Louis Fuzelier
Pierrot furieux
Pierrot Roland
[Parodie en un acte de la tragédie lyrique de Roland]
[Représentée au Jeu de Paume d’Orléans à la Foire Saint-Germain]
1717
BnF ms. fr. 9335.
Acteurs
Olivette
Gros-Jean
Arlequin
Pierrot
Antoine, paysan
Margot, servante du cabaret
Grand-Colas, accordé
Mathurine, accordée
Garçons de la guinguette
Troupe de paysans et de paysannes
Joueur de violons
Le théâtre représente un cabaret de Vaugirard.
Pierrot furieux
Scène i
olivette
olivette
Air : Ô lon lan la landerirette
Par ma foi, dans cette guinguette,
Ô lon lan la landerira,
Je vais faire un tour de coquette,
Ô lon lan la landerirette,
Ô lon lan la landerira.
Elle écrit sur un piédestal et dit :
Olivette engage son cœur,
Colin en est vainqueur.
Même air
Voyons, quand Pierrot me muguette,
Ô lon lan la landerira
Si c’est amour ou amourette
Ô lon lan la landerirette
Ô lon lan la landerira.
Elle écrit sur un autre piédestal et dit :
Que Colin est heureux,
Olivette a comblé ses vœux.
Scène ii
gros-jean, olivette
grosjean, surprend Olivette écrivant
Même air
Sous ces ormeaux, ici, seulette,
Ô lon lan la landerira
Qu’écrivez-vous donc, Olivette ?
Ô lon lan la landerirette
Ô lon lan la landerira.
olivette
Même air
Une petite chansonnette
Ô lon lan la landerira.
grosjean
Ah, c’est pour Pierrot qu’elle est faite
Ô lon lanla landerirette
Ô lon la landerira.
olivette
Justement.
Air : Un moine de notre couvent
Pierrot me marque de l’ardeur...bis
Et moi je sens qu’à la fureur
Je l’aime, je l’aime,
Je veux éprouver si son cœur
M’aime de même.
grosjean
Air : Un capucin
Morgué, je pense que dans l’homme
L’amour, ma chère, est tout droit comme
Ces jolis bijoux qu’on fait d’or ;
L’éprouver est contre l’usage,
Souvent dans ce galant trésor
Il entre deux tiers d’alliage.
Et je crains que le bijou de Pierrot ne soit un carat bien bas.
olivette
Air : Un inconnu
Voilà, mon cher, justement l’anicroche.
Je ne veux pas trouver dans un amant
De fer qui loche.
Dans un moment
J’éprouverai Pierrot bien rudement,
Je ne veux point acheter chat en poche.
grosjean
Air : Quand le péril est agréable
À Pierrot vous cherchez castille,
Vous allez le faire enrager.
Mais au moins n’allez pas changer,
Ne soyez pas trop fille.
olivette
airvide
Quand j’ai donné mon cœur
Je me fais gloire
De la victoire
De mon vainqueur,
Loin de bannir ma flamme,
J’ouvre mon âme
À son ardeur,
L’amour m’en récompense
Et ma constance
Fait mon bonheur.
grosjean
Voilà du céladon aussi doux que de l’hypocras, mais n’est-il point aussi trop frelaté ? Enfin que prétendez-vous faire ?
olivette
Air : Confiteor
Je veux rendre Pierrot jaloux.
grosjean
Il ne sera pas à la mode.
olivette
Comme j’en veux faire un époux...
grosjean
Il faut le souhaiter commode.
olivette
Je veux savoir s’il est constant.
grosjean
Et s’il est bien persécutant.
airvide
Croyez-moi, plantez-moi là, fillette,
Un dessein qui peut vous chagriner.
Il ne faut jamais tant lanterner.
Suivez mes avis, vous savez, Olivette,
Que Gros-Jean peut très bien opiner,
Qu’on vient me consulter
Jusque dans ma guinguette,
Oui, chacun m’estime à Vaugirard,
J’y brille pour les pois au lard.
olivette
Air : Sur le Rhin parut une bête
Pierrot dans ces lieux doit se rendre,
Il se flatte de m’y trouver.
C’est là que je veux éprouver
Ce que j’en dois attendre.
airvide
À Pierrot je fais un tour
Qui pourra le surprendre,
Avant la fin de ce jour
Je compte ici d’apprendre
S’il va droitbis en amour
Et si son cœur est tendre.
grosjean
Air : Le premier jour du mois de mai
Pierrot est un bon gros garçon
Qui par ma foi de rien ne grogne.
