Philomèle

Auteurs : Piron (Alexis)
Parodie de : Philomèle de Roy et La Coste
Date: 12 juin 1723
Représentation : 12 juin 1723 Comédie-Italienne - Hôtel de Bourgogne
Source : Œuvres complètes d'Alexis Piron, Paris, Lambert, 1776, t. V.
Alexis Piron

Philomèle


Parodie en trois actes, précédée d’un prologue
Donnée au Théâtre Italien
en 1723
Oeuvres complètes d’Alexis Piron publiées par M. Rigoley de Juvigny, t.5, Paris, Lombert, 1776

Acteurs


Monsieur Sans-rime, auteur
Monsieur Sans-raison, auteur
Un marquis
Monsieur Dîne-en-ville, gascon
Un Crieur de livres
Babet, bouquetière
Le Portier de la Comédie
La scène est devant la porte de la Comédie Italienne.
prologue

Scène i

Monsieur Sans-raison seul

Le théâtre représente la porte de la Comédie Italienne.
Monsieur Sans Raison

Ne trouverai-je pas ici quelqu’un qui me paye la Comédie ? Je voudrais bien voir cette Ne trouverai-je pas ici quelqu’un qui me paye la Comédie ? Je voudrais bien voir cette \emph Philomèle-ci ; je crois que ce sera quelque chose de beau ! Mais, comment ferai-je pour la voir ? Morbleu, dès qu’un homme a composé pour un Théâtre, ne devrait-il pas avoir son entrée franche dans tous les autres ? J’ai donné vingt pièces, tant aux Danseurs de cordes, qu’aux Marionnettes ; et l’on me fait payer aux Français, aux Italiens, et même à l’Opéra ! Ce n’est guère ménager les gens dont on peut avoir besoin !-ci ; je crois que ce sera quelque chose de beau ! Mais, comment ferai-je pour la voir ? Morbleu, dès qu’un homme a composé pour un Théâtre, ne devrait-il pas avoir son entrée franche dans tous les autres ? J’ai donné vingt pièces, tant aux Danseurs de cordes, qu’aux Marionnettes ; et l’on me fait payer aux Français, aux Italiens, et même à l’Opéra ! Ce n’est guère ménager les gens dont on peut avoir besoin !


Scène ii

Monsieur Sans-rime, Monsieur Sans-raison

Monsieur Sans Raison

Bonjour, Monsieur Sans-rime.


Monsieur Sans Rime

Monsieur Sans-raison, je suis votre serviteur.


Monsieur Sans Raison

D’où venez-vous, comme cela, Monsieur Sans-rime ?


Monsieur Sans Rime

Du café ; passer, moyennant six sols, ma journée, à mon ordinaire ; à jouer aux échecs, à dire des nouvelles, à berner les Auteurs, et à dire du bien de moi. Et vous, que faites-vous à cette porte ? Fi, éloignons-nous de là.


Monsieur Sans Raison

Je vous avoue, que je suis curieux de voir cette diable de parodie, que nous avons si malheureusement trouvée affichée, au moment que nous allions en finir une.


Monsieur Sans Rime

Et moi non ; le dépit qu’elle m’a fait d’avoir prévenu la nôtre, qui nous a tant coûté de peine à tous deux, m’a mis de trop mauvaise humeur : écoutez donc ; ce contre temps là coupe la gorge à notre Muse, au moins. Quand je vis cette affiche ! ah ! ...


Monsieur Sans Raison

Ah, ne m’en parlez pas ! je l’ai encore collée sur le cœur. Entrons ; et allons crier, au milieu du parterre, que ce n’est point nous qui avons fait la pièce ; tout le monde s’en ira ; je suis sûr, au moins, que cela en ébranlerait une bonne partie ; car, sans vanité, nous sommes les coryphées dans ce genre-là.


Monsieur Sans Rime

Il est peu de gens de notre force ; oui, pour la critique, et le vaudeville.


Monsieur Sans Raison

Je pense qu’on va voir de la belle besogne. Qui est l’Auteur ?


Monsieur Sans Rime

Quelque étourdi, qui aura cru que deux ou trois airs de rues, en faisaient l’affaire.


Monsieur Sans Raison

Et quoi donc ? Il aura remarqué un air ennuyeux, un vers rude, une Bacchante danser une sarabande ; crac, voilà ses provisions faites : oh, par ma foi, il est habile ! eh bien, moquons-nous de cela ; le public y perd plus que nous, et c’est ce qui me console ; au reste, Monsieur Sans-rime, soit dit sans nous fâcher, c’est votre faute, si notre ouvrage n’a pas pris les devants.


Monsieur Sans Rime

Moi ! pourquoi dites-vous cela, s’il vous plaît ?


Monsieur Sans Raison

C’est que, dès que vous avez un misérable vaudeville à faire, c’est une pitié ; vous ne finissez point ; et cette lenteur gâtera toujours nos impromptus. Tenez, si j’étais comme vous, je ferais des opéra-comiques, en prose.


Monsieur Sans Rime

Je conviens que vous avez plutôt fagoté un couplet que moi : mais votre discernement pour la critique, et votre jugement pour la conduite de notre pièce, n’a pas beaucoup hâté les choses ; et franchement, à votre place, je composerais toutes mes parodies de ces seuls mots : Je conviens que vous avez plutôt fagoté un couplet que moi : mais votre discernement pour la critique, et votre jugement pour la conduite de notre pièce, n’a pas beaucoup hâté les choses ; et franchement, à votre place, je composerais toutes mes parodies de ces seuls mots : \emph tourelouribo, lanturelu, faridondon, mirababibobette, turelure, et sarlabibobé..


Monsieur Sans Raison

Allons, Monsieur Sans-rime, point de bruit ; nous avons trop besoin l’un de l’autre, pour nous brouiller. C’est une parodie de perdue ; songeons seulement à la venger ; et pour cela, fourrons-nous dans quelque coin du parterre, pour nous y moucher, éternuer, cracher, tousser, bâiller, avec une fureur contagieuse.


Monsieur Sans Rime

Allons, je le veux bien ; vos provisions de spectacle, les avez-vous ?


Monsieur Sans Raison

Oui, j’ai ma lorgnette, un mouchoir, ma tabatière, et deux sifflets. Il ne me manque plus qu’un billet.


Monsieur Sans Rime

Il ne me manque aussi que cela. Attendons que quelque dupe vienne ici, qui nous défraie. Bon ! en voici un qui s’adresse bien, ma foi !


Scène iii

Monsieur Sans-rime, Monsieur Sans-raison, Un crieur de livres

Le Crieur de livres

La superbe La superbe \emph Sémiramis ! Le Nouveau Monde ! Les Quatorze Macchabées !


Monsieur Sans Raison
\emph Les Quatorze Macchabées ! Que veut-il dire ? Que veut-il dire ?
Le Crieur

Oui, sept d’un auteur, et sept d’un autre ; c’est quatorze.


Monsieur Sans Rime

Voyons les derniers faits ; de qui sont-ils ?


Le Crieur

Ne lisez-vous pas les affiches ?


Monsieur Sans Rime

Ah ! il est vrai. Et Ah ! il est vrai. Et \emph le Nouveau Monde ? ?


Monsieur Sans Raison

Oh Diable ! cela est bien différent ; on n’en connaît pas le père ; et c’est un enfant trouvé, qui doit sa vie à l’amour. Combien le vendez-vous ?


Le Crieur

Vingt-cinq sous.


Monsieur Sans Raison

Diable, vous vendez bien vos coquilles : dites donc, notre ami, voudriez-vous vous charger du débit de deux nouveaux tomes du Théâtre de la Foire, qui vont bientôt paraître ?


Le Crieur

Vous pouvez vous adresser aux crieurs d’almanachs, ils feront votre affaire. Vous vous moquez bien de moi, avec vos Théâtres de la Foire ; de la belle drogue, ma foi !


Monsieur Sans Rime

Là, là, tout doucement, je sais mieux ce qu’ils valent que vous. Ce livre est grossi de mes Œuvres ; j’en puis parler savamment et l’on ne se soucie guère de ce qu’un homme comme vous en pense. Aussi bien, ce n’est pas la première injusticeLà, là, tout doucement, je sais mieux ce qu’ils valent que vous. Ce livre est grossi de mes Œuvres ; j’en puis parler savamment et l’on ne se soucie guère de ce qu’un homme comme vous en pense. Aussi bien, ce n’est pas la première injustice\footnote Parodié d’\emph Andromaque, Act. I, Sc. II, dont le public aveugle a payé mon service ; L’imprimeur en profite, ami ; et quelque jour..., dont le public aveugle a payé mon service ; L’imprimeur en profite, ami ; et quelque jour...


