Adrien-Joseph de Valois d’Orville
Arlequin Thésée
Parodie
Comédie Italienne
1745
BnF ms. fr. 9318
Acteurs
Thésée, fils inconnu d’Égée
Églé, princesse élevée sous la tutelle d’Égée
Cléone, confidente d’Églé
Minerve
Arcas, confident d’Égée
Le Roi, Égée, roi d’Athènes
La grande Prêtresse
Médée, princesse magicienne
Dorine, confidente de Médée
Troupe d’Athéniens
Combattants
Arlequin Thésée
\scene[La scène se passe dans le palais de Minerve.] Églé, Cléone
qui survient, [Chœur de Combattants]
Églé
Air : De quoi vous plaignez-vous, [belle Iris, quand on vous aime]
Dans ces lieux, à loisir,
Mon destin se doit attendre.
Minerve, c’est à vous que je viens recourir,
À vous qui devriez prendre
Le soin de nous secourir.
Venez donc nous défendre
Sans nous faire languir.
Prélude
definitacteur, Chœur de Combattants chœurdecombattants
chœurdecombattants, qu’on ne voit point
Air : Vendôme, Vendôme
Quel orage
De coups !
Vaincre ou mourir, prenons tous
Courage, courage.
Églé
Air : C’est ma devise
Près d’un asile aussi divin,
Est-il honnête
De crier et de faire un train
Qui fend la tête ?
À peine sait-on quel sujet
Les autorise,
Beaucoup de bruit et peu d’effet,
C’est leur devise.
Air : Chacun à son tour
Est-ce à nous, au parti contraire,
Que l’avantage est demeuré ?
Le destin, en qui seul j’espère,
S’est-il à la fin déclaré ?
Cléone
On ne bat point encor la retraite
Pour être étrillé dans ce jour,
Chacun à son tour,
Liron lirette,
Chacun à son tour.
Églé, effrayée
Air : Buvons à nous quatre
Ma crainte redouble,
Poursuis l’entretien.
Cléone
Je ne puis en parler bien,
Ma vue était trouble,
Je n’y voyais rien.
Air : Le bon branle
La frayeur me met aux abois,
Le grand bruit m’est contraire.
Pour une fille, ces grivois
Sont bien redoutables, je crois.
Je ne savais que faire,
C’était là la première fois
Que j’allais à la guerre.
Églé
Air : Opégué, ma commère
Au milieu du carnage,
Mes pas étaient errants.
Quelle effroyable image
De morts et de mourants !
Thésée avec courage,
Voyant mon cœur saisi,
Vient m’ouvrir un passage,
Et me ramène ici.
Air : Grands dieux qui connaissez
N’as-tu point admiré
Cette façon guerrière
Dont Thésée était paré ?
Cléone
Il était plein de poussière.
Églé
Et voilà la manière
Que je trouve à mon gré.
Air : Menuet
Que de coups ont parti de sa main,
Intrépide autant qu’un médecin !
D’ennemis, que la rage seconde,
Quel nombre affreux par son bras emporté !
Pour les faire aller dans l’autre monde,
Il vaut lui seul toute la Faculté.
Cléone
Air : Nous servons pour vous satisfaire
Thésée est aimable, il vous aime,
Sans rougir on peut l’aimer bien.
Églé
Mais, que vois-je ?... Arcas...
Scène i
Églé, Cléone, Arcas
arcas
C’est moi-même.
Églé
Tu vas donc nous apprendre...
arcas
Rien.
Églé
Air : Monsieur Blaise
Je suis babillarde, et j’ai peur
Devant Arcas d’en faire trop entendre.
Dès lors, qu’il aille apprendre
Si Thésée est vainqueur.
Scène ii
Cléone, Arcas
Cléone
Air : Va-t-en voir s’ils viennent, [Jean]
Thésée, en ce même instant,
Et le roi soutiennent
Un combat vif et sanglant.
Si tu m’aimes, mon enfant,
Va t’en voir s’ils viennent, Jean,
Va t’en voir s’ils viennent.
Scène iii
La Grande Prêtresse, Églé, Cléone, Le Roi qui survient combattant, [Chœur de Combattants]
chœur
Air : En passant sur le pont
Mourez, perfides cœurs.bis
Que tout tombe,
Succombe
Sous les coups des vainqueurs !
Églé, Cléone, La Grande Prêtresse, ensemble
Air : Ah ! Madame Anroux
Quoi, Minerve, hélas,
N’entendez-vous pas
Que chacun vous prie ?
Ô Minerve, hélas,
À notre patrie
Sauvez le trépas !