Je crois qu’il fait tout sans façon,
Pierrot est un bon gros garçon.
Il ne va point à la leçon
Sous les amoureux de Gascogne.
Pierrot est un bon gros garçon,
Je crois qu’il va droit en besogne.
olivette
Même air
Quel pays n’a pas ses Gascons ?
Il en pleut surtout à Cythère.
Oh, qu’il est d’amours fanfarons !
Quel pays n’a pas ses Gascons ?
Hélas, hélas pour ces fripons,
Il n’est point de terre étrangère.
Quel pays n’a pas ses Gascons ?
Il en pleut surtout à Cythère.
Air : Du haut en bas
Adieu Gros-Jean.
grosjean
Quoi, vous ne restez pas aux accordailles de Mathurine et de Grand-Colas ? Tout Vaugirard y sera.
olivette
Oh, je n’ai garde ; tenez.
Air : Monsieur Charlot, dessus le pont
Contre Pierrot,
Dans le tour que j’apprête,
Tous les gens de la fête
Sont du complot.
Ne dites mot
Quand ils joueront leurs rôles.
grosjean
Suis-je donc un sot ?
Ici j’ai vu
Mille tours bien plus drôles
Que j’ai toujours tus.
Oh ! Nous autres maîtres de guinguette, nous sommes obligés au secret.
olivette
Air : Du haut en bas
Adieu Gros-Jean.
grosjean
Adieu donc, madame Olivette.
olivette
Adieu Gros-Jean.
grosjean
Adieu bergère de roman.
olivette
Grand oracle de la guinguette.
grosjean
Vous me turlupinez, follette.
olivette
Adieu Gros-Jean.
Elle s’en va.
Scène iii
gros-jean seul
grosjean
Il regarde l’écriture d’Olivette.
Air : Robin turelure
Si je savais lire, hélas !
La méchante créature,
Et ne devait-elle pas
Turelure
M’expliquer cette écriture ?
Robin turelure.
Air : Fais-le-moi donc connaître
Nargue du tour qu’elle jouera
Pierrot sera fidèle,
Elle en aura
Elle en aura
Elle en aura dans l’aile
Elle en aura
Elle en aura dans l’aile.
On entend chanter Arlequin sans le voir :
Allons
Allons à la guinguette
Allons.
grosjean
Air : Tout cela m’est indifférent
Cet écornifleur d’Arlequin
Boit chaque jour ici mon vin
Sans jamais me donner la maille.
C’est un imbécile, un franc sot.
Il faut que de lui je me raille,
Plus d’un paie ainsi son écot.
Scène iv
arlequin, gros-jean
Arlequin entre en chantant.
Allons,
Allons à la guinguette,
Allons.
À Gros-Jean.
Air : Du haut en bas
Bonjour Gros-Jean.
grosjean
Encore Gros-Jean.
arlequin
Ah ! Qu’il fait bon dans ta guinguette
Mon cher Gros-Jean.
grosjean
Voyez ce petit cormoran,
Comme il vient me conter fleurette !
Voilà tout l’argent qu’il me jette :
Bonjour Gros-Jean,
Bonjour Gros-Jean.
arlequin
Air : Réveillez-vous, [belle endormie]
Morbleu, quel charmant équipage,
Qu’un cabaretier a d’appas !
grosjean
Toujours grand appétit, je gage.
arlequin
Oh, gagez, vous ne perdrez pas !
grosjean
Air : Je suis la fleur des bergers [du village]
Pardi, mon cher, vous parlez à merveille,
Que vous venez de bien tomber !
Je suis tenté de vous payer bouteille.
arlequin
Dépêchez-vous de succomber.
grosjean
Ah, pardi, petit écornifleur, je vous bernerai.
arlequin
Air : D’un air gai, allons gai
Tenez, je suis bon diable,
Ne faites point de frais.
grosjean
Non, non.
Il appelle un garçon et lui donne le mot à l’oreille.
Eh garçon ! Une table,
Des verres, du vin frais,
D’un air gai,
Allons gai
Talera etc.
