Jacques Bailly
Phaéton
Parodie
Phaéton, dans Théâtres et œuvres mêlées, Nyon, Paris, 1768
Acteurs
Mérops, père de Lybie et mari de Climène
Lybie, fille de Mérops
Théone, fille de Protée
Phaéton, fils du Soleil et de Climène
Climène, fille de l’Océan et de Thétis
Protée, dieu marin
Triton, dieu marin, frère de Climène
Epaphus, fils de Jupiter et d’Isis : Arlequin
Le Soleil
La déesse de la Terre
Jupiter
Une petite fille
Plusieurs acteurs muets
Phaéton
Le théâtre représente un jardin : on voit la mer dans l’éloignement.
Scène i
Théone, Lybie
Air : J’entends déjà le bruit des armes
Tandis que tout songe à vous plaire,
D’où nait ce chagrin, ce souci ?
Vous cherchez un lieu solitaire,
Et vous venez rêver ici.
lybie
Vous-même, qu’y venez-vous faire ?
N’est-ce pas pour rêver aussi ?
théone
Air : Depuis que j’ai vu Lisette
Le tendre amour, chère amie,
M’a soumise à son pouvoir,
Et d’aimer toute ma vie,
Mon cœur se fait un devoir.
S’il vous enchaînait de même,
Vous diriez ingénument,
Que rêver à ce qu’on aime,
Est un plaisir tout charmant.
lybie
Air : Maman me l’avait bien dit
Dois-je moins rêver que vous,bis
Au moment que mon père
Va me choisir un époux ?
Dois-je moins rêver que vous ?bis
théone
Air : Ô lon, lan, la, landerirette
Le tendre Épaphus, ma poulette,
Brûle pour vous depuis longtemps,
De la flamme la plus parfaite,
Découvrez-moi, landerirette,
Découvrez-moi vos sentiments.
Air : Suivons l’amour, c’est lui qui nous mène
Vous le trouvez digne de vous plaire,
C’est un présent du dieu des amours.
Ne croyez pas en faire mystère,
Car vos beaux yeux vous trahiront toujours.
lybie
Air : Vivons pour ces fillettes
Si par tendresse, mon papabis
Allait me donner celui-là,
Ah ! Quel plaisir, ma chère,
Lui seul est mon affaire,
Vraiment, lui seul est mon affaire.
Air : Si Troie fut réduite en cendres
Phaéton pour vous soupire,
Vous l’aimez tranquillement.
théone
Il n’est plus sous mon empire
Tel que tu crois, mon enfant,
C’est un ingrat, s’il faut le dire,
Qui se retire
Sourdement.
Air : Un amant
Et comment
Avoir le cœur tranquille et content,
Lorsque l’on sent
D’un amant,
L’amour s’affaiblir à chaque instant ?
Quel martyre
L’on éprouve en aimant !
Que l’amoureux empire
Renferme de tourment !
Malheur à qui soupire
Un peu trop tendrement.
théone et lybie ensemble, ensemble
Air : L’amour plaît,
Lorsque l’amour est extrême
Que c’est un cruel tourment
De ne voir dans ce qu’on aime
Qu’un ingrat, qu’un inconstant !
lybie
Air : Réveillez-vous, belle [endormie]
Voici Phaéton, je vous laisse,
Éclaircissez-vous avec lui.
Scène ii
Theone, Phaéton
théone, allant au-devant de Phaéton
Air : Quand je vous donnai mon cœur
Cet air sombre et plein de froideur,
M’alarme et m’embarrasse.
Cruel, qu’es-tu fait de mon cœur ?
Tu sembles tout de glace.
Ah ! Phaéton, qu’est devenu
Ce temps si charmant que j’ai vu ?
phaéton
Air : Règne, Amour, Fanfare du quatrième acte des Fêtes grecques et romaines
Pouvez-vous douter, Princesse,
Du beau feu qui pour vous m’intéresse.
