Louis Fuzelier
Arlequin Persée
Comédie
Représentée pour la première fois par les Comédiens Italiens ordinaires du Roi
le vendredi 8 décembre 1722
Les Parodies du nouveau Théâtre-Italien, Briasson, 1738
Acteurs
Persée, Arlequin
Andromède
Mérope
Phinée
Mercure
Cassiope
Méduse
Les deux Gorgones
La Poissonnière
Le Triton
Cyclopes
Nymphes Guerrières
Divinités Infernales
Tritons
Amphimédor
Corite
Proténor
Un Pêcheur
Poissonnières
Pêcheurs
La scène est en Éthiopie.
Arlequin Persée
Acte i
Le théâtre représente au fond le temple de Junon, et sur les ailes une place publique dans un goût burlesque, avec des crocheteurs, des maçons, vendeuses de pommes, de châtaignes, et autre populace.
Scène i
cassiope, mérope
cassiope, regardant derrière elle d’un air inquiet
Air : Belle brune, belle brune
Quoi Céphée...bis
Ne vient-il pas avec nous ?
mérope
Vous voilà bien échauffée !
cassiope
Quoi Céphée...bis
mérope
Eh ! Ma chère sœur Cassiope, que diantre voulez-vous faire de votre vieux mari Céphée ? C’est bien le plus inutile personnage qu’on puisse produire en compagnie ; je vous assure qu’il jouerait ici avec nous un rôle fort peu nécessaire.
cassiope
Air : La Serrure
Heureuse épouse, heureuse mère,
J’en faisais partout vanité.
mérope
Bien m’en prend de n’être pas fière,
Les Dieux punissent la fierté\footnote Vers de Persée..
Mais ma sœur, vous êtes une étrange femme, au moins : vous vous vantez d’être heureuse épouse et heureuse mère ; pour heureuse épouse, je vous en défie, le bonhomme Céphée n’est pas d’un âge à prouver votre bonheur dans le mariage : à l’égard d’heureuse mère, cela me surprend encore ; il est vrai que ma nièce Andromède est assez drôle, mais on voit peu de mères qui s’applaudissent d’avoir une jolie fille.
cassiope
Air : M. Lapalisse est mort
Par un cruel châtiment
Les cieux nous font voir leur haine ;
On les irrite aisément,
On les apaise avec peine.
chœur
Air : Chœur de Persée, Acte I, scène 5
Laissez calmer votre colère,
Ô Junon, exaucez nos vœux !
Si nous pouvions vous plaire,
Que nous serions heureux !
mérope
Eh ! Mais ma sœur, vous n’y pensez pas ; on n’a jamais imploré l’assistance des Dieux dans une calamité publique, sur un ton aussi enjoué ! On dirait une contredanse.
cassiope
Air : Vous avez raison la plante
Vous avez raison Mérope,
Il n’est pas bon ce ton-là,
Pour cela.
mérope
Oh çà, ma sœur, nous pouvons parler ici librement : nous ne sommes que dans la plus grande place de la ville, nous n’avons pour témoin de notre conversation que la populace, qui est fort discrète ordinairement. Puisque le lieu me le permet, je vais vous faire une confidence qui me pèse, et qui demande un secret profond. Croiriez-vous bien, ma très honorée sœur, que pendant que tout gémit à la cour des maux que Méduse cause à nos états, je ne me suis occupée moi que d’un petit ingrat que j’aime ?
cassiope
Air : Des fraises
Ma Fille pour épouseur
Aura Monsieur Phinée ;
Et moi, pour adorateur,
Je voudrais vous voir, ma sœur,
Persée, Persée, Persée.
mérope
Grand merci de vos souhaits, ma sœur mais
Air : Ce n’est pas pour vous que le four chauffe
Ce n’est pas pour nous,
Que le four chauffe ;
Ce n’est pas pour nous
Un tel époux.
Le petit fripon de Persée lorgne ma nièce Andromède.
cassiope
Air : Vers et Chant de Persée, Acte I, Scène 2.
Cachez bien la faiblesse où votre cœur s’engage.
mérope
Air : Pierre Bagnolet
Je cache bien mon esclavage,
Mon petit ingrat n’en sait rien.
Je mourrais de honte et de rage,
S’il savait où le mal me tient.
Oui je mourrais,
Oui je mourrais,
Je mourrais de honte et de rage,
S’il savait où le mal me tient.
cassiope
Air : Que je chéris mon cher voisin
Par ma foi j’oubliais les jeux
Qu’à Junon l’on apprête,
mérope
Vous auriez pu dépenser mieux,
L’argent de cette fête.
Junon est obstinément vindicative, et vous serez la dupe de votre galanterie.
Scène ii
cassiope
Air : Lon lan la derirette
Pour apaiser l’esprit malin,
De l’épouse du grand Jupin,
Lon lan la derirette,
Hélas ! Je n’ai rien épargné,
Lon lan la deriré.
Air : À la façon de Barbari
Non contente de la chômer
En fort bonne musique
À son honneur j’ai fait rimer
Un gros poème épique\footnote On publia dans ce temps-là les souscriptions d’un poème de la Ligue, et l’on indiquait pour les recevoir, des libraires dans toutes les villes de l’Europe.,
Imprimé par souscription,
La faridondaine,
La faridondon,
On en doit voir un grand débit,
mérope
Biribi,
À la façon de Barbari,
Mon ami.
cassiope
Air : Notre espoir allait faire naufrage
Souscrivez, ma sœur, car on y gagne.
mérope
Où peut-on souscrire enfin ?
cassiope
Partout.
En Hollande, en Pologne, en Espagne,
Italie, Angleterre, Allemagne,
C’est là le grand goût.
mérope
Mais nommez-moi du moins ces villes privilégiées où l’on vendra ce bel ouvrage.
cassiope
Air : Que n’aimez-vous, cœurs insensibles
À Middelburg,
Groningue, Gênes,
Mayence, Augsbourg,
Frankfort, Strasbourg,
Bâle, Nancy, Stockholm, Belgrade, Vienne,
Prague, Bude, Munich et Phillipsburg :
À Nantes, à Rennes,
Londres, Édimbourg,
Frédérisbourg,
Naples, Final, Florence et Pise,
Parme, Modène, Anvers, Hambourg,
Limoges, Tours,
Rome, Venise,
Lyon, Saint-Flour,
Et Petersburg.
