[Bailly]
Armide
Parodie
Représentée pour la première fois par les Comédiens Italiens ordinaires du Roi
le 21 Mars 1725
Les Parodies du nouveau Théâtre-Italien, Briasson, 1738
vaude
Acteurs
Armide
Sidonie
Hidraot
Renaud : Arlequin
Ubalde
Le Chevalier Danois
Bacchus
Une Harengère
Aronte
Une Bouquetière
Troupe d’Harengères
Troupe de Bouquetières
Troupe de Satyres de la suite de Bacchus
Troupe de Démons transformés en Huissiers et Sergents
La scène est dans le palais d’Armide.
Armide
Le théâtre représente un arc de triomphe élevé à la gloire d’Armide, et pour célébrer son triomphe.
On joue l’ouverture d’ Armide.
Scène i
Armide entrant rêveuse, Sidonie
sidonie, prenant Armide par la main
Air : Cotillon des Fêtes de Thalie
Dansons le nouveau Cotillon,
Trémoussez-vous belle,
Trémoussez-vous donc.
En vérité, belle Armide, je ne vous comprends pas ! Dans le temps que tout seconde vos désirs, qu’on ne songe qu’à vous donner des fêtes et des cadeaux, vous paraissez toute je ne sais comment ! Eh, que vous manque-t-il donc !
Air : Robin turelure
Pour vaincre nos ennemis,
Il ne vous faut, je le jure,
Qu’une œillade, qu’un souris,
Turelure,
Et votre victoire est sûre,
Robin turelure.
L’on sait partout ce que peuvent vos yeux, et vous leur faites faire si bien ce que vous voulez, qu’il n’est point de coquette aujourd’hui qui ne voulût prendre de vos leçons.
Air : Dans ces lieux tout rit sans cesse
L’ennemi de tous vos charmes
Eprouve enfin le pouvoir.
Oui, pour vous rendre les armes,
Et vous aimer, il ne faut que vous voir.
armide
Hélas ! mon triomphe n’est pas complet. Renaud, que je ne puis souffrir, est justement celui qui méprise mes charmes ; de tout le camp qui me trouvait gentille et de son goût, il fut le seul qui me vit indifféremment ; et tandis que tous les autres s’empressaient à me faire des civilités... Monsieur... me laissa passer sans faire semblant de me voir. Du plus loin qu’on m’apercevait, je m’entendais dire :
Air : Ah ! Philis, je vous vois, je vous aime
La belle, je vous vois, je vous aime,
Si je vous ai, je vous aimerai tant,
Je suis tendre, je suis constant,
Je vous vois, je vous veux, je vous aimerai tant !
Air : Ah ! c’est un certain je ne sais qu’est-ce
Si quelqu’un venait près de moi
Me vanter sa tendresse,
Un autre avec délicatesse
Me disait : Lorsque je vous vois,
Je sens un certain je ne sais qu’est-ce,
Je sens un certain je ne sais quoi.
Air : L’amour me fait, lon lan la
Gracieusement
Un autre plus timide
S’en venait poliment
Me dire : Belle Armide,
Soulagez mon tourment ;
L’Amour me fait,
Lon lan la,
L’Amour me fait mourir.
Que je suis bien punie ! Il faut justement, parce que je haïs Renaud, qu’il ne fasse point cas de moi.
Air : Ton himeur est, Cathereine
Mais tandis qu’à mes doux charmes
Tant de guerriers à la fois
Cherchent à rendre les armes,
Et se soumettre à mes lois ;
De Renaud, vois, je te prie,
Les impertinents rebuts :
En colère.
Il prétend, je crois, ma mie,
Prendre avec moi le dessus.
Air : L’amour la nuit et le jour
Ah ! ce qui plus, ma foi,
Excite ma colère,
C’est qu’il est, je le voi,
Dans l’âge où l’on peut faire
L’amour,
La nuit et le jour.
sidonie
Air : De son lan la, landerirette
Bon ! quoiqu’à votre victoire
Il manque encor celui-là,
Plus d’un tente cette gloire,
C’est à qui s’empressera
De vous aimer, landerirette,
De vous aimer, de vous charmer.
En effet, celui qui ne sait pas profiter de l’occasion quand elle se présente est un benêt.
Air : Quand le péril est agréable
Qu’on doit aussitôt méconnaître,
Et même oublier promptement.
Souvent l’amant le plus charmant,
Ne tarde guère à l’être.
armide, avec agitation
Un songe affreux m’épouvante, et me met tout hors de moi. Ah ! j’ai crû voir le perfide l’épée à la main.
Air : De quoi vous plaignez-vous
Pour éviter ses coups,
Je suis, craignant sa colère,
Pour éviter ses coups,
Tombée à ses genoux ;
Mais dans ce débat sévère,
Voulant fléchir sa rigueur,
Tendrement.