Ma tendresse
Croît sans cesse,
Chaque jour
Augmente mon amour.
théone
Cependant, Phaéton me laisse,
Je ne vois plus, hélas ! Qu’il s’empresse
De me dire
Qu’il soupire
Pour un cœur,
Dont il fait le malheur.
phaéton
Pouvez-vous douter, Princesse,\indicreprmus jusqu’au mot fin
Quel caprice !
théone
Quelle injustice !
phaéton
Dieux ! Quelle rigueur !
théone
Quelle froideur !
Ton hommage,
Ton langage
Tout m’annonce un perfide amant,
Que ne puis-je être volage,
Et te voir indifféremment.
phaéton
Pouvez-vous douter, Princesse
théone
Air : Jardinier, ne vois-tu pas
Que faire, à se promener ?
Le long de la rivière,
Phaéton vient-il rêver ?
phaéton
Non, non, je viens y chercher
Ma mère, ma mère, ma mère.
théone
Air : La nuit et le jour
Quand on aime, il n’est rien
Qui puisse nous distraire,
On trouve toujours bien
Assez de temps pour faire
L’amour
Sans aucun détour.
Air : Une faveur, Lisette
Que de votre inconstance
Ne puis-je encor douter !
Vous craignez ma présence ?
Vous voulez m’éviter ?
phaéton
Vers ces lieux, ma Princesse,
Maman tourne ses pas.
théone
Suivez-la, je vous laisse.
Ne vous contraignez pas.
Théone sort.
Scène iii
Climène, Phaéton
climène
Air : Confiteor
Mon fils, d’où naît cet air rêveur,
Qui chez vous n’est pas ordinaire.
phaéton
Je crève d’orgueil et d’honneur,
Et mon rival me désespère :
Il prétend l’emporter sur moi,
Je n’y puis penser sans effroi.
Air : Et lon, lan, la du Roi de Cocagne
Vous savez qu’à votre aimable fille,
On doit donner un époux,
Elle est riche et d’ailleurs bien gentille :
Ma mère, il dépend de vous,
Que d’un grand roi je devienne le gendre,
Et lon, lan, la
Faites cela,
Vous le pouvez.
climène
Déjà
Pour vous j’ai su l’entreprendre.
phaéton
Air : Ah ! Voyez donc
Épaphus y prétend.
climène
Bon, bon,
Compte sur ma parole,
Pour l’emporter sur Phaéton,
Ah ! Voyez donc ! Ah ! Voyez donc,
Comme il s’y prend, le drôle.
phaéton
Air : Ô ma mère
Je sais que mon beau-père
Vous aime tendrement.
En ma faveur, en ce moment,
Efforcez-vous de plaire,
Je sais que mon bonheur dépend
D’un regard de ma mère.
climène
Air : Monsieur le Prévôt des marchands
Quand je pris le roi pour époux,
Mon fils, je ne pensais qu’à vous.
Pour vous mettre un jour à sa place,
Il fallait trouver un détour,
Mais quelque chose m’embarrasse,
Je vous connais un autre amour.
Air : L’amour est le protecteur
Je sais que d’un trait vainqueur,
Théone blesse votre âme :
Surmonterez-vous cette ardeur ?
phaéton
J’aime Théone, Madame,
Pour le badinage,
Bon.
Pour le mariage,
Non.
climène
Air : N’y a pas de mal à ça
Il faut à la dame
Jouer ce tour-là,
Quoiqu’il soit infâme,
Qu’on en glosera.
climène et phaéton ensemble, ensemble
N’y a pas de mal à ça,
N’y a pas de mal à ça.
climène
Air : Je n’ai qu’une chambre, un lit
Avec ton oncle, je dois
Consulter un berger habile,
Sur ton sort, ainsi que moi,
Hélas ! Il n’est pas tranquille.
triton, paraît au fond du théâtre
Je le vois qui s’offre à mes yeux.
Va, laisse-nous seuls en ces lieux,
Et surtout, charge-toi du soin
Que nous y soyons sans témoin.
Ils sortent.
Scène iv
Climène, Triton, Protée paraît endormi
climène
Air : Folies d’Espagne
Et bien, mon frère, aurons-nous audience ?
Mais il paraît dormir profondément.
triton
Je vais, ma sœur (un peu de patience)
L’arracher à son assoupissement.
