Riccoboni et Romagnesi
Hippolyte et Aricie
Parodie
Pour les Comédiens Italiens
30 novembre 1733
BnF ms. fr. 9334
definitacteur, Œnone œnone
Acteurs
persliste, M. Bérard Phèdre
Aricie : Mlle Silvia
Diane : Mlle Catine
La Prêtresse : Mlle Belmont
persliste, M. Babet Œnone
persliste, M. Thomassin Hippolyte
persliste, M. Romagnesi Thésée
persliste, M. Riccoboni fils Arcas
persliste, M. Sticoti Pluton
Parques
Furies
Hippolyte et Aricie
prologue, Le théâtre représente l’Enfer.
Scène i
Pluton, Thésée, Les Parques, Furies
Thésée
Air : Mahomet défendit
De l’Empire infernal
Monarque redoutable,
Dieu considérable,
De Jupin le rival.
De cent monstres affreux, j’ai délivré la terre
Pourquoi suis-je en ces lieux chargé de fers ?
Cruel revers.
Dans les enfers
Monstres divers
Me font la guerre.
pluton
Air : Console-toi
Console-toi de ce triste accident,
L’Univers se souvient de ton nom éclatant
Tes hauts faits l’ont déjà su rendre éternel.
Tu n’aurais plus rien à prétendre,
Comme nous il est immortel.
Thésée
Belle consolation !
pluton
Air : T’en repens-tu pas
Pourquoi ton cruel supplice
Te semblait-il surprenant ?
Tu t’es rendu le complice
D’un ami trop insolent !
T’en repends-tu pas la la la
T’en repends-tu pas maintenant ?
Thésée
Air : Allons la voir à Saint-Cloud
J’ai dès longtemps entrepris
D’être son inséparable.
Ce jeune homme avait appris
Que ta femme était aimable.
pluton
Si d’Amour il sent le poison
C’est une espèce de raison.
Mais dans cette galère
Dis-moi que venais-tu faire ?
Thésée
Devrais-tu me blâmer quand je mérite des louanges ?
Air : Guillot mon ami
Je suis son bon ami
Je prenais sa défense,
Fallait-il à demi
Seconder sa vaillance ?
pluton
Tu ne dis pas un mot,
Sot,
Qui ne te nuise.
Quelque ami
Que tu conduises
Dis,
En fais-tu moins la sottise ?
Mais retire-toi pour un moment, allons mes amis tenons conseil de guerre, que ferons de ce prisonnier ?
Air : Servantes quittez vos [paniers]
Que le Styx et le Phlégéton,
L’Averne et le Ténare,
Vengent Proserpine et Pluton
D’une façon barbare !
chœur
Que le Styx etc.
pluton
N’oublions pas le noir Achéron
Le chien Cerbère et le vieux Caron.
chœur
Que le Styx etc.
Danse de furies.
Thésée
Air : Ma Commère Colinette
Quoi ! votre pouvoir barbare
Me cache Pirithoüs.
Faut-il que l’on nous sépare ?
Ah ! ne le verrai-je plus ?
Par la conduite et par l’esprit
Chacun nous compare.
Par la conduite et par l’esprit
Nous sommes de même acabit.
Une Parque
La mort, la seule mort a droit de vous unir.
Thésée
C’est une vilaine ressource, mais puisqu’il faut en passer par-là dépêchons-nous !
Les Parques
Trio de danses
Nous sommes trois de qui les mains
Suivent la loi suprême.
Nous filons les jours des humains
Le sort les rompt lui-même.
pluton
Tu ne mourras point qu’il ne l’ordonne, ainsi ne t’impatiente pas.
Thésée
Air : Capucin
Ah ! si j’étais fils de Neptune
J’apaiserais votre rancune.
Bientôt de ce cruel tourment
Mon âme serait dégagée.
Mais hélas ! malheureusement
On me connaît pour fils d’Égée.
pluton
Attends, tu n’as pas besoin de son secours pour sortir d’ici. Je sais un moyen de te punir en te renvoyant dans le monde. Mesdames, annoncez-lui son sort !
Les Parques
Ah ! mon pauvre compère,
Tremble, frémis d’effroi !
