Denis Carolet
Pierrot Cadmus
Opéra-comique
Représenté pour la première fois sur le Théâtre de l’Opéra-Comique du faubourg Saint-Laurent
le samedi 31 août 1737
Paris, Veuve Valleyre et Gandouin l’aîné, 1737
definitacteur, L’Amour amour
Acteurs
Cadmus
Deux princes tyriens
Hermione
Arbas, confident de Cadmus
Le Géant Draco, roi d’Aonie
La nourrice d’Hermione
Charite, suivante d’Hermione
Junon
Pallas
L’Amour
Mars
Deux porteurs d’eau
Le grand Thomas
Géant et africains, danseurs
Décrotteurs de la suite du grand Thomas
La scène est chez le géant Draco.
Pierrot Cadmus
Scène i
Cadmus, Deux princes Tyriens
[Le théâtre représente un jardin.]
Le premier prince
Air : Suis-je dans l’âge de raison
Quoi d’un grand Roi l’enfant gâté
Cadmus ne se sent point tenté
De revoir sa chère patrie !
Votre père nous croit péris,
Quoi ! se peut-il que du pays
Vous n’ayez point la maladie ?
cadmus
Air : Non, je ne ferai pas, [ce qu’on veut que je fasse]
J’aimerais à revoir les lieux de ma naissance,
Mais je dois achever une juste vengeance :
Le second prince
Voilà tout Don Quichotte, il n’était pas plus fou.
cadmus
Je dois chercher ma sœur qui court le guilledou.
Air : Quand le péril est agréable
Pour trouver cette garçonnière
J’ai parcouru plus d’un endroit,
Si je la trouve, elle ira droit
À la Salpêtrière.
Air : Un petit moment plus tard
Mais c’est en vain que j’ai couru
Et la terre et l’onde :
Son ravisseur a disparu,
O douleur profonde !
Pour Cadmus quel crève-cœur !
Un coup pareil me tue,
En vain je cherche ma sœur,
[Elle est,] elle est perdue.
Air : L’allumette
Pauvre Cadmus, cet affront-là
A terni ton nom et ta gloire,
On te déchire à l’Opéra,
Et l’on te critique à la Foire.
Air : Lanturlu
Mais le Ciel termine
Ma course en ces lieux ;
Et si je m’obstine...
Le premier prince
Je vois dans vos yeux
Que l’Amour machine
Quelque galant impromptu ;
Lanturlu, lanturlu, lanturlu.
Le second prince
Air : N’y a pas de mal à ça
Serait-il possible ?
Qu’est-ce qu’on dira !
Le premier prince
De Cadmus sensible
L’univers rira.
cadmus
N’y a pas de mal à ça.bis
Air : Simone, ma Simone
Je voudrais bien vous y voir
Tout cède au pouvoir
Du petit Dieu des amours,
Mignonne, ma mignonne ;
Je vous aimerai toujours,
Ma charmante Hermione.
Air : Tes beaux yeux, ma Nicole
Le Dieu Mars est son père,
Elle en a la beauté,
Vénus en est la mère,
C’est toute sa beauté :
Elle a son teint de rose,
Sa bouche, et cœtera.
Elle a bien autre chose
Qui surpasse cela.
Le second prince
Air : Boulanger de Gonesse
Aimer sans espérance,
C’est aimer follement,
Elle est sous la puissance
D’un vigoureux Géant :
Ce n’est pas pour vous
Que le four chauffe,
Ce n’est pas pour vous ;
Retirons-nous.
Air : Joconde
Mars est père de ce Géant,
Et Mars le favorise,
À ce colosse déplaisant
Hermione est promise,
La prendre pour femme est son but.
cadmus
Cela ne se peut faire,
Voudrais-tu qu’Hermione fût
La femme de son frère !
Le premier prince
Air : L’autre nuit, j’aperçus en songe
Il n’a pas l’âme délicate
Sur les degrés de parenté,
Il est fort, il est entêté,
Et si vous tombez sous sa patte,
D’importance il vous traitera.
cadmus, fièrement
S’il faut périr, on périra.
Air : Comme un coucou
Hermione vaut bien la peine
Qu’on meure en cette occasion,
Mais par une danse africaine
Commençons l’opération.