Climène sort.
Scène v
Triton, Protée
triton, va près de lui
Air à faire. Il faut que la symphonie soit bruyante, ainsi que le chœur.
Ah ! Protée, réveille, réveille
Ah ! Protée, réveille-toi.
protée, se réveille, effrayé du bruit
Air : La faridondaine, la faridondon
Quel tapage ! Que me veut-on ?
Êtes-vous en délire ?
triton
Sur le destin de Phaéton
Daignez enfin m’instruire.
protée
Air : Non, non, je ne veux pas rire
Soigneux de garder un secretbis
Cherchez quelqu’autre, s’il vous plaît.
Qui veuille vous instruire ;
Non, non, non, non, je ne veux rien dire,
Non, non, non, je ne veux rien dire.
\protee[ s’échappe et s’en va en chantant le refrain qui suit\protee[ s’échappe et s’en va en chantant le refrain qui suit\footnote Il disparaît et se transforme en âne, en chien, en coq, en singe. Il grimpe sur un arbre après avoir successivement traversé le théâtre : on le poursuit dans la coulisse : après ces différentes métamorphoses, Protée reprend sa forme naturelle.]]
Gardons nos moutons,
Lirette, Liron,
Gardons nos moutons, Lirette.
Scène vi
Triton, Climène, Protée
triton et climène ensemble, se tenant par le bras, ensemble
Ce secret nous est important,
Protée, il faut qu’on vous l’arrache.
Nous vous suivrons soigneusement,
Sous quelque forme qui vous cache.
Non, ne croyez pas nous tromper,
N’espérez pas nous échapper ;
Nous échapper ;bis
N’espérez pas nous échapper.
protée
Air : Lerela, lere, lanlere
Puisque l’on me force à parler,
Je vais, ma foi, tout révéler.
Tremblez, ambitieuse mère,
Lerela, lere, lanlere, lerela, lerelanla.
Même air
Votre fils est un jeune fou,
Qui joue à se rompre le cou.
Où vas-tu, jeune téméraire ?
Lerela, [lere, lanlere, lerela, lerelanla].
Il ne rachève pas l’air ; il regarde dans le ciel, s’agite ensuite et chante ce qui suit.
protée
Air : La bonne aventure
Que vois-je ! Il mène grand train :
Une carriole,
Mais, quel funeste destin,
Il s’égare du chemin :
Ton fils dégrin, grin, grin, grin,
Ton fils dégringole.
Protée sort.
climène et triton ensemble, ensemble
Air : Pendus
Quel oracle, dieux ! Je frémis !
Triton sort.
Scène vii
Climène, Phaéton
suitairprec
climène
Apprenez votre sort, mon fils
Protée a su nous en instruire.
Air : Des fraises
Je vois s’amasser sur vous
Tous les malheurs ensemble :
Du ciel craignez le courroux,
Car pour vos jours, entre nous,
Je tremble, je tremble, je tremble.
phaéton
Air : La ceinture
Vous croyez trop légèrement
Ce que ce pasteur vous annonce.
L’intérêt seul en ce moment,
Ma mère, a dicté sa réponse.
Air : Je ne sais pas écrire
Il sait qu’à sa fille en ce jour,
Mon cœur préfère un autre amour.
En secret il enrage.
L’oracle qu’il a rendu-là
Ressemble à ceux de l’Opéra :
Ce n’est qu’un verbiage.
climène
Air : J’n’saurais
Renoncez à la couronne,
Et livrez-vous à l’amour,
Que pour vous ressent Théone :
Montrez-lui plus de retour.
phaéton
suitairprec
Je ne saurais
M’éloigner ainsi du trône,
J’en mourrais.
phaéton
Air : La Serrure, Comédie-Italienne
C’est en vous seule que j’espère,
Je ne vous quitte point des yeux
Que vous ne forciez mon beau-père
De mettre le comble à mes vœux.
Ils sortent.
Scène viii
Lybie seule
lybie
Air : Sainte-Commune
L’incertitude
Redouble dans mon cœur.