Air : La grandeur brillante
Rouen, Cracovie,
Valence et Madrid,
Moscou, Cujavie,
Deventer, Zurich,
Copenhague et Leipzig,
Paris, Varsovie,
Pampelune, Kell,
Namur, Dijon, Cassel,
Lucques, Milan, Pavie,
Hall, Pau, Mons, Tournay, Wolfenbüttel,
Franckendael, Cologne,
Chambéry, Dublin,
Valenciennes, Boulogne,
Metz, Aix, Reims, Fribourg, Landau, Berlin.
Air : Les Trembleurs
Porto-Longone, Crémone,
Ratisbonne, Carcassonne ;
Vérone, Lisbonne, Ancône,
Montélimar et Dinant.
mérope
La liste est-elle là toute ?
cassiope
Oui, je n’ôte ni n’ajoute.
mérope
Votre auteur en veut sans doute
Aux libraires d’Hispahan,
An, an, an, an, an, an, an.
[Cassiope sort.]
mérope, seule
Air : Joconde
Ah ! Je garderais bien mon cœur,
Si je puis le reprendre !
Brisons des fers pleins de rigueur,
Brisons, c’est trop attendre.
Mais l’amour est un franc voleur,
Qui n’aime pas à rendre
Ah ! J’ai trop engagé mon cœur,
Je ne puis le reprendre.
Andromède approche avec Phinée, il me paraît qu’ils se pointillent. Sachons un peu quelle mouche les pique.
Scène iii
mérope, andromède, phinée
phinée
Air : Ma commère quand je danse
Croyez-moi,
Cessez de feindre,
Vous ne m’aimez pas je le vois.
andromède
Croyez-moi,
Cessez de craindre ;
Je veux vous aimer, je le dois.
À deux
Ah ! Croyez-moi, ah ! Croyez-moi,
Ah ! Croyez-moi, croyez-moi, croyez-moi,
Croyez-moi,
Cessez de feindre.
Cessez de craindre.
phinée
Vous ne m’aimez pas, je le vois.
andromède
Je veux vous aimer, je le dois.
mérope
Air : Quand Moïse fit défense
Vous êtes tous deux aimables,
Et vous vous aimez tous deux :
Quels différends sont capables
De troubler de si beaux nœuds ?
andromède
Sans raison, Monsieur éclate.
phinée
Ah ! Condamnez une ingrate.
andromède
Ah ! Condamnez un jaloux.
mérope
Ah ! Que les amants sont fous !
À part.
J’en juge par moi-même.
phinée, à Mérope
Même air
Andromède veut, Madame,
Me donner du galbanon\definition Donner du galbanon Façon de parler proverbiale pour dire promettre beaucoup pour tenir peu, ou ne satisfaire pas à une demande, mais ne répondre que par galimatias Pierre Richelet, Dictionnaire de la langue française ancienne et moderne, t. 2, Lyon, Pierre Bruyset-Ponthus, 1759..
Persée a surpris son âme,
En vain sa bouche dit, non.
andromède, à Phinée
De quoi se plaint votre flamme ?
Je dois être votre femme,
Ne l’a-t-on pas résolu ?
phinée
Oui, mais je serai cocu.
andromède
Voilà des politesses de Phinée ! En vérité, ma tante, il a le plus grand tort du monde de se plaindre de moi.
Air : Tarare ponpon
Le devoir sur mon cœur lui donne un juste empire,
Peut-il être jaloux d’un malheureux rival ?
phinée
Air : Vers et chant de Persée, Acte I, scène 4
Non, je ne puis souffrir qu’il partage une chaîne
Dont le poids me paraît mignon.
Quand vous l’accableriez de cent coups de bâton,
Je serais jaloux de sa peine.
andromède
Je gagerais bien que voilà le seul sentiment raisonnable qui sortira de la bouche de Phinée.
phinée
Vous avez beau dire, si Persée était malheureux, il pesterait contre vous, mais il est trop flegmatique pour être amant infortuné.
Air : Tu croyais en aimant Colette
L’amour que l’espoir abandonne
Est moins tranquille et moins content...
andromède
Air : Quand le péril est agréable
Je fuis avec un soin extrême,
Ce rival que l’on croit aimé ;
Ma tante, a-t-on accoutumé
De fuir ce que l’on aime ?
phinée
Air : Tu croyais en aimant Colette
Lorsqu’on fuit un amant aimable,
Doit-on ainsi s’en prévaloir ?
Vous l’avez trouvé redoutable
Puisque vous craignez de le voir.
andromède
Même air
Tout vous fait peur, tout vous irrite...
Mérope pendant la scène avait témoigné son ennui par des lazzi.
mérope
Halte-là, ma nièce, s’il vous plaît, vous madrigalisez pendant une heure le plus joliment du monde ; mais quelle figure fais-je moi pendant tout ce temps-là ?
andromède
Ma tante a raison. Nous lui faisons ici fort incivilement croquer le marmot ; finissons Phinée, et soyez certain que je ne veux point voir le mérite de Persée : entendez-vous ? Je ne veux point voir son mérite.
Air : Ma commère quand je danse
Ne me faites plus d’injustice,
Je veux vous aimer, je le dois.
phinée
Ne vous servez plus d’artifice,
Vous ne m’aimez pas, je le vois.
À deux
Ah ! Croyez-moi, ah ! Croyez-moi,
Ah ! Croyez-moi, croyez-moi, croyez-moi,
Croyez-moi, cessez de feindre,/craindre,
mérope
Ah ! Croyez-moi plutôt tous les deux ; ne restez pas davantage à quereller dans la rue, il n’est permis qu’aux revendeuses et aux savetiers d’y rendre le public confident de leurs amours à coups de poing. Rentrons dans le palais, allons bouder tous trois au coin du feu.
phinée
Madame Mérope est une fille sensée. Effectivement, il n’est pas trop sage de nous picoter ainsi dans une place publique, pendant que nous appréhendons à chaque instant l’arrivée de méduse : si cette vilaine bête-là allait nous surprendre, cela ne serait pas sain. Dès qu’on la regarde on est métamorphosé en pierre de taille, eût-on la mollesse d’un petit collet.
