Charles-François Pannard [et Antonio Jean Sticotti]
Roland
Parodie
Représentée pour la première fois par les Comédiens Italiens ordinaires du Roi
le 20 janvier 1744
Théâtre et œuvres diverses de M. Pannard, t. 1, Paris, Duchesne, 1763
Acteurs
Angélique, reine
Thémire, confidente d’Angélique
Médor, aimé d’Angélique
Roland, guerrier
Astolphe, confident de Roland
Zéliante
Coridon, nouveau marié
Bélise, jeune mariée
Thersandre, père de Bélise
Troupe d’insulaires, de bergers et de bergères
Roland
Scène i
Angélique seule
angélique
Air : Mon joli petit cœur
J’éprouve une funeste guerre,
Elle se passe dans mon cœur ;
Tantôt il me dit d’être fière,
Tantôt il me nomme un vainqueur.
Eh ! quoi donc, toujours se contraindre !
Faut-il rendre, ou faut-il garder
Mon joli cœur, mon petit cœur,
Mon joli petit cœur ? Qu’on est à plaindre,
Quand on ne sait pas s’accorder !
Scène ii
Angélique, Thémire
thémire
Air : Le masque tombe
Roland vous va faire un présent fort leste.
angélique
Je n’en veux point.
thémire
Parlez-vous tout de bon ?
Toutes les fois que l’on vous fait un don,
Vous vous fâchez, mais le présent vous reste.
angélique
Air : Je ne bois jamais qu’un coup
Ah ! que Médor a d’appas !
thémire
À quoi rêvez-vous, Madame ?
Roland, que l’amour enflamme,
Touche-t-il enfin votre âme ?
angélique
Eh ! quoi, tu ne m’entends pas !
thémire
Répondez-moi sans emblème.
C’est Médor ?
angélique
Oui, c’est lui-même,
Thémire, \ibis\ c’est lui que j’aime.
Ah ! que Médor a d’appas !
thémire
Air : L’Amour pêche en eau trouble
Cet amour-là me passe ;
Non, je n’y comprends rien.
Ce galant à la glace
N’a pas un sol de bien.
angélique
Pauvreté n’est pas vice.
thémire
Vous refusez des Rois,
Et vous oseriez faire choix
D’un cadet de milice !
angélique
Air : L’asthmatique
Quoiqu’il n’soit pas gentilhomme,
J’l’aime tout comme
S’il était Prince.
Quoiqu’il n’soit pas gentilhomme,
J’l’aime tout comme
S’il était Roi.
Air : Comment, monsieur votre époux
Je l’ai vu prêt à mourir.
Quand tout l’abandonne,
J’ai pris soin de le guérir.
thémire
Que vous êtes bonne !bis
angélique
Air : L’autre jour, m’en revenant de vendange
Médor a sût blesser mon cœur.
Apprends quelle est ma peine ;
J’ai senti naître ma langueur,
En guérissant la sienne.
Et ce n’est point, en vérité,
Un amour de passade ;
Il est en fort bonne santé,
Et mon cœur est malade.
Air : Les filles de Montpellier
Je veux le fuir avec soin,
Quoique mon cœur le désire.
De ton secours j’ai besoin.
thémire
Il vient, fuyez !
angélique
Ah ! Thémire,
Aïe, aïe, aïe,
Ma prudence expire,
Je n’irai pas loin.
Scène iii
Médor, Angélique et Thémire un peu éloignées
médor
Air : Jamais la nuit
Peut-on aimer sans espérance ?
J’aime une Reine, hélas ! elle fait mon tourment.
Pour elle cent rivaux ont brûlé vainement.
Puis-je oublier son rang, son pouvoir, ma naissance ?
Dieu d’amour, attendris son cœur ;
Tu dois payer une flamme parfaite ;
Heureux l’instant où l’amant est vainqueur !
Que ces moments sont doux ! ah ! que je les souhaite !
