Zéphire et Fleurette

Auteurs : Favart (Charles-Simon)
Parodie de : Zélindor, roi des Sylphes de Paradis de Moncrif et Rebel/Francoeur
Date: 23 mars 1754
Représentation : 23 mars 1754 Comédie-Italienne - Hôtel de Bourgogne
Source : Théâtre de M. Favart, Paris, Duchesne, 1763, t. II
Remarques :
Composé en 1745.
Charles-Simon Favart

Zéphire et Fleurette


Parodie de Zélindor, en un acte


Théâtre de M. Favart, t.2, Paris, Duchesne, 1763

Acteurs


Zéphire
Fleurette
Papillon
Songes, sous la forme des Plaisirs
Suite de Zéphire
Avertissement
Cette pièce, d’abord en prose et en couplets, fut présentée aux Comédiens Italiens en 1745. Ils se préparaient à la jouer, lorsque des circonstances momentanées les empêchèrent de donner des parodies. Une copie de cet ouvrage tomba dans les mains d’un comédien de province, qui le fit imprimer après avoir ajouté quelques couplets. Les auteurs le revendiquèrent, en retranchèrent les augmentations, la pièce fut refondue, et donnée sous la forme qui suit.

Zéphire et Fleurette


Scène 1

Zéphire, Papillon
zéphire

Air : L’hymen vient remplir mes vœux


C’est dans ces jardins charmants
Que j’attends
Le prix de ma tendresse ;
C’est dans ces jardins charmants
Que j’attends
Mon aimable maîtresse.
C’est une mortelle ;
Ses beaux yeux
Charmeraient tous les dieux.
Je vole près d’elle :
Ah ! loin des cieux,
Si l’on peut être heureux,
C’est dans ces jardins charmants
Où j’attends
Le prix de ma tendresse,
C’est dans ces jardins charmants
Où j’attends
Mon aimable maîtresse.
papillon

Air : Autant en emporte le vent parodie – de Raton et Rosette


Un dieu qui d’une déesse
Devait toujours être épris,
Jusqu’à Fleurette s’abaisse ;
Mais je n’en suis point surpris.
En amour, petit perfide,
Votre cœur ne prend pour guide
Que l’amusement d’un instant :
Autant en emporte le vent.bis
zéphire

Air : Tout roule aujourd’hui dans le monde


Toutes les fois qu’on nous engage,
Peut-on, mon cher, toujours aimer ?
Que risque-t’on d’être volage,
Quand on est fait pour tout charmer ?
Nous rougirions d’être fidèles ;
Quoi ! toujours les mêmes soupirs ?
Zéphire ne porte des ailes
Que pour voler à ses plaisirs.
papillon

Air : J’étais seule en bocage


Vous cachez quelque mystère,
Sous ce voile de gaîté.
Vous rêvez, pourquoi vous taire ?
zéphire
Que mon cœur est agité !
Malgré moi, ce cœur volage,
S’engage !
papillon
Il a grand tort.
zéphire
Tu riras de mon martyre.
papillon
Zéphire,
Je vous plains fort.
zéphire

Air : De s’engager, il n’est que trop facile


Cher Papillon, tu me verras fidèle.
papillon
Quoi ? vous aimez Fleurette pour jamais ?
zéphire
Oui, pour jamais. Je ne puis aimer qu’elle :
Juge par là du prix de ses attraits.
papillon

Air : Le cordon bleu

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Informations sur cet air

En doutant de votre constance,
Je suis certain de votre amour ;
À chaque instant votre présence
Embellit ce riant séjour :
Mille fleurs s’empressent d’éclore,
Dès que Zéphyr pousse un soupir :
Ah ! quel plaisir
Va me saisir !
J’en vais cueillir,
J’en vais choisir.
Le papillon, dans les champs de Flore,
Sent toujours un nouveau désir.
zéphire

Air : Dans les bras de ce que j’aime


Ces beaux lieux, par leur parure
Lui font naître un doux penchant,
Les ruisseaux par leurs murmures,
Les oiseaux par leur doux chant :
Par des fleurs sur la verdure,
Je peins mes feux chaque jour,
C’est ainsi que la Nature
Doit tout son lustre à l’Amour.