Scène iv
phinée, andromède, mérope, amphimédor en porteur d’eau avec ses seaux, corite en décrotteur, proténor en mitron
On fait de la rumeur dans le théâtre avant leur arrivée.
amphimédor
Air : Nanon dormait
Nos vœux sont vains
Et Junon les refuse ;
De nos voisins
Ont aperçu Méduse ;
J’ai vu je ne sais où,
J’ai vu, j’ai vu, un greffier dur comme un caillou.
andromède
Voyez le beau miracle !
phinée
Un greffier devenu caillou ! Cela est physique mon ami : la tête de Méduse durcit les objets à proportion de la disposition qu’ils ont à la dureté, et suivant ce principe-là, un usurier doit être changé en marbre, tandis qu’un chantre Italien à voix féminine ne sera transformé qu’en mœllon.
mérope
Mais sauvons-nous donc ; nous avons tous la rage de faire toujours des contretemps.
andromède
De quel côté vient Méduse ?
corite, montrant à droite
Par là, par là.
proténor, montrant à gauche
Par ici, par ici.
phinée
Comment diable, elle vient à droite et à gauche ? Peste des butors !
Ils courent deçà delà sans pouvoir se déterminer sur le chemin de leur fuite.
Scène v
mérope, andromède, phinée, cassiope
cassiope, les arrêtant
Air : Morguienne de vous
Morguienne de vous,
Sœur, fille et beau-frère.
Morguienne de vous,
Pourquoi fuyez-vous ?
phinée
Pourquoi nous fuyons ? Oh parbleu, ce n’est pas pour des prunes. On vient de nous annoncer Méduse, elle nous rend, dit-on, une visite sérieuse.
cassiope
Air : Sois complaisant, affable, débonnaire
Je viens ici moi-même vous le dire,
Rassurez-vous, Méduse se retire
Mais...
Air : Chant de Persée, Acte III, Scène 1
Elle peut revenir, elle peut nous surprendre,
Junon s’obstine à se venger.
Contre elle aucun des Dieux n’a soin de nous défendre,
Mon seul espoir est d’engager
Jupiter à nous protéger.
phinée
Air : Du haut en bas
Je vous entends,
Je sais quelle est votre espérance ;
Je vous entends,
Vous trahissez mes feux constants :
D’un rival dont l’amour m’offense,
Vous m’allez vanter la naissance ?
Je vous entends.
Mais où est le Roi mon frère ? Il m’a donné sa parole, je veux lui parler.
andromède
Vous pouvez parler comme s’il était ici, la préférence du Roi ne changerait rien à votre fortune ; il ne ferait que répéter ce que vous dit la Reine.
mérope
Adieu, Mesdames.
andromède
Ma chère tante, ne nous quittez pas.
mérope
Je n’ai que faire ici pendant un petit quart d’heure, comptez sur moi, ma chère nièce, je reviendrai quand il faudra pleurer avec vous.
Scène vi
cassiope, andromède, phinée
phinée, à Cassiope
N’avez-vous point de honte, Madame, de vouloir me préférer un aventurier qui n’ose montrer son extrait baptistaire ?
andromède
Mon oncle, vous êtes une mauvaise langue au moins, mais on ne s’en rapportera pas à vous. Nous savons que Persée est de bonne famille.
cassiope
Air : Vraiment, ma commère, oui
De Jupiter il est le fils...
phinée
Vraiment, ma commère, oui.
andromède
Il le dit, il le faut croire...
Vraiment, ma commère, voire,
Vraiment, ma commère, oui.
cassiope
Air : Zon, zon, zon
Oh ! bien pour le draper
Vous n’aurez plus d’excuse ;
Il offre de couper
La tête de Méduse...
phinée
Et zon, zon, zon,
Le drôle vous abuse ;
Et zon, zon, zon,
Persée est un Gascon.
cassiope
Air : Dedans nos bois il y a un ermite
Ma chère fille est le prix qu’il demande...
phinée, ricanant
Oh ! Cela vaut cela.
Souffrez pourtant que mon feu se défende.
Contre ce galant-là.
J’aurais l’appui du Roi dans cette affaire,
Car je suis son frère, moi,
Car je suis son frère.
cassiope
Même air
Le bien public est préférable au vôtre,
Beau-frère, entendez-vous ?
N’espérez pas lorsqu’il y va du nôtre
Enjôler mon époux ;
Je saurai bien prescrire au Roi sa gamme,
Car je suis sa femme, moi,
Car je suis sa femme.
Ils sortent tous les deux, l’un d’un côté, l’autre de l’autre, en répétant chacun les deux derniers vers de leur couplet.
andromède
Ma mère s’en va aussi ? Tant mieux sa présence me gênait. Rêvons profondément à mes malheurs.
Scène vii
andromède, mérope
mérope, sans voir Andromède
Air : Or, écoutez petits et grands
Hélas ! Il va périr, pourquoi
Et tant de pleurs et tant d’effroi ?
C’est Andromède qui le lie,
Quel intérêt ai-je à sa vie ?
Il ne vivrait que pour la voir,
Je devrais serrer mon mouchoir.
andromède
Air : Tout cela m’est indifférent
Infortunés qu’un monstre affreux
A changé en rochers poudreux,
Vos cœurs sont pour jamais paisibles,
Votre sort n’est pas si piteux.
Hélas, hélas, les cœurs sensibles
Sont mille fois plus malheureux.
mérope
Oh ! Oh ! Ma nièce fait comme moi son monologue boudeur dans son petit particulier. Elle aime Persée... Elle partage ma maladie, je vois dans ses yeux que nous avons besoin toutes les deux de la même médecine.
andromède
Air : Ne m’entendez-vous pas
Il n’aime que trop...
mérope
Eh ! Quoi ma nièce, il y a longtemps que je me promène ici et vous ne vous en apercevez pas ?
andromède
C’est que je suis fort distraite.
mérope
Ne faites point la dissimulée, je suis au fait de vos chagrins.
Air : Je ne suis né ni roi, ni prince
Associons notre tristesse ;
Qu’importe à qui de nous, ma nièce,
Persée offre aujourd’hui ses vœux !
Hélas ! Le même amour nous lie !
Nous l’allons perdre toutes deux,
Son péril nous réconcilie.
andromède
Vous prenez aisément votre parti. Pour moi, il n’est rien que je ne fisse pour garantir Persée du péril qu’il veut affronter.
mérope
Quessi, Queumi.
À deux
Air : Adieu paniers, vendanges sont faites
Ah ! Dût-il vous conter fleurettes,
Je voudrais pouvoir le sauver !