Tu trouveras l’enfer chez toi !
pluton
Air : Le pauvre Lubin
Qu’un voisin vous fasse amitié,
Vous en contez à sa moitié,
Et croyez agir à merveille.
Vous gagnez la femme d’autrui.
Mais dès demain, dès aujourd’hui,
Autant vous en pend à l’oreille !
Air : [Quand le péril est agréable]
L’Enfer et sa noire furie
Sont le prologue de tes maux.
Chez toi tu rentres à propos
Pour voir la tragédie.
finprologue
sc 0
\scene[Le théâtre représente le temple de Diane.] Aricie
seule
Air : Le roi est là-haut [sur ses ponts]
Temple sacré, séjour fâcheux,
Où Diane reçoit mes vœux,
Secourez mon cœur vertueux,
Contre un amour trop malheureux.
Air : Rendez les armes
Toi dont l’image
Fait de mon cœur
Naître l’ardeur.
Héros sauvage
Vois ma langueur.
J’irai dans les bois
Suivre tes exploits.
C’est ce qui me console.
Mais tu ne sais pas
Que de tes appas
Je suis folle.
Temple sacré, etc.
Scène ii
Hippolyte et Aricie
hippolyte
Air : Margot a vendu [son cotillon]
Quels apprêts me frappent dans ces lieux
Princesse.biscrochets
Ah ! Croyez-moi, faites mieux !
Ne nous privez point de vos beaux yeux !
aricie
Air : C’est lui qui fait la
Aux lois que dicte l’Immortelle,
Mon cœur s’engage en ce moment.
hippolyte
Une reine à vos vœux cruelle
Vous y contraint assurément.
On ne vit jamais une belle
S’enfermer volontairement.
aricie
C’est à Thésée qu’il faut s’en prendre. Il donna cet ordre avant son départ.
hippolyte
Air : La Palisse
Je ne puis changer un sort
Qui de mon père est l’ouvrage.
Mais du moins puisqu’il a tort,
Permettez que j’en enrage !
aricie
Air : [L’autre jour – dessous un ormeau
Pourriez-vous partager les maux
Qu’on me prépare ?
hippolyte
Quand je vois des traits aussi beaux,
Mon cœur s’égare !
aricie
Votre roi plein de courroux,
M’a fait sentir ses coups
D’une haine barbare !
hippolyte
Jamais le père et le fils
Ne sont du même avis.
aricie
Vous ne me haïssez donc pas ?
hippolyte
Air : Dites la belle [le voulez-vous ?]
Mon cœur est si bon et si doux,
Dites la belle le voulez-vous ?
La pitié se montre chez vous
D’une façon nouvelle,
Dites la belle le voulez-vous,
Qu’Amour elle s’appelle ?
aricie
airvide
Contre un pareil discours,
Je veux tenir en fille sage.
Contre un pareil discours,
Vertu prête-moi ton secours.
D’un si pressant langage
Mon cœur s’émeut.
Je crains qu’il ne s’engage
Plus qu’elle ne veut.
hippolyte
Tout de bon, et bien ne vous gênez pas !
aricie
Ciel !
hippolyte
Air : Amis sans regretter [Paris]
Quoique ici la discrétion
Devienne impertinente,
Pour moi la déclaration
Est fort embarrassante !
aricie
Air : Au lit, à la table, [à la guerre]
Des dragons la troupe cruelle
De ce temple a fait le blocus.
La reine à nos désirs rebelle
A sur moi des droits absolus.
Que sert notre flamme nouvelle ?
Puisque nous ne nous verrons plus.
hippolyte
Demandons à Diane la permission de nous aimer.
aricie
Elle ne nous l’accordera jamais ! C’est une déesse ennemie de l’Amour.
hippolyte
Air : Je suis fait pour
Les destins au dieu d’Amour
L’avaient opposée.
De le bannir de sa cour
Elle s’était proposée,
Mais pour l’honneur de ce dieu
Notre opéra, depuis peu,
L’a bien humanisée.
aricie
Air : Trois enfants [gueux]
Quand un amant s’empresse à nous charmer,
Notre raison d’abord veut le connaître.
Mais pourrait-on s’empêcher de l’aimer ?
Quand par bonheur il n’est pas petit maître.
hippolyte
Même air
Qu’une beauté soit prête à vous charmer
Notre raison d’abord s’en inquiète.
