Antoine-Alexandre-Henri Poinsinet et Michel Portelance
Totinet
Parodie de Titon et L’Aurore
Représentée pour la première fois sur le Théâtre de l’Opéra-Comique
le vendredi 23 février 1753
Paris, Veuve Delormel et fils, Prault fils, 1753
Acteurs
Tricolor, bouquetière : Mademoiselle Rosallie
Totinet, garçon de boutique : Monsieur Deschamps
Palote, marchande de charbon : Madame Le Moine
Boreole, marchand de soufflets : Monsieur Dhautemert
La nourrice de Totinet : Monsieur Alexandre
Totinet
\scene[Le théâtre représente la boutique de Tricolor. Il fait nuit.] Totinet
seul
totinet
Air : Vous brillez, seule en ces retraites
Que mon aimable bouquetière
Tarde à venir, Totinet, quel tourment !
Peut-être infidèle et légère
Tricolor, Tricolor aime un autre amant.
Air : Je n’en dirai pas le nom
Je soupçonne sa tendresse
Ah que n’est-elle Fanchon !
Pourquoi suis-je son garçon ?
Pourquoi l’ai-je pour maîtresse ?
Près de cet objet charmant,
Je crains tout de ma faiblesse,
Près de cet objet charmant,
Je crains un rival puissant.
On entend une symphonie. Tricolor paraît descendre d’une soupente, en tenant un bout de chandelle.
totinet
Air : Où courez-vous, monsieur l’abbé
Un bout de chandelle à la main
Je la vois qui descend soudain,
Ah, ma belle maîtresse !
tricolor, en descendant
Un peu moins de vitesse,
Ne vous blessez pas.
Scène i
Tricolor, Totinet
tricolor
Air : Du cotillon couleur de rose
J’arrive exprès de grand matin
totinet
Éteignez donc cette chandelle.
tricolor
Voyez-vous le petit mutin
Il voudrait :
totinet
Je vous suis fidèle.
tricolor
Oui, mais vous devenez badin.
totinet
Pourquoi devenez-vous cruelle ?
tricolor
Si j’accordais trop de retour
J’éteindrais bientôt ton amour.
Le jour paraît petit à petit.
totinet
Air : Boire à son tire lire lire
Connaissez votre amant,
Rien n’éteindra sa flamme.
tricolor
Tu diras autrement
Quand je serai ta femme.
totinet
N’ayez pas peur
Que le bonheur
Use mon cœur.
tricolor
Air : Comment puis-je, sans t’avoir
Oui, tu seras l’objet unique
De mon tendre amour
Sois sûr du retour
Puisque tu veux que je m’explique
Comment puis-je sans t’avoir
Gouverner ma boutique,
Comment puis-je sans t’avoir
Régler mon comptoir.
totinet
Air : Au bord d’un clair ruisseau
Un marchand de soufflets
Vous offre son hommage,
Son fâcheux voisinage
Nous éclaire de près,
Il vous fait les yeux doux.
tricolor
Pour toi seul je soupire.
totinet
Son bien peut vous séduire.
tricolor
Tu me mets en courroux.
totinet
Air : Réveillez-vous, belle endormie
Du beau sentiment qui le blesse
Votre cœur doit être flatté,
Sans faire tort à la tendresse,
Il fait honneur à la beauté.
tricolor
Air : Que j’aime mon cher Arlequin
Quel galimatias fais-tu là,
D’un air si tendre,
Un chacun de toi se rira,
Tu parles comme à l’Opéra,
On n’y peut rien comprendre.
totinet
Mais vous devez m’entendre,
Ne tient-on pas ce jargon-là
Quand on a le cœur tendre.