Méduse va nous l’enlever,
Adieu paniers, vendanges sont faites...
mérope
Enfin Persé paraît, hélas !
andromède
Air : Réveillez-vous, belle endormie
Il faut que mon cœur se trahisse,
Je vois qu’il me cherche en ces lieux.
mérope
Je veux m’épargner le supplice,
D’être témoin de vos adieux.
Il ne sera pas dit que je garderai toujours les manteaux.
Scène viii
andromède, persée
persée
Air : Vers et Chant de l’Opéra de Persée
Belle Princesse, enfin, vous souffrez ma présence...
andromède, sans chanter
Seigneur, on me l’ordonne et je suis mon devoir.
persée
Foin de l’explication. À part. La Princesse ne sait pas la civilité.
andromède
Air : Ne m’entendez-vous pas
Non, ne vous flattez pas,
Je veux ne vous rien taire,
Phinée a su me plaire,
Vous l’ai-je dit trop bas ?
Ne m’entendez-vous pas ?
persée
J’aurais tort de ne pas vous entendre, car vous vous expliquez fort intelligiblement. Adieu, Madame, je vois bien que je vous incommode ; je cours occire Méduse...
andromède
Persée, un petit mot, de grâce...
persée
Non, Madame, il faut vous délivrer d’un importun, vous souffrez à me voir ; vous ne m’offrez pas seulement un tabouret.
\andromede[le tirant par son tonnelet]
Air : Or, écoutez petits et grands
Quoi, pour jamais vous me quittez ?
Persée arrêtez, arrêtez...
persée, raccommodant son tonnelet
Air : L’autre jour m’allant promener
Vous chiffonnez mon falbala,
Ah ! Morbleu, que faites-vous là ?
andromède
Air : Réveillez-vous, belle endormie
Voyez l’excès de ma tendresse...
persée
Que cet avœu doit m’étonner !
Qu’entends-je ? Ô Dieux ! Belle Princesse.
andromède
Il n’est plus temps de barguigner.
Hélas ! C’était pour vous dégoûter de l’entreprise que vous formez à ma considération que je feignais de ne pas vous aimer.
persée
En vérité, j’avais donné dans le panneau.
andromède
De grâce, mon cher petit Persinet, n’allez pas vous exposer aux œillades de Méduse.
persée
Oh, parti par mon foi, moi lui couperai son tête ! Avec cette carogne-là tout votre royaume ne serait bientôt qu’une carrière.
andromède
Air : Or, écoutez petits et grands
Hélas ! Nous ne nous verrons plus...
persée
Oh ! que si.
Fin de l’air : Pierrot reviendra tantôt
Persée reviendra tantôt,
Tantôt reviendra Pierrot.
andromède
Hélas ! Si Méduse allait vous pétrifier...
persée
Mais si je ne l’assomme pas, je cours risque de vous voir pétrifiée vous-même ; et quoiqu’on aime une gorge dure, on ne la veut pourtant pas de caillou.
Air : Vous m’entendez bien
Je crains de perdre vos appâts.
andromède
Et moi je crains... hélas ! hélas !
À deux
Dans ce péril extrême,
Eh bien !
Dieux ! Sauvez ce que j’aime,
Vous m’entendez bien.
andromède
Air : Du haut en bas
Quoi vous partez ?bis
persée
Oui mon petit cœur.
Air : Réveillez-vous, belle endormie
Amusez-vous dans mon absence
Faites des nœuds...
andromède
Je vous réponds
Que je bannis sans tolérance
Les nœuds et même les pompons.
persée
Ohimé !
andromède
Air : Mais surtout prenez bien garde à votre cotillon
Je vais rester comme un souchon...bis
persée
Adieu mon cher petit bouchon,
andromède
Adieu fidèle canichon,
persée, se montrant lui-même
Souvenez-vous que Persée est votre greluchon\definition Greluchon Nom qu’on donne à l’amant aimé et favorisé secrètement par une femme qui se fait payer par d’autres amans. Il est familier et libre \acad 1762,
Est votre greluchon.
Scène ix
persée, mercure sortant des enfers
mercure
Air : L’amour la nuit et le jour
Persée, où courez-vous ?
Qu’allez-vous entreprendre ?
persée
Je vais me battre en duel contre Méduse.
mercure
Hom ! Le petit étourdi qui va combattre Méduse en équipage de bal, et sans examiner seulement comment il s’y prendra avec un monstre qui tue de ses regards. Il n’est pas là question de pousser la quarte et la tierce, entendez-vous, Monsieur de tête à l’évent ? Ces héros de théâtre n’ont presque jamais le sens commun.
persée
Ouais. Qui êtes-vous donc mon ami, vous qui me parlez si insolemment ?
mercure
Regardez-moi comme les Dames se regardent aux promenades et au temple, inventoriez mon ajustement, et vous me connaîtrez.
persée
Air : Robin turelure
Une aile à chaque talon...
Votre maligne encolure,
Me déclare votre nom.
mercure
Turelure.
persée
Vous êtes le Dieu Mercure ?
mercure
Robin turelure lure.
Oui, c’est moi-même. Écoutez, bon sang ne peut mentir, Jupiter votre papa mignon, charmé de votre étourderie, m’envoie pour vous équiper convenablement au voyage périlleux que vous entreprenez.
persée
Cela est bien honnête à Jupiter. Il est donc bien vrai que je suis son fils ?
mercure
Après mon témoignage vous n’en devez plus douter. Jupiter n’a pas fait un enfant de contrebande, qui ne doive à mes soins et à mon adresse le bonheur d’être entré en fraude dans le monde.
persée
Je vous remercie de vos attentions pour ma quote-part.
mercure
Oh çà, mettons la main à la pâte, il faut bien des cérémonies pour tuer Méduse.
persée
Pourquoi tant de cérémonies ? Il n’y a qu’à l’assommer sans façons.
mercure
Oh ! Que vous n’y êtes pas ; je vais remuer ciel et terre, et même mettre les Enfers en dépense pour vous habiller d’un goût assortissant à la visite que vous allez faire à Méduse. Allons Monsieur Persée, mettez-vous à votre toilette.
persée
Qu’on m’apporte donc un fauteuil.
mercure
Comment, un fauteuil ? On n’en donne pas aux héros de l’Opéra, ils s’habillent debout comme des clercs.