Le Crieur, brusquement

La beurrière en pourra profiter à son tour.


N’est-ce pas ? Oh bien, je leur en laisse le profit ; vraiment, vraiment, je n’aurais qu’à m’en charger, je gagne déjà beaucoup avec ceux-ci !


Monsieur Sans Raison

Mais aussi, vingt-cinq sous, c’est lésion de plus d’outre moitié ; n’avez-vous point de honte de...


Le Crieur

Oh, parbleu ; il y a temps et lieux pour tout. Ces livres ne sont pas encore sur le Pont-Neuf ; et voilà Babet qui vous dira, qu’elle vend ici bien cher, ce qu’elle donnerait-là pour un sous neuf.


Il s’en va.

Scène iv

Un Marquis, Babet avec un panier de bouquets, les deux Auteurs

babet, présentant un bouquet au Marquis

Un petit bouquet, mon amour que je te le mette moi-même.


Le lui mettant dans la boutonnière.
Le Marquis, lui donnant quelque argent

Tiens, m’Amie, es-tu contente ?


babet

Oui, grand merci, mon petit poulet.


Le Marquis

Tu me dis des douceurs, à cette heure, qu’il n’y a rien ici qui vaille que moi : mais quand je veux me familiariser, avec toi, devant les petits-maîtres qui t’environnent ; tu me distingues si peu, qu’on dirait que je ne suis pas mieux fait qu’un autre. Aux deux auteurs. Ah, bonjour, Messieurs Sans-rime et Sans-raison. Toujours ensemble ; qui voit l’un, voit l’autre : c’est fort bien fait, et...


Monsieur Sans Raison

Vous avez les bonnes grâces de Babet, Monsieur le Marquis, nous voyons cela.


Le Marquis

Eh, mais, la petite coquine ne me veut point de mal ; qu’en dis-tu friponne ? Hein !


babet

Oui, je t’aime bien, mon cœur, achète encore un bouquet.


Monsieur Sans Raison

Elle n’est pas dégoûtée ; il t’en faut Babet, des cajoleurs comme Monsieur le Marquis ; peste !


babet

Oh, pour cela, il est aimable à manger. Tiens mon petit nez, veux-tu mon panier, pour un louis d’or ; je te le laisserai prendre, et je te donnerai la préférence.


Le Marquis

Grand merci, grand merci Babet ; adieu ; adieu.


Elle s’en va, par le théâtre, donner des bouquets.

Scène v

Le Marquis, les deux Auteurs

Le Marquis

Entrez-vous, Messieurs ?


Monsieur Sans Rime

Nous allions prendre nos billets, Monsieur et moi.


Le Marquis

Ah, parbleu, puisque vous en êtes, le théâtre se passera de moi, pour aujourd’hui. Je veux être au parterre à vos cotés ; je vous entendrai raisonner sur la pièce, et vous me direz quand cela sera drôle ou non ; n’est-elle pas de vous ?


Monsieur Sans Raison

Non ; nous ne nous amusons plus aux pièces nouvelles, nous nous occupons sérieusement à parodier les dix tomes de Corneille, et delà nous tâcherons de parodier Euripide et Sophocle, sur les traductions.


Le Marquis

Suivant ce que vous me dîtes-là, nos faiseurs de tragédies ont ville gagnée. Attendez-moi là, mes amis ; je vais changer mon billet de théâtre contre des parterres... Il revient. Mais vous me cacherez, au moins ; car si le théâtre et les loges m’allaient voir debout !


Il s’en va.

Scène vi

Les deux Auteurs

Monsieur Sans Rime

Le grand fat, que ce Monsieur le Marquis ! je serais bien fâché qu’il prit place auprès de nous, s’il ne payait pas la nôtre.


Monsieur Sans Raison

Il nous servira mieux que vous ne pensez ; nos décisions vont le déterminer ; c’est un hardi tousseur, qui poussera les choses jusqu’au sifflet, si nous voulons ; laissez, laissez faire ! ah jarni ! voici Monsieur Dîne-en-ville ; nous avions belle affaire de sa rencontre.


Scène vii

Les deux Auteurs, Monsieur Dîne-en-ville

Monsieur Dîne en ville

Eh ! voilà mes chers amis ! que je les embrasse ! Eh, donc ? depuis cinq ou six jours, je ne bous trouve à nulle table ; Dieu mé damne, je vous ai creus morts tous les dûs.


Monsieur Sans Rime

Nous entrons à la Comédie ; y venez-vous ?


Monsieur Dîne en ville

Cadédis ; bentre à jeûn n’a point d’oreilles.


Monsieur Sans Rime

Comment ! si tard, à jeûn ?


Monsieur Dîne en ville

Un gros diable d’Agioteur m’avait invité. Je me passe hier de souper ; ce matin je ne déjeune point ; je me fais le bentre crux tout exprès : je viens à midi ; bisage de vois. Les voisin me disent que Monsieur l’Agioteur est allé dîner au Châtelet. Ne suis-je pas bien malheureux ! Je crois qu’il s’est fait emprisonner, pour me faire mourir de faim.


Monsieur Sans Raison

Vraiment, le pauvre Diable est bien plus à plaindre que toi.


Monsieur Dîne en ville

Mordi, je voudrais qu’il fût pendu, et qu’on ne l’eût arrêté qu’au dessert. SI j’entrais pourtant à la Comédie, je trouverais peut-être quelque Seigneur, qui serait heureux de m’avoir à souper ; me la veux-tu payer ?


Monsieur Sans Raison

Ma foi, nous ne sommes point Gascons ; il faut te dire la vérité ; nous avons la bourse, comme tu as le ventre. Un marquis, de nos amis, nous en fait la galanterie. Tiens, voilà le Portier de la Comédie ; demande-lui s’il veut te laisser entrer.


Scène viii

Les deux Auteurs, Monsieur Dîne-en-ville, Le Portier

Le Portier
Entrez, plutôt que plus tard\footnote Parodié d’Alceste, Acte IV, Sc. I. !
L’on a mouché la chandelle ;
Entrez, plutôt que plus tard !
Venez, Pierrot vous appelle ;
Nous plaçons tout au hasard :
Gens de rien et de remarque.
Ici l’on a moins d’égard
Au mérite qu’à la marque.
Entrez, plutôt que plus tard !
L’on a mouché la chandelle ;
Entrez, plutôt que plus tard !
Venez, Pierrot vous appelle ;
Si vous voulez entrer, venez, siffleurs bruyants,
Venez, ânes errants,
Et critiques sans nombre,
Payez le tribut que je prends,
Ou retournez causer au fond d’un café sombre !
Ici le marquis rentre, qui donne un billet à chacun des Auteurs, et,
tous quatre ensemble :, ensemble
Laisse-moi passer ! laisse-moi !
Le Portier
Donne, passe ! donne, passe ! donne, passe !
Au Gascon.
Demeure, toi ; tu n’as rien, il faut qu’on te chasse !
Monsieur Dîne en ville
\’A jeûn, l’on tient si peu de place !
Le Portier
Ou paye, ou tourne ailleurs tes pas.
Monsieur Dîne en ville
Hélas ! de grâce, ami, ne me révute pas !
Le Portier
Je n’ai d’amis que les ducats ;
Un Portier ne fait point de grâce.
Monsieur Dîne en ville
Hélas, Cousin ! hélas ! hélas !
Le Portier
Crie hélas, tant que tu voudras !
Rien pour rien, en tous lieux, est une loi suivie ;
Les mains vides sont sans appas,
Et, surtout, à la porte d’une Comédie.
Le gascon s’en va.
Tu le devais savoir ; Cousin, adiucias.
Venez-tous ! nargue du tragique\footnote Même Acte, Sc. III
Le seul comique
Sait égayer.
Au sommeil l’Opéra nous livre ;
Qui le veut suivre,
Veut s’ennuyer ;
Et, malgré ses divins accords,
Dans son tragique empire,
L’ennui paraît pire,
Que dans le séjour des morts.
Ici, ce n’est que le jeu, qu’allégresse,
L’on y rit sans cesse,
Jamais l’on y dort.
Là, partout règne un froid extrême,
Les Bacchantes même,
Sont sans transport.
L’Acteur braille ;
L’Auditeur bâille ;
La moitié raille,
Et l’autre sort.
Ici l’on se mouche, l’on renifle,
Quelquefois l’on siffle ;
Jamais l’on n’y dort.
finprologue