Il m’a semblé, ma chère,
Qu’il... me perçait le cœur.
sidonie
Air : Tout cela m’est indifférent
Il ne faut jamais s’arrêter
À ce qu’un songe peut chanter.
J’en ai fait certains dans ma vie,
Que j’ai goûté comme un vrai bien ;
Mais hélas ! je vous certifie
Qu’au réveil ce n’était plus rien.
Mais... voici Monsieur votre oncle, je vous laisse.
Elle s’en va.
Scène ii
Hidraot, Armide
hidraot
Bonjour ma nièce, bonjour... je viens me réjouir avec toi, et joindre ma voix aux acclamations de la populace...
Air : Les Trembleurs
Quand je te vois, je respire,
J’ai ce que mon cœur désire ;
Pour soutenir cet empire,
C’est sur toi que nous comptons.
Pour honorer ta famille,
C’est trop peu d’être gentille,
Si l’État de toi, ma fille,
Ne voit quelques rejetons.
Air : Ma raison s’en va bon train
Ah ! quel sera mon bonheur,
Si tu satisfais mon cœur !
Oui, ma chère enfant,
Je mourrai content,
Si je puis d’aventure
Voir avant ce funeste instant
De ta progéniture,
Vraiment,
De ta progéniture.
Air : Tourlourirette
Flatte ma vieillesse
D’un espoir si doux ;
Hâte-toi, ma nièce,
De prendre un, tourlourirette,
De prendre un, lon la derirette,
De prendre un époux.
armide
Air : Gardons nos Moutons, lirette, liron
Je veux garder ma liberté
Et mon humeur follette.
Air : Menuet de M. de Lalande dans un des ballets du Roi
Un amant
Nous conte toujours ce qu’il ressent
Si tendrement
Qu’à son tour
On devient sensible à son amour.bis
Il enjôle,
Avec son air fripon,
Souvent le drôle,
Sans sujet ni raison,
S’envole ainsi qu’un papillon.
Air : Vaudeville du Roi de Cocagne
Et de plus sa flamme est toujours belle,
Son discours toujours pressant ;
Et promet de nous être fidèle,
Tant qu’il se trouve être amant.
Est-il époux, sa flamme est bientôt morte ;
Et lon lan la
Ce n’est plus là
Qu’on trouve cela,
Le mariage l’emporte.
Air : C’est dans ces lieux que règne l’innocence
J’aime à donner de l’amour sans en prendre.
hidraot
Ma nièce, en vain tu prétends te défendre :
Songe qu’amour ne perd rien pour attendre.
Air : Flon, flon
Quand on est jeune et belle,
Que l’on a des appas,
C’est être bien cruelle,
Que de n’en user pas,
Flon, flon, flon,
Larira dondaine,
Flon, flon, flon,
Larira dondon.
Air : Ma Fille veux-tu un bouquet
Quand veux-tu prendre ce parti,
Quand veux-tu prononcer ce oui ?
armide
Non, non, non, mon oncle, non.
Ce n’est point là ma maladie,
Gai, gai, mais quel oncle j’ai,
Qui n’entends pas le dessein de sa nièce,
Gai, gai, mais quel oncle j’ai,
Qui n’entends pas le dessein que j’ai.
Air : J’en frai la folie
Avec chaleur.
Je vais, pour vous satisfaire,
Vous apprendre comme,
Pour m’engager et me plaire,
Il me faut un homme.
C’est celui qui Renaud vaincra,
Qui mon tendre cœur obtiendra :
J’en frai la folie, mon oncle,
J’en frai la folie.
Air : Je ne suis né ni roi, ni prince
Voici nettement ma pensée.
hidraot
Te connaissant si déguisée,
Je ne puis compter qu’en tremblant
Sur des paroles si légères.
Il se fait un bruit de symphonie.
armide
Mais d’où vient ce bruit ?
hidraot
Mon enfant,
Ce sont, je crois, les harengères
Qui viennent honorer ton triomphe.
Scène iii
Hidraot, Armide, troupe d’Harengères
La symphonie joue l’air du vaudeville suivant, pendant lequel toutes les harengères arrivent.
une harengère
Air : Mirlababibobette
Partout où vous portez vos pas,
Que vous faites, la belle,
De fracas !
Nos ennemis en ont dans l’aile,
Mirlababi, ser la babo,
La montrant du doigt à ses camarades.
Cette gente pucelle,
Ser la baborita,
Les a mis à bas.
Air : En revenant de Saint-Denis
Quand j’ons cette nouvelle appris,
J’en avons tant ri,
De savoir qu’ils étions tous pris,
Le cul dans une hotte,
J’en avons tant ri,
J’en rirons bien encore.