Air : De tous les capucins du monde
Peu secondé de la fortune
Mon amour sans doute importune.
Quand on n’est pas riche en aimant,
On n’a qu’un timide langage.
Ah ! si j’étais bien opulent,
Je serais plus hardi qu’un page.
Air : Tout cela m’est indifférent
On vous apporte dans ces lieux
De Roland le don précieux.
C’est un héros, grand, magnifique ;
Il se déclare hautement.
Il fait sonner sa rhétorique.
Cela n’est pas indifférent.
angélique
Air : Je ferai mon devoir
Il a beau vouloir m’en conter,
J’ai soin de l’éviter.bis
Sur vous, Médor, puis-je savoir
Si j’ai quelque pouvoir ?bis
médor
Air : Dans les bras de ce qu’on aime
Sans vous je serais, ma Reine,
Dans les horreurs du trépas.
Pour servir ma Souveraine
Mon sang ne suffirait pas.
Si je pouvais le répandre,
Ah ! que mon sort serait doux
De pouvoir enfin vous rendre
Un bien que je tiens de vous !
angélique
Air : Partez d’abord avec audace
Pourrais-je, sans honte,
Songer à vous voir ?
médor
Ce n’est pas mon compte.
angélique
Adieu donc, bon soir.
Partez, Médor.bis
médor
Ce trait m’étonne.
angélique
Partez, Médor, \ibis\ sans différer.
L’honneur nous ordonne
De nous séparer.
Air : Contre mon gré, je chéris l’eau
Comptez sur ma protection,
Même sur une pension ;
Choisissez où vous voulez vivre,
J’aurai soin de votre entretien.
médor
Je meurs, si je ne puis vous suivre.
Qui meurt n’a plus besoin de rien.
Scène iv
Angélique, Thémire
angélique
Air : Voyageur que l’Amour guide
Le pauvre enfant ! comme il m’aime !
Thémire, qu’il doit souffrir !
Dans son désespoir extrême,
Je crains qu’il n’aille mourir.
Moi qui l’aime et qui l’estime,
Y pourrais-je consentir ?
thémire
Bon ! ce n’est que pour la frime
Que vous l’avez fait partir.
angélique
Air : Comment faire
S’il faut que je cède à l’Amour,
Je mourrai de honte en ce jour.
Médor, pourquoi m’as-tu su plaire ?
S’il faut te bannir de mon cœur,
J’en pourrai mourir de douleur :
Comment faire ?
thémire
Air : Il ne faut point mettre à rançon
Fuyez, oubliez cet amant.
Pour vous, je crains que l’on n’en glose.
angélique
Tu devrais te taire un moment,
Tu dis toujours la même chose.
Air : Tout ainsi comme
Cours, qu’il revienne...
Vas-y donc... n’y vas pas.
Qu’on le ramène...
Si pourtant... mais hélas !
Attends... quelle peine !
Je veux... je ne veux pas.
thémire
Air : Le ciel bénisse la besogne
J’entends déjà des instruments,
Reprenez donc votre bon sens.
angélique
J’ai bien assez mal à la tête,
Sans l’augmenter pas une fête.
Scène v
Angélique, Thémire, Zéliante, Troupe d’insulaires orientaux dont l’un porte un perroquet attaché avec une chaine d’or
zéliante
Air : Que faites-vous, Marguerite
Par des façons inconnues,
Charmés de nous signaler,
Nous apportons des massues,
Afin de vous régaler.
airopera
Au généreux Roland je dois ma délivrance ;
D’un charme affreux sa valeur m’a sauvé.
Il n’a voulu de ma reconnaissance
Que ce présent qu’il vous a réservé.
Air : Du bout du monde
C’est un oiseau de Saint-Domingue.
Roland, qui partout se distingue,
Nous a chargés de vous l’offrir.
Sur le sein de l’onde
On l’a fait venir
Du bout, du bout, du bout du monde.
airopera
Recevez, charmante Reine,
Recevez avec bonté,
Cet oiseau par mes sauvages porté.