Acteurs


Térée, roi de Thessalie
Progné, femme de Térée, sœur de Philomèle
Philomèle, sœur de Progné
Athamas, amant de Philomèle
Arcas, confident de Térée
Élise, confidente de Progné
Minerve
Troupe de Plaisirs
Troupe d’Athéniens
Gardes
Troupe de Bacchantes
Troupe de Génies, en matelots
Le Peuple

Philomèle


Acte i

Le théâtre représente une salle du Palais de Térée

Scène i

Progné, Élise

Élise

Air : Les rats

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Informations sur cet air

La saison est belle
Pour l’embarquement :
Demain Philomèle
Mettra voile au vent.
Votre cœur soupire,
Et pousse un hélas !
Il a pourtant ce qu’il désire.
Vos yeux de la voir étaient las.
Ah ! ce sont vos rats,
Qui font que vous ne pouvez rire ;
Ah ! ce sont vos rats,
Qui font que vous ne riez pas.
Progné

Quoi, ma chère Confidente ; depuis le temps que tu es à moi, je ne t’ai pas encore appris que le Roi est amoureux de ma sœur, et qu’il l’empêchera de partir ?


Élise

Non, Madame ; en voilà la première nouvelle.


Progné

Je ne sais donc comment cela s’est fait.


Élise

Bon ! et n’est-ce pas la coutume de vous autres Reines de Tragédies, de ne nous confier vos secrets, que lorsque vous voulez que tout le monde les sache ? Nos oreilles sont comme une sarbacane, à travers laquelle vous les annoncez au Public. Vous dites donc que le Roi veut s’opposer au départ de Philomèle ?


Progné

Oui, ma chère Alison ; voilà le sujet de mes alarmes.


Élise

Ne craignez rien : vraiment, vraiment, si l’on voulait s’y opposer, le Prince Athamas, son amant, n’entendrait point raillerie, et je crois qu’il ferait un beau fracas.


Progné

Oui ; c’est encore un vaillant champion, que ton Prince Athamas ; un benêt, qui pleurera, qui criera, et puis voilà tout. Et moi je découcherai toujours, à bon compte, pendant ce temps-là.


Air : Dedans nos bois, il y a un ermite

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Informations sur cet air

Perfide époux, tendresse trop fatale !
Ma sœur ! ma chère sœur !
Avec plaisir seriez-vous ma rivale ?
J’en tremble de frayeur !
Le Roi la flaire ; et c’est un maître Sire.
Je ne sais qu’en dire, moi,
Je ne sais qu’en dire.
Élise

Ho ! ho ! Madame ; conscience ! qu’osez-vous dire-là ? Qui ne connaîtrait Mademoiselle votre sœur...


Progné

Mon Dieu, je la connais mieux que personne ; Philomèle est une doucette, qui, au fond, me ressemble trop, pour que je m’y fie.


Air : Ma mère était bien obligeante

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Informations sur cet air

Je suis, comme on voit, bien fringante,
Mais ma sœur l’est encore plus.

Vous ne savez pas, tout tant que vous êtes, qu’elle avait si bien empaumé l’esprit de mon père, que, toute ma cadette qu’elle est, elle aurait épousé Térée, et m’aurait laissé fille, sans ma mèreVous ne savez pas, tout tant que vous êtes, qu’elle avait si bien empaumé l’esprit de mon père, que, toute ma cadette qu’elle est, elle aurait épousé Térée, et m’aurait laissé fille, sans ma mère\footnote Paroles de l’Opéra., qui prit mon parti, et fit valoir mes droits. Je m’en souviens bien., qui prit mon parti, et fit valoir mes droits. Je m’en souviens bien.


Élise

Voyez un peu, la petite éveillée ! qui est-ce qui aurait pensé cela d’elle ?


Progné

Vraiment, c’est le reproche que me fait continuellement Térée : sans la rage que vous avez eue d’être ma femme, je serais à présent votre beau-frère. Mais, le voici.


Air : De tous les capucins du monde

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Informations sur cet air

Voyez sur sa femme éperdue,
S’il tourne seulement la vue ?

Scène ii

Térée, Progné, Élise

Progné, continue, en s’adressant au roi
Vous ne me cherchiez pas, je crois.
Térée
Vous l’avez deviné, Madame ;
Vous l’avez bien trouvé, ma foi,
Votre sot qui cherche sa femme.

Oh, je suis un drôle, moi, qui ne m’embarrasse ni des bienséances, ni de la politesse. J’aime fort mes aises. Où est votre sœur ?


Progné

Si j’étais fille unique, vous seriez bien désœuvré : ma sœur ! ma sœur ! que lui voulez-vous tant, à cette sœur ?


Térée

Comme elle va partir, je venais pour lui dire adieu, et lui donner le baiser de l’étrier.


Progné

Nous le lui donnerons bien sans vous À part, en s’en allant. Le vilain homme !


Scène iii

Térée seul

Térée

La sotte femme !


Air : Vous ne m’aimez plus, Lisette


Vous en irez-vous, Princesse !
Non, non, non, ne nous quittez pas ;
Vous avez toute ma tendresse,
Que diable iriez-vous faire en Grèce ?
Non, non, non, vous n’y songez pas :
Demeurez ici, Princesse ;
Non, non, non, ne nous quittez pas.
Voyant entrer les Athéniens, il dit, tout étonné.

À qui en veulent ces gens-ci ?


Scène iv

Térée, [Troupe d’Athéniens]

Entrée d’Athéniens.
Un Athénien, après la danse

Air : Ma pinte et ma mie, ô gué

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Informations sur cet air

Enfin nous pouvons pousser
Des cris d’allégresse :
Athamas va repasser
Philomèle en Grèce.
chœur
Chantons, rions, dansons tous,
Clabaudons comme des fous,
Vive la princesse, ô gué,
Vive la princesse !
Térée

De quoi diable s’avisent ces malotrus-là de venir ici danser devant moi, quand j’enrage ?


Le même Athénien
La friponne a des appas,
Et n’est point tigresse.
Et si quelqu’un sur ses pas,
Vainement s’empresse ;
chœur
C’est qu’il a les cheveux gris ;
Car, pour aimer un beau fils,
Vive la Princesse, ô gué,
Vive la Princesse !
Térée

Air : Mordienne de vous, quelle femme

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Informations sur cet air

Décampez d’ici,
Chantres de village !
Faut-il rire ainsi,
Des gens de mon âge ?
Mordienne des fous !
J’enrage, j’enrage !
Le concert est doux,
Pour un cœur jaloux !

Air : J’entends le moulin tique, tique, tac

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Informations sur cet air

Mais je vois la Princesse entrer.bis
Il faut enfin me déclarer.
Hélas, mon Dieu ! le courage me faut !
Ah ! je sens mon cœur tique, tique, tac,
Ah ! je sens mon cœur taqueter.

Scène v

Térée, Philomèle

Philomèle

Air : Adieu le Pont-Neuf


Puisque vous voici,
Adieu mon beau-frère,
Enfin, Dieu merci,
Je vais voir mon père,
Taritatatatari, etc.
Térée

D’abord leur père en jeu ; voilà le jargon de toutes ces bonnes Princesses-là. Je voudrais qu’on fût plus sincère ; dites la vérité : dès que vous serez en Grèce on vous mariera ; voilà ce qui vous met de belle humeur, plutôt que les embrassement d’un père.


Philomèle

Mais écoutez donc, vous n’êtes pas bien loin du but. Entre nous, puisqu’il faut vous parler franchement, quand j’aurais l’envie de me marier, aurais-je si grand tort, et ne seriez-vous pas le premier à me le conseiller ?