L’inquiétude
Augmente ma langueur :
Si le plaisir d’aimer
Fais souvent éprouver
La peine la plus rude,
Rien ne peut égaler
L’incertitude.
Scène ix
Lybie, Épaphus
lybie
Air : Et zon, zon, zon
J’aperçois Épaphus,
Que je crains sa présence.
epaphus, entre en pleurant
You, you, you, yahouf !
lybie
Air : Musette,
Cher Épaphus,
Que vous alarmez ma tendresse,
Cher Épaphus.
epaphus, pleurant
Hélas ! Je ne vous verrai plus.
Cris superflus,
Faibles secours dans ma tristesse.
lybie
Cher Épaphus !
epaphus
Hélas ! Je ne vous verrai plus :
À la fin, votre père,
Vient de décider l’affaire.
Phaéton est, ma chère,
L’époux qu’il vient de vous choisir,
Tout à loisir,
Le sort me poursuit et m’accable.
lybie
Quel avenir.
Je sèche, hélas ! de déplaisir.
Ô destin déplorable !
epaphus
Qui me rend misérable.
ensemble, ensemble
Ô destin déplorable !
Qui nous rend tous deux
Malheureux.
epaphus
En vous perdant,
Je perds l’objet le plus aimable,
En me perdant,
Vous perdez le plus tendre amant.
On entend un bruit de symphonie : les instruments doivent préluder en C fol ut.
Air : Bonsoir la compagnie
J’entends le bruit des instruments :
Voici la compagnie.
Pour mon amour, quel contre-temps.
Adieu, chère Lybie, adieu,
Adieu, chère Lybie.
Le théâtre change et représente l’appartement de Mérops.
Scène x
Mérops, Climène, Lybie, Phaéton, troupe de peuple et d’amis de Mérops qui viennent prendre part à la fête, qui commence par des danses.
mérops
Air : Pour le peu de bon temps,
Phaéton me demande ma fille,
Déjà je pétille
De les unir.
Le soleil est son père,
Je fais une affaire
Dont je chéris l’avenir :
L’âge qui me glace,
Loin de vous me chasse,
Je me sens périr :
Qu’un jour il me remplace,
C’est mon plaisir.
lybie, à son père
Air : Mon petit doigt me l’a dit
Quand on veut prendre une femme,
Le galant doit à la dame,
Poliment se proposer.
Phaéton est tout de glace,
On dirait qu’il me fait grâce
De vouloir bien m’épouser.
mérops
Air : Comme un coucou
Vous me raisonnez, ventrebille,
Quel propos me tenez-vous là ?
Votre mariage, ma fille,
Se fait de même à l’Opéra.
On danse.
une suivante, aux mariés
Air : Cherchons la paix
D’un doux hymen goûtez les charmes,
Jeunes époux, vivez heureux,
Que les soucis est les alarmes
N’altèrent point vos désirs et vos feux,
Au tendre amour rendez les armes,
Il prendra soin de refermer vos nœuds.
une petite fille
Air : Fut tirer sa poudre aux moineaux
Quoique je ne sois qu’un enfant
Souffrez qu’avec vous je partage
Le zèle ardent qui vous engage
À chanter ce couple charmant,
De mon cœur je leur fais l’offrande
Ne pouvant pas mieux faire, mais !
Un jour, quand je serai plus grande,
Je leur donnerai des sujets.
On danse sur l’air qui suit : Seconde suivante.
Air : Dans ces lieux [tout rit sans cesse]
Que la joie et la tendresse
Soient l’objet de nos désirs,
Qu’en ce jour l’amour nous blesse,
Son empire est celui des vrais plaisirs.
Le ballet continu, ensuite tout le monde se retire, à l’exception de Phaéton.
Scène xi
Phaéton, Théone
théone
Air : Ma commère, quand [je danse]
Phaéton, est-il possible
Que tu me manques de foi :
Une autre te rend sensible,
Tu n’es donc plus sous ma loi.
Dis-moi pourquoi ?bis
Ah ! Réponds-moi !bis
Réponds-moi !
