Antoine-François Riccoboni et Jean-Antoine Romagnesi
Castor et Pollux
Parodie
Représentée pour la première fois par les Comédiens Italiens ordinaires du Roi
le 14 décembre 1737
Paris, Delormel, 1737
Acteurs
Télaïre : Mademoiselle Silvia
Pollux : Monsieur Riccoboni
Jupiter : Monsieur Romagnesi
Phébé : Mademoiselle Bellemont
Castor : Monsieur Thomassin
Démons, chantants
Peuples, chantants
Peuples, dansants
Plaisirs, soit-disant célestes
Ombres, autrement dit Pierrot
Planètes et Signes du Zodiaque
Castor et Pollux
\scene[Le théâtre représente le tombeau de Castor.] Chœur
en deuil
Air : C’est le Grand Duc de Guise
Autour de ce Tombeau,bis
Il faut que tout s’unisse.
Lira lonfa lantourelaribo.
Et puis que tout gémisse,
Autour de ce Tombeau.bis
Scène i
Télaïre, Phébé
Phébé
Air : Voilà, dans l’autre monde
Où courrez-vous Princesse ?
Apaisez vos douleurs.
Télaïre
Dans ce jour de tristesse
Laissez couler mes pleurs,
En puis-je trop verser, Castor est mort,
Celui qui l’a tué, m’a fait grand tort.
Air : Vous comptez avec peine
Pour comble de disgrâce,
Son vainqueur inhumain
Hérite de sa place,
Et demande ma main.
Phébé
Air : Je sais qu’il en fera grand bruit
Mais Pollux pour vous secourir
Vengera la mort de son Frère ;
Comme il ne saurait mourir
Il tuera son adversaire,
Et voilà le bonbis
Voilà le bon de l’affaire.
Télaïre
Air : De tous les capucins du monde
Dans le choix qu’amour nous fit faire,
Castor eut le don de me plaire,
Il est mort, oh destin cruel !
Votre tendresse est bien plus sage ;
Vous avez choisi l’immortel,
Afin qu’il durât davantage.
Phébé
Air : On n’aime plus dans nos forêts
La gloire seule peut charmer
Ce Héros qui me la préfère,
Pourquoi le Dieu qui fait aimer
N’est-il pas le Dieu qui fait plaire ?
Télaïre
Réfléchissez plus mûrement,
Car c’est le même assurément.
Air : Si vous voulez que je vous baise
Au nom d’une amitié fidèle,
Laissez-moi toute à ma douleur,
Un tendre intérêt vous appelle
Aux lieux où combat le vainqueur.
Phébé
Air : Oh, vraiment, je m’y connais bien
Vraiment je vous trouve charmante !
Oh, la bataille m’épouvante,
J’attraperais en cet endroit
Peut-être un coup de maladroit.
Scène ii
Télaïre seule
Télaïre
Air : Triste apprêts
Tristes apprêts, pâles flambeaux,
Jour plus affreux que les ténèbres,
Astres lugubres des tombeaux,
Que ces grands mots me semblent beaux !
Air : Ô, Soleil
Ô, Soleil qui fait ta route,
Sans penser à mon amour,
Castor n’y voyant plus goutte
Je ne veux plus voir le jour.
Scène iii
Télaïre, Pollux, Suite
Télaïre
Air : Allons donc, jouez violons
Mais quels cris de réjouissance,
Et qui peut prendre la licence
De troubler mon affliction ?
C’est lui, c’est Pollux qui s’avance,
Il vient de remplir sa vengeance ;
Il faut ici du carillon
Et allons donc, jouez violons.
L’orchestre achève l’air qui sert de marche à la suite de Pollux.
definitacteur, Chœur de Peuples chœurdepeuples
chœurdepeuples
Air : Quand on a prononcé ce malheureux oui
Au bruit que nous faisons, que l’Enfer applaudisse,
Qu’au fond de ce tombeau, l’Ombre se réjouisse,
Le cri de la vengeance, est le chant de l’Enfer.
Et nos chants font des cris dignes de Lucifer.\footnote On ne parle pas de la Musique, mais de la façon dont elle est exécutée.
pollux
Air : Diablezot
Vos larmes ont assez coulé,
Les Mânes de Castor attendent
Du sang... Mais non, j’ai mal parlé.
Ce n’est plus du sang qu’ils demandent,
Puisque Lincé est immolé.