Le Roi
Air : Le trot, le trot, le trot
Paix, arrêtez vos cris,
Ne pleurez plus, Mesdames !
Vainqueur des ennemis,
La crainte est dans leurs âmes.
Je les fais fuir le trot, le trot, le trot,
L’entrepas, l’amble et même le galop.
Air : Oh, oh, tourelouribo
Églé, vous êtes jolie.
Églé
Oh, oh, tourelouribo.
Le Roi
Je vous aime à la folie.
Églé
Oh, oh, tourelouribo.
Le Roi
Quoi, vous en riez, ma mie ?
Églé
Oh, oh, oh, tourelouribo.
Le Roi
Air : Je ferai mon devoir
Au mien, unissez votre cœur.
Églé
À votre âge, Seigneur !bis
Le Roi
La vieillesse sied bien aux rois
Tant qu’ils font des exploits.
Air : Y a trente ans que mon cotillon traîne
Il y a trente ans que j’étais bien aimable,
Je faisais l’ornement de ma cour.
Églé
Mais aujourd’hui vous êtes respectable.
Le Roi
Fi du respect quand il s’agit d’amour !
Il y a trente ans que j’étais bien aimable,
Je faisais l’ornement de ma cour.
Air : Vous, qui vous moquez par vos ris
Vous dédaignez de recevoir
Le nœud où je m’engage !
Ne comptez-vous pour rien l’espoir
D’un doux et prompt veuvage ?
Que de femmes voudraient avoir
Des époux de mon âge !
Églé
Air : Non, je ne ferai pas [ce qu’on veut que je fasse]
Mais votre foi, Seigneur, à Médée est promise.
Sa colère peut tout sitôt qu’on la méprise.
Tenez votre parole et même exactement,
Un prince athénien doit-il être normand ?
Le Roi
Air : Bouchez, Naïades, vos fontaines
Ah, j’ai pour me tirer de peine
Un fils clandestin dans Trézène.
Qu’à Médée il donne sa foi,
Avec elle ainsi je m’arrange.
Comme il est plus jeune que moi,
Elle ne perdra point au change.
Églé
Air : Permettez-moi que je vous baise
Mais si Médée ambitieuse
Veut le rang dont vous me flattez ?
Le Roi
Que vous êtes ingénieuse
À trouver des difficultés !
Air : Nanon dormait
Par le serment le plus épouvantable,
Je veux former cet hymen adorable.
Églé
Pour empêcher cela,
Voilàbis
Un combat qui vous récréera.
Scène iv
Les précédents, Combattants en Chœur
chœur
Air : Goûtons bien les plaisirs, bergère
Rendez la victoire constante,
Animez nos cœurs et nos bras,
Ne jetez l’épouvante
Jamais sur nos soldats.
Ô Minerve savante,
Ô guerrière Pallas !
La Grande Prêtresse
Air : Et allons donc, jouez violons
Souffrez qu’ici l’on vous présente
Une image bien innocente
De ce qu’on fait dans les combats.
Le Roi
Pourquoi ce trio militaire
N’a-t-il pas des hommes de guerre
L’attirail comme à l’Opéra ?
La Grande Prêtresse
On voit si mal en user là
Qu’il vaut mieux pour orner la pièce
Agir du poing avec adresse.
D’un glaive doit-on se munir
Quand on ne sait pas s’en servir ?
On fait le combat.
Forlana
Scène 5
Médée, Dorine
Médée
Air : Ne croyez pas que je demeure [plus longtemps à boire avec vous]
Ritournelle
Charmante paix, paix innocente,
Heureux qui ne vous perd jamais.
Quoi, toujours l’amour me tourmente
Après tous les maux qu’il m’a faits ?
Doux repos, innocente paix,
Heureux qui ne vous perd jamais.
dorine
Air : Il faut recommencer
Il faut recommencer
À goûter une ardeur nouvelle.
Si Jason vous fut infidèle,
Il faut recommencer.
Sitôt qu’un amant se dégage
Par un autre on se dédommage.
S’il vient encor à s’éclipser,
Il faut recommencer.
Médée
Air : J’ai perdu mon pucelage
Une amoureuse espérance,
De tendres engagements
Vont bien plus loin qu’on ne pense.
Je l’éprouve dès longtemps,
Sitôt que l’amour commence,
En prévoit-on l’inconstance,
Et les remords accablants ?
Par l’amour, par sa puissance,
Par ses traits les plus piquants,
J’ai perdu mon innocence,
Et l’ai perdu dès longtemps.
dorine
Colin sur le bord d’un ruisseau les Pierrots
Aimez Thésée, il est charmant.