À la plus douce liberté
Vous le verrez préférer votre chaine.
Recevez, etc.
On danse.
vaudeville
Air : Comme un oiseau
1
De l’amour qui touche votre âme
Voulez-vous voir durer la flamme
Jusqu’au tombeau ?
Qu’il soit toujours dans l’esclavage,
Si jamais vous ouvrez la cage,
Adieu l’oiseau.
2
Si l’amour me trouve cruelle,
C’est qu’il n’est pas aussi fidèle
Qu’il parait beau.
Son inconstance me désole :
Sitôt qu’on le flatte, il s’envole
Comme un oiseau.
3
Au dieu Plutus tout est possible,
Rien n’est tel, pour rendre sensible
Qu’un bon cadeau.
Par cette glu, la plus ingrate
Se prend aisément par la patte,
Comme un oiseau.
4
Qu’ils savent bien vider la poche,
Ceux qui montrent de la basoche
Dans le barreau.
Le procureur le moins habile,
Pour voler est bientôt agile,
Comme un oiseau.
5
Lorsqu’un riche faquin s’étale
Dans la grande et superbe salle
De son château,
Croit-il en valoir d’avantage ?
Point du tout : ce n’est pas la cage
Qui fait l’oiseau.
6
Près d’un mari brusque et sauvage,
Mettons la douceur en usage,
Rien n’est si beau.
Des soins flatteurs, un doux langage
L’apprivoiseront dans sa cage,
Comme un oiseau.
7
Un jour la gentille fauvette
Ayant approuvé l’amourette
D’un vieux corbeau,
Se disposait à conclure.
Par malheur pour lui, la future,
Vit un moineau.
8
Messieurs, ayez quelque indulgence,
Soutenez par votre préférence
L’acte nouveau.
Sans vous, notre destin chancèle,
Et l’on nous voit battre de l’aile,
Comme un oiseau.
Scène 6
Angélique, Thémire
thémire
Air : Robin turelure
Fuyez ces bois dangereux,
Car on dira, je vous jure,
Qu’Angélique en ces lieux
Turelure
Ne cherche pas la verdure,
Robin turelure lure.
angélique
Air : Les Triolets
À la fontaine de l’amour
Un charme séducteur m’entraine.
Tout chemin me mène en ce jour
À la fontaine de l’amour.
J’ai beau chercher un long détour,
Un je-ne-sais-quoi m’y ramène.
À la fontaine de l’amour
Un charme séducteur m’entraine.
Scène vii
Roland, Angélique, Thémire
roland
Air : Belle Brune
Angélique ! Angélique !
angélique
Servons-nous pour l’éviter,
De notre bague magique.
roland
Angélique ! Angélique !
Air : Je ne vous ai vu
Je ne vous ai vu qu’un seul petit moment.
Vous me fuyez, et je ne sais comment.
Air : Le fameux Diogène
Vainement je l’appelle.
Pourquoi se cache-t-elle ?
L’ai-je donc mérité ?
J’en ai trop fait, Thémire,
Et j’ai honte de dire
Ce qu’elle m’a coûté.
Air : Passant sur le Pont-Neuf
J’ai trahi mon devoir,
Pour suivre cette Reine.
Et j’ai l’affront de voir
Que ma tendresse est vaine.
Belle inhumaine,
Quand sous vos lois l’amour m’enchaine,
Quel barbare plaisir trouvez-vous dans ma peine ?
thémire
Air : Les Feuillantines
Pourquoi donc criez-vous tant ?
Oh ! vraiment
On peut dire que Roland,
Près de l’objet qui l’engage,
Fait un gen, fait un gentil personnage.
roland
Air : Fanfare de Choisy
Je devrais par de hauts faits
Tenter les plus beaux succès,
Et je vais par mes regrets
Des forêts troubler la paix.