Elles se prennent les mains, et dansent en chantant le refrain du vaudeville précédent.
J’en avons tant ri,
J’en rirons bien encore.
hidraot
Air : Ô Pierre, j’étais morte sans vous
Armide, Armide,
Triomphe des grands cœurs.
chœur
Armide, Armide,
Triomphe des grands cœurs.
hidraot
Sa beauté partout préside ;
Les plus terribles vainqueurs,
Malgré leur fureur perfide,
Éprouvent ses rigueurs.
Armide, Armide,
Triomphe des grands cœurs.
chœur
Armide, Armide,
Triomphe des grands cœurs.
Scène iv
Hidraot, Armide, troupe d’Harengères, Aronte
aronte, entrant tout essoufflé
Madame, les chevaliers dont vous m’avez commis le soin se sont sauvés...
Air : Lon lan la derirette
Je les ai voulu retenir,bis
Loin de m’entendre et m’obéir,
Lon lan la derirette,
Madame, ils ont gagné pays,
Lon lan la deriri.
armide, avec surprise
Comment cela s’est-il pu faire ?
aronte
Air : Réveillez-vous, belle endormie
Comme je marchais à la suite,
Afin de veiller sur eux tous,
Un homme nous... a mis en fuite,
Hidraot et Armide ensemble, ensemble
Un seul homme ! que dites-vous ?
aronte
Air : Quand Moïse fit défense
J’ai tout fait pour me défendre ;
Mais cet homme assurément
N’est pas un gaillard bien tendre :
J’en puis parler savamment,
Plus de trente coups de gaule,
Auxquels j’ai prêté l’épaule,
Vous disent, et vous font voir
Qu’Aronte a fait son devoir.
armide, avec douleur
Je gage que c’est Renaud qui me joue ce tour-là.
Air : Vraiment, ma commère, voire
Aronte, serait-ce lui ?
aronte
Vraiment ma Commère, oui,
armide
Qui me donne ce déboire.
aronte
Vraiment ma Commère, voire,
Vraiment ma Commère, oui.
Hidraot, Armide ensemble, ensemble
Air : Des fraises
Poursuivons jusqu’au trépas
Celui qui nous offense ;
Qu’il ne nous échappe pas,
Courez, volez sur nos pas,
Vengeance, vengeance, vengeance !
chœur
Qu’il ne nous échappe pas,
Courons, volons sur leurs pas,
Vengeance, vengeance, vengeance !
Les harengères et Aronte se retirent.
Scène v
Hidraot, Armide
hidraot
Allons, ma nièce, c’est ici qu’il faut jouer de notre reste ; profitons d’un temps si cher à notre vengeance, et pour mieux réussir, unissons nos voix.
Air : Les petits rats
Accourez, esprits de haine et de rage,
Et livrez à notre juste courroux
L’ennemi qui nous fait un tel outrage,
Qu’à son tour il expire sous nos coups ;
Secondez la fureur qui nous anime,
Pour calmer notre désespoir
Conduisez en ces lieux notre victime,
Qu’il éprouve enfin notre pouvoir.
armide, étendant sa baguette
Air : L’Amour plaît, malgré ses peines
Vous, que mes ordres sévères
Rendent soumis à mes lois,
De gentilles bouquetières,
Démons, prenez le minois,
Le théâtre représente un fleuve.
Hidraot, Armide ensemble, ensemble
Air : Les petits Rats
Accourez, esprits de haine et de rage,
Et livrez à notre juste courroux
L’ennemi qui nous fait un tel outrage,
Qu’à son tour il expire sous nos coups, etc.
hidraot
Air : Tout le long de la rivière
Ma nièce, courage.
armide
Ma foi tout va bien,
L’ennemi s’engage,
Je le vois qui vient
Renaud paraît sur les bords du fleuve.
Tout le long de la rivière.
Laire, lon lan la,
Tout le long de la Rivière,
Hidraot et Armide ensemble, ensemble
Ah ! qu’il est bien là.
hidraot
Air : Que je chéris mon cher voisin
Bon !
Voulant aller sur Renaud.
je vais sans perdre de temps
L’immoler à ma rage.
armide, l’arrêtant
Mon oncle, tout doux, je prétends
Avoir cet avantage.
Ils se retirent.
Scène vi
Renaud essuyant son épée au retour du combat
Ouf ! je viens, ma foi, de faire un grand ouvrage.
Air : Quand le péril est agréable
Sans que personne me seconde,
N’ayant que mon bras pour appui,
L’Histoire me fait aujourd’hui
Bien assommer du monde.