Médée
Mais à ses yeux puis-je paraître aimable ?
Entre nous, jugeons sagement,
J’ai lieu de penser autrement.
Mon pouvoir le plus favorable
Est d’inspirer l’horreur et le tourment.
dorine
Et voilà comme et voilà justement
Ce qui vous fait fuir d’un amant.
Air : La moitié du chemin
Changez de ton,
Usez de politesse,
C’est la façon
D’attirer un garçon.
Quand un ami
Vif, aguerri,
Ardent, joli,
Galant, poli,
En riant prend la main ainsi,
La baise et la caresse,
Pour exciter cet hommage badin,
Je ferais volontiers la moitié du chemin.
Scène vi
Le Roi, Médée, Dorine
Le Roi
Air : Je voudrais bien me marier
Je voudrais être votre époux,
Je ne sais comment faire,
Je ne vous aime point, et vous ?
Médée
Je ne vous aime guère.
Le Roi
Qu’un beau duo fasse entre nous
Ce divorce, ma chère.
Tous deux, ensemble
Air : C’est le petit Jean de Nivelle
Soyons tous deux, en diligence,
D’intelligence
Pour changer.
Médée
J’aime à me dégager.
Le Roi
Moi, j’aime à voltiger.
Médée
On le peut sans danger.
Le Roi
Et c’est bien s’arranger.
Tous deux, ensemble
Soyons tous deux, en diligence,
D’intelligence
Pour changer.
Scène vii
Arcas et les précédents
Le Roi
Air : De cœur de bouche et d’affection
Arcas parait bien agité.bis
arcas
Comme Thésée est exalté !
Un chacun boit à sa santé.
Ah !
Seigneur, prenez bien garde à votre royauté.
Le Roi
Air : Hier, à la grenouillère
Je prétends punir l’audace
De ce peuple en rumeur.
arcas
Je prétends que votre race
Est éteinte, Seigneur.
Thésée est le successeur
Que veut la populace.
Sans respect
À son aspect,
On dit, ma foi,
Vive le roi.
Le roi sort.
dorine
Air : Vous me l’avez dit, souvenez-vous-en
St. Écoute un mot, Arcas.
arcas
Mon devoir m’attend là-bas.
dorine
Avec moi reste un moment.
arcas
Je l’ai déjà dit, souvenez-vous-en,
Mon devoir là-bas m’attend.
dorine
Va, tu n’es qu’un inconstant.
arcas
Air : Que j’estime mon cher voisin
Est-ce pour t’entendre gronder
Que tu veux que je reste ?
dorine
Non, retire-toi sans tarder.
Va, va, je te déteste.
Air : Janvier, février, sont des mois
Je ne veux point d’amant oisif,
Tardif,
Pensif,
Plaintif,
Rétif,
Chétif,
Craintif,
Spéculatif,
Mais actif,
Vif,
Expéditif,
Jamais fautif.
arcas
Air : Pour le badinage, bon
Je fais l’amour sans façon,
J’aime à rendre un libre hommage.
Il faut toujours qu’un garçon
Soit dans le tendre esclavage.
dorine
Pour le mariage, bon,
Pour le badinage, non.
Scène viii
dorine seule
dorine
Air : Buvons à nous quatre
Aujourd’hui les hommes
Sont légers, ingrats.
Les fidèles sont, hélas,
Comme des atomes
Que l’on ne voit pas.
On entend une symphonie.
Air : Pour héritage, je n’eus de mes parents
Le peuple avance
Vers ces lieux à grands pas.
Sa véhémence
Fait toujours du fracas.
Mais sur cela,
Sur sa faveur extrême,
Ici débitons une emblème
Comme à l’Opéra.
Air : Voilà la différence
Le peuple, ainsi qu’un amant,
Est rempli d’empressement,
Voilà la ressemblance.
L’un du bruit se satisfait,
L’autre au silence se plaît,
Voilà la différence.
Scène ix
Thésée, Médée, Troupe d’Athéniens
chœur
Air : À boire à Monsieur le Prieur
Que nous devons tous être
Contents de notre maître,
Vainqueur, par ses exploits,
Des plus grands rois.
Mais pour bien célébrer sa gloire,
Passons notre temps de bon cœur
À boire
À ce fameux vainqueur.
On danse.
divertissement
On danse.
airvide
Le silence dans tous les âges
Est le talent des sages.
Il faut tout voir pour tout savoir,
Il faut se taire pour tout voir.
Jeunes fillettes,
Aux dépens des indiscrètes,
Instruisez-vous, sachez briller,
Dès que vous pouvez babiller,
Soyez muettes.