On apporte une table et des couverts.
arlequin, venant
Air : Confiteor
Je vous dois déjà vingt écots.
grosjean
Ne parlons pas de ces sornettes.
arlequin
Oh ! volontiers, tenez, mettons une amende pour celui qui en parlera le premier.
Arlequin se met à table, Gros-Jean sonne la sonnette du cabaret.
Allons, étendons nos gigots
Vive le concert des clochettes.
Leur bruit fort souvent indiscret
Ne me charme qu’au cabaret.
grosjean, se met aussi à table et appelle ses garçons
Eh ! Garçon ! Que l’on nous serve cette soupe aux choux qui mitonne depuis une heure, et que l’on nous donne de ce vin que je réserve pour les bons payeurs.
arlequin
Je n’ai pas encore bu de ce vin-là.
On apporte la soupe et Gros-Jean en donne à Arlequin, qui, voyant qu’il n’y a rien dans le plat, se recule de la table avec surprise.
grosjean
Air : Lon lan la derirette
Mangez, qui vous fait reculer ?
Eh ! Craignez-vous de vous brûler ?
arlequin
Lon lan la derirette.
grosjean
La soupe n’est pas trop chaude.
arlequin
Ma foi ni trop épaisse aussi
Lon lan la deriri.
grosjean, appelle ses garçons
Eh ! Garçons, ôtez la soupe ! Prenez garde, vous renversez sur moi.
arlequin
Oui, prenez garde de me tacher.
grosjean
Croyez-moi, mon cher, passons le bouilli.
arlequin
Soit, je ne suis pas tenté de voir un bouilli qui fait une soupe si claire.
Air : Réveillez-vous, [belle endormie]
Avec sa soupe transparente
Il extravague, par ma foi.
grosjean, appelle ses garçons
Eh ! la poularde !
Arlequin se remet à table.
Allons, mangez, elle est charmante !
Tenez, c’est un morceau de roi.
arlequin
Oui, du roi Démogorgon ; où prenez-vous ces poulardes-là, mon ami ?
grosjean
Air : Que j’estime mon cher voisin
Le cresson est tendre, pour moi
Je l’aime à la folie.
Il faut vous réveiller ma foi.
arlequin
La fumée des viandes ne m’endort pourtant pas.
grosjean
Des verres, je vous prie.
Un garçon apporte une bouteille, mais il n’y a rien dedans.
arlequin, voyant venir la bouteille
Air : Un capucin
La bouteille est bien cachetée
Et de sable encor mouchetée,
Tout ceci me fait espérer.
Allons, dépêchez-vous, mon maître !
Je pourrai me désaltérer
Si je n’ai pas pu me repaître.
grosjean
Allons, à votre santé, Monsieur Arlequin, c’est du vin à trente sols la bouteille.
arlequin, au garçon
Allons, verse donc, mon ami.
Quand il voit qu’il n’y a rien dans la bouteille, il casse son verre et dit à part :
Air : Ma mère, mariez-moi
Peste soit du gros cochon,
De sa poularde au cresson,
De son vin à trente sols,
De sa soupe aux choux, bis
Je ne puis me dispenser
De l’en bien récompenser.
Il chasse Gros-Jean à coups de bâton, les garçons viennent desservir et Arlequin dit :
Air : Que j’estime mon cher voisin
Ce repas est des plus bouffons
Je le paie avec joie...
Apercevant les garçons.
Il faut aussi pour les garçons
Donner quelque monnaie.
Il donne aussi des coups de bâton aux garçons et s’en va.
Scène v
pierrot, antoine, paysan
pierrot
Va, ton soin m’importune, Antoine laisse-moi !
antoine
Quel charme vous retient tout seul à la guinguette ?
pierrot
Ami, je n’ai point pour toi
De secret ni de défaite,
Olivette ne me fuit plus.
Air : [Belle brune]
Sur la brune,
Sur la brune,
Ami, je l’attends ici.
Il n’est point de clair de lune
Sur la brune
Sur la brune.
Air : Ton humeur est, Catherine
Mordi, l’objet qui m’enchante
Ne m’a jamais tant charmé.
Ami, que l’amour augmente
Par le plaisir d’être aimé !
antoine
Je crois plutôt le contraire
Car on dit que les amours,
Dans leur manège ordinaire,
À contre-poil vont toujours.
pierrot
airvide
On m’a, dans ce jardin,
Marqué le rendez-vous.