Air : Mon Père, je viens devant vous
Fleuve, qui coulez doucement,
Je boirais de votre eau clairette,
Si je n’avais par un serment
Promis, en buvant chopinette,
Qu’en quelque endroit que je serais,
Nullement d’eau je n’userais.
En s’étendant comme un homme qui a envie de dormir.
Air : Quand le péril est agréable
En forme il faut que je sommeille,
Faisons bien cet office-là,
Car on m’a dit qu’à l’Opéra,
L’on dormait à merveille.
Je suis si las du combat de tantôt, que je me sens tout je ne sais comment.
Air : On n’aime point dans nos forêts
Ces bois, ces prés charment mes yeux,
Ô dieux, quel gazon admirable !
Près de ce qu’il aime en ces lieux,
Je gage et je me donne au Diable
Qu’un amant s’y plairait, ma foi
Pour le moins, tout autant que moi.
Air : Notre galère, sans vent contraire
Fleuve, qui d’une eau toute pure
Arrosez ce charmant coteau,
Oui, je vous jure
Que le murmure
De votre eau,
Laire, lanlaire,
M’engage à faire
Ici dodo.
En se couchant sur le lit.
Air : Laire la, laire lanlaire
Puisque tout m’invite au repos,
Sommeil, par tes charmants pavots,
Viens fermer enfin ma paupière,
Laire la, etc.
On joue ici l’air Dormez, Roulette, afin de l’endormir. Il s’endort.
Scène vii
Renaud endormi, Bouquetières
Entrée de Bouquetières
On danse autour de Renaud qui dort.
une bouquetière
vaudeville
Qu’un galant adroit, coquet,
Fasse présent d’un bouquet
À quelque aimable fillette,
On écoute son ardeur,
On assure son bonheur,
Le tout pour une fleurette.
On danse.
Un petit-maître amoureux
Fait tout pour se rendre heureux,
S’il le faut même, il l’achète ;
Qu’une coquette, entre nous,
En fait mettre à ses genoux,
Le tout pour une fleurette.
On danse.
Pour plaire, un jeune plumet
Se vante d’être discret ;
Mais en arrière il caquette,
Plus inconstant que le vent,
On le voit changer souvent,
Le tout pour une fleurette.
On danse sur le vaudeville, ensuite une bouquetière va à l’oreille de Renaud, et lui chante le couplet qui suit.
Air : [Dormez, Roulette]
Dormez, Roulette,
Prenez bien votre repos,
Tantôt à la réveillette
On vous en dira deux mots.
Air : Ho ho ! Tourelouribo
Hélas ! quelle erreur ! quelle faiblesse !
Ho, ho,
Tourelouribo.
Dans une aimable jeunesse,
Ho, ho,
Tourelouribo,
De ne pas chanter sans cesse,
Ho, ho, ho,
Tourelouribo.
chœur
De ne pas chanter sans cesse,
Ho, ho, ho,
Tourelouribo.
Scène viii
Armide entrant en colère avec un couteau à la main, et les acteurs de la Scène précédente
armide
Quel tapage faites-vous donc ici ? est-ce là ce que je vous ai commandé ? Belle façon d’endormir les gens en faisant un carillon du diable !... Retirez-vous.
Les bouquetières se retirent.
Scène ix
Armide, Renaud endormi
armide, le couteau à la main
Air : Ô reguingué
Enfin il est en mon pouvoir,bis
Il faut que dans mon désespoir,
Ô reguingué, ô lon lan la,
Je fasse éclater ma vengeance,
Et punisse son insolence.
Air : Ah ! c’est un certain je ne sais qu’est-ce
Courage Armide, venge-toi,
Elle se sent comme retenue.
Fais voir plus de hardiesse,
Mais, d’où me vient cette faiblesse !
Portant sa main sur son front.
Qui peut ainsi parler en moi ?
Ah ! c’est un certain je ne sais qu’est-ce,
Ah ! c’est un certain je ne sais quoi.
Air : Un petit moment plus tard
Elle va pour le frapper.
Frappons ! Ciel ! je sens que mon bras
Refuse à ma haine
L’espoir de se venger. Hélas !
Ma fureur est vaine.
En le regardant.
À cet aspect noble et grand,
Pourquoi donc me sens-je émue ?
Pourquoi ce trouble charmant ?
Je suis... je suis perdue.
Non... il m’est impossible.
Air : [Turlututu rengaine]
Turlututu rengaine, rengaine, rengaine,
Turlututu rengaine, rengaine ton couteau.
Le joli petit garçon ! j’en suis enchantée : que me servirait-il de me venger ainsi ? J’entrevois un moyen plus sûr pour le punir ; qu’il m’aime autant que je lui suis indifférente.
Air : L’amour la nuit et le jour
Non, je n’oublierai rien
Pour tâcher de lui plaire,
Et m’y prendrai si bien,
Que je lui ferai faire
L’amour,
La nuit et le jour.