Air : Fille gentille


Pour la rendre moins inhumaine,
Toutes les nuits, les Ris, les Jeux,
Forment une amoureuse chaîne
Dont ils nous unissent tous deux.
Fille
Gentille,
Un songe flatteur
Souvent vous réveille,
La puce à l’oreille,
L’amour au cœur.

Air : C’en est trop, si c’est badinage


Oui, par ce galant stratagème,
Son petit cœur est excité.
C’est mon projet, et je crois même
Qu’il fera ma félicité.
papillon
Trop longtemps l’erreur se prolonge,
J’en aurais déjà profité ;
Vous l’amuserez par un songe,
Un autre par la vérité.
zéphire

Air : Comme un coucou que l’amour presse

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Informations sur cet air

Un désir curieux me pique,
D’éprouver l’objet de mes feux ;
De ces fleurs la vertu magique
Va nous dérober à ses yeux.
papillon

Air : La beauté sauvage

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Informations sur cet air

C’est jouer un rôle
Qui n’est pas prudent ;
Cette épreuve est folle.
Soyez plus ardent :
Parlez d’abordbis
Avec audace ;
Vous avez tort,
Et je crains fort,
Dieu des Zéphyrs,
Que l’on ne se lasse
D’avoir des désirs.

Air : Il faut que je file

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Informations sur cet air

Quelqu’un dira, non sans cause,
En vous voyant différer ;
Ce galant nous en impose.
Et que peut-on espérer
D’un amant qui n’ose, n’ose,
Qui n’oserait se montrer.
zéphire

Air : Je ne vous ai vu qu’un seul petit moment


Mon cher Papillon,... Taisons-nous, la voici ;
En bon ami, laisse-nous seuls ici.

Scène ii

Fleurette se croyant seule, Zéphire invisible aux yeux de Fleurette

fleurette

Air : J’ai rêvé toute la nuit

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Informations sur cet air

J’ai rêvé toute la nuit,
Qu’ici l’Amour me conduit,
Zéphire avec moi causait :
Ah ! qu’il m’amusait !
Ah ! qu’il m’en disait !
Faut-il que son entretien
N’ai duré qu’un rien ?

Air : Dans un songe flatteur


Premier Menuet
Dans quelle douce erreur
Se plonge mon tendre cœur !
Dans un songe enchanteur
Si je dois voir mon vainqueur,
Dieu d’Amour,
Fais que je dorme ainsi chaque jour.
Qu’il était vif et léger !
Je le voyais voltiger ;
Mais c’était autour de moi :
Puis-je douter de sa foi ?
Dans ses yeux plein d’ardeur,
Les miens lisaient mon bonheur :
Si ce songe est trompeur,
Il est du moins bien flatteur.
Dieu d’Amour,
Fais que je dorme ainsi chaque jour.
Deuxième Menuet
Interdit et confus,
Il craignait mes refus ;
Ses désirs
N’éclataient que par des soupirs ;
Bientôt frappé
D’un regard échappé
Qui pénétra son âme,
Il s’enhardit ;
Je ne sais tout ce qu’il me dit :
Mais mon cœur se troubla ;
Je sentais déjà
Que j’allais approuver sa flamme,
Quand le coq m’éveilla.

Air : Volez, Zéphyr, volez


Volez, Zéphyr, volez,
Servez mon impatience ;
Par votre longue absence,
Vous la redoublez.
Ah ! qu’il est ce galant,
Lent !bis
Cher enchanteur,
Oui, ton ardeur,
Flatte mon cœur ;
Viensbis
Faire mon bonheur et le tien.

Air : Il y a trente ans


Il n’est qu’une heure au cadran du village,
Mon cher Zéphyr ne viendra pas si tôt.
Je meurs d’ennui seulette en ce bocage ;
Il y a bien loin d’ici jusqu’à tantôt.
Il n’est qu’une heure, etc.

Air : Ce ruisseau qui dans la plaine


Nul objet ne peut me plaire,
Où n’est point mon cher amant :
Le sommeil m’est nécessaire
Pour adoucir mon tourment.
Dormons, dormons,
N’ayant rien de mieux à faire ;
Reposons
Sur ces gazons.