Air : Lonlanla derirette, lonlanla deriri

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Informations sur cet air

Pour me débarrasser, Seigneur,
De la garde de mon honneur,
Lonlanla derirette,
J’en veux charger vite un mari,
Lonlanla deriri.
Térée

Air : Ma commère, quand je danse

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Informations sur cet air

Fi, fi, fi, fi, Philomèle,
L’Hymen est un triste état ;
Vive le cœur d’une belle,
Qui garde le célibat :
Il va deça,
Il va delà,
Il va deçà, va delà, va deçà.
Philomèle
Rien ne prive un cœur femelle
De ce privilège-là.
Térée

Air : Je n’saurais

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Informations sur cet air

Mais du moins rien ne vous presse,
L’on y vient toujours à temps ;
Je vous conjure, Princesse,
D’attendre encore quelque temps.
Philomèle
Je n’saurais,
Je n’en suis pas la maîtresse ;
J’en mourrais.
Térée, déclamant sans chanter
Si ce sont là les seules causes
De ce départ qui va m’accabler de chagrin,
Ne vous mettez pas en chemin :
Pourquoi chercher si loin les choses,
Quand on les trouve sous sa main ?
Demeurez, aimable Princesse !
Je brûle encore pour vous de mon ancienne ardeur.
Si vous avez jadis raté ma main en Grèce,
Vous n’avez pas raté mon cœur.

Il est encore à vous.


Philomèle

Votre cœur ?


Térée

Oui, mignonne, et...


Philomèle

Air : Arrêtez-vous donc, fi donc, Monsieur, laissez ça là


Ah, taisez-vous donc ! fi donc, Monsieur en vérité,
Vous avez donc le cerveau démonté.
Térée

Air : Hélas, c’est bien ma faute

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Informations sur cet air

Je vous aime de tout mon cœur...
Philomèle
Tant pis. Et la Reine, Seigneur ?
Vous nous la donnez belle,
C’est votre femme, et c’est ma sœur.
Térée
La belle bagatelle, lonla,
La belle bagatelle !

Elle est un peu ma femme, si vous voulez ; parce que je l’ai épousée : mais entre nous, je ne l’épousai que pour rire ; le Diable m’emporte si ce n’était à vous que j’en voulais tout de bon.


Philomèle

Hé bien, Monsieur l’épouseur pour rire, je veux me marier tout de bon, moi, entendez-vous ?


Térée

Conclusion, pourtant, vous ne partirez pas ; c’est tout ce que je puis vous dire, adieu.


Scène vi

Philomèle seule

Philomèle

Ah ! ah ! voici bien du rabat joie !


Air : Adieu paniers, [vendanges sont faites]

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Informations sur cet air

Toutes vos besognes sont prêtes ;
Mais pour le coup, mon pauvre amant,
Nous pouvons dire maintenant,
Adieu paniers, vendanges sont faites.

Scène vii

Athamas, Philomèle

athamas

Air : Nicolas va voir Jeanne

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Informations sur cet air

J’emballe tout, Princesse,
Pour retourner chez nous ;
Je vais, je viens sans cesse,
Pour faire un apprêt si doux.
Philomèle
Vous y perdez vos pas,
Athamas ;
Sont tous pas perdus pour vous.
athamas

Comment donc perdus ? Oh que nenni ! je prétends bien que demain tout soit prêt ; vous et moi nous monterons sur le plus beau vaisseau de la flotte ; et puis, fouette cocher, nous voilà partis.


Philomèle

Tu crois que cela va comme ta tête ; tu n’y es pas.


Air : Lampons, lampons

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Informations sur cet air

Si je te disais, nigaud,bis
Qu’un puissant rival tantôt.bis
Doit venir, sans qu’on le sache,
M’enlever sous ta moustache.
athamas
Chanson ! chanson !
Philomèle
Je te parle tout de bon.

Que diras-tu, quand tu verras cela ?


athamas

Si cela arrivait, ce que je ferais, moi ? Oh ! ne vous mettez pas en peine.


Air : Dupont, mon ami

Voir la partition
Informations sur cet air

Je me moquerais
De toute une armée,
Et je tirerais
D’abord mon épée ;
Oh, dame ! vous croyez donc,
Je suis un mauvais garçon.
Philomèle

Je le crois. Mais pourtant un autre, sans s’amuser à faire le brave, s’empresserait de connaître son rival, et en aurait déjà voulu savoir le nom. Tu n’es guères curieux, franchement.


athamas

Qu’on t’enlève seulement, laisse faire ! Je saurai bientôt qui m’aura joué le tour ; il sera pour lors assez temps d’être en colère.


Philomèle

Tu as donc bien peur de t’y mettre ; oh bien, pour moi, je veux t’y voir ; et bon gré, mal gré, tu sauras que c’est Térée qui est ton rival.


athamas

Térée ! Ouida ? voilà qui est bien mal à lui ! Eh bien ? Voulez-vous que je l’aille tuer à cette heure ? Allons.


Philomèle

Air : Dupont, mon ami

Voir la partition
Informations sur cet air

Non, cher Athamas,
Retiens ton courage !
Le Roi ne sait pas
Notre tripotage,
Et si tu le mets à mort,
Il s’en doutera d’abord.
athamas

Air : On dit que vous aimez les fleurs

Voir la partition
Informations sur cet air

Eh, non, non, laissez-moi du moins
Lui couper les oreilles,
Lui couper les
Lui couper les
Lui couper les oreilles.
Philomèle

Prends-le sur un ton plus doux, crois-moi ; imite les héros du temps, mettons-nous en prières, et invoquons Minerve, qu’en dis-tu ?


athamas

Volontiers, invoquons Minerve ; car assurément c’est malgré elle que tout ceci se fait.


Air : Ramonez-ci, ramonez-là

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Informations sur cet air

Apportez-nous un remède,
Et de l’Olympe à notre aide,
Descendez, sage Pallas ! ah ! ah ! ah !
Dégringolez du haut en bas.
On jouera un air vif et trivial.
De la sagesse ici la Déesse s’avance,
De si graves concerts annoncent sa présence.

Scène viii

Minerve dans un nuage, sur un gros hibou, Athamas, Philomèle

athamas

La voilà montée sur un oiseau de mauvais augure ; il ne manquerait plus que son ramage à notre musique.


minerve

Air : Dérouillez, dérouillez, ma commère

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Informations sur cet air

Trousse ton, trousse ton équipage ;
Malgré le Tyran qui te poursuit,
Philomèle, avant qu’il soit nuit,
Tu seras, tu seras, prends courage,
Tu seras, tu seras, loin d’ici.
Philomèle

Air : Le carillon de Nantes


Bon, bon, bon ! grand merci.
athamas
Et moi resterai-je ici
Pour gage, pour gage ?
minerve

Oh, que diable, vas y voir, je ne saurais savoir tout.


Air : De mon pot, je vous en réponds

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Informations sur cet air

De Philomèle, je réponds ;
Mais d’Athamas, non, non.
athamas

C’est-à-dire que... cela veut dire... que cela ne veut rien dire qui vaille pour moi, n’est-ce pas ? là, parlez nettement.


minerve

Puisqu’il faut tout dire ; tiens, mon pauvre ami, tu payeras les pots cassés de tout ceci ; et je crois même que tu auras bien de la peine à aller jusqu’à la moitié de la Pièce.


athamas, à part

Tenez, voyez ma ladre de maîtresse, si elle me fera le moindre compliment de condoléance.


Philomèle

Que dis-tu ?


athamas

Je si qu’il n’importe pas, et que pourvu que vous soyez bien aise, quand je serai mort, je vivrai content.


minerve

Tiens, pour te préparer à la mort, regarde danser les Plaisirs que j’ai amenés, à ma suite, tout exprès pour cela.


athamas

Voilà qui est digne de Minerve, et sagement imaginé. Ma foi, des Plaisirs et de la danse, à qui va mourir, fort bien. On ne manquera pas de me donner les violons quand je serai mort.


Scène ix

Minerve toujours en l’air dans son nuage, où elle s’endort, Athamas, Philomèle, Troupe de Plaisirs

Un Plaisir, après la contredanse

Air : Colin la la la, Colin l’a baisée


Amants, craignez une paix
Trop douce et trop pure ;
Puissiez-vous n’être jamais
Sans malaventure !
C’est un plaisir de pleurer,
Et de se désespérer ;
chœur
L’Opéra la la la la,
L’Opéra la la la la,
L’Opéra l’assure.
athamas

Que cela est consolant ! cela l’est tout à fait, en vérité.