Scène ii
Cadmus, Arbas, Les deux princes
cadmus
Air : Que j’estime mon cher voisin
Arbas, aurons-nous un ballet ?
arbas
On recorde les danses,
Mais le chien de Géant me met
Dans des mortelles transes.
Air : Capucins
Il veut que ses Géants figurent ;
En vain nos danseurs en murmurent.
cadmus
Ce contraste serait affreux !
arbas
Il le veut...
cadmus
On ne le peut faire.
arbas
Oh ! Quand il a dit, je le veux,
C’est un acte devant notaire.
Air : Je ne veux point troubler votre ignorance
Ah ! contre lui que j’ai vomi d’injures !
cadmus
Je te croyais plus d’éducation :
C’est un roi
arbas
Bon, en gardant des mesures
Je serais mort d’une réplétion.
cadmus
Air : L’amour me fait
Usons de complaisance,
Ménageons le Géant,
Ses gens aiment la danse,
Qu’ils dansent, mon enfant,
Nous ne sommes point chez nous,
Cher Arbas, filons doux.
arbas
Air : Bouchez, Naïades, vos fontaines
Seigneur, vous avez l’âme bonne.
cadmus
N’est-il pas maître d’Hermione ?
arbas
Au lieu de voir faire des sauts,
Au Géant j’irais faire tête.
cadmus
Si je cesse d’être héros,
C’est pour amener une fête.
Air : la besogne
Au nez du Géant amoureux,
Hermione apprendra mes feux
Par une danse pantomime,
J’aime la princesse sans crime.
Air : Vive Michel Nostradamus
Sortons, la princesse s’avance.
Restez, voilà l’occasion
De montrer votre passion.
cadmus, sortant
Préparons tout en diligence.
arbas
Sa maîtresse vient, il s’en va,
Voyez comme il l’attrapera.
Scène iii
Arbas seul
arbas
Air : Cahin caha
Dans sa jeunesse
Cadmus était bouffon,
Amusant, polisson,
Un peu même histrion,
Il était sans façon,
Quoique plein de noblesse.
Aujourd’hui ce n’est plus cela,
Ce héros étique,
Froid, mélancolique,
N’a plus l’air comique,
Suivant la critique
Cadmus ira,
Cahin caha. bis
Scène iv
Hermione, sa nourrice
hermione
Air : À l’ombre de ce vert bocage
À l’ombre de ce vert bocage
On brave les coups de soleil,
Les oiseaux par leur doux ramage
Savent inviter au sommeil,
Mais hélas ! partout l’Amour perce,
Et dans cet asile enchanté,
Ce petit dieu malin renverse
Et ma cervelle, et ma fierté.
Air : Ne m’entendez-vous pas
Vous qui suivez mes pas,
Par une chansonnette,
De mon âme inquiète
Soulagez l’embarras ;
Ne m’entendez-vous pas ?
La nourrice
Air : Ma fille, je vous aime bien
Ma fille, je vous entends bien, bis
Vous aimez, mais n’espérez rien,
Le Géant n’entend point raison ;
Et dans ces lieux il prend garde
À votre cotillon. bis
hermione
Air : Je ne saurais
Ce discours me désespère,
Mon cœur en frémit d’effroi.
La nourrice
C’est un terrible compère,
Épousez-le, croyez-moi.
hermione
Je ne saurais,
Y penses-tu bien, ma chère,
J’en mourrais.
Air : Belle brune
Ah ! Nourrice,
Ah ! Nourrice,
Si je n’épouse Cadmus,
Je mourrai de la jaunisse,
Ah ! Nourrice. bis
La nourrice
Air : De quoi vous plaignez-vous
Oui, nous vous plaignons tous,
Car nous vous trouvons à plaindre ;
Oui, nous vous plaignons tous,
Mais que peut-on pour vous ?
Le Géant est trop à craindre,
Il vous aime, il est jaloux,
Vous êtes bien à plaindre,
Et nous vous plaignons tous.
hermione
Air : Ma mie Margot
Un africain, deux africains,
Trois africains ensemble
Arrivent en ces lieux,
Mais les Géants sont avec eux,
Quelle fête ! j’en tremble.
