenter une grande entreprise
Que je me déguise, moi,
Que je me déguise.
Air : Réveillez-vous, belle endormie
À vous, à Rome, au Capitole,
Je prétends immoler Pirrhus
Fiez-vous à ma parole,
Dans deux heures ce fat n’est plus.
Air : Je croyais, en aimant Colette
Dans l’instant je serai de garde,
Ici, dans cet appartement,
Je veux avec ma colismarde,
Lui perforer le fondement.
sextia
Vous l’entendez donc ainsi ?
volusius
Vraiment, ma commère, oui.
sextia
Rengainez votre rapière.
volusius
Vraiment, ma commère, mère ?
sextia
Vraiment, mon compère, oui.
volusius
Air : de Joconde
Quand vous me défendez d’agir,
Que faut-il que j’en pense ?
Voulez-vous m’ôter le plaisir
D’une telle vengeance ?
Ce Roi vous serait-il plus cher
Que mon amour extrême ?
Oui ne voulez-vous le sauver
Que parce qu’il vous aime ?
sextia
Air : Tirsis, dans l’ardeur qui vous presse
Je vous entends bien mon compère,
Votre réponse est assez claire
Quoi, vous soupçonnez Sextia ?
Menacez, menacez, mais restez-en là.
volusius
Air : La beauté, la rareté
Mais si Pirrhus voulait...
sextia
Allez, laissez-moi faire.
volusius
Ma beauté,
Inspire du respect à l’âme la plus fière
La rareté
Je sais comme on retient d’un jeune téméraire
La curiosité.
sextia
Air : C’est l’ouvrage d’un moment
L’amour qui pour vous m’intéresse
N’en n’est-il pas un sûr garant ?
volusius
Oui, mais il arrive souvent
Que pour perdre femme et maîtresse
C’est l’ouvrage d’un moment.
sextia
Air : de Joconde
Et quoi ? Toujours épiloguer !
Décampez au plus vite,
J’entends Pirrhus sur l’escalier,
Avec toute sa suite.
S’il allait vous trouver, hélas,
En habit de gendarme,
Il pourrait bien faire en ce cas
Un terrible vacarme.
Il se retire dans la coulisse.
Scène xv
Sextia, ensuite Pirrhus
sextia
Air : Un abbé dans un coin
À temps il est parti
Biribi
À temps il est parti.
pirrhus
Il faut que je m’explique
En monarque amoureux.
À Sextia.
Auriez-vous la colique ?
On le voit à vos yeux.
sextia
Hélas, Seigneur, hélas !bis
Le malheur en tous lieux accompagne mes pas
C’est là ce qui ternit mon teint et mes appas.
Air : Que je regrette mon amant
La mort enlève mon amant,
Quand j’allais devenir sa femme,
Est-il un plus cruel tourment.
pirrhus
Je fais un remède madame,
Troquez le mort contre un vivant.
Prenez ma main, je suis content.
Scène xvi
Les acteurs de la scène précédente, Turius au fond du théâtre, parlant à Bircenna et un soldat armé en pandoure, couchant en joue Pirrhus, Volusius est de l’autre côté du théâtre avec une seringue
turius
Air : Ma mère, toute la nuit
L’assassin est près d’ici.
bircenna
Allez lui dire d’attendre.
volusius, à part
Que veut dire tout ceci ?
Et que veut-on entreprendre ?
pirrhus
Dépêchons, dépêchons-nous.
bircenna, à Pirrhus
Ah ! Pirrhus, que faites-vous ?
Air : Chantez, petit Colin
D’une ingrate beauté
Portez, portez la chaîne,
D’une ingrate beauté
Éprouver toute la fierté.
Fuyez qui vous adore !
pirrhus
Quoi ? Je te vois encore !
Va chez Bircenna,
Le la plante là.
bircenna
Nous verrons cela.
Elle s’approche du soldat.
Brave soldat tire
Tire, tire, tire
Lâche lui ton mousqueton.
volusius, en lâchant sa seringue sur le soldat dont le fusil rate
Ah ! Vraiment, madame, non.
Bircenna et Cinéas sortent d’un côté et Volusius de l’autre.