Scène x
persée, mercure, quatre cyclopes deux dansant et deux chantant
mercure, siffle, et ensuite appelle
Eh ! Quelqu’un ! Les cyclopes paraissent à l’entrée de la coulisse. Tenez, voilà d’abord des cyclopes qui vous apportent une épée qui sort de la boutique des fourbisseurs\definition Fourbisseur Artisan qui fourbit et qui monte des épées \acad 1694 des Dieux et des talonnières ailées qui viennent de la bonne faiseuse, c’est elle qui m’emplume.
Pendant que les deux cyclopes chantants attachent les ailes et lui ceignent l’épée, les deux autres dansent.
Scène xi
persée, mercure, les quatre cyclopes, quatre nymphes guerrières dansantes de la suite de Pallas
mercure
Hola, Mademoiselle Joli-cœur, Mademoiselle Sans-quartier, Mademoiselle Corps-de-fer...
persée
Quelles princesses appelez-vous donc là s’il vous plaît ? Je n’ai pas besoin de cela dans mon voyage.
mercure
Eh ! Paix, ce sont des nymphes guerrières de la suite de Pallas qui vont apporter un bouclier de leur maîtresse, les voilà.
Les quatre nymphes guerrières entrent en dansant, et présentent à Persée le bouclier en diamants de la sage Pallas ; ensuite elles se rangent avec les cyclopes des deux côtés du théâtre, comme les chœurs de l’Opéra.
persée, après qu’elles ont dansé
Je suis assez content de ces femmes de chambre-là ; montrez-moi, je vous prie, qui des quatre est Mademoiselle Corps-de-fer.
Scène xii
persée, mercure, les quatre cyclopes, les quatre nymphes guerrières, quatre dieux infernaux deux dansants et deux chantants
mercure
Tay, tay, tay, Astaroth, Belzébuth !
Les Démons paraissent portant le casque de Pluton.
persée
Comment ventrebleu ! les Diables viennent aussi à ma toilette !
mercure
Ils vous apportent le casque de Pluton.
persée
C’est un bonnet de nuit apparemment, ça Pluton en a plus besoin que de casque.
mercure
Au moins ce casque a une grande vertu, il rend invisible celui qui le porte.
persée
Peste ! Voilà un bon meuble. Soyez les bienvenus, Messieurs les Diables, je vous donnerais de quoi vous rafraîchir.
Après que les divinités infernales aient donné en dansant le casque de Pluton à Persée, on forme le ballet général des cyclopes, nymphes guerrières et dieux des enfers, qui ensuite se remettent aux deux côtés du théâtre.
persée
Dites-moi un peu, Seigneur Mercure, est-il du cérémonial de danser quand on habille un héros ?
mercure
Assurément. On voit danser souvent plus mal à propos dans un certain pays où les gens ne parlent qu’en musique ; et si la cérémonie que nous venons de faire s’y était passée, vous n’en auriez pas été quitte pour des rigaudons. On vous aurait cousu à chaque pièce de votre ajustement quelque belle maxime sur l’importance du secret dans les grands desseins, sur l’avantage qu’il y a d’allier la valeur et la prudence, mais comme vous avez quelque chose à faire de plus pressé que d’entendre ces belles sentences, je vous les montrerai à votre retour sur les écrans du palais de Céphée.
Air : Allons gai
Que rien ne vous arrête,
Allons, partez enfin,
Allez couper la tête
Au cheveu serpentin.
Allons gai,
D’un air gai,
Toujours gai,
Ta la la, etc.
chœur
Allons couper la tête
Au cheveu serpentin.
Allons gai,
D’un air gai,
Toujours gai,
Ta la la, etc.
mercure
Même air
Votre voiture est prête,
Mettez-vous en chemin...
persée
Où diantre est la voiture et où est le chemin ?
mercure
Votre voiture est à vos talons. Ce sont des ailes comme les miennes.
persée
Eh ! Mais ces ailes ne sont propres tout au plus que pour une hirondelle : il me faudrait à moi autant de plumes qu’à un éléphant pour pouvoir voler en sûreté de côtés.
mercure
Allons, morbleu, suivez-moi. Le Ciel, la Terre et les Enfers se sont cotisés pour les frais de votre équipage, et vous ne partirez pas ?
chœur
Air : Allons gai
Que rien ne nous arrête,
Partons, partons enfin,
Allez couper la tête
Au cheveu serpentin.
Allons gai,
D’un air gai,
Toujours gai,
Ta la la, etc.
Pendant que le chœur chante, Mercure et Persée s’envolent.
\acte[Le théâtre change et représente la caverne des trois Gorgones. L’orchestre joue pour ritournelle l’air \acte[Le théâtre change et représente la caverne des trois Gorgones. L’orchestre joue pour ritournelle l’air \emph Tout cela m’est indifférent, à notes précipitées, et à mesures coupées.], à notes précipitées, et à mesures coupées.]
Scène xiii
les trois gorgones se promènent avec des transports de fureur
méduse
Air : Tout cela m’est indifférent
Pallas, la barbare Pallas
Fut jalouse de mes appâts :
Qui croirait que j’étais fort belle,
Et que j’avais en longs anneaux,
Une frisure naturelle,
Au lieu de tous ces serpenteaux ?
Les Gorgones se promènent encore, et l’orchestre joue Flon, flon, dans son mouvement ordinaire.
les gorgones
Air : Flon, flon
Faites comme nous sommes,
Qui pourrions-nous tenter ?
Hélas ! Il n’est point d’hommes,
Qui viennent nous chanter,
Flon, flon,
Larira dondaine,
Flon, flon,
Larira dondé.
Scène xiv
les gorgones, mercure
On entend le prélude de l’opéra raccourci.
les gorgones
Air : Ma mère était bien obligeante
Ma sœur, qui peut nous faire entendre
Le doux bruit qui vient nous flatter ?
méduse
C’est Mercure qui vient dans cet antre écarté.
\ A Mercure.
Mon terrible secours vous est-il nécessaire ?
mercure
Jouissez du repos dans ce lieu solitaire.
Croyez-moi Mesdames, faites un bon somme, cela vous rafraîchira le teint. À part. Donnons-leur un petit air de flûte pour les endormir.
On joue trois ou quatre mesures du prélude de Persée.
Ce prélude-là est bon, mais je crois que je les endormirais mieux avec de la musique nouvelle... Rappelons quelque sarabande d’un opéra moderne... Foin ! On ne peut rien retenir de ces opéras-là... Tous leurs airs échappent comme des anguilles... Ah ! Ah ! Chantons-leur un sommeil du Pont-Neuf.