On danse.
vaudeville
1
Un jour, ma sœur me dit tout bas :
Il ne faut pas tout dire.
Quand tu me verras
Avec Licidas,
Il ne faut pas
Suivre mes pas.
Fais ce que je désire,
Que de bonbons tu recevras !
Il ne faut pas tout dire.
2
Quand elle reçoit des bijoux,
Il ne faut pas tout dire.
De peur du courroux
De papa jaloux,
On les met tous
Dans mes joujoux.
Tout cela me fait rire.
Pour goûter un plaisir bien doux,
Il ne faut pas tout dire.
3
Quand je suis avec mon papa,
Il ne faut pas tout dire.
Mais Colin viendra
Et de moi saura
Ce qu’il voudra.
Quand il est là,
Me taire est un martyre.
Je dirais bien pourquoi cela ;
Il ne faut pas tout dire.
On danse.
chœur, reprend
Air : À boire à Monsieur le Prieur
Que nous devons tous être
Contents de notre maître,
Vainqueur, par ses exploits
Des plus grands rois.
Mais pour bien célébrer sa gloire,
Passons notre temps de bon cœur
À boire
À ce fameux vainqueur.
Thésée
Air : Mon père m’a marié [à sa fantaisie]
À modérer vos clameurs,
Moi, je vous invite.
De votre zèle, Messieurs,
Ma gloire vous quitte.
Vous me faites plus d’honneur
Que je ne mérite.
Il veut s’en aller.
Médée
Air : Que devant vous tout s’abaisse et tout tremble, Menuet
Où courez-vous, grand Thésée ?
Thésée
Il me semble
Qu’il faut qu’au roi je demande pardon,
Si j’ai souffert ces canailles ensemble
M’avai[en]t donné de souverain le nom.
Médée
Le roi qui gronde
Contre son monde,
Recevra mal
L’excuse d’un vassal.
Thésée
Air :
Que d’attraits, que de charmes
M’attachent en ce jour
À sa cour.
Sans cela, par mes armes,
Combien dans les combats
De fracas !
Quel plaisir que la victoire !
De tout temps je fus né,
Destiné,
Pour la gloire.bis
Médée
Air : Trois frères gueux
Confiez-moi l’objet de vos désirs,
Et je ferai que le roi vous contente.
Thésée
La belle Églé fait naître mes soupirs.
Médée
La belle Églé, fort bien, cela m’enchante.
Air : Tu croyais, en aimant Colette
Une petite bagatelle
Vous nuira peut-être je crois.
Thésée
Comment ?
Médée
Ce n’est rien.
Thésée
Quelle est-elle ?
Médée
Pour rival, vous avez le roi.
Air : Nage toujours et ne t’y fie pas
À vous servir je m’engage.
Je vais le trouver de ce pas.
Attendez-moi, prenez courage.
Thésée sort.
À part.
Mais, ma foi, nage, ne t’y fie pas.
Scène x
Médée seule
Médée
airopera
Ritournelle
Dépit mortel, transport jaloux,
Je m’abandonne à vous.
Air : Mais
Meurs pour jamais
Tendresse trop fatale.
Sois désormais
Une rage infernale.
Mais
Il faut punir ma rivale
Car
De charmer elle a l’art.
Dépit mortel, transport jaloux,
Je m’abandonne à vous.
Scène xi
Médée, Dorine, Églé, Cléone
Médée
Air : Ces filles sont si sottes
Jeune princesse, savez-vous
Qu’il faut redouter mon courroux ?
Églé
Suis-je si criminelle ?
Médée
N’appelez-vous donc rien, ma foi,
Que de sembler plus belle
Que moi,
Que de sembler plus belle ?
Églé
Air : Nous jouissons dans nos hameaux
Je renonce à l’hymen du roi,
Épousez-le, Madame.
Si je lui plais, c’est malgré moi.
Je sens une autre flamme,
Et je la préfère en ce jour
Aux plus belles couronnes.
Pour ceux qui n’ont que de l’amour,
Tous les cœurs sont des trônes.
Médée
Air : J’entends déjà le bruit des armes
Confidence pour confidence,
Fidèlement avouez-moi,
L’objet qui fait votre constance.
C’est Thésée à ce que je crois.
Je vous dirai ce que je pense,
Car Médée est de bonne foi.
Églé
Air : Je n’en dirai pas davantage
Avant de vous dire son nom
Je puis faire un récit bien long.
C’est Thésée, enfin, qui m’engage,
Je n’en dirai pas davantage.
Médée
Air : Dieux ! que dans mon lit
Églé par ce mot
M’en a dit trop.
Au plus tôt,
Il lui faut
Une confidence égale.