Scène xvii
Sextia, Pirrhus et sa suite
sextia, à part
Air : de La Calotte
Quand par un bonheur imprévu
Pirrhus allait être tondu
Mon amant lui sauve la vie.
Fit-on jamais telle folie ?
Il empêche son assassin !
Il veut le tuer de sa main.
Ah ! La sotte marotte !
Et plan, plan, plan,
Place au régiment
De la Calotte.
pirrhus
Air : de Joconde
Quelle trahison, quel complot !
Un soldat, une femme
Prennent donc Pirrhus pour un sot !
À Sextia.
Mais dites-moi, madame,
Ne serait-ce point un romain ?
Vous vous troublez, ingrate,
Vous connaissez donc l’assassin
Dont l’arquebuse rate.
Air : Lampons
N’est-ce point Volusius.bis
sextia
Oui, vraiment, Monsieur Pirrhus bis
Mais apprenez une histoire,
Assez difficile à croire
C’est lui, c’est lui
Qui vous défend aujourd’hui
pirrhus
Air : Quand maman me maria
S’il me sauve du trépas
Il le réserve à son bras,
Mais je m’en vais de ce pas
Le punir madame,
Si vous ne recevez pas
Ma brûlante flamme.
Il sort.
Scène xviii
Sextia, puis Volusius et ensuite Turius
sextia
Air : des Pendus
Qui sauvera Volusius
Des mains du barbare Pirrhus ?
Ce cruel va le faire pendre.
Justes dieux, daignez le défendre,
Garantissez-le du gibet.
Volusius entre.
Volusius, qu’avez-vous fait ?
volusius
Air : des Folies d’Espagne
Ce que l’honneur et la vertu m’ordonne.
sextia
Mais, grand nigaud, tu me perds avec toi.
volusius
Nani, nani, si vous voulez mignonne
Aller à Rome et partir avec moi.
sextia
Air : Et pourquoi donc, dessus l’herbette
Mais de cette terre ennemie
comment pourrions-nous nous sauver ?
volusius
Turius pour nous délivrer
Veut dans l’instant ma mie
Nous faire par le messager
Conduire en Italie.
Turius entre.
turius
Air : Éveillez-vous, belle
Partez, décampez au plus vite,
Il n’est pas temps de barguigner
Si vous différer votre fuite.
sextia
Air : Quand Moïse fit défense
Non, je n’ai pas le courage
De décampez de ce lieu.
À Volusius.
Je te souhaite un bon voyage.
volusius
Et bien donc, cruelle à Dieu,
Mais dans ma fureur extrême
Je vais me livrer moi-même.
Il fait semblant de sortir.
sextia
Ne va point faire cela,
Mais que dira mon papa.
Volusius et Sextia sortent.
Scène xix
Turius et Bircenna
turius
Air : Du Cotillon couleur de rose
Par le départ de Sextia
Pirrhus a perdu l’espérance
D’être infidèle à Bircenna.
bircenna
Comptes sur ma reconnaissance.
turius
C’est aussi tout ce que je veux,
Le respect impose silence
À tous mes désirs amoureux.
bircenna
Voilà du grand, du généreux.
Air : Fusilier, ton ballet
Pour vous récompenser
D’un trait aussi honnête,
Pour vous récompenser
Je prétends vous faire épouser
Glaucillas, ma soubrette,
Cette jolie brunette,
Outre ses appas
Les biens, les ducats,
Ne lui manquent pas.
Turius sort.
Scène xx
Pirrhus et Bircenna
pirrhus
Air : de Joconde
Princesse, il est temps désormais
Qu’oubliant votre offense,
Vous et moi nous vivions en paix,
En bonne intelligence.
Je rends au sang dont vous sortez
L’honneur que je dois rendre.
bircenna
Mais ce n’est pas encore assez,
Il me faut un cœur tendre.
pirrhus
Air : Pour la Baronne
Est-ce ma faute
Si Sextia fut mon vainqueur ?
Vous aviez compté sans votre hôte
Quand vous comptiez tenir mon cœur.