J’attends mon Olivette,
Si la corde ne rompt
Aïe, aïe, aïe, aïe, aïe, aïe, aïe, aïe,
Nous verrons beau jeu.
antoine
Le grand cœur de Pierrot
N’est fait que pour la treille.
pierrot
Air : Dans le fond d’une écurie
Quoi, tu ne sais pas encore
Quitter les gens à propos !
Apprends, Phœnix des nigauds,
Que tu n’es qu’une pécore,
Tu viens me sermonner, moi,
Quand j’attends ce que j’adore.
Tiens, voilà ce que je dois
Aux conseillers comme toi.
Il lui donne un coup de pied au cul et il s’en va.
Scène vi
pierrot, margot servante du cabaret
pierrot
Quelle heure est-il ?
Margot,
Quelle heure est-il ?
margot
Il est midi,
Monsieur,
Il est midi.
Scène vii
pierrot seul
pierrot
Ah ! J’attendrai longtemps, la nuit est loin encore.
Air : Un petit-maître limousin
C’est grand dommage assurément
Car, par ma foi, dans ce moment,
Pardi, je suis en belle humeur.
Mais... ô nuit, favorisez
Mes désirs amoureux.
Il est de certains petits moments où les dames se rendent aisément.
Ô nuit, favorisez
Mes désirs amoureux.
Faisons un petit tour de jardin pour tuer le temps.
Il se promène et les violons jouent.
Que ces gazons sont verts,
Que la guinguette est belle.
Il regarde des piédestaux.
Air : Réveillez-vous, [belle endormie]
Sur ces piédestaux et ces arbres
Quelqu’un a griffonné des vers,
Lisons, j’aime la poésie
Je m’amuse à rimer souvent.
Il lit et dit :
Ils sont gaillards ma foi, c’est une jouissance de guinguette.
Voyons tout... Qu’est-ce que je vois ?
Ces mots semblent tracés de la main d’Olivette.
Ciel ! C’est pour un autre que moi
Que chante la coquette.
Il chante touchant ce qu’a écrit Olivette.
Air : Tu n’as pas le pouvoir
Olivette engage son cœur
Colin en est vainqueur.
Elle m’aurait flatté d’une vaine espérance,
La masque ? N’est-ce point un soupçon qui l’offense ?
Colin en est vainqueur. Non, je n’ai point encor
Entendu parler de Colin.
Mon amour aurait lieu de prendre des alarmes
Si je trouvais ici le nom
De Thibaud ou du gros Lucas,
Ou quelque autre fermier, l’un des coqs du village.
Olivette n’a pas osé
Avouer de son cœur le véritable maître,
Et je puis aisément connaître
Que c’est moi dans ces vers qu’elle a colinisé.
C’est pour moi seul qu’elle soupire,
Puisqu’elle me l’a dit, n’en suis-je pas certain ?
Il regarde sur un autre piédestal.
Lisons ces autres mots, ils sont d’une autre main.
Il lit.
Qu’ai-je lu ? Ciel ! Il faut relire.
Air : Adieu panier, [vendanges sont faites]
Dans cette charmante guinguette
Hélas, que Colin est heureux !
Olivette a comblé ses vœux... Oïmé !
Adieu panier, vendanges sont faites.
Ce Colin, quel qu’il soit, se lit sans commentaire
Et cet heureux amant n’a pas le style obscur.
Elle a pu me trahir...
Non, non, c’est une bourde,
Non, non, quelque auteur marotique
A voulu par ces vers
Noircir l’objet que j’aime
Et troubler mon cerveau.
On entend des violons.
Air : Belle Manon
On accorde ici Mathurine
J’entends venir les violons,
Cherchons Olivette, peut-être
Est-elle dans ces cabinets.
Scène viii
grand-colas accordé, mathurine accordée, troupe de paysans et de paysannes des accordailles
Danse de paysans et de paysannes.
grandcolas
C’est aujourd’hui mes accordailles.
Sans rechigner, amis, le vin sera versé.
Quand vous aurez dansé
Vous ferez danser nos futailles.
À Mathurine.
Toi, ne me donne pas d’importune leçon,
Mathurine, veux-tu m’en croire ?
Laisse-moi trinquer sans façon, je prétends boire.
Autant mari que garçon.