Phaéton, est-il possible
Que tu me manques de foi.
phaéton
Air : N’avons pas vu passer
Ne suivez point mes pas,bis
Belle Théone, olire, olire,
Je n’ai rien à vous dire.
théone
Hélas !
théone
Air : Ces filles sont si sottes
Cruel, c’est toi qui dans mon cœur
Nourrit cette fatale ardeur :
Quelle est ta maladresse,
Tu mets les gens en belle humeur,
Après quoi tu les laisses, lon, lan, la,
Après quoi tu les laisses.
phaéton
Air : Landerirette
Théone, vous serez toujours
L’objet de mes tendres amours,
Landerirette,
Un amant vaut bien un mari,
Landeriri.
théone
Air : Non, je ne ferai pas [ce qu’on veut que je fasse]
Perfide, il est donc vrai, que tu trahis ma flamme,
Redoute la fureur où tu livres mon âme.
Air : Des petits rats, contre-danse
Puisses-tu, du dieu qui tient la foudre,
Éprouver en ce jour le courroux.
Puisses-tu tomber, réduit en poudre,
Accablé sous le poids de ses coups ! \footnote Elle ne finit point l’air.
Air : Réveillez-vous, [belle endormie]
Mais que dis-je, hélas ! Malheureuse.
Air : La béquille
Non, ne m’exaucez pas,
Vous, grands dieux, que j’implore !
Cruel, tu vois, hélas !
Que tu m’es cher encore.
Par un cas bien étrange
Tu me donnes la loi.
Ingrat, si je me venge,
Va, se sera sur moi.
phaéton, à sa suite
Portez-lui de l’eau de Dardelle, \footnote En donnant son flacon. Eau en réputation comme celle de Mélisse.
La belle,
Je pense, en a besoin,
Quand à moi, je vais prendre soin,
De me rendre Isis favorable.
Il ne rachève pas l’air et porte ses pas vers le temple d’Isis.
Scène xii
Phaéton, Épaphus
epaphus
Air : Ô reguingué, ô lon, lan, la
Arrêtez, Monsieur Phaéton !bis
Quand vous m’enlevez un tendron
Dont j’ai toute l’affection,
Craignez le courroux de ma mère,
Ainsi que celui de mon père.
Air : Ton humeur est, Catherine
Mon père, armé de la foudre,
Fait trembler tous les humains,
D’un regard il met en poudre
Qui s’oppose à ses desseins.
phaéton
Le mien sait par sa lumière
Leur faire un heureux destin ;
Il les chauffe, il les éclaire,
Et fait mûrir le raisin.
phaéton, épaphus ensemble, ensemble
Air : Non, non, il n’est point de si joli nom
Non, non, rien ne saurait assurément,
L’emporter sur sa puissance :
Non, non, il n’est point de sort plus charmant
deuxcol,
epaphus
Que celui d’un dieu puissant.
phaéton
Que celui d’un dieu brillant.
epaphus
Air : On dit que vous avez des rats
On sait que Jupin est le mien,
Pour le vôtre, on l’ignore.
phaéton
C’est le soleil, tu le sais bien.
epaphus
Air : Vraiment, ma commère
C’est ta mère qui le dit.
phaéton
Vraiment, mon compère, oui.
epaphus
Ainsi donc il l’en faut croire.
phaéton
Vraiment, mon compère, voire,
Vraiment, mon compère, oui.
Air : Quand Moïse fit défense
Pour dépouiller votre mère
De ses mauvaises humeurs,
J’ai fait des bouts de la terre
Venir chantres et danseurs. \footnote Dans ce temps-là, l’Opéra avait fait venir des danseurs étrangers et des bouffons d’Italie, comme gens propres à rétablir sa santé, qui pour lors était fort affaiblie. En effet, ils réussirent de façon, qu’ils entraînèrent tous les suffrages, époque qui a fait tomber la musique française dans un discrédit dont elle a peine à se relever, la musique italienne ayant pris le dessus.
Il ne rachève pas l’air.
Air : Trembleurs
Les uns viennent d’Italie,
De l’Afrique et de l’Asie,
Les autres de Barbarie,
Frais, gaillards et bien dispos.