Air : Ah ! Le bel oiseau maman
J’aimerai jusqu’au tombeau.
tricolor
Ah ! Que je te trouve aimable.
totinet
Quand le choix est aussi beau
L’amour est toujours durable.
ensemble, ensemble
Nous allons donc nous unir.
tricolor
Mon Totinet tout aimable.
totinet
Ma bouquetière adorable.
ensemble, ensemble
Nous allons donc nous unir,
Que nous aurons de plaisir.
On entend un bruit d’instruments.
totinet
Air : Mariez, mariez moi
Qu’entends-je des violons ?
À propos de quoi, mignonne ?
tricolor
Ils sont venus sans raison,
Qu’importe, je leur pardonne,
[Ensemble]
Profitons,
Profitons,
Profitons-en,
Ainsi l’Opéra l’ordonne.
[Ensemble]
Profitons,
Profitons,
Profitons-en,
Cela fait passer le temps.
Scène ii
Tricolor, Totinet, Garçons tailleurs, bouquetières qui forment une noce.
On danse.
totinet
Air : Ah ! Que loin de ce qu’on aime
Mon cœur est tendre et fidèle
Quand j’aime c’est pour toujours,
L’éclat de toute autre belle
N’affaiblit point mes amours :
Ma flamme n’est point nouvelle,
Mais elle croît tous les jours.
Mon cœur est etc.
On danse.
boréole, derrière le théâtre
Air : Tiens, voilà ma pipe
Gardez ma boutique,
Je veux qu’en ce jour
Tricolor s’explique
Au gré de mon amour,
Si la péronnelle
Me bravait jamais,
Je vous saurai contre elle.
Armez tous mes soufflets.
tricolor
Air : Allons-nous-en, gens de la noce
Grands dieux, Boréole s’avance
Chers enfants craignez son courroux,
Allons-nous-en gens de la noce
Allons-nous-en chacun chez nous.
chœur
Allons-nous-en
Chacun chez nous,
Allons-nous-en
Tous en cadence ;
Allons-nous-en chacun chez nous.
Tout le monde sort.
Scène iii
Boréole seul
boréole
Air : L’amour comme Neptune
Arrête téméraire
Tu n’échapperas pas,
Ma trop juste colère
Va voler sur tes pas.
Qu’un rival que j’abhorre
Tombe à l’instant sous mes coups !
Tyran des cœurs jaloux
Allume mon courroux !
Haine c’est toi que j’implore !
Viens arme-toi,
Viens venge-moi.
Scène iv
Palote, Boréole
palote
Air : Maris Salison disait à sa mère
Eh pourquoi donc vous mettre en colère ?
Oh, oh, tourelouribo.
boréole
Je suis jaloux ma commère.
palote
Oh, oh, tourelouribo,
Faites moi part de votre affaire.
boréole
Oh, oh, oh, tourelouribo.
Air : Reçois dans ton galetas
Jugez si je fais si mal,
À Tricolor je veux plaire,
Totinet est mon rival,
Et Tricolor me le préfère
Que l’ingrate éprouve en ce jour
Ou mes tourments, ou mon amour.bis
Air : Tambour de l’amour
Suivons ce transport,
Redoublons d’effort,
Ah que je me sens fort !
Quoi l’on me brave et j’aime !
Que tous mes valets
Armés de soufflets,
Fassent voir les effets
De ma rage extrême.
palote
Eh sois moins méchant,
Ce rival si triomphant
Dans le fond n’est qu’un enfant.
boréole
Mais il me gêne.
palote
Il faut l’écarter.
Ne va pas le maltraiter,
De Tricolor, crains la haine.
boréole
Je veux la mériter.
palote
Air : Vantez-vous-en
Cachons Totinet de manière
Qu’il soit loin de sa bouquetière,
Quitte après à la consoler
Des maux dont tu veux l’accabler,
Je vais l’enlever finement
Car quoique simple charbonnière
Je sais faire un enlèvement,
Vantez-vous-en.bis
boréole
Air : Manon dormait
Cela suffit,
Et bien je m’en rapporte
À votre esprit,
Car ma tête peu forte
Se trouble à tout moment.
palote
Vraiment,
Et quand
Vit-on raisonner un amant.