Mais pourrait-on s’empêcher de l’aimer
Quand par bonheur elle n’est pas coquette ?
Duo, ensemble
Mais pourrait-on s’empêcher de l’aimer
Quand par bonheur elle n’est pas coquette ?
Quand par bonheur il n’est pas petit maître ?
Scène iii
Hippolyte, Aricie, La Prêtresse, Chœur
chœur
airvide
De l’aimable innocence
Respectons la puissance,
Qu’elle y règne à jamais !
aricie
Air : Nous sommes demi-douzaine
Pour montrer votre allégresse
La danse doit commencer.
La Prêtresse
Excusez-nous, Princesse,
Il faudra s’en passer,
Nous n’avons pas une seule prêtresse
En état de danser.
aricie
N’importe, bon ou mauvais il nous faut du ballet.
On danse.
La Prêtresse
Air : Cher Silvandre
Nos asiles
Sont tranquilles.
L’Amour n’y règne jamais,
La jeunesse,
La tendresse,
À nos yeux n’ont point d’attraits.
Ni l’esprit, ni la vaillance
N’affaiblissent nos rigueurs.
Les petits maîtres, les seigneurs
Jamais n’ont attendri nos cœurs.
Et de notre indifférence
Tous se croient les vainqueurs.
Scène iv
Phèdre, Œnone, Gardes, Les Précedents
Phèdre
Air : Quand j’ai bu
Lorsque des vœux éternels
Vous vous joindrez aux Immortels,
Faites gaiement,
L’heureux serment
Qui vous engage.
Que vous aurez d’agrément
Dans ce doux esclavage.
aricie
Air : C’est un moineau
C’est malgré moi
Que je suis la loi,
Que m’impose votre loi.
C’est malgré moi
Que j’accepterai cet emploi.
Mon cœur, je ne sais pourquoi,
N’est pas d’assez bon aloi.
Et quand Diane obtient ici ma foi.
C’est malgré moi etc.
Phèdre
Cela n’empêchera pas que vous ne la lui donniez.
La Prêtresse
Air : Vous qui vous moquez [par vos ris]
Non, non, à nos temples sacrés
Il faut qu’un cœur se donne.
Nous refusons les égarés.
Que notre refuge étonne :
Ici tout se fait de bon gré,
L’on n’y force personne.
chœur
Chez nous tout se fait de bon gré
L’on n’y force personne.
Phèdre
Prince, que dites-vous à cela ?
hippolyte
Ici tout se fait de bon gré. Mais je ne me mêle point de vos affaires !
Phèdre
Air : Sonnez trompettes
Lorsqu’on ose m’outrager,
C’est à moi de me venger.
Puisqu’en faisant la doucette,
Cette poulette,
Prétend me jouer ce tour,
Sonnez trompettes
Battez tambours !
hippolyte
C’est pour nous faire peur apparemment, pour moi s’il vient quelqu’un je me sauve !
Phèdre
Air : Un cordelier
J’ai su prévoir la désobéissance !
Craignez ma vengeance !
Le temple à ma voix
Va tomber cette fois !
Délivrons-nous de la vaine puissance
Pleine d’arrogance
Qui des plus grands rois
Veut refuser les lois !
chœur
Air : Mais morgué pour le vin
Prêtez-nous votre main Jupin,
Déclarez-leur la guerre !
Frappez-les, Jupin
Du tonnerre !
Scène v
Diane, les Précedents
diane
Air : Il est qu’un certain temps
Amour que rien ne vous étonne,
Je veux protéger en ce jour
Votre amour.
Hippolyte et Aricie, ensemble
Oh ciel ! La déesse est bonne !
diane
La foudre éclate devant moi !
Fuis la loi
Que Jupiter même te donne !
Air : Dans un bois je vais
Dans les bois vous pouvez courir
À votre fantaisie.
Sous vos traits l’on verra périr
Les monstres en furie.
Je vous donne la liberté
De chasser partout mon empire.
Elle sort.
hippolyte
Ah ! Je respire !
Hippolyte et Aricie, ensemble
Déesse en vérité,
Vous avez bien de la bonté.
Scène vi
Phèdre, Œnone
Phèdre
Hippolyte et Aricie s’en vont ensemble, ah je suis au désespoir !