Il chante.
Air : Dormez Roulette
Dormez Roulette,
Et prenez repos :
Demain à la réveillette,
Nous vous en dirons deux mots.
les trois gorgones
Air : Oh ! Oh ! Tourelouribo
Non, nos cœurs sont faits pour la colère,
Oh ! Ho ! Tourelouribo.
Le repos ne peut nous plaire,
Oh, Ho ! Tourelouribo.
Et nous voulons toujours braire.
Oh ! Ho ! Ho ! Tourelouribo.
mercure
Je vois bien qu’il en faut revenir à mon caducée. Si je m’en étais avisé d’abord, j’aurais épargné bien des coups d’archet et des trios.
Air : Or, écoutez petits et grands
Mesdames, couchez-vous \textit presto,
Et faites toutes trois \textit dodo,
Il faut céder, il faut se rendre
Au charme qui va vous surprendre.
les gorgones, très lentement
Il faut nous rendre malgré nous
Aux charmes d’un sommeil trop doux...
Elles se couchent sur des rochers.
Scène xv
les gorgones endormies, Mercure, Persée
mercure
Air : On n’aime point dans nos forêts
Venez Persée, holà venez,
Venez, Méduse est endormie,
Avancez sans bruit, surprenez
Une si terrible ennemie ;
Gardez-vous de la réveiller,
persée, dans la coulisse
Mais je n’entends point ronfler.
mercure
C’est qu’elle a le sommeil poli. Allons courageux Persée, ne balancez plus.
Air : Réveillez-vous, belle endormie
Venez vite assommer la bête...
persée, dans la Coulisse
Mais où pourrai-je m’en aller,
Si quand j’aurai coupé sa tête,
Elle vient à se réveiller ?
mercure, va le chercher dans la Coulisse
Air : Ah ! C’est un certain je ne sais qu’est-ce
Allons, dissipez votre effroi,
Mon cher, point de faiblesse,
Faites briller votre prouesse...
persée
S’il faut parler de bonne foi,
Je sens un certain je ne sais qu’est-ce,
Je sens un certain je ne sais quoi.
Scène xvi
les gorgones endormies,persée
persée
Voilà de jolies Princesses à surprendre au lit... Morbleu, si j’allais être pétrifié ?... Il me semble que je durcis... Je n’ai pourtant point regardé Méduse. Cherchons sa tête... Ah ! Je la tiens, et je l’ai coupée net comme un navet.
Des monstres naissent du sang de Méduse. Persée serre la tête dans un sac de campagne.
les gorgones
Air : Ne m’entendez-vous pas
Ah ! Traître, tu mourras
Et d’un trépas horrible...
Mais il est invisible,
Jouons-nous donc, hélas !
À cache-mitoulas !
Persée se défend du mieux qu’il peut contre les monstres, et feint de jouer à colin-maillard.
persée, chante
airvide
T’as le pied dans le margouillis,
Tire t’en, tire t’en, tire t’en Piare ;
T’as le pied dans le margouillis,
Tire t’en Piare, si tu puis.
les gorgones
Air : Ô reguingué
Vilains crapauds, tristes coucous,
Vengeons Méduse, vengeons-nous.
Ô reguingué, ô lanla,
Monstres, cherchez votre victime,
Vengez le sang qui vous anime.
Scène xvii
les gorgones, persée, mercure
persée
Il faut que j’appelle Mercure ; je ne pourrais jamais sans lui me défaire de ces deux gueulardes-là. Ohé, ohé, Maître Mercure !
mercure, dans la coulisse
Est-ce fait minon minette ?
persée
Oui, Méduse est morte, mais elle a deux héritières qui me vont enrager.
mercure
Persée, allez, volez où l’amour vous appelle, et vous Gorgones, allez au Diable.
les gorgones, descendant très lentement dans une trappe
Fin de l’air : Mon Père je viens devant vous
Des gouffres profonds sont ouverts,
Ah ! Nous tombons dans les Enfers.
mercure
Je n’ai jamais vu tomber si lentement.
Mercure et Persée s’envolent ensemble de la droite à la gauche du théâtre.
\acte[Le théâtre change et représente le rivage de la mer. L’orchestre joue le vaudeville entier \acte[Le théâtre change et représente le rivage de la mer. L’orchestre joue le vaudeville entier \emph La troupe Italienne, la faridondaine.].]
Scène xviii
phinée, mérope, troupe de poissonnières et de pêcheurs
un pêcheur, seul à la cantonade
Air : La Troupe Italienne
N’attendons pas qu’il vienne,
Le vainqueur de Méduse, oh ! Qu’on l’admirera !
La cour Éthiopienne,
Faridondaine
Chantera.
La cour Éthiopienne,
Faridondaine
Dansera.
didascalie, Les poissonnières et les matelots se tenant deux
à deux par dessous les bras traversent le théâtre en dansant et chantant à la façon du peuple.
chœur
La cour Éthiopienne,
Faridondaine
Chantera.
La cour Éthiopienne,
Faridondaine
Dansera.
mérope, entre sur le théâtre
Même air
Quelle rage est la mienne !
Persée est revenu, mais une autre l’aura !
chœur, passant de même
La cour Éthiopienne,
Faridondaine
Chantera.
La cour Éthiopienne,
Faridondaine
Dansera.
phinée, entre sur le théâtre
Même air
Quelle maudite antienne !
Quoi toujours dans ces lieux, Persée on vantera !
chœur, passant de même pour la dernière fois
La cour Éthiopienne,
Faridondaine
Chantera.
La cour Éthiopienne,
Faridondaine
Dansera.
Scène xix
phinée, mérope
À deux
Air : M. Lapalisse est mort
Nous sentons mêmes douleurs
Fuyons la foule importune ;
Pleurons nos communs malheurs
Et faisons bourse commune.
phinée
Il y a bien du commun dans nos discours.
Air : Ah ! Qu’il y va gaiement
J’ai vu tout le peuple allant
Ah ! Qu’il y va gaiement !
Et mon rival devançant
Tout le long de ce rivage,
Ah ! Qu’il y va, dont j’enrage,
Ah ! Qu’il y va gaiement !
La mer se soulève. On joue quelques mesures de la tempête de Persée.
mérope
Ah ! Quel tintamarre ! La mer mugit, c’est une tempête.
phinée
Oh ! Quelle ondée !