Enfin, ce sont gens d’élite,
Très capables par la suite,
De faire tout le mérite
De nos opéras nouveaux.
epaphus
Air : Ah ! Voyez donc
On va traiter, mon garçon,
Comptez sur ma parole,
En enfant de bonne maison.
Ah ! Voyez donc, ah ! voyez donc
Comme il s’y prend, le drôle !
Il sort. Phaéton demeure.
Scène 13
Mérops, Phaéton, Climène, Lybie
divertissement
Troupe de danseurs de différents caractères, comme bouffons, turques, chinois, sauvages, troupe de laitiers.
On danse.
climène
Isis, tu vois les laitières,
De Charonne et de Bagnolet,
Qui t’apportent pour te plaire
Des œufs, du beurre et du lait.
Lait, lait, etc.
chœur
Isis, tu vois etc.
On danse.
climène
Air : L’amour plaît,
Allons, entrons dans le temple.
Comme ils vont pour entrer dans le temple, les portes se ferment et on entend un grand bruit.
phaéton
Air : Mon papa, toute la nuit
Nous fermer la porte au nez :
La colère me transporte.
climène
Ah ! Mon cher fils, arrêtez.
phaéton
Je vais enfoncer la porte.
epaphus
Bâtonnez, bâtonnez-les,
Maman, de la bonne sorte.
Bâtonnez, bâtonnez, bâtonnez-les,
Qu’ils en soient pour leurs œufs frais.
didascalie, Les portes du temple s’ouvrent, des gens armés de fourches ; de manches à balai
etc chassent les chanteurs et les danseurs, et brisent les présents. Phaéton s’obstine à demeurer et Climène ne peut pas quitter son fils.
Scène xiv
Climène, Phaéton
phaéton
Air : Voici les dragons qui viennent
Bon, j’ai bien une autre affaire
Maman, sur les bras ;
On me conteste mon père,
On vous fait passer ma mère. \footnote Il ne rachève pas l’air.
climène
Du Soleil vous êtes l’enfant,
Si je dis faux, qu’en ce moment
Il me refuse la lumière
Qu’il dispense à tous les humains ;
Enfin, qu’il contraigne ta mère
À demander les Quinze-Vingt.
Air : Si le roi m’avait donné
Au milieu de ma douleur \footnote Une voiture ornée de larges papillons vient prendre Phaéton.
Ce dieu me console,
Il met fin à mon malheur,
Et me tient parole.
Pour t’attirer près de lui
Il envoie exprès ici
Une carriole, ô gué,
Une carriole.
Air : Hanneton, vole, vole
Triomphez, partez promptement.
phaéton
Cette voiture est drôle.
climène
Mon enfant,
Voici le moment
De jouer un rôle
Des plus brillants.
phaéton, entre dans la carriole et chante en finissant l’air
Phaéton, vole, vole.
Il faut jouer ici le même prélude qu’on joue à l’Opéra, il est à la fin du troisième acte.
Scène 15
Le Soleil, Phaéton
le soleil, à sa suite
Air : Y avance
Phaéton se rend dans ces lieux,bis
Qu’on le reçoive de son mieux
Bon, je l’aperçoit qui s’avance \footnote Faisant signe à Phaéton d’approcher.
Y avance, y avance, y avance ;
Ne redoute point ma préférence.
phaéton
Air : Belle brune
Ah ! Mon père, ah ! mon père,
Je vous apporte en ce jour
Des compliments de ma mère.
Ah ! Mon père, ah ! mon père.
le soleil
Air : Par bonheur ou par malheur
Je me souviens bien du jour
Que je fus pris par l’amour.
Le hasard m’offrit ta mère.
J’allais alors en chassant.
La chose a bien pu se faire,
J’ai tiré du noir au blanc.
phaéton
Air : Livrons sans alarmes,
Si jamais ma mère
a su vous plaire,
Faites cesser des bruits fâcheux.
Chacun sur son compte
Tient à ma honte
Propos injurieux... \indicreprmus Fin
De mon sort maints esprits jaloux
Frondent ma naissance.
Un tel bruit m’offense :
Réprimez leur imprudence.