Scène v
Les africains, les géants, Hermione, Cadmus, la nourrice, le géant Draco, Arbas
arbas
Air : Voici du bon bon, compère Simon
Suivons Cupidon,
Non, rien n’est si bon,
Suivons Cupidon
Sans cesse.\indicreprmus fin
chœur
Suivons Cupidon...\indicreprmus au mot fin
arbas
L’aimable mignon,
Qu’à chanter son nom
Tout en ce canton
S’empresse.
chœur
Suivons Cupidon...\indicreprmus au mot fin
Les géants et les Africains dansent ensemble, après la danse Hermione se lève et comme elle va sortir, le Géant Draco l’arrête.
Le géant
Air : Oricandaine
C’est assez danser, sachons donc,
Oricandaine, oricandon,
Quand vous m’aimerez, mon trognon ;
Où courez-vous ? Quelle façon !
hermione
J’ai vu danser un cotillon,
Et je me retire
Le géant
Oh ! que non :
Ricandaine.
hermione
Moi, je suis sœur de Cupidon,
Ce Dieu ne trouverait pas bon...
Le géant
Bientôt vous entendrez raison,
Car
Je vous observerai,
Oricandaine,
Je vous tourmenterai,
Oricandé.
Hermione se sauve, le géant la suit et les danseurs sortent.
Scène vi
Cadmus, Arbas
cadmus
Air : Je suis un précepteur d’Amour
Je crois qu’il est temps d’éclater,
Que dis-tu de ma patience ?
arbas
Je l’admire.
cadmus
Allons tout tenter.
arbas
Nous risquons plus que l’on ne pense.
Air : Triolets
Nous avons le dragon de Mars,
Qui ne nous respectera guère.
cadmus
J’affronterai tous les hasards !
arbas
Nous avons le dragon de Mars !
Il faut que ses chicots épars
Produisent des hommes de guerre ;
Ma foi, nous serons bien camards,
En les voyant sortir de terre.
cadmus
Air : Qu’importe
Je vois Hermione souffrir,
Ne dois-je pas la secourir ?
Si le dragon nous engloutit,
Qu’importe, qu’importe.
arbas
Comme je sais son appétit
Moi, je gagne la porte.
Arbas sort.
cadmus
Air : Vas-y, vas-y
Quand je vois la pauvre Hermione,
Qu’un Géant sans cesse talonne,
Dois-je faire le sot ici ?
Nenni, nenni.
Rien ne m’épouvante, courage ;
L’amour me dit en son langage,
Vas-y, vas-y.
Scène vii
Cadmus, Junon, Pallas
junon, à Cadmus
Air : Marie Salisson est en colère
Où portes-tu tes pas, téméraire ?
cadmus
Oh, oh, tourelouribeau !
junon
De Mars reconnais la mère !
cadmus
Oh, oh, tourelouribeau !
junon
Tu vas faire de l’eau claire.
pallas, raillant
Oh, oh, oh, tourelouribeau !
Air : Sens dessus dessous
Laisse-la dire, ne crains pas,
Je suis la guerrière Pallas,
Puisque Hermione a su te plaire,
Sens dessus dessous, sens devant derrière,
Va t’exposer pour elle aux coups,
Sans devant derrière, sans dessus dessous.
junon, à Pallas, ironiquement
Air : Êtes-vous de Gentilly
Vous lui prêtez votre appui ?
pallas
Vraiment, ma commère, oui.
junon
Quoi, Pallas ! le dois-je croire ?
pallas
Vraiment, ma commère ouaire,
Vraiment, ma commère, oui.
junon
Air : Ma mère était bien obligeante
Pallas est des plus obligeante,
Vénus ne le serait pas plus,
La sagesse est accommodante ;
pallas
Je sais comme pense Cadmus ;
junon
Pallas est des plus obligeante,
Vénus ne le serait pas plus,
pallas, à Cadmus
Air : Ma mère, mariez-moi
Profite de mes leçons.
junon
Suis mes conseils, ils sont bons.
pallas
Va.
junon
N’en fais rien, reste.
pallas
Non.
cadmus
Accordez-vous donc ; accordez-vous donc ;
L’amour m’appelle, au revoir,
Je vous donne le bon soir.
Il sort, et les déesses s’en vont chacune de leur côté.
Scène viii
Charite, Arbas
arbas
Air : Lampons
Charite, c’en est donc fait, bis
Cadmus a fait son paquet, bis
Au Géant qu’il a fait rire,
Face à face il vient de dire,
Non, non, non, non,
Je ne crains point ton dragon.