Les garçons de Boréole entrent armés de soufflets.
boréole
Air : Toujours seule, disait Nina
Venez mes garçons, armez-vous,
Et servez mon courroux
Tous,
Qu’à l’instant ce petit maraud
Soit traité comme il faut
Tôt,
Chez Madame on le mènera
Et c’est là qu’on l’étrillera.
palote
Oui, sur ma foi.
boréole
Prenez-le moi,
Fouettez-le moi,
Vengez-moi, moi.
Il sort avec toute sa suite.
Scène v
Palote seule
palote
Air : Il faut l’envoyer à l’école
Le nigaud, il croit bonnement
Que je vais servir sa colère,
Pour lui plaire
J’irais perdre mon jeune amant,
Sur une espérance frivole,
Il me rend mon cher Totinet,
Le benêt :
Il faut l’envoyer à l’école.
\scene[Le théâtre représente le laboratoire de Tricolor: elle paraît au milieu de ses filles, occupées à former des bouquets.] Tricolor
seule
tricolor
Air : Réveillez-vous, belle endormie
Viens, Totinet, mon cœur t’appelle,
Écoute la voix du désir,
Sans toi, sans ton amour fidèle,
Je ne puis goûter de plaisir.
Air : Margoton, ma Mie
Puis-je me promettre
Cette volupté.
Reviens en bonne santé
Pour me remettre en gaieté.
Scène vi
Tricolor, Boréole
boréole
Air : La béquille du père Barnabas
À ma sincère ardeur,
Répondrez-vous la belle ?
tricolor
Totinet a mon cœur,
Je lui serai fidèle.bis
boréole
Ce petit, ma princesse,
Vous fait par trop languir.
tricolor
Si petit qu’il paraisse
Il me fait grand plaisir.
boréole
Air : La mort de mon chère père
C’est trop vanter ce drôle,
Je vais vous le souffler.
tricolor
Ah ! Laissez-lui son rôle,
Qui pourra le doubler ?
Il a tant de mérite,
Sans lui tout ennuiera.
Si jamais il nous quitte
Adieu tout l’Opéra.
boréole
Air : Préparons-nous pour la fête nouvelle
Quoi, vous bravez un marchand qui soupire ?
Couronnez mon tendre martyre
Ou vous ne verrez plus ce beau Totinet.
tricolor
Mais,
Je l’aimerai toujours autant que je te hais.
Elle sort.
Scène vii
Boréole seul
boréole
Air : Les Trembleurs
Puisque je ne saurais plaire,
N’écoutons que ma colère,
Poursuivons ce téméraire
Qui s’oppose à mon amour.
Tricolor me désespère,
La sotte me le préfère ;
C’est lui qui la rend si fière,
Qu’il périsse dans ce jour.
Scène viii
Palote, Boréole
palote
Air : Sous un ormeau
Qu’avez-vous fait ?
Votre amour est-il satisfait ?
Parlez, Totinet
Obtiendra-t-il son pardon ?
boréole
Non.
palote
Avant de le punir,
boréole
Je le veux.
palote
Craignez le repentir.
boréole
À grands coups de soufflets,
Je prétends l’assommer.
palote
Quel projets.
boréole
De mon courroux,
Oui, tu vas ressentir les coups,
Petits maraboux,
Vil objet de mes fureurs.
Meurs.
Les garçons de Boréole entrent dans la boutique, déchirent les bouquets, font enfuir toutes les filles.
palote
Air : J’ai des vapeurs
Et pourquoi donc tant de tapage,
De rage
Pour un enfant,
Connaissez mon ardeur extrême,
Je l’aime
Il est charmant.
Grand Dieu, quel bruit, quelle tempête,
Je n’en reviens pas !