Dieu d’amour, ah ! que tes traits
Font de terribles effets !
Air : Mais le soleil n’est pas mort
Je mériterais le blâme
Par trop de fidélité ;
S’en est fait, j’éteins ma flamme.
Heureuse la cruauté
Qui rend la paix à mon âme,
Et me rend la liberté !
Air : Je croyais que ma flamme
Mais en vain je me flatte,
Déjà mon feu renaît ;
Plus que jamais, j’aime l’ingrate.
thémire
Le héros n’est plus qu’un benêt.
Air : Et fron, fron, fron
Elle vous estime un peu.
roland
Tu te moques, palsambleu.
thémire
Qu’un doux espoir
De l’émouvoir
Vous encourage.
Venez la voir sur le soir,
Vous plairez davantage.
roland
Air : Noirs orages
Quel outrage
Me fait cet objet sauvage !
Loin de courir,
Pour me secourir,
Elle évite mon tendre hommage.
Quelle fierté ! J’enrage !
Tout, sans cesse,
Pour m’écouter, s’empresse
Cent belles, pour me voir,
Viennent ici le soir.
La seule, hélas !
Dont je fais cas,
Me hait plus que la mort.
thémire
Elle a, ma foi, grand tort.
roland
Fin de l’air : Passant sur le Pont-Neuf
Belle inhumaine,
Quand sous vos lois l’amour m’enchaîne,
Quel barbare plaisir trouvez-vous dans ma peine ?
Scène viii
Angélique, Thémire
thémire
Air : Un abbé dans un coin
Il est enfin parti,
Mais voici
Médor qui vient ici.
angélique
Considère sa grâce.
Thémire, qu’il m’est cher !
thémire
Laissons-lui de la place,
Pour chanter son grand air.
Scène ix
Médor, Angélique et Thémire un peu éloignées
médor
Air : Nous aimons qui nous aime
Du repos aimable séjour,
Agréable retraite,
Pour les doux plaisirs de l’amour
Votre ombre semble faite.
Mais, hélas ! les tristes accents
D’un cœur sans espérance
Ne troubleront pas bien longtemps
Votre amoureux silence.
angélique, au fond
Air : Eh ! allons donc, Mademoiselle
Son martyre m’inquiète,
Et je vois...
thémire
Que dira-t-on
D’une Reine qui se jette
À la tête d’un garçon ?
Eh ! allons donc, belle indiscrète
Eh ! allons donc, de la raison.
médor
Air : Dormir est un temps perdu
Je ne puis plus soutenir
Ma douleur profonde.
Ô mort ! viens me secourir,
Mon espoir en toi se fonde :
Puisqu’on me fait tant languir,`
C’en est fait, il faut partir,
Partir pour l’autre monde.
Air : Eh ! zon, zon, zon, Lisette
Cher et glorieux poids,
Dont j’ignore l’usage,
Pour la première fois,
Seconde mon courage.
Eh ! zon, zon, zon,
Qui te retient ? J’enrage !
Eh ! zon, zon, zon,
Ma lame, sortez donc !
angélique
Air : Quand la bergère vient des champs
Serez-vous, mon cher tourtereau,
Votre bourreau ?
médor
Je veux...
angélique
Tout beau !
thémire
Pour nous, c’est un vilain cadeau.
Quelle équipée !
Mettez l’épée
Dans le fourreau.
angélique
Air : Prenez mon cœur, et n’en prenez point d’autre
Vivez Médor.
médor
Sans vous je hais la vie.
angélique
Vivez, vivez.
médor
Ah ! laissez-moi périr.
angélique
Vivez, vivez.
médor
Finissez, je vous prie,
Tout vos vivez d’ennui me font mourir.
Air : J’ai deviné la cachette
Rien ne me paraît plus drôle,
Beau Médor, que votre sort.