Air : Le sort jaloux, Menuet
Mon cœur jaloux
Se livre au courroux
Dont il sent l’atteinte.
Ils vont s’aimer tous deux !
Les plus tendres feux
Vont les rendre heureux.
Loin de mes yeux,
Contents de leurs vœux,
Seront-ils sans crainte ?
Non c’est à se venger
Que mon amour doit s’engager !
Viens fureur
Haine, rigueur
Terreur
Rage, noirceur
Horreur,
Viens enflammer mon cœur !
Scène vii
Arcas, Phèdre, Œnone
arcas
Air : Quel état douloureux
Oh, destin malheureux !
Phèdre
Arcas, que vais-je apprendre ?
arcas
J’annonce le plus triste sort !
Au noir empire de la mort,
Le roi prit hier au soir la peine de descendre.
Air : [Mort] t’en vas-tu sans boire ?
Pour chercher l’infernal empire
Je l’ai vu partir de mes yeux.
Vous voyez que cela veut dire
Qu’il perd la lumière des cieux.
Phèdre
Il est mort !
arcas
Il n’en peut revenir, il est, je vous assure,
Mort !
Phèdre et Œnone, ensemble
Mort !
arcas
Mort.
Tous Trois, ensemble
Oh, la triste aventure !
Mort !
œnone
Mort. Cela n’est pas si triste, Madame.
Phèdre
Pas trop. Qu’on cherche Hippolyte et qu’on le fasse venir ici !
Scène viii
Phèdre, Œnone
œnone
Air : Les records et les sergents
Je commence d’entrevoir
Un espoir
Qui s’accommode au devoir.
Votre flamme est légitime,
Vous pouvez \ibis aimer sans crime.
Phèdre
Air : Ce n’est point [par effort qu’on aime]
Je puis à l’objet qui m’engage
Tenir les plus tendres propos,
Mon époux meurt dans son voyage
Pour mettre mon cœur en repos.
Jamais le moment du veuvage
Ne fut placé plus à propos !
œnone
Air : Réveillez-vous, [belle endormie]
Vous aimiez un cœur inflexible,
Qui d’Amour fuyait le tourment.
Mais pour un autre il est sensible,
C’est toujours un commencement.
Phèdre
C’est un commencement fort désagréable et qui ne me promet rien de bon. Mais voici Hippolyte, voyons comme il prendra ce que je vais lui dire.
Scène ix
Hippolyte, Phèdre, Œnone
hippolyte
Air : Admirez la vanité
Si je me laisse encor voir
En votre présence,
C’est pour suivre mon devoir.
Et par bienséance,
Je viens très civilement,
Pour vous faire un compliment
De condoléances, ô gué,
De condoléances.
Phèdre
Approchez, approchez n’ayez point de peur.
hippolyte
Air : Vous ne m’aimez pas
Vous ne m’aimez pas,
Tout m’en assure.
Phèdre
Pardonnez-moi,
Vous n’êtes pas connaisseur, je le vois.
Non, vous me faites injure,
Vous n’êtes pas connaisseur je le vois.
Vous me faites injure,
J’en jure ma foi.
hippolyte
Air : Un conseiller, un avocat
À mes désirs vous n’êtes plus contraire,
Quel excès de bonheur !
De votre fils au défaut de son père,
Je serai précepteur.
Phèdre
À votre loi d’un cœur tendre et sincère
Je soumets la mère :
Moi,
Je soumets la mère.
hippolyte
Air : Faire l’amour [la nuit et le jour]
Je ne veux point régner,
Et toute mon envie
Est de pouvoir gagner
De la jeune fille Aricie
L’amour
La nuit et le jour.
Phèdre
Air : [Oh, oh,] Tourelouribo
Son nom fait renaître ma colère !
hippolyte
Oh, oh, tourelouribo,
Pourrait-elle vous déplaire ?
Phèdre
Oh, oh, tourelouribo,
Ma rivale vous est chère !
hippolyte
Oh, oh, tourelouribo.
Air : Pèlerins
Vous êtes veuve de Thésée.
Je suis son fils.
Pour moi vous êtes embrasée,
Ah j’en frémis !
Phèdre
Il est trop vrai pour vos appas
Mon cœur pétille.