Le même Plaisir

Même air


L’Opéra, certes, a raison ;
Une jeune folle,
Pour donner de l’aiguillon,
Souvent se désole ;
Et, feignant quelques malheurs,
Se plaît à verser des pleurs,
chœur
Pour qu’on la la la la la,
Pour qu’on la la la la la,
Pour qu’on la console.
athamas

Mais, que faites-vous donc là-haut, Madame Minerve ? votre nuage est-il cloué ? Je crois, que vous vous endormez en l’air.


minerve

Les danses et les chansons des Plaisirs m’avaient assoupie : oh, ce n’est pas la première fois que les Plaisirs ont endormi la Sagesse.


Elle s’en va.
athamas

Ma foi, c’est que les Plaisirs de sa suite sont bien ennuyeux. Adieu, ma chère Princesse. Dites-moi donc quelque chose ; n’êtes-vous pas plus touchée que cela du malheur qui m’attend ?


J’ai le pied dans le margouillis\footnote Ce refrain est une critique, qui m’a paru assez heureuse, pour exprimer l’étrange indifférence de la Princesse, sur le sort d’un amant qui lui paraît si cher, et que Minerve a menacé d’un malheur prochain. Il semble, dans l’Opéra, que le bonheur qu’elle aura d’en échapper, la console de la perte du Prince qui doit y périr..
Philomèle
Tire-t’en, tire-t’en, tire-t’en Piarre.
athamas
J’ai le pied dans le margouillis.
Philomèle
Tire-t’en Piarre si tu puis.
finacte

Acte ii

Le théâtre représente le parvis du Temple de l’Hymen

Scène i

Térée, Arcas

arcas

Air : Lanturelu

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Votre noce est prête :
D’où vient ce chagrin ?
Qui donc vous arrête
En si beau chemin ?
Seriez-vous si bête
Que d’avoir de la vertu ?
Térée
Lanturelu, lanturelu, lanturelu.

De la vertu ! ce n’est pas là mon faible ; je me moque de la foudre, et de tous les diables : mais je crains quelque chose de pis que tout cela.


arcas

Et qu’est-ce que c’est donc ?


Térée

Ma femme. Je t’avoue que le bruit qu’elle va faire, me fait déjà peur. Il est encore temps de reculer ; dis-moi, en bonne foi, que me conseilles-tu ?


arcas

Air : Des fraises

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La crainte, à l’amour d’un Roi,
Devrait-elle être jointe ?
À votre place, ma foi,
Je pousserais toujours, moi,
Ma pointe, ma pointe, ma pointe.

Eh, ventrebleu, il est bien temps de barguigner.


Air : Flon, flon

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Seigneur, chassez, sans honte,
Progné, de la maison ;
Et toujours, à bon compte,
Qu’on en médise ou non,
Flon, flon
Larira dondaine
Flon, flon
Larira dondon.
Térée

Air : La tampone

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Informations sur cet air

Ta morale,
Ta morale,
Est un peu sale,
arcas
Seigneur, je vous parle là, a, a, a, a, a, a.
En confident d’Opéra, a, a, a, a.
Térée

Mais cela ne me déplaît point : ton avis est fort de mon goût ; il faut que tu m’aides à le suivre : vas toi-même faire embarquer ma femme ; que je n’entende plus parler d’elle ; ah ! la voici, elle m’aura entendu !


Scène ii

Térée, Progné, Arcas

Progné

Que je n’entende plus parler d’elle ! traître !


Air : Les trembleurs

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Informations sur cet air

Je savais bien, vilain masque,
Que ton chien de cœur fantasque,
Me préparait cette frasque ;
L’honnête homme que voilà !
Crains pour ton visage flasque,
Quelque terrible bourrasque,
Et que je ne te démasque,
Avec ces dix ongles-là.
En lui montrant les griffes.
Térée

Air : G’nia pas d’mal à ça

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Informations sur cet air

D’où vient un vacarme
Comme celui-là ?
Votre sœur me charme,
Je vous plante-là :
G’nia pas d’mal à ça. \indicreprmus trois fois
Progné

Eh non ! g’nia pas d’mal à ça, non !


Air : Pierre Bagnolet

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Informations sur cet air

Dans la colère qui m’enflamme,
Je ne sais qui retient mon bras.
Mais voyez un peu cet infâme,
Tenez, il ne rougira pas ;
En pleurant.
Double Judas !
Double Judas !
Ne tient-il pour quitter sa femme,
Qu’à dire que l’on en est las.
Térée, en s’en allant

Oh dame ! si vous voulez vous fâcher, je m’en vais.


Progné, l’arrêtant

Air : J’ai du mirliton

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Informations sur cet air

Suis-je donc si déchirée
Pour faire un cœur inconstant ?
Vous me méprisez, Térée,
Il me semble pourtant,
En minaudant.
J’ai du mirliton, mirliton, mirlitaine,
J’ai du mirliton, dondon.

Air : Amis, sans regretter Paris

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Informations sur cet air

Mille charmes ornent mon corps,
Tu ne les vois pas, traître ?
Térée
Cessez d’être ma femme ; alors,
Je les verrai peut-être.
Progné

Air : Les Feuillantines

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Informations sur cet air

Ce mépris qui me confond,
Sur mon front,
Met un éternel affront.
Mais le tien n’en est pas quitte ;
Il aura,bis ce qu’il mérite.
Philomèle ne hait pas,
Athamas :
Quelque jour tu la verras,
Vengeant ma flamme crédule,
Te planterbis là, sans scrupule.
Térée, furieux

Elle est amoureuse d’Athamas !


Air : Voici les dragons qui viennent

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Informations sur cet air

Qu’entends-je ? Quoi la cruelle...
J’étranglerai tout ?
Athamas et Philomèle,
Et vous peut-être avec elle,
Et moi itou, et moi itou.

Scène iii

Progné, Élise

Progné

Air : Un petit moment plus tard

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Informations sur cet air

Malheureuse, en ma faveur,
Ah ! que ne me suis-je tue ?
J’ai trahi ma pauvre sœur :
Elle est ! elle est perdue !
Élise

Ah ! ne vous embarrassez pas ; Minerve en prend soin ; je ne sais pourquoi elle n’en prend pas également de vous, il ne lui en aurait pas plus coûté. En tout cas,


Air : Dans nos bois, il y a un ermite

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Informations sur cet air

Ne craignez rien, nous sommes deux commères,
Votre Cléone et moi,
À vous prêter des secours peu vulgaires,
Comptez sur notre foi ;
D’Hymen elle est la prêtresse ordinaire,
Et je suis sorcière, moi,
Et je suis sorcière.
Progné

Eh bien ! je me repose donc sur vous deux.


Élise

Venez seulement : je vous promets de sa part, le secours des Dieux ; et de la mienne, celui des Diables. Vous ne pouviez être en meilleures mains.


Scène iv

Térée, Athamas désarmé, Arcas, Gardes

athamas

Je veux ravoir mon épée, moi ! rendez-moi mon épée ! mon beau chapeau, du moins.


Térée

Oh ça, mon ami, écoute, il y a bien d’autres nouvelles. Es-tu las de vivre ?


athamas

Je me lasserais de bonne heure : eh ! je ne suis encore qu’un enfant.


Térée

Eh bien, tu es mort, si tu ne fais ce que je vais te dire.


athamas

Mais aussi, si cela est si difficile...


Térée

Non, il n’est rien de plus aisé : étrille-moi Philomèle d’importance ! injurie-la ! appelle-la laidron ! soufflette-la ; en un mot, attire-toi sa colère et son mépris ! entends-tu ? Sinon, point de quartier !


athamas

Eh fi ! c’est une vieille finesse d’Auteurs de Romans et de Tragédie, qui n’a jamais servi de rien ; tout le monde sait cela.


Térée

Oh bien, morbleu ! cette fois-ci, elle servira de quelque chose, ou bien : Gardes ! ...


Ils tirent leurs sabres.
athamas

Eh, non, non, patience ! attendez que je songe... Il rêve. Eh, fi, fi, au Diable ! un soufflet ! laidron ! à ma chère petite Princesse, qui m’aime tant ! \did Aux gardes. Allons, allons, Messieurs les Gardes, prenez la peine de me tuer, s’il vous plaît... \did Ils s’approchent. Attendez, attendez, pourtant ! encore un moment de réflexion.


Térée

Tâche à te raviser !


athamas, après avoir encore un peu rêvé

Un soufflet ! si je ne lui donnais qu’un coup de pied dans le ventre, dites ; et qu’au lieu de laidron, je l’appelasse carogne.