L’Ombre du reste vous dispense ;
Car venir autour d’un tombeau
Gambader une contredanse
Diablezot.
Scène iv
Pollux, Télaïre
pollux
Air : Pour passer doucement la vie
Recevez aimable Princesse,
La dépouille d’un Ennemi.
Télaïre
Hélas ! votre main vengeresse
Ne me console qu’à demi.
pollux
Air : Un cordelier
Après la mort de mon malheureux frère,
Si je puis mieux faire,
Pour vous consoler,
Vous n’avez qu’à parler ;
Et si l’amour fait la moitié de l’homme,
Vous allez voir comme
Votre ami Castor
N’est pas tout-à-fait mort.
Télaïre
Air : Allons la voir à Saint-Cloud
Seigneur, je n’y comprends rien.
pollux
C’est que le tour est sublime.
Son feu devenu le mien,
Fait que son ardeur m’anime,
Or comme je suis immortel
Mon amour doit être aussi tel :
Et pour finir l’emblème
Apprenez que je vous aime.
Télaïre
Air : Ah ! fripon, que faites-vous là
À présent j’entends bien cela,
Ah ! Seigneur, que faites-vous là ?
pollux
Un arrangement d’Opéra.
Télaïre
Castor à peine expire,
Ah ! Seigneur, qu’est-ce qu’il dira ?
pollux
Il n’a plus rien à dire.
Télaïre
Air : Birenne
Ne parlons point ici de votre amour,
À d’autres soins je veux guider votre âme ;
C’est Jupiter qui vous donna le jour,
Il peut le rendre à l’objet de ma flamme.
pollux
Air : Oh, oh, oh, oh
Pour vous faire ce cadeau,
Oh, oh,
Serais-je bien assez dupe ?
Quand mon frère est au tombeau,
Oh, oh,
Faut-il que je m’en occupe ?
Télaïre
Mais le beau,
Serait de ranimer sa cendre,
De vous vaincre et de me le rendre.
pollux, rêvant
Oui, le trait sera nouveau.
Télaïre
Oh, oh, oh, oh,
Il donne dans le panneau.
Scène v
Pollux seul
pollux
Air : Le mariage est-il bon
Ce que je fais est-il bon ?
Oui, non,
C’est selon.
Si par tendresse pour mon Frère,
J’avais pour lui prié mon Père,
Avant que l’on m’en eut pressé,
J’aurais fort bien pensé ;bis
Mais pour servir une Maîtresse,
Qui ne peut souffrir ma tendresse,
Rendre le jour à mon Rival,
C’est raisonner fort mal.bis
Air : De la mettre en comparaison
Mais je m’amuse à raisonner,
Quand je dois tenir ma parole,
L’Amant à beau se chagriner
Il faut que le frère s’immole.
Allons donc trouver Jupiter
Mais, à propos il loge en l’air,
Comment paraître en sa présence ?
S’il veut entendre ma chanson,
Il faut qu’il ait la complaisance
D’apporter ici sa maison.
Scène 6
Jupiter, Pollux
pollux
Air : Margot, la ravaudeuse
Exauce ma prière,
Puissant maître des Cieux,
Arrache mon cher Frère
D’un séjour ennuyeux,
Tu ne saurais mieux faire,
C’est un petit garçon
Doux comme un mouton.
jupiter
Air : Par bonheur ou par malheur
Je voudrais, n’en doute pas,
Tirer Castor d’embarras ;
Mais le Destin n’est point tendre,
Et son Arrêt me défend,
D’aller aux Enfers reprendre
Ce que le Diable me prend.
pollux
Air : Quoi, tu seras toute ta vie
Et pourquoi cet ordre sévère ?
Puisqu’aux Enfers Alcide est descendu,
À mon tour je prétends le faire,
À tous vos Fils le même honneur est dû :
Eh quoi ! Léda ne vous est donc point chère
Comme Alcmène sa mère ?
jupiter
Mon fils a raison,
J’admire ce trait profond
D’érudition.
pollux
Air : Eh, laissez-les qu’ils viennent
J’irai dans ma colère,
Forcer les sombres bords,
J’enchaînerai Cerbère,
Je ferai peur aux morts,
Et pour percer jusqu’au fond de l’Averne,
Je veux que tes éclairs me servent de Lanterne.
jupiter
Air : Allez en France
Je ne saurais plus te cacher,
Qu’aux Enfers si tu vas chercher
L’ombre d’un frère misérable,
Il est arrêté qu’aujourd’hui
Là-bas tu resteras pour lui.
pollux
Voilà le Diable.