Vous passez tout votre rôle
Entre la vie et la mort.
angélique
Air : Voici les dragons qui viennent
Je vois Roland qui s’avance,
Je crains son courroux.
thémire
Pour éviter sa vengeance,
Décamper en diligence.
angélique
Et cachez-vous.bis
Scène x
Angélique, Roland, Thémire
roland
Air : Votre toutou vous flatte
Mon cœur vous est fidèle,
Et vous en abusez.
Tant d’ardeur, tant de zèle
Sont toujours méprisés.
Cruelle !
Vous n’êtes pas digne, entre nous,
Du tendre amour \ibis\ que j’ai pour vous.
angélique
Air : Que chacun de nous se livre
J’ai, pour vous rendre à la gloire,
Fait des efforts superflus.
Si vous m’eussiez voulu croire,
Non, vous ne m’aimeriez plus.
roland
D’une trop fatale ivresse
Mon cœur ne peut revenir.
Vous qui causez ma faiblesse,
Est-ce à vous de m’en punir ?
angélique
Air : Que j’estime, mon cher voisin
Hélas !
roland
Qui cause ce soupir ?
En vain on me le cache.
Un juste effroi me fait sentir
Qu’un rival vous l’arrache.
Air : Jeunes filles, accourez toutes
S’il osait, un jour,
Dans ce séjour
Paraître,
Le traître,
Bientôt du haut en bas,
Par la fenêtre,
Quel qu’il pût être
Bientôt du haut en bas,
Devant vous sauterait le pas.
Air : J’ai rêvé toute la nuit
Vous cherchez à m’éviter...
angélique
Eh ! qui pourrait m’arrêter ?
Ce matin en vous fuyant,
Vous l’avez bien vu, souvenez-vous-en,
J’ai disparu dans l’instant.
J’en pourrais bien faire autant.
Air : La poudre prend
Que ne m’est-il encore permis
De vous fuit ? Mais non, je ne puis.
À part.
Feignons.
Haut.
Je ne suis plus la même,
Cher Roland.
roland
Ce bonheur extrême
Me surprend.
angélique, à part
L’amorce prend.
Achevons-le dans un moment.
Air : On ne peut tromper l’Amour
Mon cœur enfin cède à votre tendresse.
C’est trop feindre avec mon vainqueur.
Si j’eus pour vous tant de rigueur,
C’était pour cacher ma faiblesse.
On a beau chercher un nouveau tour,
On ne peut tromper l’amour.
roland
Air : La Baronne
Est-il possible
Que Roland touche votre cœur ?
angélique
Mon ardeur n’est que trop visible.
roland
Je doute encor de mon bonheur.
Est-il possible ?
angélique
Air : Toque mon tambourinet
Pourvu que Roland
Garde le secret,
D’un amour ardent
Il verra l’effet.
Il faut pour plaire,
Taire
Les faveurs qu’on nous fait.
roland
Air : Laissons-là la fumée
Cherchons, belle Angélique,
Un séjour écarté,
Où l’amour qui nous pique,
Puisse être en liberté.
Ah ! que deux cœurs dans une paix profonde,
Sont heureux d’oublier tout le reste du monde !
angélique
Air : Par bonheur ou par malheur
Cher amant, pour rendez-vous,
Quel endroit choisissez-vous ?
roland
Dans la Foire, il faut, ma chère,
Nous trouver.
angélique
Je sais l’endroit.
roland
Il est propre au doux mystère.
angélique
Mais souvent il y fait froid.
roland
Air : Attendez-moi sous l’orme
Pour le dessein que je forme,
Vous y suivrez donc mes pas ?
angélique
Mon zèle au vôtre est conforme.
Non, je n’y manquerai pas.
À part.
Attendez-moi sous l’orme.
Scène xi
Médor, Angélique, Thémire
médor
Air : Chacun à son tour
Vous n’êtes point trop délicate.
Au lieu d’un, vous en aimez deux.
Mon rival qui vous quitte, ingrate,
Se voit au comble de ses vœux.