Scène iii

Fleurette endormie, Zéphire

zéphire

Air : Dormez, Roulette

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Informations sur cet air

Dormez, Fleurette,
Reposez tranquillement ;
Tantôt à la réveillette
Vous connaîtrez votre amant.

Air : Ma compagne la plus chérie


Autour de l’objet que j’aime,
Voltigez, Songes charmants :
Peignez-lui l’ardeur extrême
Du plus tendre des amants.
Par un hommage
Doux et flatteur,
Tracez-lui du vrai bonheur
Une image.
Entrée des Songes, sous la forme des Plaisirs.
zéphire

Air : Quand on sait aimer et plaire


Doux sommeil, quelle est ta gloire ?
Tu jouis de sa beauté ;
Dieu flatteur, que ta victoire
Hâte ma félicité.
Sur les yeux de ma maîtresse
Étends un voile enchanteur,
Plonge-la dans ton ivresse ;
Mais laisse veiller son cœur.
Doux sommeil, etc.
On danse à chaque fois que Zéphire reprend le rondeau.
Penchez-vous, jeunes feuillages,
Pour la défendre du jour ;
Oiseaux, cessez vos ramages
Pour laisser parler l’Amour.bis
Doux sommeil, etc.

Air : Je suis un croustilleux chasseur


Pour former cent chiffres divers,
Dérobez les trésors de Flore,
[bis]
Et faites lire dans les airs :
Zéphire vous adore.bis
On danse.
Fleurette paraît s’éveiller, les Songes disparaissent. On voit dans les airs ces mots tracés en lettres de fleurs : \guill Zéphire vous adore. Un berger et une bergère, figurés par des Songes, forment une entrée, qui s’exécute en même temps que Zéphire chante l’air qui suit.
zéphire
airnote
Voyez les jeux
D’un couple heureux :
D’un pas léger,
Ce beau Berger,
Suit la jeune beauté,
Dont il est enchanté.
Ainsi mon cœur vole après vous.
Leurs yeux se répondent,
Leurs vœux se confondent :
Un sort si doux
Ne dépend que de vous.
Ils approchent leurs pas,
Leur penchant les entraîne ;
Ils se tendent les bras
Pour former une chaîne.
Prenons-les pour modèle,
Méritons leurs plaisirs ;
Une chaîne si belle
Doit combler nos désirs.
fleurette, encore endormie, croyant parler aux amants qu’elle vient de voir en songe

Air : Ah ! j’ai tout vu


Qu’ils sont charmants
Ces fortunés amants !
Jouissez des moments...
Elle s’éveille.
Mais en ces lieux,
Rien ne s’offre à mes yeux :
Que sont-ils devenus ?
Ne les verrais-je plus ?

Air : Pour voir un peu comment ça f’ra


Que ces objets flattaient mes sens !
À regret je vois la lumière ;
J’implore tes charmes puissants,
Sommeil, referme ma paupière :
Dormons encor sur ce ton-là,
Pour voir un peu comment ça f’ra.
Elle se rendort.
zéphire, aux genoux de Fleurette

Air : À sa voisine


Qu’elle partage mes soupirs !
Amour, je te réclame !
Je ne puis vaincre mes désirs.
Qu’un baiser plein de flamme
Porte mes feux et mes plaisirs
Jusqu’en son âme.
fleurette, se réveille en sursaut et croyant embrasser Zéphire. Elle ne le voit plus

Air : Étant amoureuse


Ah ! mon cher... douceur trompeuse !
Vaine image trop flatteuse !
Je croyais voir mon amant,
Étant amoureuse,
Baiser ma main doucement,
Et tant amoureusement !
Elle aperçoit les lettres de fleurs suspendues dans les airs par des Zéphyrs.

Air : Je ne sais pas écrire


Ciel ! croirai-je ce que je vois ?
Zéphire a-t-il tracé pour moi
Ce que je viens de lire ?
S’il est épris de mes appas,
Pourquoi ne me le dit-il pas,
Plutôt que de l’écrire ?