Ce fracas
M’a dérangé toute la tête,
J’ai des vapeurs
Je me meurs.
boréole
Air : Vous me l’avez dit, souvenez-vous-en
Eh pourquoi vous évanouir ?
palote
Ah ! Vous me faites frémir.
boréole
Quelle sera votre peur,
Et votre terreur,
Lorsqu’avec chaleur
Je vais seul beugler un chœur,
Fait exprès pour ma fureur.
Air : Aria del Serva Padrona
Servez ma rage,
Ah ventrebleu !
Ah têtebleu !
Morbleu,
Corbleu, ah !
Troublons les feux
De ce morveux,
De ce crasseux.
Prenons courage !
Hélas ! Grands dieux
Comblez mes vœux,
Quoi ce crasseux
Est amoureux ?
Petit morveux.
Air : Plein, plan, rantamplan, tire lire
Dans la rue chiffonnière,
En plein et plan et rantamplan, tire lire en plan,
Allez chercher l’amant.
Les garçons de Boréole sortent.
De notre bouquetière,
Traitons le téméraire,
Rantamplan, de manière
Que mon amour jaloux
En plein, plan [et rantamplan, tire lire en plan.]
palote
De quoi vous mêlez-vous,
Ce n’est pas votre affaire.
boréole
Ce n’est pas mon affaire,
Rantamplan, ma commère ?
palote
Et non pas, c’est la mienne, en plein, plan
Rantamplan [tire lire en plan.]
boréole
Le sot rôle vraiment
Que l’on me donne à faire.
Totinet entre poursuivi de tous les garçons de Boréole : il se jette aux genoux de Palote.
totinet, à Palote
Air : Confession
Je viens devant vous
À deux genoux.
Je viens.
palote
Quoi faire ?
totinet
Priez-les pour moi,
Ces méchants me gèlent de froid.
boréole et le chœur, ensemble
Armez-vous contre ce téméraire.
Armons-nous contre ce téméraire.
palote
Point tant de colère,
Sortez un moment.
Laissez-moi lui parler d’affaire
Sortez un moment.
boréole
J’y souscris, mais répondez-m’en.
Scène ix
Palote, Totinet
palote
Air : Quand je vous ai donné mon cœur
Il faut que pour vous divertir
Je vous donne une fête.
totinet
Vous me feriez peu de plaisir,
Cela me rompt la tête.
Loin de l’objet de mes souhaits,
Je ne puis souffrir les ballets.
palote
Air : Babet, que t’es gentille
Votre constante ardeur
Vous trouble la cervelle.
totinet
Tricolor à mon cœur,
Tricolor est ma belle.
Oui, loin de ces yeux,
Tout m’est odieux,
Tout n’est beau que par elle.
Mon cœur ne peut être léger,
Non, je ne puis me dégager.
Quand Tricolor voudrait changer,
Je lui serai fidèle.
palote
Air : Je n’y puis rien comprendre
Malgré ce beau raisonnement,
C’est en vain que votre cœur l’aime.
totinet
Ciel ! Si son cœur est inconstant,
Tout autre le serait de même,
J’en perds l’esprit.
palote
Elle vous fuit,
Et même elle en fait gloire.
totinet
Serait-il vrai.
palote
L’on me l’a dit.
totinet
Non, je ne puis le croire.
palote
Air : Prenez-en deux, prenez-en trois, contentez votre envie, voyez-vous
Changez de nœuds.
totinet
Ah ! Finissez.
palote
Vous hésitez encore,
Savez-vous qui vous refusez.
totinet
Non, mais j’aime, c’en est assez.
palote, à part
Il ne voit pas que Palote l’adore,
La petite Pécore.
Air : À la façon de Barbarie
Cours, vole à l’objet de tes vœux,
Avant que le jour cesse,
Tu verras combien à tes feux
Mon âme s’intéresse.
Il sort.