Et ma tendresse ne peut pas
Sortir de la famille.
hippolyte
Ah ! si j’avais assez de voix, j’appellerai le tonnerre comme il faut !
Air : J’ai du bon tabac
Dieux qu’attendez-vous,
Pour lancer la foudre ?
Dieux qu’attendez-vous,
Pour lancer vos coups ?
Mais dans votre éclatant courroux,
Il ne faut pas tirer sur nous !
Dieux qu’attendez etc.
Phèdre
Air : D’une maison
N’appelle point le tonnerre,
Mais sors d’un honteux repos !
Des monstres purge la terre
Montre-toi fils d’un héros,
Pour me déclarer la guerre !
Arme-toi de ta fureur,
C’est un monstre que mon cœur !
À défaut de ton bras, prête-moi ton épée, donne !
Scène x
Thésée, Les Précédents
Thésée
Air : Anonymes
Je trouve les enfers chez moi
Parlez, qu’est-ce donc que je vois ?
Que fait-il assommé ? Déclarez-le madame !
Phèdre
Chut ! Paix sur le passé quand tu rentres chez toi,
Ne demande rien à ta femme.
Scène xi
Thésée, Hippolyte, Œnone
Thésée
Air : Réjouissez-vous, [bons français]
Quel est donc ce discours cruel ?
Mon fils, nommez le criminel !
hippolyte
Seigneur quand on ne sait que dire,
Il vaut mieux que l’on se retire.
Scène xii
Thésée, Œnone
Thésée
Air : Non, je ne ferai pas [ce qu’on veut que je fasse]
Quoi ! Tout fuit devant moi, tout ici m’abandonne :
Mon épouse et mon fils. Ciel, demeurez, Œnone !
Sur cette trahison vous devez m’éclairer.
œnone
Il serait plus prudent seigneur de l’ignorer.
Air : Il aura nom Jean
Un mari qui de sa femme
S’absente un peu trop souvent,
Est toujours digne de blâme.
Il peut compter sûrement
Qu’il aura nom Jean.
Thésée
C’est assez, épargnons le reste !
Œnone sort.
Scène xiii
Thésée seul
airvide
Je ne saurai gémir
Sans accompagnement.
Folies d’Espagne
Dans ma colère
Que dois-je faire ?
Serai-je père ?
Serai-je époux ?
Détestable auteur d’un tel crime,
L’honneur m’anime
Soit la victime
De mon courroux !
Air : Gulliver
Entends ma voix
Favorable Neptune.
Seconde ma rancune,
C’est ce que tu dois
À mes exploits.
L’Opéra t’importune
Par trois fois.
Pour moi, comme tu vois
Je suis courtois,
Je ne veux voir que mon fils aux abois,
Des Normands, que je crois
Tu ne suis pas les lois.
Soutiens-nous dans nos droits :
C’est aux dieux de venger les rois !
Air : Non, je ne veux pas rire
Quand mon fils vient de m’offenser
Je suis bien en train de danser.
A-t-on rien vu de pire ?
Non, non, je ne veux pas rire.
Symphonie.
\scene[Le théâtre représente un bois.] Hippolyte
seul
Air : De tout temps le jardinage
Je perds la beauté que j’aime,
Je quitte Diane même,
Je m’enfuis de la maison.
Phèdre contre moi s’irrite,
Mon père me déshérite,
Me voilà joli garçon.
Scène xiv
Aricie, Hippolyte
aricie
Air : Qui veut ouïr chansonnette
Quoi ! Vous voyez ma tristesse
Sans être affligé ?
Doit-on quitter sa maîtresse
Sans prendre congé ?
hippolyte
Je sens une peine extrême
De quitter ces bords.
Mais j’ai demandé moi-même
D’être mis dehors.
aricie
Voilà une excuse admirable !
hippolyte
Je ne saurai m’empêcher de partir, ma belle-mère me cherche chicane, vous ne savez pas tout.
aricie
airvide
À quels maux affreux me livre
Le départ de mon amant !
Je touche au dernier moment,
Sans vous je ne saurai vivre !
Quel est mon tourment !
hippolyte
Mais vous n’avez qu’à me suivre.
aricie
Oh, oh, doucement !
hippolyte
airvide
Quand le grand jour nous éclaire,
Il faut faire la sévère.