Air : Je veux garder ma liberté
Il veut rendre la liberté
À sa chère Hermione,
De la belle, il est enchanté ;
Et par malheur, friponne,
Il faut qu’en ce jour,
À son fol amour
J’immole ma personne.
Air : Sans dire un mot
Quoi ! lorsque je te dis adieu,
Après un si charmant aveu
Tu restes droite comme un pieu,
Sans dire mot,
Sans sonner mot !
charite
La tristesse me touche peu,
Pars au galop.
arbas
Air : Il a le secret d’ennuyer
Un amant plein de tendresse,
N’a-t-il rien qui t’intéresse ?
charite
Il a le secret d’ennuyer ;
Mais aussitôt qu’il soupire,
Et qu’il vient à larmoyer,
Il a celui de faire rire.
arbas
Air : Le fameux Diogène
En m’écoutant tu bailles,
En me parlant tu railles.
charite
Je te trouve charmant,
Tes grimaces m’amusent.
arbas
À pleurer mes yeux s’usent ;
Tu ris de mon tourment.
Air : Robin turelure
Je brûle, ne veux-tu pas
Guérir le mal que j’endure ?
charite
Je n’ai point, mon cher Arbas,
Turelure,
D’onguent pour cette brûlure,
Robin turelure lure.
arbas
Air : Voici les dragons qui viennent
Mais j’aperçois la Nourrice,
Vite sauvons-nous.
charite
Pourquoi la fuir ? quel caprice !
arbas
Cette vieille est un vrai Suisse.
La nourrice, l’arrêtant
Mon fils, tout doux. bis
Scène ix
La Nourrice, Charite, Arbas
La nourrice
Air : Des fraises
Vous m’évitez, beau vainqueur.
arbas, à part
Que le diable t’emporte ;
Haut.
J’ai besoin de ma vigueur,
N’amollissez point mon cœur.
La nourrice
Qu’importe, qu’importe, qu’importe.
Air : Malheureuse journée
Ton cœur est bien barbare,
Mais je le réduirai.
arbas
Cadmus m’attend.
La nourrice
Tarare.
arbas
Oh ! je décamperai !
La nourrice
Si j’avais de Charite
Le petit air coquet,
Loin de sortir si vite,
Tu n’aurais jamais fait.
Air : En vérité, sévère Margoton
Tu lui parlais avec émotion,
Que ne sais-tu me parler sur ce ton ?
Ah ! je vois bien, mon tonton, mon chaton ;
Que sur ton cœur je ne dois rien prétendre :
Je me meurs.
arbas
Un adieu sec et prompt
Est le ton qu’avec vous il faut prendre.
Il se sauve.
Scène x
La Nourrice, Charite
La nourrice
Air : Vieillards,
Pour le peu de beauté qu’il me reste,
Rien n’est si funeste
Que ce mépris.
On peut bien à mes charmes
Rendre encor les armes :
Je sais conduire un souris,
J’ai de la souplesse,
De la gentillesse.
Et de mes attraits,
La verte jeunesse
Ressent les traits.
charite
Air : Nanette, dormez-vous
Nourrice, croyez-moi, (bis)
Ce dépit est de trop.
La nourrice
Vraiment c’est bien à toi
À me prêcher ici, je fais ce que je doi.
Air : Il faut envoyer à l’école
Il te sied bien, jeune embryon,
De faire ici la raisonneuse,
La morveuse !
Elle me fait compassion.
charite
À mon âge on doit être folle,
Mais vous, dont le poil est grison,
Devrait-on
Vous dire d’aller à l’école ?
La nourrice
Air : Père Barnabas
Je n’y saurais tenir,
Trop impudente fille,
Oses-tu me honnir ?
De courroux je pétille.
charite
Grand-mère de famille,
Tu vieillis à grand pas,
Il te faut la béquille
Du Père Barnabas.
Air : Pour la Baronne
Sortons, la mère,
La princesse vient en ces lieux,
Cadmus la suit, ils vont se faire
Des compliments et des adieux,
Sortons la mère.
Elles sortent.
Scène xi
Cadmus, Hermione
cadmus
Air : Charmante Gabrielle
Je vais, belle Hermione,
Partir dans un moment,
Ce que l’amour ordonne
N’effraie nullement,
Cruelle départie !