Air : Belle brune
Télaïre, Télaïre,
Quoi ! Je ne te verrai plus ?
jupiter
Qu’est-ce donc que tu veux dire ?
pollux
Télaïre, Télaïre.
Air : En vérité, vous avez bien de la bonté
Je soupire pour ses appas.
jupiter
Épouse cette belle.
pollux
Non, l’Ingrate ne répond pas
À mon ardeur fidèle,
C’est ce qui fait qu’à la clarté
Je veux rendre un Amant qu’elle aime.
jupiter
Quel Nicodème !
Mon Fils, en vérité
Vous avez bien de la bonté.
pollux
Air : Sans l’objet de mon ardeur
Sans l’objet de mon ardeur,
Qu’ai-je affaire de vivre ?
jupiter
Je vais calmer la douleur
Où cet amour te livre,
J’ai dans les Cieux un essaim,
De sémillantes Filles,
Dont le cœur est très humain,
Et qui sont fort gentilles.
Air : C’est le curé de Nole
Elles pourront te plaire.
pollux
Est-ce là votre affaire ?
jupiter
Je veux soulager ton tourment
Par ce beau Divertissement.
pollux
Vous vous y prenez, mon Père,
Un peu trop gaillardement.
jupiter
Air : Il n’est plus d’amant si fidèle
Vous qui brillez dans mon Empire,
Accourrez tous, Enfants des Cieux,
Pour triompher de son martyre,
Venez plaisirs, vous qui faites les Dieux,
Ou bien plutôt, fûtes faits pour eux,
Soulager un cœur qui soupire.
Scène vii
Jupiter, Pollux, Plaisirs soit disant célestes
Un Plaisir
La saine Philosophie
Que l’on suit en ce séjour,
Est de consacrer sa vie
Aux délices de l’Amour ;
Il n’est rien ici qui n’aime,
Venez, voyez et goûtez,
Suivez le nouveau système,
Des célestes voluptés.
pollux
Air : Ton humeur est, Catherine
Des plaisirs qu’au Ciel on goûte,
Je pensais différemment ;
Mais suivant ce que j’écoute,
Tout s’y fait vulgairement ;
Des chants dont on me régale,
Les traits ne sont pas nouveaux,
Et j’entends cette morale
Tous les jours dans les Hameaux.
On danse.
pollux
Air : Nanette, dormez-vous
Je renonce à vos fers,bis
Vos pas trop agaçants, vos trop savants concerts
Ne me dégoutent pas des charmes des Enfers.
Il sort.
Scène 8
Phébé, Troupe de Spartiates
Phébé
Air : Je ne veux plus sortir de mon caveau
Emparez-vous des portes des Enfers,
Pour empêcher votre Roi d’y descendre ;
chœur
Emparons-nous des portes des Enfers.
Phébé
Air : J’admire d’un poltron la gloire
Il est mal aisé de comprendre
Qu’ici le Peuple ait pu se rendre,
Et que de pair à compagnon
Sa voix ose se faire entendre,
Vis-à-vis un Peuple Démon,
Qui devait le réduire en cendre.
chœur
Emparons-nous des portes des enfers, etc.
Scène ix
Pollux, Phébé
Phébé
Air : Monsieur l’abbé, où allez-vous
Mon cher Pollux où courez-vous ?
De l’Enfer craignez le courroux.
pollux
Je vais chercher la gloire,
Phébé
Hé bien,
pollux
Qui rime à la Victoire,
Vous m’entendez bien.
Phébé
Air : Elles pourront te plaire
Voyez ce Peuple en désarroi,
Voyez l’Amante qui vous aime.
pollux
Mon Frère est tout ce que je voi.
Phébé
Votre politesse est extrême.
Air : De la Savoie viennent les beaux esprits
Quittez un projet si mince,
N’allez point au sombre bord ;
Et quoi ! Vous voulez, cher Prince,
Prendre la place d’un mort.
pollux
Quoi, de ma chance,
Qui vous a donné
La connaissance ?
Phébé
Je l’ai deviné.
Scène x
Télaïre, Phébé, Pollux
Phébé
Air : Dirai-je mon confiteor
Princesse unissons nos efforts :
Empêchez le Héros que j’aime
De se livrer à ses transports.