Et moi, s’il m’est possible que je le haïsse... mais non, Armide, tu ne le pourras, il est inutile d’y penser... je me sens bien, peut-être. En l’entourant d’une chaîne de fleurs qu’elle trouve par terre.
Air : Que je chéris mon cher voisin
De ce soin je me charge, hélas !
Et m’en fais une gloire ;
Car dans cet endroit l’on n’a pas
Des mieux suivi l’histoire.
Oui, mon cher Renaud, oui.
Air : Cher Bacchus si je soupire
J’ai toujours crains de me rendre,
Et refusé cent fois de m’enflammer,
Mais je ne saurais me défendre
Du plaisir de vous aimer.
Air : Laire la, laire lan laire
Démons, pour combler mes désirs,
Transformez-vous en doux zéphyrs.
Portez-nous au bout de la terre,
Laire la,
Laire lan laire,
Laire la,
Laire lan laire.
Deux Zéphirs viennent prendre Armide et Renaud et les traînent dans la coulisse.
Scène x
Ubalde, le Chevalier Danois dont le premier porte un sceptre d’or que lui a donné un magicien, pour vaincre les enchantements d’Armide ; et le second porte une épée. Il paraît des monstres au fond du théâtre.
ubalde
Air : Pierre Bagnolet
En dépit de cette sorcière,
De qui vous servez le courroux,
Monstres,
En montrant son sceptre.
À notre ordre sévère
Au plutôt retirez-vous,
Chacun chez vous,
Chacun chez vous,
Retournez dans votre tanière,
Sans tarder, obéissez-nous.
Les monstres s’abîment.
le chevalier danois
Tout nous est favorable, allons chercher Renaud.
Le théâtre change et représente le palais d’Armide.
ubalde
L’on voit d’ici le séjour enchanté, où par un charme fatal ce héros est retenu.
Air : Vaudeville du Retour de Fontainebleau
Là Renaud, petit à petit,
S’abandonne à la mollesse ;
Et lorsque d’Armide il s’agit
De répondre à la tendresse ;
Et gai, \ibis\ comme il y va,
Larela...
le chevalier danois
Si Renaud jette les yeux sur cet égide redoutable, nous l’engagerons à quitter ces lieux.
Air : Quand le péril est agréable
Empressons-nous, morbleu j’enrage,
Je crains...
ubalde
La raison ?
le chevalier danois
La voilà,
De trouver comme à l’Opéra
Quelque fille au passage.
Ils s’en vont.
Scène xi
Armide seule
armide
Renaud t’offense trop par son indifférence, il te faut oublier, Armide. Oui, mais comment ? Avoir recours à la haine ? Non, cela serait trop barbare ; implorons le dieu de la Bouteille, du moins je me vengerai plus doucement.
Air : Notre espoir allait faire naufrage
Puisqu’Amour ose troubler mon âme,
Dieu du Vin, rends-toi mon défenseur.
C’est toi seul qu’en ce jour je réclame,
Viens éteindre une funeste flamme,
Qui brûle mon cœur.
Scène xii
Bacchus et sa Suite, Armide
bacchus
Air : Revenant de Lorette
Ta voix s’est fait entendre
Dans la bachique Cour,
Nous venons te défendre,
Des charmes de l’Amour.
Pour chasser ce terrible vainqueur
Je vais tout entreprendre ;
Pour chasser ce terrible vainqueur,
Qui règne dans ton cœur.
Pour essuyer tes larmes,
Pour calmer tes alarmes,
Nous t’allons faire voir
Quel est notre pouvoir.
En se retournant vers les satyres
Déchirons son bandeau,
Rompons et brûlons ses armes,
Éteignons son flambeau
Dans notre bon vin nouveau.
chœur
Déchirons son bandeau,
Rompons et brûlons ses armes,
Éteignons son flambeau
Dans notre bon vin nouveau.
bacchus
Air : Lampons
Sors, trop funeste vainqueur,
Sors pour jamais de ce cœur,
Sors, puisqu’enfin il te chasse,
Je vais régner à ta place,
Buvons,bis
Belle Armide, buvons.
Air : C’est à toi cher camarade
Pour remporter la victoire
Sur l’indifférent Renaud,
Il prend une bouteille et un verre entre les mains d’un satyre.
Armide, il faut boire, boire, boire, boire,
Armide, il faut boire, boire, comme il faut.
armide
Air : Non, je ne veux pas rire
Laisse-moi, mon cœur est contentbis
D’aimer à jamais cet amant
Je chéris trop la gloire.