On craint la censure austère
Si l’on rit, on ne rit guère,
Mais on peut, je crois
Rire au fond d’un bois.
Air : Je suis la fleur [des garçons du village]
Des amoureux, vous voyez les plus sages.
Me prenez-vous pour un trompeur ?
Quand je vous veux proposer ce voyage,
C’est en tout bien et tout honneur.
aricie
En ce cas, on peut s’accommoder mais il faut demander la permission à la déesse.
hippolyte
Allons ! Sans Diane nous ne saurions jamais finir un entretien.
Duo, ensemble
Air : Pour chanter un duo
Déesse des forêts, le malheur nous rassemble.
Nous quittons ce climat, ne pouvant y rester,
Sans hésiter.
Quand on ne veut point le quitter,
Il faut partir ensemble.
Prélude.
hippolyte
Ah ! Voici les chasseurs qui viennent faire une fête en son honneur. Allons, il faut les écouter !
Scène xv
Hippolyte, Aricie, Chœur
chœur
Chantons fanfare, déjà le soleil luit.
Que chacun se prépare à chasser à grand bruit !
Appelons avec pompe
Lipaut, Gerbaut, Griffaut.
Qu’ici la trompe
Résonne comme il faut,
un chasseur, chante
Air :
1
La beauté sauvage
Fuit comme le vent
L’ennuyeux hommage
Du timide amant ;
Partez d’abord \ibis avec audace.
Poursuivez-la sans la quitter.
Elle est bientôt lasse
De vous résister.
2
Quand la fierté vaine
Cherche la forêt,
C’est qu’elle est certaine
Qu’on la suit de près.
Partez d’abord, etc.
3
D’une ardeur constante
Courrez la chercher,
Sa fuite plus lente
Vous laisse approcher.
Partez d’abord, etc.
4
Tout dans sa défaite
Lui paraît bien doux
Quand elle rejette
La faute sur vous.
Partez d’abord, etc.
On danse.
Tempête. Le monstre paraît.
chœur
Air : Prenez bien garde à votre cotillon
L’onde s’élève jusqu’aux cieux
Quel monstre paraît en ces lieux ?
Accourez, brave Hippolyte !
Arrachez-lui les yeux !
hippolyte
Air : Je suis un merveilleux chasseur
Je suis un merveilleux chasseur,
Il n’en est pas un qui me vaille.
Cent fois au monstre en fureur
J’ai su livrer bataille.
Mais que sert-il d’avoir du cœur
Contre une huître à l’écaille ?
chœur
Accourez brave Hippolyte !
Arrachez-lui les yeux !
Hippolyte combat l’huître qui l’avale.
aricie
Air : La mort de Turenne
Ah ! Tu cours au trépas,
Rien n’arrête tes pas !
chœur
Hélas ! L’huître l’avale !
aricie
Ne pouvant le sauver,
Il faut l’aller trouver
Dans la nuit infernale.
Scène xvi
Phèdre, Chœur
chœur
Air : Chers enfants de
Déplorons le destin du héros qui n’est plus.
Phèdre
Ciel ! Qu’entends-je en ces lieux, quelle plainte m’appelle ?
chœur
Hélas ! Hippolyte n’est plus !
Phèdre
Il n’est plus, ô douleur mortelle !
Air : C’est le grand duc de Guise
Racontez-moi ses maux.bis
chœur
Une huître épouvantable,
Liralonlalon, tourelouribo,
N’en n’a fait qu’un morceau.
Phèdre
Air : Ces filles sont si sottes
Hippolyte aux enfers descend.bis
Peuples, vengez-vous sur mon sang
Du héros qu’il vous ôte !
Hélas ! C’était un innocent,
S’il meurt c’est par ma faute,
Lonla, lonla
S’il meurt c’est par ma faute.
airvide
Dieux, où pourrai-je fuir ? Je sens trembler la terre.
Quel tumulte ! Quel bruit s’élève dans les airs !
J’entends gronder un horrible tonnerre
Et je ne vois partout que des brillants éclairs !
Vengez-vous dieux puissants d’une coupable reine !
Que le ciel en courroux lance tous ses carreaux.