Malheureux jour !
Que ne suis-je sans vie,
Ou sans amour !
Air : Ah ! Fanchon, je vous vois, je vous aime
Vous voir, vous dire que je vous aime,
C’en est assez pour mourir content.
hermione
Ah ! Cadmus, si vous m’aimez tant,
Pourquoi courez-vous où la mort vous attend ?
cadmus
Vous voir, vous dire que je vous aime,
C’en est assez pour mourir content.
hermione
Air : Prévôt des marchands
Vivez, mon cher, si vous m’aimez.
Le grand dessein que vous formez
Ne seconde point mon envie,
Car n’en doutez pas, beau Cadmus,
Si vous alliez perdre la vie,
Ma foi, nous ne nous verrions plus.
cadmus
Air : Pèlerins de Saint-Jacques
Quand je pense au Géant, je tremble,
Hélas ! grands Dieux,
Mars prétend vous unir ensemble.
hermione
J’aime encor mieux
Souffrir... vivez, ou je mourrais.
cadmus
Quoi ! ce colosse
Vous obtiendrait ? et je serais
Le garçon de sa noce ?
hermione
Air : N’oubliez pas votre houlette, [Lisette]
Soyez sensible à mes alarmes,
Mes larmes
Disent assez que non,
Ne partez pas, mon cher mignon,
Contremandez tous vos gendarmes,
Soyez sensible à mes alarmes,
Mes larmes
Disent assez que non.
cadmus
Air : Jupin de grand matin
Je veux vous secourir.
hermione
Vous allez périr,
Où voulez-vous courir ?
cadmus
Quel plaisir !
Quand on peut mourir,
En voulant servir
L’objet de son désir.
Plus léger qu’un zéphir
Je vais partir.
hermione
Vous pourriez en pâtir,
Le repentir
Saura tout à loisir
Vous en punir.
cadmus
Un héros doit-il frémir
Et pâlir ?
hermione
Que vais-je devenir ?
Quoi ! ce soupir
Ne peut vous retenir
Et vous fléchir ?
cadmus
Vous voulez m’attendrir,
Mais je ne dois point vous obéir.
Air : Oh ! que nenni
Vous m’allez revoir ici.
hermione
L’Amour m’assure du contraire,
Ce dieu ne me trompe guère.
cadmus
Oh ! que si.
L’amour me dit à l’oreille,
Que je vais faire merveille.
hermione
Oh ! que nenni.
ensemble, ensemble
Air : Quel caprice
deuxcol,
hermione
Quel supplice !
Quelle injustice !
Quel précipice
S’ouvre sous tes pas !
Quel supplice !
Quelle injustice !
Quel précipice
Ne le crains-tu pas ?
Qu’un tendre amour cause de mal !
Cadmus, le dragon est brutal,
Craignez ses dents,
Il mangera vous et vos gens,
Mon cher Cadmus, demeure,
Ou dans l’instant il faut que je meure,
Tu sais mes tourments,
Mais que vois-je ? Tu deviens pâle,
Ta vigueur mâle
Se dément un peu ;
Je frissonne,
Rien ne l’étonne,
Il m’abandonne,
Cher Cadmus, adieu.
cadmus
Bon, bon, bon, bon, bon, bon,
Ma chère, ne craignez pas,
Comptez sur mon bras ;
Bon, bon, bon, bon, bon, bon,
Je sais braver le trépas.
Qu’un tendre amour cause de mal !
Il faut vaincre un dragon brutal,
Mais malgré ce monstre et ses dents,
Je t’obtiendrai, non, non, je prétends
Que mes gens,
Sèment au milieu des champs
Ses crocs menaçants,
Non, non, non, non, non, non,
En vain tu crois m’attendrir un peu.
Ah ! je sens... mais je t’abandonne,
Hermione, adieu.
Il sort.
Scène xii
Hermione seule
hermione
Air : Je ne suis né ni roi, ni prince
Cruel quinze-vingts de l’Olympe,
Lorsqu’au cerveau le rat te grimpe,
Tu nous fais maudire ta loi,
Des bons tu rejettes l’offrande,
Et ce sont toujours avec toi
Les battus qui payent l’amende.