Air : Gardons nos moutons Lirette, liron
Nous voilà bien sur la pavé
Pendant qu’il pleut à verse !
mérope
Notre courroux sera lavé,
Déjà l’eau me traverse.
À deux
Gagnons la maison
Lirette liron,
Gagnons la maison
Lirette.
Scène xx
mérope, phinée, troupe de poissonnières et de pêcheurs
chœur
Air : Le fameux Diogène
Ô sort inexorable !
Ô malheur déplorable !
Hélas ! Hélas ! Hélas !
phinée
Air : De quoi vous plaignez-vous
De quoi vous plaignez-vous
Mesdames les poissonnières,
De quoi vous plaignez-vous
De grâce instruisez-nous.
une poissonnière
Air : Pauvre ermite veux-tu m’en croire
Pauvre Prince veux-tu m’en croire,
N’apprends rien,
N’écoute rien,
Ne t’éclaircis de rien.
Si d’un malheur nouveau nous te faisons l’histoire ;
Tu ne t’en trouverais pas bien.
mérope, à Phinée
Hom, il y a quelque petite anicroche au bonheur de Persée ; questionnez encore cette bonne femme.
phinée, à la Poissonnière
Parlez ma mie, parlez, je vous l’ordonne.
la poissonnière
Air : Il faut que je file, file
Il faut que l’on pleure, pleure,
Tout autant qu’à l’Opéra,
Car dans un petit quart d’heure,
Andromède expirera :
Junon prétend qu’elle meure,
Un monstre la croquera.
Il faut que l’on pleure, pleure,
Tout autant qu’à l’Opéra.
mérope
Quoi ? Andromède...
la poissonnière
Oui, Andromède doit être dévorée par un monstre qui va sortir de la mer ; les tritons qui servent d’archers dans cette expéditions se sont déjà emparés de la Princesse.
phinée, gaiement
Air : Ta la leri, ta la leri, ta la lerire
Ma joie avec peine se cache.
mérope
Quoi, vous riez de son danger !
phinée
Est-ce à moi que la mort l’arrache ?
C’est à Persée de s’affliger.
Quant à moi je ne dois qu’en rire,
Ta la leri, ta la leri, ta la lerire.
mérope
Phinée a un bon petit cœur
phinée
Air : Quand on a prononcé ce malheureux oui
L’Amour meurt dans mon cœur, la rage lui succède,
J’aime mieux voir gruger la perfide Andromède
Par les crocs bien aigus des dents d’un monstre affreux,
Que la voir dans les bras de mon rival heureux.
mérope
Voilà ce qui s’appelle des sentiments délicats !
phinée, récite
Attendons que son sort finisse,
Observons tout d’un lieu écarté.
mérope, récite
Vous voulez d’Andromède assister au supplice ?
Quelle noble curiosité !
Scène xi
cassiope, andromède, tritons, poissonnières, pêcheurs
cassiope
Air : Réveillez-vous, belle endormie
Ah ! Quelle effroyable injustice !
Dieux ! Ô Dieux ! Quelle cruauté !
Les tritons attachent Andromède au rocher.
un triton, pendant qu’on la lie, dit aux autres
Air : Mir la ba bi bo bette.
Lions la beauté que voilà,
Mir la ba bi bo bette
Lions-la ;
Serrez tritons la cordelette,
Mir la ba bi, ser la ba bo,
Ser la ba bi bo bette.
Ser la ba bi bo bette,
Serre-la.
cassiope
Air : Vers et Chant de Persée, Acte IV, Scène 5
Cruels, n’attachez pas ma fille à ce rocher,
C’est moi qu’il faut attacher.
andromède, attachée au rocher
Air : Le Bilboquet
Ah ! Maman je meurs d’envie
De pouvoir apaiser pour vous
Le céleste courroux ;
Mais en quittant la vie
Je perds à mon âge, quel sort !
Un époux aimable ;
Et voilà le Diable
Qui trouble ma mort.
definitacteur, chœur des tritons chœurdestritons
chœurdestritons
Air : Réveillez-vous, belle endormie
Tremblez, tremblez superbe Reine,
Tremblez mortels audacieux !
cassiope
Ah ! Quelle vengeance inhumaine !
Andromède ma fille...
andromède
Ô Cieux !
chœurdestritons
Même air
Qu’aujourd’hui votre orgueil apprenne
À craindre le courroux des Dieux...
cassiope
À faire ressentir leur haine,
Qu’ils sont, hélas, ingénieux.
le triton
Assurément, les Dieux mettent du singulier dans les plaisirs de leur vengeance. C’est vous qui les avez insultés, et ils punissent votre fille ; vous avez lâché des impertinences, et Andromède en porte la folle enchère.
cassiope
Air : Hélas la pauvre fille
Hélas la pauvre fille !
Elle a le mal de tout.
definitacteur, chœur de poissonnières chœurdepoissonnieres
chœurdepoissonnieres
Hélas la pauvre fille !
Elle a le mal de tout.
cassiope
Quand sa mère babille
On frappe sur son cou
Le coup.
Hélas la pauvre fille !
Elle a le mal de tout.
On voit de loin approcher le monstre dans la mer.
cassiope
Air : Mon Père je viens devant vous
Le monstre approche de ces lieux,
Ah ! Quelle vengeance inhumaine !
andromède
Je ne vois point Persée, ô Dieux !
Et je me flattais dans ma peine,
Qu’un si fidèle et tendre amant
Irait à mon enterrement.
On voit Persée en l’air qui vient au secours de la Princesse.
chœur
Ah le voilà ! Le voilà ! Le voilà ! Le voilà !
Scène xii
andromède attachée, cassiope, tritons, poissonnières
Persée, en l’air, une ligne à la main, vient pour pêcher le monstre. À son second vol, il a un filet au bout d’une perche, et au troisième une broche qu’il passe à travers la gueule du monstre ; Pendant les trois vols de Persée, le chœur répète autant qu’il est nécessaire le couplet suivant.
chœur
Air : Des fraises
Dépêchez-vous, abattez
Et le monstre et sa rage ;
Ne craignez rien, combattez ;
Pour sauver tant de beautés,
Courage, courage, courage.
Le monstre est à la fin embroché par Persée, le chœur bat des mains et chante.
chœurdepoissonnieres
Air : Elle est morte la vache à Panier
Elle est morte la vache à Panier,
Elle est morte, n’en faut plus parler.
la poissonnière
Ne faut plus trembler,
Ne faut plus pleurer,
Mais il faut chanter,
Il faut danser,
Il faut trinquer.