À présent, puisqu’il a fait retraite,
Je reviens vous faire ma cour :
Chacun à son tour,
Liron, lirette,
Chacun à son tour.
Air : Vous n’avez pas besoin qu’on vous console
Ce rendez-vous, et m’offense, et me blesse.
angélique
Mon cher Médor, ne vous en plaignez pas.
Si de Roland je flatte la tendresse,
C’est pour sortir plus vite d’embarras.
médor
Air : C’est une excuse
Que par feinte, ou bien par amour,
Roland soit heureux dans ce jour,
C’est moi que l’on abuse.
angélique
Même en lui faisant les yeux doux,
Médor, je ne pensais qu’à vous.
médor
La belle excuse !
Air : Par la vertu, tu, tu, de ma baguette
Je vous crois, mais il me reste
Toujours un certain soupçon.
angélique
Sans raison.
Un amant que je déteste,
Doit-il vous alarmer tant ?
Vainement
Roland
M’attend.
Je vous proteste
Qu’il n’en croquera que d’une dent.
thémire
Air : Buvons à nous quatre
Il est intraitable,
Ce cruel vainqueur.
C’est un plus hardi frappeur
Que Robert le Diable,
Que Richard sans peur.
angélique
Air : On pourra vous viser
Pour vos jours je crains beaucoup.
thémire
Ce rival peut d’un seul coup
Vous couper la tête,
Vous couper le cou.
angélique
Air : À l’Amour, rendons les armes
Dissipez votre tristesse,
Seul vous êtes mon vainqueur.
Nul autre ne m’intéresse.
La tendresse
Qui me presse,
N’aspire qu’à votre cœur.
médor
Mineur
Dieux ! que mon âme est ravie
D’un langage si flatteur !
Tous les plaisirs de la vie,
Sans vous perdent leur douceur.
Pour être heureux, je n’envie
D’autre bien que votre cœur.
Air : La jeune Isabelle
Beau lieu, cher bocage,
Qui m’a vu languir,
D’un plus doux partage
Tu me vois jouir.
Au bien où j’aspire
Je suis parvenu.
Qui l’eut dit, Thémire !
thémire
Médor, l’eusses-tu crû ?
angélique
Air : C’est l’ouvrage d’un moment
Nous avons à faire un voyage.
Mais il est bon, mon cher amant,
Que mes sujets, auparavant,
Viennent vous rendre un juste hommage.
C’est l’ouvrage d’un moment.
thémire
Air : Ô reguingué
Un pareil dessein me surprend.
Vous voulez cacher ce galant,
Et vos sujets, en le fêtant,
Vont crier comme tous les diables.
Ces contresens sont pitoyables.
Air : Banissons la cérémonie
Si Roland vous entendait,
Vous connaissez sa furie,
Que de tapage il ferait !
Quelqu’un en perdrait la vie.
tous trois ensemble, ensemble
Remettons, remettons, remettons la,
Remettons la cérémonie.
Scène 12
Roland, Astolphe
roland
Air : Eh ! non, non, il n’est point de si joli nom
Eh ! non, non,
Ton conseil n’est plus de saison.
astolphe
Surmontez votre faiblesse
roland
Eh ! non, non,
Ton discours n’est plus de saison.
astolphe
Rappelez votre raison.
roland
Air : La moitié du chemin
L’objet divin
Qui me tient dans sa chaîne,
N’a plus, enfin,
Ni fierté, ni dédain.
Tout va répondre à mes désirs,
Je verrai bientôt les plaisirs
Succéder à ma peine.
Et dans ce jour, ami, je suis certain
Qu’Angélique fera la moitié du chemin.
astolphe
Air : Joignez le régiment
Le grand cœur de Roland
N’est fait que pour la gloire.
Le grand cœur de Roland
D’amour doit être exempt.