Non, je ne veux pas boire,
Moi,
Non, non, je ne veux pas boire.
bacchus
Air : Je n’saurais
Quoi ! ton cœur toujours sensible
N’implore-t-il donc ma loi
Contre ce vainqueur terrible
Que pour se moquer de moi ?
armide
Je n’saurais,
Bacchus, il m’est impossible,
J’en mourrais...
bacchus, en s’en allant
Air : Adieu paniers, vendanges sont faites
N’espère pas qu’en ces retraites,
Le dieu du Vin revienne un jour ;
Va, je te quitte sans retour,
Adieu paniers, vendanges sont faites.
Scène xiii
Armide seule
armide
Que je suis malheureuse ! il faut que j’aime qui ne m’aime pas. Hélas ! Comment l’amour a-t-il pu trouver les chemins de mon cœur, moi qui en tenais les avenues si bien gardées ? En vérité il faut que ce petit coquin-là se fourre partout.
Air : Boire à son tire lire lire
Dans ces transports charmants,
Je sens, sur ma parole,
Courir par tous mes sens
Quelque chose de drôle ;
Oui, cette ardeur,
Part de mon cœur,
Part de mon tire lire lire,
Part de mon toure loure loure,
Part de mon cœur.
Scène xiv
Sidonie, Armide
sidonie
Madame, votre charme a fait son effet ; Renaud vous aime, et je ne puis m’empêcher de rire du stratagème dont vous vous êtes servie pour soumettre ce rodomont.
armide
Air : Ah ! voyez donc que ces manants sont drôles
Que fait-il dans l’appartement ?
sidonie
S’il dit une parole,
C’est votre nom ; voici comment,bis
À chaque instant,
Il raisonne le drôle :
Fin de l’air : Non, non, il n’est pas de si joli nom
Non, non, il n’est point de si joli nom
Que celui de ma Princesse,
Non, non, il n’est point de si joli nom
Que celui de ce tendron.
Air : On dit qu’Amour est si charmant
Il n’aspire qu’au doux moment
De vous conter ce qu’il ressent.
Montrez-vous à ses yeux, vous en apprendrez davantage.
armide, finissant l’air
S’il n’était pas si nonchalant,
J’en ferais la folie.
Hélas ! que Renaud est charmant !
Faut-il que je l’en prie ?
Air : Les Feuillantines
Tendrement.
S’il a pour moi de l’ardeur,
Pour mon cœur
C’est un bien faible bonheur !
Que peut un amant, ma mie,
Qui n’agit \ibis\ que par magie ?
Oui, pour te parler avec franchise...
Air : Qu’on apporte bouteille
L’amour qui le transporte
N’a pas un vrai dehors,
Et c’est une machine morte,
Dont je fais mouvoir les ressorts.
sidonie
Air : Je ne suis né ni roi, ni prince
Je conviens que c’est vous, Madame,
Qui de Renaud embrasez l’âme,
Mais avec tous ces soins, hélas !
À cela près d’un peu de honte,
Par ma foi, vous ne laissez pas
D’y fort bien trouver votre compte.
Mais le voici, je vous laisse avec lui.
Scène xv
Armide, Renaud
armide, courant au-devant de Renaud
Air : Mais surtout prenez bien garde à votre cotillon
Quoi, c’est vous, mon petit mignon,
M’aimez vous bien ?
renaud
Oui, mon trognon,
Et mon tendre cœur vous répond
Que c’est d’amour, d’affection.
C’est pourquoi prenez bien garde
À tant de passion, à tant de passion.
Air : De son lan la, landerirette.
Armide, si je soupire,
Si j’ai des empressements,
C’est que je meurs de te dire
Ce qu’à mon tour je ressens,
Pour tes appas,
Landerirette,
Pour tes appas, landerira.
armide
Que je suis malheureuse ! il faut que je te quitte.
renaud, en frappant du pied
J’ai du guignon.
Air : Morguienne de vous
Lorsque de rester
Mon amour vous presse,
Vous m’allez quitter,
Trop cruelle Princesse !
Morguenne de vous,
Quel’ femme, quel’ femme !
Morguenne de vous,
Quel’ femme êtes vous !
armide
Air : Vous m’entendez bien
Mon fils, l’amour que j’ai pour toi
Jette mon âme dans l’effroi,
Hélas, par injustice
renaud
Hé bien ?
armide
Je crains qu’on me ravisse,
Eh ! tu m’entends bien.
renaud
Mon petit cœur, pourquoi t’alarmer ? est-ce que je ne t’aime pas comme il faut ? je fais pourtant mon possible pour...
armide
Je crains que cela ne dure pas ; si la gloire où tu te donnais si follement s’offrait encore à tes yeux, tu me quitterais peut-être pour suivre cette étourdie.
renaud
Air : Si la jeune Annette
Je ressens sans cesse
La plus vive ardeur,
C’est pour toi, Princesse,
Que je garde mon taleritata, la rire,
Que je garde mon cœur.