Perdez tout espoir
Pour cette chaîne fatale,
Je suis votre rivale,
Craignez mon pouvoir.
Sachez...
Églé
Je m’en ris.
Médée
Comment ?...
Églé
Je dis...
Médée
Quoi ?...
Églé
Qu’une fille
De l’amour qui sent la moindre vétille,
Ne craint nuls tourments,
Pas même ses parents.
Le roi vous chérit.
Médée
Et c’est vous qu’il choisit.
Églé
Pourquoi persister ?
Médée
Osez-vous résister ?
Églé
Thésée est pour moi.
Médée
Non, j’en jure, ma foi.
Églé
Ah, je l’épouserai.
Médée
Oh, ce sera moi-même.
Églé
Non, c’est moi qui l’aime
Et je l’aurai.
Médée
Air : Talalerire
Cet amour-là fait bien le maître.
À l’instant cent monstres divers
Pourront vous effrayer peut-être.
Églé
Qui, moi ?
Médée
Vous-même.
Églé
Ah, quel travers !
Vous vous trompez, je me retire,
Talaleri talaleri talalalire.
Scène 12
Médée, Cléone, Dorine, Arcas
Ritournelle
cléone, dorine, arcas, ensemble
Air : Morguenne de vous
Dieux ! Où sommes-nous ?
Cléone
Quel aspect infâme !
dorine
Quel affreux courroux !
arcas
Quels monstres, Madame !
Tous trois, ensemble
Ah ! Nous tremblons tous,
Dans l’âme, dans l’âme.
Ah ! Nous tremblons tous,
Dieux ! Y pensez-vous ?
arcas
Air : Cela ne me contente guère
Contre Églé, l’on est en colère,
Et nous en pâtissons, hélas !
Tous trois, ensemble
Cela ne nous contente guère,
Cela ne nous contente pas.
Médée
Air : De tout temps, le jardinage
Laissez-là ces misérables !
Sur des objets méprisables,
Monstres, épargnez vos dents.
Ouvrez un libre passage,
Et conservez votre rage
Pour de plus honnêtes gens.
Scène xiii
Médée seule
Médée
Invocation
Sortez,
Quittez,
Le séjour ténébreux.
Démons affreux,
Vous, malheureux coupables,
Sortez,
Quittez,
Le séjour ténébreux.
Rendez ces lieux
Un asile odieux
Ornez vos pas
Des frayeurs du trépas.
Ne soyez pas
Ici seuls misérables,
Infortunés.
Soyez tous déchaînés,
De mille horreurs
Faites-vous des douceurs.
Mais un air tendre
Suffit mes enfants
Pour bien nous rendre
Vos plus noirs tourments.
D’autres feraient un tapage infernal,
Mais les démons ne font rien que de mal.
Montrez par vos traces,
Par vos jolis airs,
Qu’on trouve les grâces
Jusques aux enfers.
On danse la deuxième furie de l’Opéra.
Scène xiv
Églé, Médée
Églé
Air :
Ah, privez-moi plutôt du jour
Et laissez-moi mon tendre amour.
Médée
Raisonnez mieux, je vous en prie.
L’un sans l’autre ne se peut pas.
Églé
Hé bien, pour m’ôter d’embarras,
Cruelle, arrachez-moi la vie.
Médée
airvide
Je ne puis en ma place
Vous faire aucun plaisir,
Et pas même la grâce
De vous faire mourir.
Églé
Air : Je suis un précepteur d’amour
Ah, la belle grâce, vraiment !
Médée
Votre Thésée en est la cause.
Églé
Quand on souffre pour son amant,
Les plus grands maux sont peu de chose.
Médée
Air : Allons, cher Damon, non
Renoncez-y donc.
Églé
Non.
Médée
Sans tant de façon.
Églé
Non.
Médée
Ma rage implacable
M’en fera raison.
Églé
Non.
Médée
Dans cet instant fatal
Qu’un vacarme infernal
Me montre capable
D’être redoutable.
Tremblez sur ce point.
Églé
Point.
Médée
Changez sans retard,
Car
Je détruis, j’accable
Par un seul regard.
Églé
Gard.
De plaire mieux que toi
Eh ! Punis-moi.
Médée
Oui, je vais me venger
Et t’affliger.
Scène xv
Médée, Églé, Thésée paraît endormi, tourmenté par les Furies
Médée
airvide
Tiens, regarde ton amant,
Dans ce fatal moment,
Qui dort tranquillement.
Démons, paraissez soudain,
Le feu, le fer à la main,
Faites mourir ce faquin.
Il faut obéir enfin,
Lutin.