Scène xiii
Hermione, L’Amour
amour
Air : Ton humeur est, Catherine
Ta douleur, belle Hermione,
M’amène dans ce jardin,
Une fête que j’ordonne,
Dissipera ton chagrin.
hermione
Mon amant risque sa vie,
Tu me proposes cela,
Pareille galanterie
Ne passe qu’à l’Opéra.
amour
Air : Eh, avance
Ne crains rien, je dois mon secours
À ton amant.
hermione
Va donc.
amour
J’y cours.
hermione
Ne tarde pas, fais diligence,
Eh avance, eh avance, eh avance,
Laisse-là tes chants et ta danse.
Hermione sort et l’Amour s’envole.
Scène 14
Arbas, les deux princes Tyriens
Le premier prince
Air : En toute chose, il est bon
Crains-tu le dragon de Mars ?
arbas
Voyez la belle demande.
Le second prince
Tu détournes tes regards.
arbas
Ma frayeur me le commande ;
En toute chose il est bon
D’user de précaution.
Le premier prince
Air : On n’aime point, dans nos forêts
Qui voudrait s’attaquer à toi ?
Ta valeur n’est pas des plus minces.
arbas
En me raillant ainsi, ma foi,
Vous ne sentez pas trop vos princes
Turlupiner en pareil cas,
C’est au grand mêler bien du bas.
Le second prince
Air : Et non, non, je n’en veux pas d’avantage
Pestons tous les trois ensemble,
En trio contre l’Amour.
arbas
Vous me faites, ce me semble,
Beaucoup d’honneur en ce jour.
Le premier prince
Le péril qui nous rassemble
Nous rend égaux, mon cher garçon.
arbas
Eh non, non, non,
Je chante mal quand je tremble.
Air : Préparons-nous
Préparons tout.
Le second prince
Te sens-tu du courage ?
arbas
Plus que vous peut-être, je gage !
On vient puiser de l’eau
Aux porteurs d’eau.
Mes amis, avancez !
Aux princes.
Messieurs, l’honneur vous appartient, passez.
Dans le temps que les porteurs d’eau s’avancent pour puiser, le dragon s’élance sur eux et les entraîne.
Air : Coucherai-je au grand lit, ma mère
Quel affreux serpent ! Ohimè,
Fuyons, oh qu’il est affamé !
De quinze jours il n’a mangé,
Qu’il est grand ! qu’il est long !
L’effroyable dragon !
Évitons sa dent meurtrière,
Fuyons, oh qu’il est affamé !
Arbas veut se sauver, et Cadmus qui survient l’arrête.
Scène xv
Cadmus, Arbas
cadmus
Air : Je n’irai plus à l’Opéra
Où courez-vous, Monsieur Arbas ?
Parlez donc.
arbas
Le dragon, hélas !
Le dragon...
cadmus
Misérable ! Hé bien ?
arbas
Le dragon est à table,
Vous m’entendez bien.
cadmus
Air : Tanturlurette
Es-tu seul ?
arbas
Ah ! quel glouton !
Deux hommes pour ce dragon
Sont moins qu’une tartelette,
Turlurette, turlurette,
La tanturlurette.
cadmus
Air : Faites boire à triple mesure
À ce dragon je vais apprendre
Si l’on doit jouer de tels tours.
arbas, sortant
Moi je vais là-bas vous attendre,
Que le ciel conserve vos jours.
Ici, Cadmus combat le dragon, et le tue.
cadmus
Air : Un berger dans un coin
Voici le dragon mort,
Je suis fort,
Voici le dragon mort,
Ses dents, comme je pense,
Ne m’échapperont pas,
Allons en diligence
Chercher le gros Thomas.
Il sort.
Scène xvi
Arbas paraissant l’épée à la main
arbas
Air : Votre toutou vous flatte
Au défaut de mon maître,
Je t’aurais bien fait voir
Que je n’ai qu’à paraître...
Qu’il a le regard noir !
Ah, traître !
Ce bras dans mon juste courroux
Veut te porter (bis) les derniers coups.
Arbas frappe le monstre mort, et fait voir sa frayeur en le frappant.
Scène xvii
Arbas, les deux princes Tyriens
Le premier prince
Air : Nouveau joconde
Eh quoi ! le dragon est à bas ?