Air : Le mirliton
Les honneurs d’une victoire
Pour toi ne me tentent pas ;
L’éclat dont brille la gloire\footnote Vers de l’Opéra.
Vaut-il un seul des appas
De tes yeux fripons et mignons,
Ma dondaine,
De tes yeux fripons, don don ?
Renaud et Armide ensemble, ensemble
Air : À l’ombre d’un Ormeau, Lisette
Aimons-nous, tout nous y convie,
Hélas ! si tu m’ôtais ton cœur,
Tu m’ôterais bientôt la vie,
Je n’y puis penser sans frayeur,
Armide, mes amours,
Cher Renaud, mes amours,
Je t’aimerais toujours.
armide
Adieu.
Elle s’en va.
Scène xvi
Ubalde, Le Chevalier Danois, Renaud
ubalde
[La bonne aventure]
La bonne aventure, ô gai,
La bonne aventure !
Air : Tout cela m’est indifférent
Tandis qu’il est seul, mon enfant,
En frappant sur l’épaule du Chevalier Danois.
Il faut profiter du moment.
\ubalde[présentant le bouclier aux yeux de Renaud, chante l’air \ubalde[présentant le bouclier aux yeux de Renaud, chante l’air \emph Ah ! Thomas, réveille-toi]]
Ah ! Renaud, réveille, réveille,
Ah ! Renaud, réveille-toi.
renaud
Ouf.
Fin de l’air : Tout cela m’est indifférent
Ciel ! qui peut peindre ma figure,
Aussi sensiblement, hélas !
Il faut rire de l’aventure,
Me voici comme le bœuf gras.
ubalde
Tout le camp vous demande, notre général vous rappelle... Mais quoi ! tandis que des deux bouts de la terre chacun court à la gloire, le brave fils de Bertholde reste ici comme un imbécile ? vite... allez-vous-en...
renaud
Comme me voilà plaisamment fagoté ! parbleu, je suis un drôle de héros ; ah, ah. Il se met à rire.
ubalde
Air : Aux armes, camarades
Aux armes, camarades,
Profitez du moment,
Partez promptement,
Aux armes, camarades,
Pourquoi tant de retardement ?
renaud
Patience, patience, je vais vous l’apprendre.
Air : L’appétit vient en mangeant
Des yeux de cette brunette,
Je me gardais bien vraiment ;
Mais cette fine coquette
Me prit par enchantement.
Mon âme devient distraite,
Et pour parler franchement...
L’appétit vient en mangeant.
ubalde, en tirant Renaud par le bras
Eh ! allons, Seigneur Renaud, dégourdissez-vous.
le chevalier danois
Air : Vaudeville de Panurge
Tout vous engage en ce jour
D’oublier un fol amour :
J’entends l’écho qui répète,
À la trompe....ette,
Renaud, quittez ce séjour,
Sonnez, trompette,
Battez, tambour.
renaud, en sautant
Bon, je sens revenir mon courage ; mon petit cœur au seul nom de la gloire fait tic, toc : allons, il... il lui faut obéir ; et vous, En arrachant ses guirlandes de fleurs. restes honteux de ma faiblesse, quittez-moi pour jamais.
Renaud reçoit un bouclier de la main d’Ubalde, et une épée de celle du Chevalier Danois.
ubalde
Air : Dans le Fleuve d’oubli, biribi
Fuyez de la Princesse,
Les dangereux appas,
Ha, ha, ha,
renaud
Comme le temps nous presse,
Ami, doublons le pas,
Ha, ha, ha,
Pour en perdre la mémoire,
Partons, vite, courons,
Et volons
À la gloire, à la gloire.
Ils s’en vont.
Scène xvii
Renaud, Ubalde, le Chevalier Danois, Armide
armide, suivant Renaud le mouchoir à la main
airopera
Renaud ! Ciel ! Ô mortelle peine !
Vous partez, Renaud, vous partez,
Armide tire Renaud par le bras, Ubalde en fait autant de son côté ; mais Renaud en leur résistant, les fait tomber par terre, ce qui fait un jeu de théâtre.
Air : Le beau berger Tircis
Que ne peux-tu sentir
La douleur qui me presse !
Cruel, avant de partir,
Vois l’excès de ma tristesse.
Oui, je te le confesse,
Ton départ me fait mourir.
Renaud s’arrêtant pour l’écouter.
Air : Flon, flon
Quand tu venais, perfide,
Me conter ton amour
Réponds, est-ce qu’Armide
N’avait pas du retour ?
renaud
Flon, flon,
Larira dondaine,
Flon, flon,
Larira dondon.