Je te tiendrai, petit garçon,
La faridondaine, la faridondon,
Va, va, tu seras son mari,
Biribi,
À la façon de Barbarie,
Mon ami.
Air : Menuet,
Je m’en vais punir ces fiers refus,
Je m’en vais le rendre tout confus,
Je m’en vais... je m’en vais... eh quoi faire,
Le dirons-nous, tout comme à l’Opéra ?
Non vraiment, il vaut bien mieux se taire,
Et l’intérêt ainsi s’augmentera.
Scène x
Boréole, Palote
boréole
Air : Non, rien n’est si fatigant
Oui, poursuivons ce maraud,
Étrillons-le d’importance,
Oui, poursuivons ce maraud,
Ce vilain petit crapaud,
Et tôt, tôt, tôt, tôt, tôt, tôt, tôt,
Qu’il éprouve ma vengeance,
Et tôt, [tôt, tôt, tôt, tôt, tôt, tôt,]
Faisons lui faire le saut.
palote
Air : Amis, sans regretter Paris
Toujours la fureur vous aigrit,
Quoi, pour la même cause !
boréole
Hélas ! J’en perds tout mon esprit.
palote
Vous perdez peu de chose.
boréole
Air : Allons donc, Mademoiselle
Oui, je veux être en colère
Vous avez beau plaisanter,
Il faut enfin ma commère
Nous faire au moins redouter,
Oui, je dois être en colère
Vous avez beau plaisanter,
palote
Air : Partez d’abord, avec audace
Je fais mon affaire
De vous contenter.
boréole
Ce fripon ma chère
Pourra vous tenter.
palote
Détrompez-vous
Mon cœur jaloux
Ne suivra que la rage,
Portons nos coups.
boréole
Unissons-nous.
palote
L’ingrat dort en ces lieux,
Vengeons notre outrage.
boréole
Faites pour le mieux.
Totinet paraît endormi sur un lit de gazon, auprès d’un puits.
palote
Air : Du haut en bas
Du haut en bas,
Totinet se croit un narcisse
Du haut en bas,
Sa blancheur fait tous ses appas,
Venez garçons qu’on m’obéisse,
Et qu’à l’instant on le noircisse,
Du haut en bas.
Quatre garçons charbonniers entrent et après avoir dansé, jettent leurs sacs sur Totinet qui devient tout noir.
boréole
Air : Vous voulez me faire chanter
Ah qu’il est laid, que j’en rirai !
palote
Me suis-je bien vengée,
boréole
Quel doux plaisir quand je verrai
Sa maîtresse affligée,
Elle n’en voudra plus tâter.
palote
J’en serais étonnée,
À peine pourra-t-il tenter
Des filles de journée.
boréole
Air : Ma mie Babichon
Ton rôle est fini.
palote
Le tien l’est aussi.
ensemble, ensemble
Rien ne nous reste à faire.
palote
Je vais me cacher,
Va-t-en te coucher.
boréole
C’est bien dit ma commère.
Ils sortent.
Scène xi
Totinet seul
Il s’éveille et se regarde dans un baquet qui est à côté du puits.
totinet
Air : Faites dodo
Quel vilain tour
Pour ma figure,
Quel vilain tour
Pour mon amour.
Qui m’a donc fait cette cruelle injure,
Hélas !
Je ne me reconnais pas.
Quel vilain tour etc.
Scène xii
Tricolor, Totinet
tricolor, sans le voir
Air : À quoi s’occupe Magdelon
J’entends la voix de mon amant,
Je le vois, ah ! Je respire ;
Me sera-t-il toujours constant ?
Elle le voit.