Air : Sous un ormeau


En sommeillant,
L’Amour m’offrait un sort brillant,
Aurai-je, en veillant,
Le bonheur dont j’ai joui ?
zéphire
Oui.
fleurette
Je n’entends qu’une voix,
Je ne vois
Rien ici.
zéphire
Me voici.
fleurette
C’est assez,
Paraissez !
À quoi bon ce jeu-là ?
zéphire
Me voilà.
fleurette
Ah ! finissons.
N’entendrai-je rien que des sons ?
zéphire
Mais...
fleurette
Que de façons !
Mon cher amant, parais donc !
zéphire
Non.
fleurette

Air : Lorsque l’on file le plaisir, vaudeville – de Fanfale


À ne vouloir jamais paraître,
Quel motif peut vous engager ?
Dites-moi donc quel est votre être.
N’êtes-vous qu’un souffle léger ?
zéphire
Ce délai n’est pas inutile,
Il faut aller tout doucement,
Lorsque l’on file,
Lorsque l’on file un dénouement.
fleurette

Air : Gai, gai, quel bon père j’ai


Voyez l’amoureux que j’ai,
Qui ne veux point se montrer aux filles !
Voyez quel amoureux j’ai !
Ah ! mon pauvre cœur, où t’es-tu logé ?
zéphire

Air : De tous les capucins du monde

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Informations sur cet air

Pour bannir votre inquiétude,
Ma chère enfant, que votre étude
Soit d’imaginer des plaisirs.
fleurette
Je n’aime point qu’on me badine,
Goûte-t-on, selon ses désirs,
Tous les plaisirs qu’on imagine ?

Air : Où êtes-vous, Birène, mon ami

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Informations sur cet air

Ne pouvez-vous autrement exister
Qu’en fatiguant vainement mon oreille ?
Si vous cherchez à m’impatienter,
Vous y savez réussir à merveille.
zéphire

Air : On ne peut, quoi que l’on fasse

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Informations sur cet air

Souveraine de mon âme,
Je veux toujours porter vos fers ;
Mais il faut mériter la flamme
D’un dieu qui règne dans les airs.
fleurette

Air : La moitié du chemin


D’un lieu trop haut, mon aimable Zéphire,
Pour mon malheur, vous êtes souverain.

Tenez, vous me croirez si vous voulez, mais ce que je vais vous dire est très certain.


Dans l’ardeur qui m’inspire,
Si vous étiez de ces lieux plus voisins,
Je ferais de bon cœur la moitié du chemin.
zéphire

Air : Un mouvement de curiosité


Si je parais, à l’instant ma présence,
Comme une fleur, détruira ta beauté.
fleurette
Que dites-vous ?
zéphire
Juste Ciel ! elle balance !
Répondez-moi.
fleurette
Mais, Zéphire, en vérité,
Cela vaut bien la peine qu’on y pense.
M’aimerez-vous, si je perds ma beauté ?
zéphire

Air : Eh ! qu’est-c’que ça m’fait à moi


À d’autres yeux désormais,
Tu cesserais d’être belle.
fleurette
Perdre ainsi tous mes attraits,
C’est une loi bien cruelle.
Mais qu’est-c’que ça m’fait à moi,
Si votre cœur m’est fidèle ?
Mais qu’est-c’que ça m’fait à moi,
Dès que j’aurai votre foi ?
zéphire

Air : Me voilà, me voilà


Non, rien ne changera mon goût.
fleurette
Si vous êtes sincère,
Paraissez, je consens à tout.
zéphire
Il faut vous satisfaire.
Je vais, ma petite maman,
Terminer enfin le roman,
Vous m’en pressez.
fleurette
Oui, paraissez.
Oui.
zéphire
Me voilà, me voilà.
fleurette
Ah !

Air : Ah ! qu’il est beau ! qu’il est charmant


Qu’il est gentil ! qu’il est charmant !
Que je vais chérir cet amant !