Térée

Fais et dis ce qu’il te plaira ; force la seulement à te haïr, et à te mépriser ; c’est tout ce que je veux.


athamas, ayant rêvé

Non mordienne, non ! je n’en ferai rien ; je veux qu’elle m’aime, puisqu’elle m’aime ; et je veux mourir, pour te faire enrager ; Gardes, à moi ! tu vas être bien attrapé, vas. Allons, qu’on me tue.


Térée

Et moi, pour te faire enrager, je veux que tu vives ; et ce sera la Princesse qui mourra.


Air : J’ai le pied dans le margouillis

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Informations sur cet air

Si par force ou par douceur,
Je ne la, je ne la, je ne la touche,
Si par force ou par douceur,
Je ne la touche en ma faveur.

Scène v

Athamas seul

athamas

Oh Diable ! c’est une autre affaire, ceci.


Air : Vous me l’avez dit, souvenez-vous en

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Informations sur cet air

Ah, ne vous exposez pas,
Belle Princesse, au trépas ;
Et dussé-je m’embrocher,
Laissez-vous plutôt, laissez-vous plutôt,
Et dussé-je m’embrocher,
Laissez-vous plutôt toucher.

Scène vi

Athamas, Philomèle

Philomèle

Air : Blaise revenant des champs


Je vous revois donc, hélas,
Cher Athamas.bis
D’aise je ne m’en sens pas ;
Ma langue bredouille,
Tout mon sang tribouille.
athamas, à part

Oui, oui, chante, chante, il y a bien de quoi ; nos affaires sont en bon train pour cela !


Philomèle

Air : Ne m’entendez-vous pas

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Informations sur cet air

Je vous aime, Athamas ;
Nous voici tête-à-tête,
Personne ne nous guette,
Je soupire tout bas :
Ne m’entendez-vous pas ?
athamas

J’ai grande envie de rire, ma foi, pour vous entendre.


Air : Ce sont les filles de Paris


Je touche à mes derniers instants.
N’est-ce pas bien prendre son temps,
Pour me venir entretenir,
Sur le ritantalalera,
Sur le ritantaleri ?

Allez, m’Amie, allez dire cela au Roi. Il y répondra, allez ; c’est moi qui vous en prie.


Philomèle

Vous êtes un rival bien commode ; comment vous...


athamas

Hélas, ma pauvre maîtresse, il a dit comme cela, qu’il vous tuerait, si vous ne l’aimiez ; il faudrait que vous fussiez bien insensible et bien ingrate, après cela, pour n’en rien faire.


Philomèle

Oh bien, tenez, j’aime mieux qu’il me tue ; car vous mourriez, n’est-ce pas ? si je l’épousais.


athamas

Si je mourrai ? Je vous en réponds ; mais il n’y aurait pas si grande perte. Croyez-moi.


Air : Marotte fait bien la fière

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Informations sur cet air

Vivez, vivez, Philomèle !
Philomèle
Vivez, vous-même, Athamas !
athamas
Vous vivrez, la Belle !
Philomèle
Je mourrai fidèle !
athamas
Oh, vous vivrez !
Philomèle
Je ne vivrai pas.
athamas
Vivez, vivez, Philomèle.
Philomèle
Vivez, vous-même, Athamas.
tous deux ensemble, ensemble

Air : Non, non, je ne veux pas rire

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Informations sur cet air

Non, non, je ne veux pas vivre,
Non, non, je ne veux pas vivre, non :
Non, non, je ne veux pas vivre.
athamas

Quelle opiniâtreté ! À part. Mais si je lui donnais cinq ou six bonnes taloches, pour me faire haïr ; elle ne voudrait peut-être plus mourir, pour l’amour de moi. Battons-la par générosité...


Il s’approche, etc... Il n’y a pas moyen. Oh ça, Madame, abrégeons la dispute ; je vous dis encore un coup, que je veux mourir , moi ; entendez-vous ? Je le veux.

Air : Dansons le nouveau cotillon

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Informations sur cet air

Oui, je veux mourir, je le doi.
Philomèle
Non, mon cher ami, ce n’sera pas toi.
athamas
Morbleu, ce sera moi, vous dis-je.
Philomèle
Non, ce sera moi.
tous deux ensemble, ensemble
Ce sera moi ! Ce sera moi !
athamas

Je mourrai pour vous, je le doi.


Philomèle

Non, mon cher ami, ce ne sera pas toi.


Des gardes viennent, et l’emmènent.
athamas

Air : Nanon dormait

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Informations sur cet air

Si fait ma foi !
Voici qu’on me vient prendre,
De par le Roi.
Mon rôle eût dû s’étendre
Un peu plus loin, je croi.
Adieu, adieu, finissez la pièce sans moi.

Scène vii

Philomèle seule

Philomèle

Malheureux Athamas, j’avais mes raisons pour vouloir mourir plutôt que toi ; si tu meurs une fois, tu n’en mourras pas deux, comme Philomèle, qui a un secret tout particulier pour cela... Mais ne voilà-t-il pas mon vieux fou ?


Scène viii

Térée, Philomèle, Gardes

Térée

Air : Quand je vais à la chasse


Qu’au Peuple dans la halle,
On prépare un festin :
Je veux qu’on l’y régale,
De cent tonnes de vin ;
Et qu’avec une pompe
Digne de mon amour,
À son de trom, trom, trom, trom, trompe,
L’on célèbre ce jour.
Un Suisse

Air : Du haut en bas

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Informations sur cet air

Viffe le Roi !
Moi sentir mon soif qui s’éfeille !
Viffe le Roi !
Liètre ein pon Carsonne, mon foi !
Payir à son Péple ein pouteille,
Lui savre régnir à merveille.
Viffe le Roi !
Térée, à Philomèle

Air : Allons gai, d’un air gai

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Informations sur cet air

Venez de bonne grâce
Me donner votre main ;
Ça, ça, point de grimace :
Vous pleurerez demain.
Allons gai, d’un air gai, [toujours gai]
Philomèle

Air : Vraiment, ma commère, voire

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Informations sur cet air

Grands Dieux ! ai-je bien oui ?
Térée
Vraiment, ma commère, oui !
Philomèle
Mais votre honneur et ma gloire ?
Térée
Vraiment, ma commère, voire !
Vraiment, ma commère, oui !

Eh, ne faites pas tant la sucrée ; nous savons de vos nouvelles. Gardes, qu’on aille tuer Athamas.


Philomèle

Eh non, non, Seigneur, je suis prête à faire tout ce qu’on voudra.


Air : Ma fille, je vous aime bien


Prenez ma main, prenez ma foi,
Prenez mon cœur, et prenez-moi,
Prenez tout, là, j’y souscrirai :
Mais du moins l’affaire faite,
Aussitôt je mourrai.

Je vous en avertis, et pas plus tard que demain matin. Voyez si cela vous accommode.


Térée

Air : Dondaine, dondaine

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Informations sur cet air

Alors comme alors, je verrai.bis
En attendant, bon gré, mal gré,
Dondaine, dondaine,
Je vous épouserai,
Ribon, ribaine.
Il ouvre le temple, le tonnerre gronde ; la statue de l’Hymen, soutenue par deux amours, s’envole.

Scène ix

Térée, Philomèle, Une Voix, Progné

La Voix

Air : Ô reguingué, ô lonlanla

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Informations sur cet air

Roi téméraire ! cache-toi !bis
Térée
Moi ! que je me cache ! Eh pourquoi ?
Ô reguingué, ô lonlanla.
La Voix
Où diable as-tu mis ta cervelle,
Pour traiter si mal Philomèle ?
Le tonnerre redouble et il sort un monstre du temple qui poursuit Térée.
Térée

Air : Les filles de Montpellier

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Informations sur cet air

Ah ! le Ciel est en courroux ;
Ce bruit menace ma tête !
Je suis perdu ! sauvons-nous !
Grands Dieux ! la vilaine bête !
Ahi, ahi, ahi, ahi, ahi,
Ahi, ahi, ahi, ahi, ahi, arrête !
Arrête, ahi, ahi !
Progné, sortant, un poignard à la main

Air : La faridondaine, la faridondon

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Informations sur cet air

Traître, dans ton sang odieux
Mon courroux va s’éteindre !
De tous les monstres à tes yeux,
Je suis le plus à craindre.
Térée
Madame, vous avez raison,
La faridondaine, la faridondon.
Progné
Ah ! tu veux donc être un mari,
Biribi,
À la façon de Barbari,
Mon ami ?