Conte-nous cette histoire.
arbas, fièrement
Princes, vous ne méritez pas
D’avoir part à ma gloire.
Le second prince
Nous sommes bien fâché d’avoir
Manqué cette conquête,
Le grand Thomas vient, tu vas voir
Une brillante tête.
arbas, essuyant son épée
Air : la Palisse
Vous êtes de francs poltrons.
Le second prince
Cadmus nous rendra justice,
Il nous connaît.
arbas
Rengainons,
Cette lame a du service.
Scène xviii
Le grand Thomas, Suite, Cadmus, Arbas, les deux princes, deux Décrotteurs
Air : C’est le dieu des eaux
C’est le grand Thomas qui va paraître,
Rangeons-nous près de notre maître.
Marche comique du grand Thomas et de sa Suite
cadmus, au grand Thomas
Air : Je ferai mon devoir
Voici des dents qu’il faut avoir.
Le grand Thomas
Je ferai mon devoir. bis
cadmus, aux siens
Tandis qu’il tirera ces dents,
Chantons Mars, mes enfants. bis
Le grand Thomas arrache les dents du dragon et les met dans un sac ; Cadmus commence l’invocation.
Air : Je suis Madelon Friquet
Mars, ô Mars reçois nos vœux ;
Sois plus affable,
Sois plus traitable ;
Mars, ô Mars reçois nos vœux ;
Ton courroux est trop dangereux.
chœur
Mars, ô Mars, etc.
cadmus
Les coups de canon sont tes jeux,
Mars est un Dieu pire qu’un diable,
Il est toujours furieux...
Mars, ô Mars, etc.
chœur
Mars, ô Mars, etc.
Danse sur cet air.
cadmus
Air : Trembleurs,
Mars, ô Mars impitoyable,
Est-il donc irrévocable ?
Que ta haine est implacable !
Que nous sommes malheureux !
Notre âme est inébranlable ;
Mais si ta main nous accable,
Nous irons bientôt au diable,
Fussions-nous cent contre deux.
Scène xix
Mars, les acteurs précédents
mars, à Cadmus et aux chœurs
Air : J’ai passé la nuit et le jour
En vain vous épuisez pour moi,
Le Dictionnaire des rimes ;
Pauvre Cadmus, retire-toi,
Tes concerts sont autant de crimes,
Vos chants ne font que m’irriter,
En ces lieux venez-vous chanter
Pour m’insulter ? bis
Je ne saurais vous écouter.
Air : Je suis un bon soldat
Je veux qu’un bon soldat,
Titata,
À m’honorer s’applique,
Par un combat sanglant,
Patapan,
Et non par la musique.
Mars renverse l’autel d’un coup de pied et s’en va : les chœurs reprennent en sortant.
Mars, ô Mars, reçois nos vœux, etc.
Le grand Thomas, à Cadmus
Air : Or, écoutez, petits et grands
Brave Cadmus, voici les dents,
Mais pour ma peine et pour mon temps,
J’en retiens une, ma boutique,
En deviendra plus magnifique,
Et ce croc si fort et si long
Fera ma réputation.
Scène 20
Cadmus, Arbas
cadmus
Air : Un certain je ne sais qu’est-ce
Arbas, voici le champ de Mars,
Allons, point de faiblesse,
Semons ces dents.
arbas
Mille hasards.
Me font trembler sans cesse,
Il en va naître une jeunesse
Qui doit,\footnote Il fait l’action de pousser des bottes. et je suis poltron, moi,
Faute d’un certain je ne sais qu’est-ce,
Faute d’un certain je ne sais quoi.
cadmus
Air : Vous avez bien de la bonté
Mon cher, tu connais mon amour,
Avec moi, je te garde.
arbas, tremblant
Mais, Seigneur...
cadmus
Si je perds le jour...
arbas
Par ma couleur blafarde,
Vous devez être intimidé,
Hélas ! pour vous seul je frissonne.
cadmus, riant
Chez Hermione,
Va vite...
arbas
En vérité,
Vous avez bien de la bonté.
cadmus
Air : Dupont, mon ami
Dis-lui, mon ami,
Que pour son service
Je vais faire ici
Un rude exercice,
Si mes soins sont superflus...
arbas, sortant
Vous ne la reverrez plus.