Pendant le chœur, Persée délie Andromède.
chœur
Elle est morte la vache à Panier,
Elle est morte, n’en faut plus parler.
persée, achevant de la délier
Ces chiens de tritons n’avaient pas épargné la ficelle en vous attachant à ce rocher...
andromède, lui faisant la révérence
Monsieur Persée, je vous ai, en vérité, bien de l’obligation...
persée
Trêve de compliments, allons vite nous marier ; les monstres nous en veulent diablement, il en pourrait venir un troisième qui retarderait notre noce.
andromède
Ah ! Mon cher petit Persinet, on vous a bien donné de l’ouvrage à expédier en un jour !
persée
Je ne suis peut-être pas encore au bout ; allons.
Persée emmène Cassiope et sa fille et les prend sous ses bras.
chœurdestritons, descendant sous les ondes en se retirant
Air : J’ai fait à ma maîtresse
Descendons sous les ondes,
Nous voilà bien honteux...
chœurdepoissonnieres, qui les interrompent en faisant les cornes
Air : Ah ! Voyez donc, que ces manants sont drôles
Ah ! Voyez donc,
Avec leurs barbes bleues !
Ah ! Voyez donc,
Les jolis esturgeons !
la poissonnière
Les voilà partis avec un pied de nez : allons maintenant goûter le vin de la noce de Persée.
Les poissonnières se retirent en dansant et chantant.
chœur
Air : Elle est morte la vache à Panier
Elle est morte la vache à Panier,
Elle est morte, n’en faut plus parler.
Scène 23
mérope, phinée
mérope
Air : L’Amour, la nuit et le jour
Ô mort, venez finir
Mon destin déplorable.
phinée
Eh ! Mort de ma vie, il est bien question de vous amuser à des lamentations, pendant qu’on nous enlève à tous les deux l’objet de nos amours ; vengeons-nous ma chère belle-sœur, vengeons-nous. Junon m’a offert son appui, et moi j’ai une douzaine de bretteurs que je prétends mener danser à la noce d’Andromède...
mérope
Mais il me semble que tantôt vous abandonniez assez tranquillement votre maîtresse.
phinée
Oui, je la cédai au monstre, mais non à mon rival.
mérope
La distinction est digne de Phinée, allons, je consens à tout.
À deux
Air : Voici les dragons qui viennent
Livrons-nous à la colère,
Courons, vengeons-nous :
Battons la fille et le père,
L’oncle, la tante et la mère,
Les chat itou...bis
mérope
Ils viennent, dépêchez-vous, allez chercher vos bretteurs, et moi je vais les examiner sans faire semblant de rien.
Scène xxiv
persée, andromède, mérope, poissonnières, suite de Persée, cassiope
andromède
Nous allons dans le temple de l’Hymen, le sacrificateur se prépare à nous unir, et cependant je crains toujours quelque nouvelle opposition à notre mariage.
cassiope
Air : Sept sauts
Enfin cher Persée, après tous nos assauts,bis
Nous allons faire bien haut
Un saut.
Elle saute une fois.
andromède, à Persée
Même air
Tous vos ennemis sont à présent penauds...bis
Mon poulet faisons bien haut
Un saut, deux sauts.
persée, à Andromède
Même air
Que l’Hymen enfin termine nos travaux,bis
Marions-nous, faisons tôt,
Un saut
Deux sauts,
Trois sauts,
Quatre sauts,
Cinq saut,
Six sauts,
Sept sauts.
Ouf, je n’en puis plus.
mérope
Air : L’autre jour ma Cloris
Persée il n’est plus temps
De garder le silence,
L’amour, malgré mes dents
Vient trahir ma vengeance :
Mon brunet, mes amours,
On en veut à vos jours.
andromède
Ah ! C’est le lâche Phinée !
persée
Air : Aux Armes camarades
Aux armes, camarades,
L’ennemi n’est pas loin,
Allons mes cousins...
Rassemblez-vous auprès de moi, et entourez-moi bien, le Général doit être au centre de l’Armée.
definitacteur, chœur du parti de phinée chœurdupartidephinee
chœurdupartidephinee, derrière le théâtre
Fin de l’air : Nanon dormait
Allons, allons, allons frotter Persée, allons !
definitacteur, chœur du parti de persée chœurdupartidepersee
chœurdupartidepersee, sur le théâtre
Même air
Allons, allons, allons rosser Phinée, allons !
Scène xxv
cassiope, mérope, andromède, persée, phinée, suite de phinée armée d’épées et de hallebardes, suite de persée armée de même, les poissonnières s’en mêlent avec des pelles, des pincettes, et autres armes comiques
definitacteur, chœur des combattants chœurdescombattants
chœurdescombattants
Air : Y avance
Cédez, cédez à notre effort,
Vous n’éviterez point la mort,
Coquins, faites donc résistance ;
Y avance, y avance, y avance
Avec ton habit d’ordonnance.
phinée
Air : Tu croyais en aimant Colette
Qu’il n’échappe pas, qu’il périsse
Cet étranger audacieux.
persée, à ceux de son parti
Je vais punir leur injustice,
Vous mes amis, clignez des yeux.
Persée présente la tête de Méduse aux combattants du parti de Phinée. La suite de Persée commence par se fermer les yeux en différentes postures, et ses ennemis demeurent pétrifiés en différentes attitudes. Mérope même, qui n’a pu s’empêcher de regarder Persée jusqu’au dernier moment, est enveloppée dans le malheur de Phinée.
persée
Demi tour à gauche Mesdames, voyez le plus grand de mes exploits.
andromède
Ah ! Les voilà tous pétrifiés, et ma tante aussi qui n’aura pu s’empêcher de vous regarder pour veiller sur votre vie.
persée
Bon, bon, ce sont là des statues pour meubler nos jardins.
cassiope
Air : Charivari
Achevons le mariage,
Mes chers enfants ;
À votre noce je gage,
Ces garnements
Ne viendront plus faire aujourd’hui
Charivari.
persée, au parterre
Messieurs, si notre parodie vous déplaît, souvenez-vous que vous avez vu la tête de Méduse ; vous ne devez pas souffler ; mais si nous avons eu le bonheur de ne vous pas ennuyer, montrez que vous n’êtes pas pierre de taille, et que vous avez encore l’usage de vos mains.
Fin