Ici recommence le ballet.
grandcolas
J’aimerai toujours Mathurine.
mathurine
J’aimerai toujours Grand-Colas.
grandcolas
Je le vois à sa mine
J’aimerai toujours Mathurine.
mathurine
Mon cœur ne change pas
J’aimerai toujours Grand-Colas.
grandcolas
J’aimerai toujours Mathurine.
mathurine
J’aimerai toujours Grand-Colas.
arlequin
Dupont mon ami,
Qui t’a fait si sage ?
Scène ix
gros-jean, mathurine, grand-colas, arlequin, pierrot, troupe de paysans et de paysannes
grosjean, tenant une broche à la main
Mes amis, je viens de tirer le gigot et le coq d’Inde, c’est tout jus.
arlequin, lèche la broche et dit
C’est tout jus.
grosjean
Air : Il faut, pour le coup, que ma muse
N’oublions pas ce qu’Olivette projette
Pour alarmer Pierrot.
On vient de me donner le mot,
L’aventure sera drôlette,
N’oublions pas ce qu’Olivette projette
Pour alarmer Pierrot.
pierrot, regarde toutes les paysannes et ne trouve point Olivette
Air : Réveillez-vous, [belle endormie]
Où diable se fourre Olivette ?
Ne viendra-t-elle pas bientôt ?
Olivette, ingrate, inhumaine...
grosjean
Attendez-la sous l’orme,
Vous l’attendrez longtemps.
pierrot
Comment donc ?
grosjean
Air : Non, je ne ferai pas ce qu’on veut que je fasse
Pour aller à Passy, j’ai vu partir la belle.
pierrot
Olivette est partie ?
grosjean
Et Colin avec elle
De leur petit voyage elle a pris tout le soin.
pierrot
Ils sont partis ensemble.
grosjean
Ils sont déjà bien loin.
pierrot
Ah ! Maudit Colin.
airvide
Morbleu, si je te tenais
Comme je t’étrille, je t’étrille, je t’étrille,
Morbleu, si je te tenais
Morbleu, comme je t’étrillerais !
grandcolas
airvide
On ne peut s’aimer davantage,
Jamais bonheur ne fut plus doux.
mathurine
Ils se sont donné devant nous
La foi de mariage.
grosjean
Air : Passant sur le Pont-Neuf
Ils étaient enchantés dans ces belles retraites
Dans tous ces cabinets ils allaient en cachette,
Toujours avec son Olivette
Colin, soir et matin, gambadait sur l’herbette.
pierrot
Ciel, puis-je être accablé
Par un coup plus affreux !
grosjean
Bénissons l’amour d’Olivette
Bénissons l’amour de Colin.
pierrot, lui donne un coup sur l’épaule
Peste du gueulard, voilà des bénédictions bien placées.
tous ensemble, ensemble
Bénissons l’amour d’Olivette
Bénissons l’amour de Colin.
pierrot, arrache la broche que tient Gros-Jean
Taisez-vous, sots braillards, oserez-vous sans cesse
Percer mon triste cœur des plus horribles coups !
Ma foi, malgré votre bassesse,
Je veux bien vous rouer de coups.
Scène x
arlequin, pierrot, gros-jean
pierrot
Je suis trahi. Ciel ! Qui l’aurait pu croire ?
Ô ciel ! Je suis trahi par l’ingrate beauté
Pour qui l’amour m’a fait manquer à boire
D’un vin charmant dont j’étais enchanté,
Et dans un cabaret à jeun je suis resté.
grosjean
Il enrage, cela est fort plaisant.
pierrot
Témoins d’une flamme coquette,
Vous avez trop blessé mes yeux.
Que tout ressente dans ces lieux
L’horreur que j’ai pour Olivette.
Il casse quelques tables de la guinguette.
Ah ! Je suis descendu dans un sombre caveau.
Faut-il encor que l’amour me poursuive ?
De Bacchus au fond du tonneau
J’entends la voix plaintive.
La trappe s’ouvre, hélas, qu’est-ce que j’aperçois ?
Ah ! Quelle voix rauque me brave ?
La bougie en main contre moi
Je vois descendre un rat de cave.
Barbare, ah ! Tu jauges mon vin !
Que prétends-tu ? Parle, ô visite horrible !
Il faut montrer un exemple terrible
Aux mouchards du dieu du raisin,
Et allons, ma tourelourirette,
Et allons, ma tourelouriron.
Fin