Mais, quelle est mon erreur extrême !
Elle voudrait le voir perdu
Et que l’autre fut revenu.
Télaïre
Air : Réveillez-vous, belle endormie
Le Ciel en sa faveur s’explique,
Et mon cher père ce matin,
Dans une lanterne magique,
M’a fait voir l’Arrêt du Destin.
Air : Menuet de Monsieur Guignon
J’ai vu premièrement
Le soleil reculer promptement,
J’ai vu la nuit au même moment,
Et des Enfers le déchaînement
Se présenter effroyablement.
pollux
Cela commence agréablement.
Télaïre
Aussitôt les éclairs
S’allument dans les airs,
Le Tonnerre s’enflamme,
Du nuage brisé
Il tombe, et quelqu’un est écrasé.
pollux
Quoi ! Madame,
Cela promet du bonheur ?
Sur mon âme
J’ai grand peur.
Télaïre
Ne vous embarrassez de rien,
Moi je vous soutiens
Que tout ira bien.
Air : La mirtanplan
J’ai vu des Dieux tous nouveaux,
J’en suis bien contente,
Sortant des lieux infernaux
Monter aux Cieux, les beaux petits Jumeaux !
J’en suis bien contente.bis
pollux
Air : Oh reguingué
Pourvu que vous n’en mourriez pas,
Et que mon Frère entre vos bras
Se trouve au sortir du trépas,
C’est tout ce que mon cœur désire,
Quoique j’adore Télaïre.
Phébé
Air : Quand nous fûmes au pont qui tremble
Quoi ! Télaïre est ma Rivale.
pollux
Il est trop vrai,
Nous faisons d’une ardeur fatale
Tous deux l’essai ;
Mais pour adoucir en ce jour
Notre disgrâce,
Il faut nous plaindre de l’Amour,
La chose est en sa place.
tous trois, ensemble
Air : La Béquille
Arrangeons-un Discours,
Où l’éloquence brille,
Télaïre
Chantons-y, nos amours.
pollux et phébé, ensemble
Pleurons-y, nos amours
D’une façon gentille
Que notre voix sautille
Du haut jusqu’en bas,
Et que l’on s’égosille
En étendant les bras.
Télaïre
Air : Jeanneton, l’amour lui-même
Le charmant Héros que j’aime
De moi va se rapprocher,
Dieux que ma joie est extrême !
pollux
Je meurs pour l’aller chercher.
Songez, Princesse,
Qu’il faut du moins me cacher,
Votre allégresse.
Air : Voleurs insolents
Le jour pâlit d’effroi,
Tout l’Enfer contre moi
Se mutine et s’élance,
C’est l’endroit important,
Tous les jours on l’attend,
Avec impatience.
Phébé
Air : Menuet de Monsieur Guignon
Sortez, sortez de vos prisons.
pollux, télaïre, ensemble
Rentrez, rentrez dans vos prisons,
Phébé
Combattez.
pollux et télaïre, ensemble
Arrêtez furieux Démons.
phébé, pollux et télaïre, ensemble
Phébé
Fermez-lui le passage.
pollux
Livrez-moi le passage.
Télaïre
Livrez-lui le passage.
tous trois, ensemble
Du Fils du Maître des Dieux,
Phébé
Redoutez les bras glorieux.
pollux et télaïre, ensemble
Respectez le bras glorieux.
phébé, pollux et télaïre, ensemble
Phébé
Ranimez votre rage.
pollux
Ranimez votre rage.
Télaïre
Renguainez votre rage.
chœur, qui se mêle à la reprise du Trio
Combattons comme des Démons,
Fermons-lui le passage,
Du Fils du Maître des Dieux.
Redoutons le bras glorieux,
Ranimons notre rage.
Les démons dansent pour tâcher d’effrayer Pollux.
chœur
Air : Mettons-nous tretous en danse
Faisons un grand tintamarre,
Et mettons le feu dans l’air,
Que la Guerre se déclare
Entre le Ciel et l’Enfer ;
Palsambleu Jupiter même,
À notre pouvoir suprême,
Doit morguenne être soumis :
Quoi donc ! ce Dieu téméraire,
Veut-il détrôner son Frère ?
Pour son enragé de fils.
Pollux combat les démons et les chasse.