Frappez ! Qu’attendez-vous ? Frappez ! Comblez ma peine
Terminez à la fois mes crimes et mes maux.
Scène 17
Aricie
Air : La jeune Isabelle
Un dieu secourable
Viens ouvrir mes yeux,
Mais rien n’est aimable
Pour moi dans ces lieux.
Quel coup pour mon âme :
J’avais un amant,
Et n’ai vu sa flamme
Qu’un petit moment.
Air : Chef-d’œuvre
J’entends l’alouette qui chante
Au point du jour.
Ah ! que ce doux ramage augmente
Mon tendre amour !
Sans mon amant tous les bosquets
N’ont point d’attraits.
J’aime mieux voir ce beau garçon
Sur ce gazon.
Scène xviii
Diane, Aricie
diane
Air : Dans un bois solitaire [et sombre]
Vous pleurez, vous êtes troublée,
Par la perte d’un tendre cœur.
Mais on peut dès cette journée
Réparer un pareil malheur.
Air : Changement [pique l’appétit]
La perte d’un objet aimable
C’est de paraître effroyable.
Quand pour un autre on s’adoucit,
Changement pique l’appétit.
aricie
Ah ! Déesse, je ne m’en consolerai jamais.
diane
Nous verrons si votre douleur se peut apaiser.
Air : Le drôle de moine allait au trot
Apportez en ces lieux,
Troupe à ma voix fidèle,
Le dépôt précieux,
Commun à votre zèle.
Zéphyrs légers, accourez au plus tôt !
Vous ne sauriez pour moi vous pressez trop.
Partez, volez, venez le trot,
L’entrepas, l’amble et même le galop !
Marche
Scène xix
Hippolyte, Diane, Aricie
hippolyte
Eh doucement messieurs ! Je perds haleine, où Diable m’amenez-vous ?
Air : Pierrot rencontre Nanette
Cher objet de ma tendresse,
N’est-ce pas vous que je vois ?
Je vous ai conservée ma foi.
Ah ! Vous voilà déesse !
Pardonnez-le-moi
C’est une impolitesse.
diane
Air : Au palais de mon fils
Ici tout se prépare,
Pour vous unir.
Que rien ne vous sépare
À l’avenir.
Le destin m’a permis cela.
L’on vous mariera
Quand il vous plaira.
Ô gué lonla.
Mais voulez-vous savoir comment Hippolyte n’est point mort, comment Neptune a pu manquer à son serment, ce que sont devenus Phèdre et Thésée ?
hippolyte
Air : Réveillez-vous, [belle endormie]
Non, la fin de notre martyre
Est le sujet intéressant.
Tout ce que vous pourriez nous dire
Nous serait fort indifférent.
Mais nous sommes obligés de chanter encore un duo.
aricie
Air : Il faut fuir
Chanter à deux n’a rien [qui m’intéresse] :
À l’Opéra c’est le moment [d’ennui].
Les duos y vont aujourd’hui
Comme deux seaux font dans un puits :
L’un hausse et l’autre baisse ;
L’un après l’autre, il vaut mieux raisonner.
Nous serons moins sujets tous deux [à détonner].
diane
Voici mes sujets qui ont préparé une fête en votre honneur.
divertissement
Troupe de bergères et bergers
Une danse.
vaudeville
5
Fronder un opéra nouveau,
Ne lui point donner son suffrage,
Quand on ne le trouve pas beau
C’est être sage.
Mais s’acharner avec fureur
Dans la critique de l’ouvrage
À vouloir dénigrer l’auteur
Cela passe le badinage !
6
Montrer avec ménagement
Tous les dangers où nous engage
L’amour et son égarement,
C’est être sage.
Mais en feignant de le blâmer,
Peindre au vif le libertinage,
De ma mère à se faire aimer
Cela passe le badinage !
7
Contre les mœurs en général
De la satire faire usage,
Frapper les défauts en total,
C’est être sage.
Mais berner un particulier
Et désigner le personnage
Par l’habit, l’air et le métier,
Cela passe le badinage !
8
Quand d’une pièce l’on voit la fin
Soulever contre elle un orage,
Qui détermine son destin
C’est être sage.
Mais par la cabale agiter,
Quand un parterre fait tapage
Avant d’avoir rien écouté,
Cela passe le badinage !
Fin