Scène xi
L’Amour, Cadmus
amour
Air : De mon pot, je vous en réponds
Cadmus, reçois ce pétard,
Et ne crains nul hasard,
Cet échantillon du tonnerre,
Aux combattants sera contraire,
Du pétard, oh je t’en réponds.
cadmus
J’obéis, commençons.
L’Amour s’envole, Cadmus sème les dents du dragon, elles produisent des hommes armés qui envisagent Cadmus ; il allume le pétard, et il le jette au milieu d’eux, aussitôt ils s’entretuent et un seul reste qui se présente à Cadmus.
cadmus, à ce combattant
Air : Quand je suis dans mon corps de garde
J’ai bravé la serre cruelle
Qui voulait s’emparer de moi,
Si tu fais ici le rebelle,
Je saurai triompher de toi.
Le combattant se jette aux pieds de Cadmus, lui rend son épée et s’en va.
Scène xii
Cadmus, le Géant Draco, Pallas
Le géant
Air : Tique tique tac et lon lan la
C’est à nous deux à présent
À vider le différent.
cadmus
Tope, je suis en haleine,
Voyons...
pallas, survenant
Cadmus, reconnais Pallas,
Va, tu n’auras d’autre peine
Que d’aller cligner là-bas.
Cadmus va se cacher ; Pallas montre son bouclier au Géant, et le change en statue.
Air : C’est la tête de Méduse
Jamais Pallas ne se refuse
À ceux qui vont droit en amour ;
Oh ! que Junon sera camuse,
Je me venge bien en ce jour.
cadmus, reparaissant
Vous lui jouez un vilain tour.
pallas
C’est la tête de Méduse.bis
Air : Menuet de Grandval
Ton Hermione impatiente
Avance à grands pas en ces lieux,
Je pourrais, si j’étais présente,
Troubler ces moments précieux.
Elle sort.
Scène xiii
Hermione, Cadmus
hermione
Air : La peine passe le plaisir
Quand par sa rigueur inhumaine
Le Ciel rompt une tendre chaîne,
La peine passe le plaisir,
Mais quand il a calmé sa haine,
Qu’il est doux de s’en souvenir !
Le plaisir passe la peine.
ensemble, ensemble
Air : Ah ! Thérèse
deuxcol, \cadmus
Ma Hermione,
Ma pouponne,
Ma bouchonne,
Est à moi.
Ma Hermione,
Ma bichonne,
Ma ratonne,
A ma foi.
hermione
Ta Hermione,
Ta pouponne,
Ta bouchonne,
Est à toi.
Ta Hermione,
Ta bichonne,
Ta ratonne,
A ta foi.\indicreprmus fin
hermione
À tes transports je m’abandonne.
cadmus
Viens friponne,
Je suis à toi.
ensemble, ensemble
Hermione\indicreprmus comme ci-dessus au mot fin.
Scène 24
Junon, Hermione, Cadmus
hermione, effrayée
Air : Menuet d’Hésione
Mon cher, nous aurons de la pluie,
Où nous cacher dans ce désert ?
junon, survenant
Vous n’irez pas bien loin, ma mie,
Junon va vous mettre à couvert.
Scène xxv
Junon, Hermione, Cadmus, Pallas
pallas
Air : Contre mon gré, je chéris l’eau
Belle Hermione, fier Cadmus,
Tout est fini, ne craignez plus,
Junon, vous comptiez sans votre hôte,
L’Olympe pour eux est d’accord ;
Çà, reconnaissez votre faute,
Jupiter vous donne le sort.
Air : Le curé de Saint-Pierre a dit
Mon papa Jupiter m’a dit,
Puisqu’Hermione à Cadmus a su plaire,
Mon papa Jupiter m’a dit,
Qu’il voulait que leur nôce se fît.
junon
Puisque Jupiter vous l’a dit,
Dérouillons, dérouillons, ma commère,
Puisque Jupiter vous l’a dit,
Dérouillons nos jarrets, il suffit.
tous quatre ensemble, ensemble
Dérouillons, etc.
La pièce finit par une danse comique des dieux et des déesses, sur l’air précédent.
Fin
L’auteur de cette petite pièce aurait cru manquer au respect qu’on doit aux paroles originales de Cadmus, composées par l’illustre M. Quinault, s’il les avait parodiées conformément aux changements qu’on en a faits à l’Opéra.