Scène xi
Phébé [seule]
Phébé
Air : Ô, Ciel ! tout cède à sa valeur
Ah Ciel ! tout cède à sa valeur,
Il descend au Ténare ;
Oui, la douleur,
Le désespoir, la noirceur,
Le désordre, la fureur
Avec horreur,
De mon âme s’empare.
Je saurais, Barbare,
Courant au trépas,
Suivre tes pas ;
L’Enfer qui nous sépare,
Porte dans mon cœur,
Son feu vengeur,
Car la douleur, etc.
Scène 12
[Castor, Ombres]
castor
Air : Ah ! Que le Faubourg Saint-Jacques
Je crois que dans l’autre monde,
On a bien parlé de moi ;
L’on m’approuve et l’on me fronde,
Suivant la commune loi,
Me voici donc sur la scène
En dépit des mécontents ;
Voyons si c’était la peine
Qu’on m’attendit si longtemps.
Air : Dans le fleuve d’oubli
Ma flamme renaissante
Me tient fort en souci, i, i, i,
Je songe à mon amante,
Quoique je sois ici, i, i, i,
N’ai-je pas trop de mémoire ?
Dans le fleuve d’oubli,
Biribi,
J’ai du boire.bis
On danse.
Une Ombre
Air : Virez de bord
Dans cet asile
On s’imaginerait,
Que du Destin le plus tranquille,
Une Ombre jouirait ;
Mais des Poètes
Le bizarre transport,
Veut que nos âmes inquiètes,
Aiment après la mort,
Ils ont grand tort.
On danse.
Une Ombre
Autant d’amours que de fleurs,
Autant d’amants que de Belles,
Des Amants toujours vainqueurs,
Des Belles toujours fidèles,
Et des fleurs toujours nouvelles ;
castor
Ah ! que de vieilles fadeurs !
Scène xiii
Pollux, Castor, Ombres
On entend une symphonie qui annonce Pollux, les ombres veulent s’enfuir, Pollux leur dit
pollux
Air : Quand je suis dans mon corps de garde
Ne fuyez pas ombres légères,
Je ne puis vous faire aucun mal,
Je viens ici pour mes affaires,
Et non pas pour troubler le Bal.
Air : Ah ! Pierre, ah ! Pierre
Du sort toujours sévère
J’ai fléchi le courroux,
N’est-ce point vous mon frère,
castor
Oh ! mon Frère, est-ce vous ?
pollux
Mon Frère !
castor
Mon Frère !
tous deux, ensemble
Oui, mon Frère, c’est nous.
pollux
Air : Oh oh, ah ah
Je te rends la lumière.
Lincée est trépassé,
Et le destin prospère
Dans le Ciel t’a placé.
castor
Oh oh, ah ah,
Et pourquoi donc, comment cela ?
pollux
Air : Mais quand elle est dans la rivière
Tu sauras tout.
castor
Verrai-je Télaïre ?
pollux
Oui, pour toi seul cette beauté respire ;
Mais
Pour elle un autre soupire.
castor
Ne finiront-ils jamais ?
Air : Tique tique taque
Hâtez-vous de me nommer,bis
Le Coquin qui l’ose aimer,bis
Mon glaive de Catalogne
Tique tique taque, et lon lan la,
Fera de belle besogne
Sur ce téméraire-là.
pollux
Air : Quand le péril est agréable
Ce trait dans votre état funeste,
De bon sens est destitué ;
Quand une fois on est tué,
Il faut être modeste.
Air : La jeune Isabelle
Mais c’est moi qui l’aime,
Banni la frayeur ;
Ton Rival lui-même,
Fera ton bonheur,
Mon crime s’efface,
Part en liberté,
Je reste à ta place.
castor
Quelle charité !
Air : Madelon s’en va à Rome
Je ne puis sitôt me rendre
À l’offre d’un pareil don,
Au moins dois-je m’en défendre,
Et faire un peu de façon,
Et non, non, non,
Votre cœur est tendre,
Et non, non, non,
Vous vous moquez, fi donc.
pollux
Air : Aïe, aïe, aïe, Jeannette
Va, Télaïre t’attend.
castor
Que venez-vous de me dire,
Par l’endroit faible il me prend,
Ma chétive ombre soupire,
Hai, hai, hai,
D’amoureux martyre,
Hai, hai, hai, hai, hai.
pollux
Air : Branle de Metz
Fais ce que je te propose,
Et laisse-moi dans ces lieux ;
À voir la clarté des Cieux
Que ton Ombre se dispose.
castor
Il a raison par ma foi,
Oui, c’est bien la moindre chose,
Quand tu viens mourir pour moi
Que j’aille vivre pour toi.