Mais grand Dieu, quel changement.
totinet
Même air
Mineur
Détournez loin d’ici vos pas
Vous augmentez mon martyre,
Détournez loin d’ici vos pas
Non, ne me regardez pas.
tricolor
Air : Le corbillon
Mon amant à la face noire,
Lui qui jadis avait le teint si beau ;
Eh, qui pourrait jamais le croire,
On va le prendre, hélas ! pour un corbeau,
Dis-moi qui t’a rendu si laid,
Mon joli petit,
Mon petit joli,
Mon joli petit Totinet.
totinet
Air : Viens, Aurore
Je désire,
Je soupire,
Je tremble de m’exprimer,
Et mon âme
Qui s’enflamme
Ose à peine vous aimer.
tricolor
Air : Printemps dans nos bocages
Pourquoi verser des larmes,
Le mal n’est pas si grand.
Il te reste des charmes
Dont mon cœur est content :
Tes beaux yeux.
totinet
Ah ! Dieux,
L’amour n’y brille plus ma chère.
tricolor
Tes autres appas.
totinet
Vous ne les reconnaîtrez pas.
Plus mon cœur est sincère
Plus mon sort est affreux,
J’aimais, je savais plaire,
Que j’allais être heureux !
Air : Comme v’là qu’est fait
Oh Ciel ! J’aperçois ma nourrice
Elle m’aime avec tant d’ardeur,
Que cette cruelle malice
Va la pénétrer jusqu’au cœur.
Scène xiii
La nourrice, Tricolor, Totinet
totinet
suitairprec
Vois la disgrâce qui m’afflige
Ma bonne et combien je suis laid.
la nourrice
Miséricorde, ah, quel prodige !
Mon pauvre petit Totinet,
Comme te v’la fait. bis
Air : Les pendus
Toi qu’à tes parents j’ai remis
Propre, net et blanc comme un lis,
Mon cher poupard je t’en conjure,
Apprends moi par quelle aventure
Je te vois toute la noirceur
D’un huissier et d’un procureur.
Elle le touche.
Air : Vous, qui vous moquez
Mais quoi, ce n’est que du charbon !
tricolor, totinet, ensemble
Nous reprenons courage.
la nourrice
Viens à ce baquet sans façon
Pour laver ton visage,
Et tu deviendras mon garçon
Le plus beau du village.
tricolor
Air : J’aime une ingrate beauté
Vous me rendrez mon amant,
Vous allez tarir mes larmes.
Dieux, je vais en ce moment
Retrouver ses premiers charmes,
Que mon sort est heureux.
totinet
Oui je reviens ma chère,
Toujours plus amoureux.
tricolor
Et toujours sûr de plaire.
totinet
Air : Votre cœur, aimable Aurore
Enfin ta faveur divine,
Tendre amour me rend vainqueur.
Le prix qu’elle me destine
Met le comble à mon bonheur,
Et si j’ai senti l’épine,
C’est pour mieux cueillir la fleur.
la nourrice
Air : Ne v’là-t-il pas que j’aime
Eh bien vos cœurs sont-ils contents ?
tricolor, totinet, ensemble
Oui, je vous le proteste.
la nourrice
Faisons la noce mes enfants,
L’amour fera le reste.
vaudeville
1
tricolor
Pour éprouver notre constance
L’amour change du blanc au noir ;
Amants, ne perdez point l’espoir,
Aimez avec persévérance.
Songez qu’il ne faut qu’un instant
Pour le changer du noir au blanc.
2
totinet
Les transports d’une charbonnière
M’ont fait changer du blanc au noir :
Privé du plaisir de vous voir.
J’allais terminer ma carrière,
Mais un heureux événement
M’a fait changer du noir au blanc.
3
la nourrice
Unis par un doux mariage,
Ne changez point du blanc au noir,
Que chacun fasse son devoir,
Profitez surtout du bel âge,
Pour nous l’amour à tout instant
Ne change pas du noir au blanc.
4
tricolor, au parterre
Messieurs, sifflez-vous un ouvrage ?
L’auteur change du blanc au noir
Et va cacher son désespoir.
Mais s’il obtient votre suffrage,
On voit renaître son talent,
Vous le changez du noir au blanc.
Fin