Est-ce ma faute ?
bircenna
Air : De bas en haut
Mais à présent
Qu’elle est de ces lieux décampée,
Mais à présent
Je crois que vous serez constant.
pirrhus
Qui peut donc l’avoir enlevée ?
bircenna
À son amant je l’ai livrée
Dans son moment.
Air : Et flon flon
Si vous me trahissez
Tremblez pour votre vie
Et si vous m’offensez
Redoutez ma furie
Et flon, flon, flon,
Une femme trahie
Et flon, flon, flon
Fais toujours carillon.
Elle sort.
Scène xi
Fabricius tenant Sextia par les cheveux, Pirrhus
fabricius
Air : Lorsque Tarquin
Voici, Pirrhus, voici ta prisonnière,
Elle avait pris l’essor sans mon aveu,
Mais aussitôt que je l’ai su,
Je me suis mis après par la morbleu,
Et l’ai d’abord prise par la crinière.
Air : Pour la Baronne
Respecte en elle
Le noble sang de ses aïeux
Et, quoiqu’elle soit criminelle,
Il est beau d’être généreux.
Il sort.
pirrhus, à Sextia
Et bien cruelle ?
Air : Je suis d’un bon tempérament
Comment justifierez-vous
Une telle conduite ?
sextia
Pour éviter votre courroux
J’ai dû prendre la fuite
Avec mon amant.
Nous allions gaiement
Mon non pas assez vite
Scène xii
Les acteurs de la scène précédente, Cinéas et Volusius habillés grotesquement, à la romaine, et désarmés
cinéas
Air : Et gai, gai
Et gai, gai, Seigneur Pirrhus,
Pour la bonne nouvelle,
Je mène ici Volusius,
L’amant de cette belle.
Il montre Sextia.
pirrhus
En regardant Volusius
Je crois qu’il me menace.
sextia, à part, en s’éloignant
De peur de l’irriter
Je quitte cette place
Pour un peu m’écarter.
pirrhus, à Volusius
Qui es-tu, quel est ton pays ?
volusius
Je suis un cadedis.bis
pirrhus
Air : De bas en haut
Quel est ton nom ?
volusius
Mon nom te donnerait la fièvre
pirrhus
Quel est ton nom ?
volusius
Par moi Mageclès, ce larron,
Fuyant devant moi comme un lièvre,
Je l’occis dessous un genièvre.
pirrhus
Quel est ton nom ?
Air : Ne m’entendez-vous pas
Je te reconnais bien.
Je t’ai vu dans l’armée,
Avec le porte-épée
D’un Macédonien,
Je te reconnais bien.
volusius
Air : Ma mère, toute la nuit
Et tu me vois à présent
Équipé à la romaine,
Quelque soit l’habillement,
Ou la forme que je prenne,
Tu peux compter, ventrebleu,
Tu peux compter sur ma haine.
Je le jure par les dieux...
pirrhus
Mais que fais-tu dans ces lieux ?
volusius
Air : des Folies d’Espagne
Ce n’est qu’à Rome à qui je dois répondre
De mes desseins, de mon intention.
pirrhus
Je puis ici, d’un seul mot, te confondre.
À ses gardes.
Emmenez-le, ce n’est qu’un espion.
Scène xiii
Pirrhus, Cinéas et Sextia
pirrhus
Air : de Joconde
Allons, allons, cher Cinéas !
sextia, en pleurant
Que je suis malheureuse !
À Pirrhus.
Seigneur, où portez-vous vos pas ?
pirrhus
Je vais, belle pleureuse,
Moi-même ordonner le trépas
D’un fat, d’un téméraire.
sextia
Ah ! Pirrhus ne le faites pas
Ou craignez ma colère.
pirrhus
Air : Lampons
Lorsque vous payez mes feuxbis
D’un mépris si rigoureuxbis
Je méprise votre haine.
Et pour mieux rompre ma chaîne
À Cinéas.
Lampons, lampons, camarade, lampons.
sextia
Air : M’entendez-vous bien
Tigre altéré de sang romain
Plonge ton poignard dans mon sein,
Je brave ta furie.
pirrhus
Et bien ?
sextia
Et ta rigueur impie.
Va, tu m’entends bien.