Mon père, entre nous,
C’est à vous.
Si jamais ma mère \indicreprmus Reprise
A su vous plaire,
D’imposer à mes ennemis,
Soutenez ma gloire,
Qu’on puisse croire
Phaéton votre fils.
le soleil
Mon cher enfant
Je saurai les faire taire :
Pour l’apaiser, en ce moment,
Que me faut-il faire ?
Dis à ton père,
Tes desseins librement.
Compte que ta mère
M’est toujours chère.
J’humilierai tes ennemis,
Tu peux tout attendre
D’un père tendre
Qui reconnaît son fils.
Air : Robin turelure
Oui, je te jure, ma foi,
Et par le Styx, je le jure.
phaéton
Mon cher père, accordez-moi,
Turelure,
De mener votre voiture,
Robin turelure, lure.
le soleil
Air : Qui vous, qui vous a, Margoton
Qu’osez-vous me demander ?
Que la raison vous arrête.
J’entends la foudre gronder,
Pour vous perdre, elle s’apprête.
Qui vous a,\ibis\ Phaéton,
Mis ce dessein dans la tête ?
Qui vous a,\ibis\ Phaéton,
Donné cette ambition ?
phaéton
Air : À l’ombre de ce vert bocage
Je suis d’une illustre naissance,
Du sang dont sont formés les dieux.
Verrai-je avec indifférence
Le rang qui m’attend dans les cieux ?
Un héros vole à la victoire,
Il se consacre à l’avenir,
Et c’est dans les bras de la gloire
Qu’il se console de périr.
le soleil
Air : Il allait le trot
Déjà, de ses couleurs,
Je vois parer l’aurore
Détournez vos malheurs,
Il en est temps encore :
Il faut bientôt
Mener mon chariot.bis
phaéton
De l’univers je deviens le falot.
le soleil
Souvenez-vous, mon fils, d’aller le trot, le trot,
Le trot, le trot ;
Car autrement, vous choiriez comme un sot
Air : Nanon dormait
Allez, mon fils, répandre la lumière,
Puisse le sort,
Durant votre carrière,
Vous mener droit au port.
Allez, allez répandre la lumière, allez.
chœur
Allez, allez répandre la lumière, allez.
Le théâtre change pendant le chœur et représente une campagne, on voit la mer dans le fond.
Scène xvi
Épaphus seul
epaphus
Air : Mignonne, la femme à tretous
Ô Jupiter, mon père !
Vous le père à tretin, tretous,
C’est en vous que j’espère :
M’abandonnerez-vous ?
Vous, le père à treti,
Vous, le père à tretous ?bis
M’abandonnerez-vous ?
Un rival téméraire
M’arrache au bonheur le plus doux.
Ô Jupiter, mon père !
M’abandonnerez-vous ?
Vous le père à treti, vous, le père à tretous,
Vous le père à tretous,
Scène xvii
Lybie, Épaphus
lybie, à Épaphus, qui s’approche pour lui parler
Air : Mais surtout, prenez bien [garde à votre cotillon]
Ne nous parlons plus, mon garçon.
epaphus
De grâce, écoutez-moi
lybie
Non, non.
epaphus
Vous soupirez.
lybie
J’en ai raison.
epaphus
Hélas ! Que j’ai de guignon :
Vous aimez Phaéton.bis
lybie
Air : La Brainvillier
Oh ! Nenni, je vous le proteste :
À peine nous connaissons-nous.
D’ailleurs, pour pleurer un époux,
Il faut du temps de reste.
Air : Ah ! Que Monseigneur
Phaéton est si peu galant,
Qu’il ne m’a pas, en m’épousant,
Seulement
Su dire comment
Il trouvait ma figure.
Mon papa
Ne m’a donné là
Qu’un époux en peinture.
Air : Et vous m’entendez bien
Il s’est éclipsé sur le champ,
Sans doute, il n’en voulait qu’au rang
Qu’il a dans ma famille.
epaphus
Eh bien !
lybie
Et je suis toujours fille.
epaphus
Cela s’entend très bien.
lybie, épaphus ensemble, ensemble
Air : Ah ! Vraiment, je m’y connais bien
Hélas ! Mon malheur est extrême ;
J’ai donc perdu tout ce que j’aime.