Églé
Air : La Choisy
Arrêtez, quoi tout de bon,
Vous péririez ce garçon !
J’ai cru que vous badiniez,
Vous disiez que vous l’aimiez.
Médée
Quand j’aime, j’aime si fort,
Que j’aime jusqu’à la mort.
Églé
Air : Joconde
Je vais, ne pouvant faire mieux,
D’Égée être la femme.
La pitié pour les malheureux
Toujours me touche l’âme.
Mais, à réfléchir mûrement,
Prendre un mari semblable
Pour ne pas perdre son amant,
L’effort est supportable.
Médée
Air : À sa voisine
Mais ce n’est pas encor là tout,
Il lui faut faire outrage,
Sembler lui vouloir nuire en tout,
Être ingrate et volage.
Ces sentiments sont, à mon goût,
Un badinage.
Air : Qu’est-ce que cela m’fait à moi
Faites-lui voir du dédain,
Ma joie en sera plus parfaite.
C’est par ma rivale, enfin,
Que je veux qu’il se soumette.
Églé
Eh, qu’est-ce que ça m’fait à moi,
Qu’il vous conte la fleurette ?
Eh, qu’est-ce que ça m’fait à moi,
Dès que j’épouse le roi ?
Air : Il sommeille
Je tremble, peut-être il m’entend !
De dormir, s’il faisait semblant...
Médée
Il sommeille,
Mais de vous parler il est temps.
Allons, Thésée, en ces instants
Qu’on se réveille !
Thésée, se regardant
Air : Comme v’là qu’est fait
De quelle agréable manière
Vient-on de m’ajuster cela ?
Suis-je donc chez la bouquetière
Des déesses de l’Opéra ?
De cette faveur singulière,
Je dois être bien satisfait.
La galanterie est entière,
Je ne vois partout que bouquet,
Comme me v’là fait.bis
Air : Je ne suis pas si diable
N’est-ce pas une ivresse ?
Mon épée ?
Médée
À l’instant,
Vous l’aurez.
Thésée
Rien ne presse,
À loisir je l’attends.
Je n’en ai point affaire,
Je crois présentement ;
Elle n’est nécessaire
Qu’au dénouement.
Air : Ah ! Philis, je vous vois, [je vous aime]
Ah, c’est vous charmante Églé que j’aime.
Médée
D’un œil content,
Regardez ce galant.
Thésée
Vous avez l’air indifférent.
Médée
Ce silence extrême
Paraît offensant.
À son ardeur répondez de même.
Thésée
Quoi votre cœur serait-il inconstant ?
Médée
Air : Menuet
Vos attraits
Sont si parfaits
Qu’ils vont l’enflammer pour jamais.
Mais
L’amour
Veut en ce jour
Du retour.
Oui, j’y souscris,
Tous deux êtes épris,
Soyez donc unis.
Brûlez des mêmes feux,
Qu’il comble vos vœux,
Qu’il soit toujours chéri
Agissez ainsi.
Si
Son cœur parle sans fard,
Ne mettez plus aucun retard
Car
L’amant
Qui trop attend
Se refroidit souvent.
Air : Eh, allons donc, Mademoiselle
Vous voyez combien de zèle
Dans cet aimable garçon,
Et vous faites la cruelle !
N’est-ce pas hors de saison ?
Eh, y’allons donc, Mademoiselle,
Vous faites trop de façon.
Air : Je ne sais pas écrire
Trop de crainte, je le vois bien,
Met obstacle à son entretien ;
Je m’en vais disparaître.
L’objet de vos vœux les plus doux,
Dans un tête à tête avec vous
En aura moins peut-être.
Scène xvi
Thésée, Églé
Thésée
Air : Çà, que je te mette
Quelle est ma surprise !
Faut-il qu’on me nuise,
Et qu’on me méprise
Sans dire pourquoi ?
Seuls, usons de franchise,
Çà que je vous dise
Quel est mon effroi !
Air : Mon petit cœur, vous ne m’aimez pas
Vous n’avez nulle pitié,
Quelle froideur singulière !
De moi, de mon amitié,
De ma gloire toute entière,
Vous ne faites aucun cas.
Mon petit cœur vous n’m’aimez guère,
Car tout ça n’vous touche pas.
Hélas,
Vous n’m’aimez pas.
Églé
Air : Très volontiers, mon frère
Par Médée en courroux
Votre perte est jurée,
Si ma flamme pour vous
Est par moi déclarée.
Je ne vous cèle rien,
Notre entretien
Armera sa colère,
Mais le péril,
Plus grand fût-il,
Je ne saurais me taire.