Air : Beau Berger, je te connais bien
Armide, je vous connais bien,bis
Ces discours ne servent à rien ;
Vous m’en contez,
Vous m’amusez
Toujours.
À d’autres, je connais les tours
Que m’ont fait vos amours.
armide
Air : Menuet du second acte des Fêtes Grecques
Sans cesse sur tes pas
Tu me verras, perfide,
Sans cesse sur tes pas
Te suivre dans tous les combats ;
Oui, tu verras Armide
S’offrir comme une égide,
Et les coups, ma foi,
Lancés contre toi,
Seront tous pour moi.
renaud
La gloire veut que je vous quitte, ce n’est pas ma faute à moi, belle Armide... ne vous fâchez pas.
Air : Quand le péril est agréable
Je m’empresserai de vous plaire,
Et de bon cœur vous aimerai ;
Mais ce sera... quand je n’aurai
Rien de meilleur à faire.
armide
Air : Les filles de Montpellier
Puisque tu te ris du sort
De l’infortunée Armide,
Ingrat, je vais par ma mort
Contenter ton cœur perfide :
Ahi, ahi, ahi ! ...
Elle tombe, et s’évanouit. Renaud court pour la soutenir, et la couche sur un lit de gazon, en finissant l’air.
Ahi, ahi, ahi ! Armide,
Il pleure.
Armide, ahi, ahi ! ion, iou.
ubalde, le retirant par le bras
Air : Ah ! Robin, tais-toi
Quand la gloire vous appelle,
Y pensez-vous bien, Renaud ?
Vous faites ici le nigaud
Auprès d’une péronnelle.
renaud, en pleurant
Ubalde, tais-toi,
J’en connais, j’en connais,
J’en connais bien d’autres,
Qui font comme moi.
le chevalier danois
Eh, allons, hâtez-vous de partir ; pour un héros, vous faites-là un sot personnage.
renaud, au parterre, en pleurant
Allons, armons, armons... armons-nous de courage.
Air : Tout cela m’est indifférent
Partons, mais généreusement,
Et paraissons être content,
Afin qu’à jamais l’on s’écrie :
Que Renaud mille fois montra
Plus de cœur dans sa parodie,
Qu’il n’en fit voir à l’Opéra.
Ils s’en vont.
Scène xviii
Armide seule, et revenue de son évanouissement
armide
Air : Or écoutez petits et grands
Le perfide Renaud me fuit,
Et quoiqu’ingrat, mon cœur le suit ;
Hélas ! il veut que je périsse !
Air : Pierre Bagnolet
Ah ! tu me trahis, misérable,
Ah ! tu vas trahir tes serments.
L’air précédant achevant.
Le perfide Renaud me fuit,
Et quoiqu’ingrat, mon cœur le suit.
Air : Quand on a prononcé ce malheureux oui
Hélas ! que n’ai-je crû le dieu de la Bouteille !
Ivre de son doux jus, à l’ombre d’une treille,
Air : J’en suis bien contente
Larmirtan plan, lan tire larigo
J’en serais contente.bis
Air : Il s’en va, le berger que j’adore
Il s’en va, le héros que j’adore,
Il m’a fait pour jamais ses adieux.
Air : Vaudeville du retour de Fontainebleau
De bon cœur il quitte ces lieux,
Il ose braver ma rage,
Je le vois, si j’en crois mes yeux,
Qui court gagner le rivage.
Et gai, gai comme il va,
Larela.....
Air : Suivons, suivons l’amour
Suivons, suivons Renaud, courons le rechercher.
Ah, ah, ah, je ne puis marcher.
Air : Quel plaisir d’aller à la guinguette
Traître, attends... je tiens ton cœur perfide,
Je l’immole, je l’immole à ma fureur,
Fin de l’air : Mariez, mariez-moi
Je le tiens, je le tiens, je le tiens bien.
Bon ! tu deviens folle Armide,
Je le tiens, je le tiens, je le tiens bien.
Ma foi, tu ne tiens plus rien.
Air : Voici les dragons qui viennent
Partons, mais de la vengeance,
Suivons les transports.
Air : Tout cela m’est indifférent
Ombres d’huissiers et de sergents,
Voici pour vous de doux instants.
Air : Les Trembleurs
Quittez le sombre rivage,
Accourez servir ma rage,
Faites ici le tapage ;
Répandez partout l’horreur.
Pour venger un cœur sensible,
Que votre pouvoir terrible
Y laisse, s’il est possible,
Des marques de sa fureur.
Les démons transformés en huissiers et sergents détruisent le palais d’Armide, qui au lieu de s’en aller sur un char volant, comme à l’Opéra, passe en l’air dans une brouette, et la pièce finit.
Fin