Hélas ! De si tendres amours,
Devraient, hélas ! durer toujours.
Scène xviii
Lybie, Mérops, Climène, troupe de peuple de tout état : harengères, mariniers, plusieurs amis à la suite de Mérops et de Climène
On danse.
une personne de la suite
Air : Suivons l’amour, prologue] Amadis
De ce beau jour gardons la mémoire,
Tout croît, tout s’embellit à nos yeux :
De Phaéton \footnote Phaéton, assis sur le char du Soleil, s’élève sur l’horizon. célébrons la gloire,
C’est lui qui règne et brille dans ces lieux.
On danse.
climène, au peuple
Air : Ô Pégué, ma commère
Marquez votre allégresse
Par les plus tendres chants,
Qu’un chacun s’intéresse
Au plaisir que je sens.
Sur le char de son père
Phaéton est placé,
Ô pégué, ma commère, \footnote Tout le peuple de différents états se mêle et marque leur joie par leur danse, sur le vaudeville ci-dessus.
Ma commère, ô pégué.
chœur
Sur le char de son père
Phaéton est placé,
Ô pégué, ma commère,
Ma commère, ô pégué.
Air : Petit boudrillon
Cette vive lumière
Vous vient de Phaéton,
Boudrillon,
C’est lui qui vous éclaire,
Qu’on célèbre son nom,
Boudrillon.
Ils dansent tous en rond.
chœur
Chantons Phaéton,
Boudrillon, dondaine,
Chantons Phaéton,
Boudrillon, dondon.
Air : Y allons donc, Mademoiselle
climène
Sa gloire est enfin certaine, \footnote [Climène] paraît à découvert sur l’horizon
Il colore l’horizon.
mérops
Vous, peuple de mon domaine,
Remuez le cotillon,
Y allons donc, qu’on se démène,
Que l’on danse un cotillon.
Le peuple danse en rond pendant que le chœur chante les paroles qui suivent :
Même air
Au plaisir qui nous entraîne,
Livrons-nous tous sans façon :
Chantons à perte d’haleine
La gloire de Phaéton.
Y allons donc, qu’on se démène,
Remuons le cotillon.
Scène xix
Théone, Mérops, Climène, Lybie, troupe de peuple comme dans la scène précédente
théone
Air : Et zon, zon, zon
Cessez ces ris, ces jeux,
Pour répandre des larmes :
Phaéton en ces lieux
Nous livre à mille amants.
Elle ne rachève pas l’air.
Air : Bouchez, Naïades, vos fontaines
La frayeur est telle, Madame,
Qu’homme, fille, garçon et femme,
Pour éviter d’horribles feux,
Cherchent vainement un asile,
Voyez arriver en ces lieux
Les pompes, les sceaux de la ville.
Phaéton paraît ne plus pouvoir conduire le char du Soleil. Les pompiers arrivent de toutes parts.
climène
Air : Aux armes, camarades
Quelle effroyable flamme
Se répand dans les airs,
Masque l’univers.
théone
La peur glace mon âme,
Phaéton, hélas ! tu te perds.
chœur
Sur le refrain ci-dessus
Quelle effroyable flamme
Justes dieux !
Quel ravage affreux.
Scène xx
La Terre et les acteurs précédents
la terre
Air : Trembleurs,
Ah ! S’il en est temps encore,
Jupiter, toi que j’implore,
Viens, du feu qui me dévore,
Dissiper l’affreux tourment.
Hâte-toi de te résoudre,
Du moins, que ce soit la foudre
Qui m’accable en ce moment, en, en, en.
Scène xi
Jupiter et les acteurs précédents
jupiter
Air : Tout le long de la rivière
Jeune téméraire,
Qu’un juste courroux
Livre à ma colère
Tombe sous mes coups.
climène, théone tristement, ensemble
Il est chu dans la rivière
Quel sort est-ce là ?
Ils sortent tous.
Il est chu dans la rivière
Voilà l’Opéra.