Air : Un jour, dans un vert bocage


Mais un doute me tourmente :
Cet aspect qui m’est si cher,
Cette figure charmante
N’est peut-être que de l’air ;
Si l’image est trompeuse...
Sachons enfin...
Donnez la main.
Ah ! que je suis heureuse !
zéphire

Air : Ah ! qu’il est drôle, ah ! qu’il est beau


La beauté, cette tendre fleur,
Ne vous paraît qu’un bien frivole ;
Vous y renoncez sans douleur.
fleurette
Qu’avec plaisir je vous l’immole !
Qu’elle s’envole,
Je m’en console,
J’ai votre cœur.
zéphire

Air : C’est un enfant

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Informations sur cet air

Il faut que je te désabuse ;
Tes attraits
Sont encor parfaits.
Ce que j’ai dit n’est qu’une ruse :
Ton erreur
A fait mon bonheur.
fleurette
Quoi ?
zéphire
Tout ce mystère
M’était nécessaire
Pour t’éprouver, ma chère enfant.
fleurette
Ah ! le méchant !bis
Duo

Air : La Tempé, Contredanse – de Monsieur d’Auvergne


Viens, dieu de nos cœurs,
Que ta chaîne
Au plaisir nous mène.
Viens, dieu de nos cœurs,
Que ta chaîne
Soit de fleurs.
zéphire, seul
Que votre gloire est parfaite !
Vous seule en devez jouir :
Il n’appartient qu’à Fleurette
De pouvoir fixer Zéphyr.
ensemble, ensemble
Viens, dieu de nos cœurs, etc.
zéphire
À tous les instants
Renaîtront nos ardeurs fidèles :
Ainsi qu’au printemps
Renaissent les fleurs dans nos champs.
fleurette
Cher Zéphire, à d’autres belles,
Ne portez point vos appas ;
N’employez jamais vos ailes
Que pour voler sur mes pas.
ensemble, ensemble
À tous les instants, etc.
Viens, dieu de nos cœurs, etc.
zéphire

Air : Fleurettes


Ici, que tout exprime
Les plus tendres désirs ;
Ici que tout s’anime
Au feu des mes soupirs.
Dans cette aimable retraite,
Plaisirs, volez sur nos pas ;
Rendez hommage aux appâts
De ma Fleurette.
divertissement
vaudeville
1
C’est dans ce champêtre séjour
Que les feux sont durables ;
Les cœurs y sont du dieu d’Amour
Les temples véritables.
La ville aujourd’hui ne produit
Que quelques amourettes,
Qu’un jour fait éclore et détruit
Comme les fleurettes.
2
L’Amour délicat est toujours
Fidèle à la nature ;
Dans le maintien, dans les atous,
Trop d’art lui fait injure.
Des parterres les plus brillants
Souvent il fait retraite,
Pour aller cueillir dans les champs,
La simple fleurette.
3
Par un jargon vif et galant,
Nos amants nous abusent ;
D’amuser ils ont le talent,
Mais toujours ils s’amusent.
Ce sont d’agréables trompeurs
Au métier d’amourette,
Qui savent, pour cueillir des fleurs,
Semer la fleurette.
4
Du petit-maître sémillant,
Redoutez la tendresse ;
Plus il paraît vif et brillant,
Plus sa flamme est traîtresse.
Belles, ne vous y fiez pas,
Ce papillon vous guette,
Pour flétrir vos jeunes appas,
Comme une fleurette.
5
Dans l’amarante et dans le lys,
Je vois trop d’étalage ;
Des œillets d’Inde et des soucis
Je ne puis faire usage.
La tubéreuse a trop d’odeur ;
La pensée est discrète ;
Et rien ne flatte plus mon cœur
Que cette fleurette.
6
Vous vous perdez, maris coquets,
Par vos ardeurs follettes ;
Ne vous déferez-vous jamais
De l’erreur où vous êtes ?
Vous laissez dans votre jardin
Périr des fleurs parfaites,
Pour cueillir chez votre voisin
De minces fleurettes.
7
Si vous nous avez accordé,
Messieurs, votre suffrage,
Notre orgueil serait-il fondé
D’en tirer davantage ?
Non, non, ce serait nous flatter
D’une gloire indiscrète ;
Ce qu’on vient de vous présenter,
N’est qu’une fleurette.
8
Souvent à des morceaux pompeux
La fortune est cruelle ;
Quelquefois, on est plus heureux
Dans une bagatelle.
Le vent qui brise les cyprès,
Et par terre les jette,
Ménage les faibles attraits
De l’humble fleurette.
Fin

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