Thésée
Air : J’avais cent francs
En cet instant,
Que tout nous est contraire,
Du roi sachez, ma chère,
Que je suis l’enfant.
Églé
Vous ! Et comment
Savez-vous ce mystère ?
Thésée
Je m’en suis douté.
Par la fierté,
La majesté,
Je ressemble à mon père.
Églé
C’est la vérité.
Air : Je n’avais pas quinze ans
Le roi, le monde entier,
Prendraient en vain les armes.
Médée a beau crier...
Mais pour braver ses charmes,
Tout m’a trompé.
J’avais fait mon possible,
On m’a frappé
Par où je suis sensible.
Thésée et Églé, ensemble
Air : D’Amour pour amour
Aimons, aimons-nous chaque jour,
Je ne veux de richesse aucune,
Et dans notre infortune,
Je ne veux qu’amour pour amour.
Scène xvii
Médée, Thésée, Églé
Médée
Air : Caché dans un coin
Continuez, mes enfants,
Quels discours touchants,
Et qu’ils sont séduisants,
Vous vous exprimez trop bien !
Allez, je n’ignore de rien,
Cachée en un coin
J’entendais tout de loin.
J’étais de vos feux
L’obstacle dangereux.
Églé
Sur moi, venge-toi.
Thésée
N’immolez que moi.
Églé
Donne-moi la mort.
Thésée
Seul, j’ai tort.
Églé
Oui, je veux périr.
Thésée
Non, je viens m’offrir.
Églé
Je prétends souffrir.
Thésée
Moi, mourir.
Médée, lui rendant son épée
Air : Ô, heureux retour
Loin que je vous blâme,
Voilà votre bien.
Je suis bonne femme,
Ne craignez plus rien.
Votre vertu m’intéresse
Pour vous dans ce jour.
Thésée
Oh, ma princesse,
Oh, l’heureux retour !
Églé
Air : Je suis un précepteur d’amour
Madame, un divertissement
Ici me semble nécessaire.
Médée
Je le transporte au dénouement,
J’ai des réflexions à faire.
Scène xviii
Médée seule
Médée
Prélude
Air : Suivez les lois
Quoi, me venger,
En périssant l’objet que j’aime !
Quoi, me venger ?
Non, je ne saurais y songer.
C’est me punir moi-même,
De suivre un courroux extrême.
C’est me punir moi-même,
De tout faire pour l’affliger.
Quoi, me venger,
En périssant l’objet que j’aime !
Quoi, me venger ?
Non, je ne saurais y songer.
Douleur sans égale,
Voir que ma rivale
Ici se signale
Et va s’engager,
C’est m’outrager.
Il faut que ma rage s’exhale.
Pour me venger,
Brisons cette chaîne fatale.
Pour me venger,
Je ne veux plus rien négliger.
Air : Avoir du bien
Noirs marmitons
De tous les démons,
Que votre clique
Me présente l’ambigu
D’un repas fort mal entendu.
Que sur cela,
Un chacun se pique.
Apportez-là,
Chère diabolique,
Répandez vos poisons
Dans les mets, quoi qu’ils soient de cartons.
Scène xix
Médée, Le Roi
Un festin se trouve sur-le-champ préparé.
Médée
Air : Triolets
Prince, ce vase empoisonné
N’est préparé que pour Thésée.
Que par vous il lui soit donné,
Prince, ce vase empoisonné.
Le Roi
À quel sort est-il condamné !
Vous êtes fort mal avisée.
Médée
Prince, ce vase empoisonné
N’est préparé que pour Thésée.
Air : Dedans nos bois, il y a un ermite
Pour se venger, une grande victime
Est un bien sans égal.
Quand il devrait vous en coûter un crime,
Ah, voyez le grand mal !
Le Roi
Est-ce d’un roi ?
Non, ce discours m’assomme,
Je suis honnête homme,
Moi,
Je suis honnête homme.
Médée
Air : Danse de Monsieur Bariolet
Quoi, voir un étranger régner
Quand votre fils est dans Trézène !
Le peuple, s’il faut l’éloigner,
N’aura pour lui que de la haine,
Il ne faut point vous aveugler.
Le Roi
Vous avez raison, je le jure.
Oui, quand je devrais l’étrangler,
Il faut céder à la nature.
Scène xx
Médée, Le Roi, Thésée, Églé, Cléone, Arcas, Minerve
Le Roi
Air : Le masque tombe
Aimons-nous donc, ma colère est finie.
Sois roi, Thésée, oublions le passé.
Buvons, mon cher, ce repas est dressé
Pour mieux serrer l’amitié qui nous lie.