Air : Je ne vous ai vu
Je ne veux la voir qu’un seul petit moment
Et je reviens en ces lieux promptement.
Air : Je ne suis pas si diable [que je suis noir]
Par le Styx à ta place
Je jure que demain...
Mais c’est bien de l’audace
Pour un Dieu si mesquin,
D’un ton moins téméraire,
Je pourrai tout au moins
Jurer par la Rivière
Des Gobelins.
On danse.
Scène 14
Télaïre, Castor
Télaïre
Air : Les Triolets
Posséder un Époux charmant,
Toujours vivant, toujours fidèle :
Après un si cruel tourment,
Posséder un Époux charmant,
Pour éviter le changement,
Que faudrait-il à chaque belle ?
Posséder un Époux charmant,
Toujours vivant, toujours fidèle.
castor
Air : Le beau berger Tircis
Hélas !
Télaïre
Quoi ! vous pleurez ?
castor
Hé ! vraiment oui, je pleure,
Mais Télaïre, vivez.
Télaïre
Pourquoi veux-tu que je meure ?
castor
C’est que dans un quart-d’heure,
Je retourne où vous savez.
Télaïre
Air : Que j’estime mon cher voisin
Ciel ! à peine vous revenez,
À peine je respire,
Castor, et vous m’abandonnez.
castor
Mon passeport expire.
Air : Le démon malicieux et fin
Mes serments m’appellent chez les morts,
Vous feriez d’inutiles efforts,
Sur le champ je vais trouver mon Frère,
Que cet instant à d’horreur et d’appas !
Télaïre
Cher Castor je ne vous entends guère
Mais je vois bien que vous ne m’aimez pas.
Scène xv
Castor, Télaïre, le chœur
chœur
Air : Et puis, quand ils sont revenus
Vivez, vivez heureux Époux,bis
castor
Allez, Coquins, retirez vous !bis
Vous faisiez tantôt pour mon Frère
Ce que pour moi vous voulez faire.
Le chœur se retire.
Télaïre
Air : Hélas, quand j’ai fait la chose
Quoi ! Cette Fête charmante
Ne peut attendrir ?
castor
Mon Frère s’impatiente,
Je prétends mourir,
Recevez-le en mariage,
Pleurez moi tous deux,
Et vous ferez un ménage,
Tout à fait joyeux.
Télaïre
Tu ne m’as point aimée,
castor
Mon âme est alarmée,
Je crains les Dieux vengeurs
Plus que vos pleurs.
Qu’est ceci, j’entends le tonnerre !
Télaïre
Hélas ! c’est moi qui t’ai perdu.
castor
Je sens trembler le terre,
Ah ! j’ai trop attendu.
Air : Vinaigre
Ciel ! quel effroyable fracas !
tous deux, ensemble
Arrête, Dieu vengeur, arrête.
castor
La foudre gronde sur ma tête,
L’Enfer est ouvert sous mes pas,
On va me traiter comme un Nègre,
Mais quel malheur,
Mon petit cœur
Se meurt
De peur
Du vinaigre.bis
On entend une symphonie douce.
Air : Monsieur de la Palisse
Ma Belle, rassurez-vous,
Le Ciel à nos maux sensibles,
Ne peut plus tonner sur nous,
Car tout l’Orchestre est paisible.
Scène xvi
Jupiter, Castor, Télaïre
jupiter
Air : Sommes-nous pas trop heureux
Oyez attentivement,
Là-haut nous venons de faire
Pour vous et pour votre Frère
Un bon accommodement,
Tous deux le sort vous engage
D’être alternativement
Six mois aux sombres rivages
Et six mois au firmament.
Télaïre
Air : À sa voisine
Être veuve pendant six mois,
Fatale destinée !
Il est vrai que j’en aperçois,
Qui dès cette journée
Voudraient être veuves, je crois,
Toute l’année.
jupiter
Air : Grin grin
Astres qui tournez sans fin
Que l’on degringringringrin,
Malgré l’ordre du destin,
Qui là-haut vous colle,
Que l’on degringringringrin,
Que l’on dégringole.
Les planètes descendent du ciel et dansent avec les signes du zodiaque.
\vaudeville\vaudeville\footnote blabla
Fin