Elle s’en va.
Scène xxiv
Les acteurs de la scène précédente et ensuite Fabricius
cinéas
Air : Charmante Gabrielle
Si vous ôtez la vie,
Sire, à Volusius...
pirrhus
De sa rage ennemie
J’affranchirai Pirrhus,
Je punirai l’ingrate
De sa rigueur.
C’est là ce qui me flatte
Dans mon malheur.
fabricius, en entrant
Air : J’avais juré que jamais
Par un destin rigoureux
Ou par imprudence,
Volusius dans ces lieux
Se trouve en notre puissance
Mais avant de le punir
Il faut peser à loisir
Le fait dans la balance.
Air : Un conseiller
Ne suivez point une aveugle colère
Écoutez la vertu.
pirrhus
Ignorez-vous donc que ce téméraire
Dans ces lieux est venu
Pour me pourfendre avec son cimeterre
S’il l’avait pu faire, oui,
S’il l’avait pu faire.
fabricius
Air : Serais-je atteint du mal d’amour
Mais il vous a sauvé le jour,
Il a paré le coup lui-même.
Mais il vous a sauvé le jour,
Cela demande du retour.
pirrhus
D’accord, mais lui-même à son tour
Voulait, dans sa fureur extrême,
M’occire et me percer à jour
Mais soyez son juge vous-même.
Il sort avec Cinéas.
Scène xxv
Fabricius, Sextia et ensuite Volusius
sextia
Air : Éveillez-vous
À travers un carreau de vitre
De l’appartement que voici
J’ai vu Porrhus vous faire arbitre
Entre Volusius et lui.
Air : des Pendus
Je suis certaine du succès
fabricius
Ton amant perdra son procès,
Car je suis un juge équitable,
Si Volusius est coupable...
volusius, en entrant
Et bien, ordonnez mon trépas,
Car je ne me dédirai pas.
Air : des Folies d’Espagne
J’étais jaloux qu’un autre eût l’avantage
D’assassiner un tyran, un brutal,
Je réservais, Seigneur, à mon courage
Le doux plaisir de tuer mon rival.
fabricius
Air : Je croyais, en aimant Colette
Puisque tu conviens de ton crime
Tu peux en deviner l’arrêt,
Mais je t’accorde mon estime,
Quoique ce tour ne soit pas net.
Air : du Cantique de Geneviève
\c Ca Sextia, faites la révérence,
Car il est temps que vous vous sépariez.
sextia
Ne puis-je pas vous toucher de clémence ?
Mon cher papa, je me jette à vos pieds.
Fabricius sort, sans écouter Sextia.
Père intraitable,
Inéquitable,
Tout est pour moi barbare et sans pitié.
Scène xxvi
Les acteurs de la scène précédente, Pirrhus, Fabricius et Bircenna
fabricius, à Pirrhus
Air : Par l’épée ou par le fourreau
Seigneur, voici mon jugement,
J’ordonne que ce garnement
Il montre Volusius.
Serve dix ans sur les galères.
pirrhus
Lère la lère lan lère, lère la
Lère lan la.
Air : de Joconde
Vous triomphez de ma rigueur,
Une telle sentence
Vient de réveiller dans mon cœur
L’honneur et la clémence.
Soyons bons amis désormais,
Je vous rends votre gendre,
Aux Romains j’accorde la paix,
Même sans rien prétendre.
Trio en canon
sextia, fabricius et volusius, ensemble
Air : J’aurai une robe
Quelle grandeur d’âme grand Pirrhus
Tu nous charmes par tant de vertus.
bircenna
Air : Éveillez-vous
Serai-je seule infortunée
Lorsque tout le monde est heureux.
pirrhus
Non, madame, car l’hyménée
Va nous réunir tous les deux.
tous ensemble, ensemble
Air : du Nouveau cotillon
Puisque nous voilà tous d’accord
De nous affliger nous aurions grand tort,
Que l’allégresse,
La tendresse,
Anime nos jeux.
Dansons, soyons joyeux,
Puisque nous sommes tous d’accord
De nous affliger nous aurions grand tort.
Ils dansent ensemble le cotillon.
Fin