Air : De tous les capucins du monde

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Informations sur cet air

Il faut chien ! que je te poignarde.
Térée, lui arrêtant le bras
Ah ! tout doucement, prenez garde !
Progné, se pâmant
Soutenez-moi, Dame Alison !
Toute ma fureur se rétracte.
Térée
Ma foi, sans cette pâmoison,
Nous mourions tous au second acte.
finacte

Acte iii

Le théâtre représente le rivage de la mer, et le palais dans les ailes

Scène i

Progné, Élise

Élise

Air : Monsieur de ma Palisse est mort

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Informations sur cet air

C’est fait du pauvre Athamas.
Voulez-vous savoir, Madame,
L’histoire de son trépas ?
Progné

Eh bien ?


Élise
Il est mort... en rendant l’âme.
Progné

Voilà le cruel en train ; j’aurai bientôt mon tour.


Élise

Ce serait le droit du jeu ; quoi ! vous n’avez qu’un moyen, et un moyen sûr de ne plus craindre votre mari, c’est de devenir veuve ; et vous ne le voulez pas ?


Progné

N’as-tu pas d’autres avis à me donner ?


Élise

Eh, mornonpas de ma vie, le roi en suit-il de meilleurs, et en donne-t-on d’autres ici ? Allez, vous êtes une pauvre espèce. Tantôt vous étiez à deux doigts du veuvage, et c’était une affaire faite, quand vous avez fait sottement la carpe pâmée. Jarni, si vous aviez eu mon courage... Oh bien, je ne sais plus qu’une chose qui vous puisse tirer d’affaire.


Progné

Parle.


Élise

Les harangères se sont gorgées de vin, pendant toute la journée, devant l’Hôtel de Ville, et font, à présent qu’il est nuit, bacchanale à travers les rues ; allez-vous mettre à leur tête, pendant que le roi dort, comme si de rien n’était ; et réclamez leur appui.


Air : Charivari

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Informations sur cet air

Cent femmes à rouge trogne
Courront à vous :
Buvez de ce vin de Bourgogne,
Quinze ou vingt coups ;
Et puis venez faire ici,
Charivari.

Je vais cependant vous chercher d’autres secours.


Scène ii

Philomèle, Progné

Philomèle, en fureur et hors de sens, prenant sa sœur, tantôt pour Térée, tantôt pour Athamas

Air : Quel plaisir de passer notre vie


Quelle horreur !
Où suis-je ? Le Barbare !
Je frissonne !
Mon cher Prince !
Sauve-toi !
Ah, Térée !
Arrête ! mais que vois-je ?
Quel sang coule ?
Ah, perfide !
C’est le sien !
Viens sur moi,
Viens, cruel,
Et m’enfonce
Dans la gorge,
Ton poignard.
Progné

Air : J’offre ici mon savoir faire

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Informations sur cet air

Quelle Muse vous anime ?
Vous joueriez mal au corbillon.
Philomèle
Quand on a perdu la raison,
Pourquoi s’amuser à la rime ?
Quand on a perdu la raison,
Pourquoi s’amuser à la rime.
Progné, entrant en fureur

Air : Cotillon de Surène

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Informations sur cet air

Mon perfide époux me quitte.
Philomèle
Mon fidèle amant est mort.
Progné
Quel démon m’agite ?
Philomèle
D’où vient ce transport ?
toutes deux ensemble, ensemble
Allons, saccageons, pillons, brûlons, et ravageons !
Progné
Mon perfide époux me quitte.
Philomèle
Mon fidèle amant est mort.

Scène iii

Philomèle, Progné, Élise, La Jalousie

Élise, à Progné

Madame, voilà une brave femme de mes amies que j’ai l’honneur de vous présenter.


Progné

Comment se nomme-t-elle ? Je crois la connaître.


La Jalousie

Je suis la Jalousie, Madame.


Air : La Jalousie


On dit que vous êtes fidèle,
Et que votre époux ne l’est pas.
Curieuse, à cette nouvelle
J’ai, vers vous, adressé mes pas.
Quoi, votre cœur est jaloux
De la tendresse d’un époux ?
Ah ! j’avais traité
Ce bruit, de chimère ;
Car, en vérité,
Cela ne sent guère
Sa femme de qualité.
Progné

Cela n’est pourtant que trop vrai, comme vous voyez. Mais, dites-moi, Madame la Jalousie, d’où sortez-vous ?


La Jalousie

D’à travers tous les Diables, Madame, pour vous rendre mes petites services.


Progné

Vous, des services ? Et savez-vous faire autre chose que du mal ?


La Jalousie

Comment donc, Madame, vous n’y pensez pas ; il n’y a rien de plus utile que moi dans le monde. Par moi les arts se perfectionnent ; c’est moi qui fais souvent qu’un fripon de marchand vend en conscience, pour faire enrager son voisin ; il n’y a que chez les poètes et les musiciens où je ne fais que du mal ; surtout le lendemain du succès d’une pièce ou d’un opéra, je fais, parmi ces Messieurs-là, un fracas de tous les diables : mais, le cas arrive si rarement, que cela ne vaut pas la peine qu’on me le reproche.


Progné

Voilà qui est fort bien. et, s’il vous plaît, où faites-vous votre résidence ordinaire ?


La Jalousie

Dans la tête des maris, et le cœur des amants ; j’établis là mon principal domicile, et vous ne sauriez croire tous les bons offices que j’y rends aux honnêtes gens qu’ils persécutent. Demandez plutôt à toutes les femmes de ce royaume, si, de trois cocus, je n’en fais pas deux. Mon avis serait même, que pour toute vengeance, vous en fissiez passer par là votre époux : mais, puisque vous ne voulez pas faire les choses dans l’amiable, et que, par malheur pour lui, vous êtes de ces honnêtes femmes, qui aimeraient mieux étrangler leurs maris, que de les trahir, tenez, voilà un poignard dont je vous fais présent.


Progné

Vous ne ménagez guère vos pas, de m’apporter de si loin une chose si commune.


La Jalousie

Pas si commune. La malepeste ! ce n’est pas ici un poignard de Théâtre ; c’est un poignard sérieux, celui-là : essayez-le seulement sur le fils de votre mari, vous verrez le bel effet que cela fera. Adieu.


Progné

Élise a raison ; on ne donne ici que de mauvais avis : mais, puisqu’il n’y en a pas d’autres, il faut bien s’en servir. Elle rappelle la Jalousie. Parlez donc. Je songe à une chose : s’il arrivait qu’en tuant mon fils,


Air : Vous m’entendez bien

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Écouter (midi) Voir la partition Informations sur cet air

Je ne me vengeais pas du Roi,
Et je ne faisais mal qu’à moi ?
La Jalousie

Eh, comment cela ?


Progné, continuant l’air
Sûrement j’en suis mère.
La Jalousie
Eh bien ?
Progné
S’il n’était pas le père,
Vous m’entendez bien.
La Jalousie

Eh bien, vous le lui avez laissé croire, pour lui faire plaisir ; ne le détrompez pas, pour le faire enrager.


Progné

C’est fort bien dit. Adieu, Madame la Jalousie ! Grand merci.


La Jalousie, au parterre, en s’en allant

Du moins, Messieurs, si cette parodie-ci ne vous plait pas, ne vous en prenez point à moi ; je vous assure que je n’y ai point de part.


Scène iv

Philomèle, Progné, Élise

Il se fait un grand bruit derrière le théâtre.
Progné

Air : Aux armes, camarades

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Informations sur cet air

J’entends les harengères ;
Achevons mon dessein :
Vite, un broc de vin !
Soûlons-nous, à pleins verres,
Pour tâcher de nous mettre en train.

Scène v

Progné, Philomèle, Bacchantes

On apporte du vin, qu’on verse à Progné, pendant que les Bacchantes dansent.
Une Bacchante

Air : Sans dessus dessous

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Commère, j’en tiens, par ma foi,bis
Je sens la terre dessous moi,bis
Tourner de la belle manière,
Sans dessus dessous, sans devant derrière.
À l’auditoire.
Et vous me paraissez trétous,
Sans devant derrière, sans dessus dessous.