Air : Margot sur la brune
Thésée, mange une croûte.
Thésée
Ce pain-là me dégoûte.
Le Roi
Bois donc une goutte,
En attendant que là,
Toute la troupe
Ensemble soupe.
Prends cette coupe,
Elle fera
Que le goût du pain passera.
Thésée
Air : Mais, bergers, ne mentez-vous pas
Oui, je vous jure sur ce fer
Qui toujours m’a comblé de gloire
Que vous me serez toujours cher.
Le Roi, regardant l’épée
Quoi, mon fils, ah, le puis-je croire ?
Médée
C’est votre fils !
Le Roi
Lui-même, hélas !
Médée
Mais, Prince, ne mentez-vous pas ?
Ne mentez-vous pas ?
Le Roi
Air : Sans le savoir
Oui, je reconnais cette lame,
Voilà la marque, sur mon âme,
Que ce cher enfant doit avoir !
Quel bonheur imprévu, Madame,
Ici pour aider mon pouvoir,
J’avais un fils, grâce à ma femme,
Sans le savoir.
Médée se retire.
Air : La troupe italienne
Elle fuit l’inhumaine.
Elle allait sans cela
Faire un fort beau coup là.
Vite qu’on la retienne,
Qu’on me l’amène,
Lon lan la,
Elle me l’payera la chienne,
Faridondaine,
Elle me l’payera.
À Thésée.
Air : Partout où l’on voit le chagrin
De ma main, prends cette beauté.
Quoi qu’elle me soit toujours chère,
J’use de générosité :
C’est là tout ce que je puis faire.
Il regarde par où Médée est sortie et se met encore en colère.
Thésée
Perdons jusques au souvenir
De cette tête folle.
Que l’appât charmant du plaisir
Soudain nous en console.
Thésée et Églé, ensemble
L’objet que voilà
Me contentera,
M’égayera,
Me divertira,
Me dédommagera.
Le roi les regarde, les prend par la main et en riant les fait danser en chantant ce qui suit.
Le Roi
Air : Ziste, Zeste, point de chagrin
Ah, ah,
Ziste, zeste, point d’chagrin.
Qu’on se ri, qu’on se ri, qu’on se rigole.
Ziste, zeste, point d’chagrin,
Jouissons d’un heureux destin.
Médée, dans un char
Dans la rage qui m’entraîne,
Je viens encor sur la scène
Pour vous montrer que ma haine
Peut toujours se faire voir.
Que ces apprêts magnifiques
Fassent des effets tragiques,
Et que mille feux magiques
Expriment tout mon pouvoir.
Elle met le feu au repas.
Soyez tous les témoins d’un spectacle odieux.
C’est ainsi qu’en partant je vous fais mes adieux.
Le Roi, effrayé
Air : N’y a pas de mal à ça
De frayeur je tremble,
Je me meurs déjà,
Mes enfants ensemble
Périrons-nous là ?
minerve, dans sa gloire
N’y a pas de mal à ça.bis
Air : Jean de Vert
Pour faire votre dénouement,
J’arrive en diligence,
Et vous montrer en ce moment
Jusqu’où va ma dépense
Pour un palais des plus brillants,
Que l’on a vu briller du temps
De Jean de Vert en France.
On danse.
airvide
Bacchus contente nos désirs,
Règne et répands ici tes charmes délectables.
Fais nos plaisirs,
Rends les durables.
Bacchus contente nos désirs,
Règne et répands ici tes charmes délectables.
On danse.
vaudeville
4
Que du cœur de la plus cruelle
Un jeune homme vif et brillant
Triomphe dans un seul instant,
C’est une bagatelle.
Mais qu’Oronte, à l’âge qu’il a,
Compte fixer une maîtresse
Par un vieux reste de tendresse,
C’est un opéra.
5
Avec une mode nouvelle,
Qu’une dame du plus haut rang
Se pare en se divertissant,
C’est une bagatelle.
Empêcher, dès ce moment-là,
Que la plus mince roturière
En orne sa figure fière,
C’est un opéra.
6
Qu’avec une chanson nouvelle,
Un mot, une fleur, un ruban,
On séduise une jeune enfant,
C’est une bagatelle.
Grande, on méprise tout cela,
C’est trop peu pour nous satisfaire,
Qu’il faut de chose pour nous plaire,
C’est un opéra.
7
Sitôt qu’une pièce nouvelle
N’attire que le premier jour
En ces lieux la Ville et la Cour,
C’est une bagatelle.
Mais, Messieurs, vous rassembler là,
Et qu’un unanime suffrage
Couronne l’acteur et l’ouvrage,
C’est un opéra.
Fin