Air : Un saut, deux sauts, trois sauts

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Ma Commère et moi j’ons couru des premières,
Aussi j’en ons pris à tirelarigot !
C’était, ma foi, de bon piot.
J’en ai bu, pour mon écot,
Un pot, deux pots, trois pots.
Une Autre

Air : La mirtanplain, la tirelarigot

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Pour moi, je n’ai bu qu’un pot ;
Mais, j’en suis contente :
Il tenait presque un quartaut,
La mirtanplain, latirelarigot,
J’en suis bien contente.
Après une contredanse tumultueuse.
Progné, ivre

Oh, çà mes enfants, il faut me faire un plaisir.


Une Bacchante

Vous n’avez qu’à dire, Madame la Reine, je sommes bian à votre service : vous nous avez bian payé d’avance dea ; aussi, comme dit l’autre, je ferions de la fausse monnaie pour vous.


Progné

Je n’abuserai pas de votre bonne volonté ; je ne veux de vous qu’une bagatelle ; c’est que vous veniez avec moi au Palais tout piller, tout saccager, tout jeter par les fenêtres, y mettre le feu, et massacrer le fils du roi.


La Bacchante

Ce n’est que cela ? allons, allons,


Air : Et frou, frou, et glou, glou, glou

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Madame, commandez-nous,bis
Je sommes tretoute à vous,bis
Et glou, glou, glou, et frou, frou, frou.
J’ons bon courage,
Quand j’ons bû comme des trous
J’aimons bian le tapage.
Elles vont mettre le feu au Palais.

Scène vi

Philomèle seule

Philomèle

Air : Un saut, deux sauts, trois sauts

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Trêve à mes soupirs, dans mon malheur extrême :
Cet embrasement va m’amuser un peu ;
Le roi le paiera, parbleu !
Et nous allons voir beau jeu.
definitacteur, Chœur de peuples chœurdepeuples
chœurdepeuples
Au feu ! au feu ! au feu !
Le Palais paraît en feu.
Philomèle

Air : Acte IV, scène 1] Parodie de Bellérophon


Quel spectacle charmant pour mon cœur furieux !
Le feu qui se répand du grenier à la cave,
Grillera dans son lit le Tyran qui nous brave :
Tout périt ; cela va des mieux.
Vous, pompes, tarissez ! foudre, ici viens descendre ;
Brûlez Palais ! tombez en cendre !
Toutes les horreurs que je voi
Sont autant de joujoux pour ma sœur et pour moi ;
Quand une femme se venge,
Qu’importe, qu’importe à quel prix.
chœurdepeuples

Air : Acte V, scène 2] Parodie de l’opéra de Philomèle


Ah ! nous rôtissons tous !
Dieux, mouillez-nous !
L’orchestre joue un petit air de flûtes.
Philomèle

Air : Tique, tique, tin


Quels sons me charment l’ouie ?
Aurais-je le tintouin ?
Tique, tique, tique, tin ;
L’agréable harmonie,
Qui se mêle au tocsin !
Tique, tique, tique, tin.
Ah ! ah ! ah ! j’ai l’âme atteinte
D’une mortelle crainte ;
J’aperçois un lutin.
Il paraît un vaisseau plein de Génies qui descendent sur le rivage.

Scène vii

Philomèle, Troupe de Génies en matelots

Le Génie

Ne vous effrayez point, Madame, je suis un fameux Génie, à qui Minerve a confié Philomèle.


Philomèle

Minerve me remet là dans les mains d’un petit Génie.


Le Génie

Ne perdons point de temps, Madame, entrez dans cet esquif qui va vous remettre chez vos parents ; le furieux Térée peut à tous moments paraître, et...


Philomèle

Oh, qu’il vienne s’il veut ; je ne partirai pas sans ma sœur ; attendons-la, s’il vous plaît, et cependant pour passer le temps, prenez la peine de danser.


Le Génie

Quoi, Madame, aux portes d’un Palais, où la flamme et le carnage répandent le désordre et le désespoir ; cela n’est guère de saison.


Philomèle

Taisez-vous Monsieur le beau génie ; vous ne savez donc pas que c’est la mode ici de ne chanter et de ne danser qu’en de pareilles occasions ?


Le Génie

Allons, qu’on danse donc.


Une mauvaise danse.
Philomèle

Voilà des Génies bien lourds.


Le Génie

Il faut excuser, Madame, chaque Génie a ses talents : ceux-ci ne sont pas faits pour la gentillesse et la légèreté. Ce sont des Génies forçats, que Minerve n’exerce qu’à des ouvrages pénibles et grossiers ; ils inspirent les gloses, les commentaires, les divertissements d’Opéra, la prose rimée.


Philomèle

Et vous qui me parles, quel est votre emploi ? Quel Génie êtes-vous ?


Le Génie

Moi, Madame, je suis un Génie pénétrant qui lit dans l’avenir, et qui dit la bonne fortune.


Philomèle

Air : La bonne aventure, ô gué

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Vous, pour qui rien n’est secret
Dedans la nature,
Répondez-moi clair et net,
Et dites-moi s’il vous plait ;
Ma bonne aventure, ô gué,
Ma bonne aventure.
Le Génie, après lui avoir regardé la main

Même air


Belle Princesse tu dois,
Changeant de nature,
Devenir hôte des bois,
Et tout charmer par ta voix.
Philomèle

Je serai oiseau ! ah, j’irai nicher avec les moineaux !


La bonne aventure ! Ô gué,
La bonne aventure !

Et comment m’appellera-t-on ?


Le Génie

Rossignol.


Philomèle

Rossignol, oh le joli nom ; dites-moi, cela durera-t-il ?


Le Génie

Une trentaine de siècles, après quoi, jaloux de la beauté de ton ramage :


Même air


Apollon, mal à propos,
Pour te faire injure,
Doit par un de ses suppôts,
Te rechanger en pavots ;
La sotte aventure, ô gué,
La sotte aventure.
Philomèle

Air : N’oubliez pas votre houlette, Lisette

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Ce changement me désespère !
Le Génie
Qu’y faire ?
C’est l’ordre du Destin.
Philomèle
Quoi, de joli réveille-matin,
Me faire un triste somnifère !
Ce changement me désespère.
Le Génie
Qu’y faire ?
C’est l’ordre du Destin.

Scène viii

Progné, Philomèle, Les Génies

Progné

Air : Toute la nuit, je rode


Dors, cochon, dors ivrogne ;
Quand tu t’éveilleras,
Tu verras
De la belle besogne.
Ton Palais rissolé,
Grésillé,
Et ton fils étranglé.

À propos, ton fils ; hélas, j’y ai bien une bonne moitié pour le moins ; malheureuse que je suis ! ah, chiennes de Bacchanales !


Air : Vas-t-en voir s’ils viennent, Jean

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Maudite soit la liqueur !
Philomèle
C’est là sa coutume ;
Elle coule avec douceur,
Puis la barbe en fume,
Après ;
Puis la barbe en fume.
Le Génie

Air : Vogue la galère

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Songez à la retraite,
Mes Dames, sauvez-vous.
Progné
C’est une affaire faite ;
Allons, embarquons-nous.
Ils s’embarquent.
tous ensemble, ensemble
Et vogue la galère,
Tant qu’elle, tant qu’elle, tant qu’elle ;
Et vogue la galère,
Tant qu’elle pourra voguer.

Scène ix

Térée seul sur le rivage

Térée

Air : Des fraises

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Au secours, au meurtre ! au feu !
Ah, les maudites bêtes !
Les chiennes ! les bouttes-feu !
Ah les voilà ! ventrebleu !
Arrête ! arrête ! arrête !
Progné, de loin

Air : G’nia pas d’mal à ça

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Informations sur cet air

Pourquoi me reprendre ?
Cher époux, j’ai mis
Ton Palais en cendre ;
Et tué ton fils.
G’nia pas d’mal à ça, etc.
Térée

Fin de l’air : Branle de Metz

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Morbleu, si je la tenais,
Comme j’l’étrille, j’l’étrille, j’l’étrille ;
Morbleu, si je la tenais,
Comme je l’étrillerais !

Air : Roi de Cocagne


Qui des deux à présent dois-je en croire,
De mon ventre ou de mon bras ?
Me tuerai-je ? ou me crevant de boire,
Chercherai-je un doux trépas ?
Au dernier, je trouve que l’on gagne ;
Eh lonlanla,
Ne mourons pas,
Comme à l’Opéra ;
Mourons en Roi de Cocagne.

Venez Filles de Bacchus ; je veux être moi-même de la fête. La perte de ma femme me console de tous mes malheurs.


Contredanse
Fin

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