Songez uniquement
À vivre dans l’Histoire.
roland
Mon cœur ne peut t’en croire.
astolphe
Patapatapan,
Joignez le régiment.
roland
Air : On revient trois
Cher ami, veux-tu me plaire ?
J’attends l’objet de mon choix.
Laisse-nous, avec lui je dois
Parler d’affaire.
Et l’on est trop lorsqu’on est trois
Dans ce mystère.
Air : Tuton, tutaine
Quel bonheur pour ma passion !bis
J’aurai dans ma possession,
Tuton, tuton, tutaine,
Eh ! tu, tu, tu,
Ce qui m’a tant plût,
Eh ! ton, ton, ton,
Cet objet mignon,
Qui dans ce canton,
Mieux que Cupidon,
De plaire a le don,
Tuton, tuton, tutaine.
astolphe
Air : Va-t’en voir s’il viennent, Jean
Les amants, dans leur espoir,
Souvent se méprennent.
roland
Tous ses agréments, ce soir,
Pour sûr m’appartiennent.
astolphe
Va-t’en voir s’il viennent, Jean,
Va-t-en voir s’ils viennent.
roland, seul
airopera
Ah ! j’attendrai longtemps, la nuit est loin encore.
Air : Les bons coups se font sur la brune
Je ne puis supporter le jour,
Soleil, ta clarté m’importune.
Cesse de nuire à mon amour,
Le plaisir m’attend sur la brune.bis
Air : Y avance, y avance
Charmante nuit, dans ce manoir,
Viens étendre ton manteau noir.
Satisfait mon impatience :
Y avance, y avance, y avance,
Ramène l’ombre et le silence.
Air : C’est la chose impossible
Séjour aimable, lieu charmant,
Où chaque jour on voit la presse,
Amusez-moi jusqu’au moment
Qu’Angélique à mes yeux paraisse.
Sans elle, hélas !
Tout vos appas
Toucheraient-ils mon cœur sensible ?
C’est la, la, la, la, la,
C’est la chose impossible.
Il lit.
Air : Je ne sais pas écrire
Deux amants, à ce que je vois,
Auront sût tracer sur ce bois
Ce que je viens de lire.
Prête-moi tes traits, dieu d’Amour,
Je veux aussi, dans ce beau jour,
M’en servir pour écrire.
Air : Je suis un bon soldat
Voyons tout... je connais
Dans ces traits
L’ouvrage d’Angélique.
Dieux ! ce n’est pas pour moi
Que sa foi
Dans ces deux vers s’explique.
airopera
\og Angélique engage son cœur,
Médor en est vainqueur.\fg
Air : Il n’est point de bonne fête
Médor est un personnage
Qu’en ces lieux on n’a point vu.
Pour me donner de l’ombrage,
Il n’est pas assez connu.
J’aurais sujet d’être triste,
Et je craindrais volontiers,
S’il était mis sur la liste
Des financiers.
Air : Changement pique l’appétit
D’autres mots s’offrent à ma vue,
Ils sont d’une main inconnue.
Tant d’écriture me surprend,
Il fallait un loisir bien grand.
Il lit.
Air : Malgré la bataille qu’on donne demain
Mes yeux n’ont que trop vu ces mots ici tracés,
Et, sans les voir encor, je m’en souviens assez.
Mais pour que le public ne les ignore pas,
Il faut lire tout haut ce que j’ai lu tout bas.
Il lit.
airopera
\og Que Médor est heureux !
Angélique a comblé ses vœux.\fg
Air : Bouchez, Naïades, vos fontaines
Ce Médor est un petit-maître.
Angélique, sur lui, peut-être
A jeté les yeux en passant.
Bien souvent un tel personnage
Au premier feuillet du roman,
Se croit à la dernière page.
On entend une symphonie.
Air : Le seul flageolet de Colin
J’entends un bruit harmonieux.
À danser on s’apprête.
Cherchons Angélique en ces lieux.
Sans doute, elle s’arrête
Au spectacle amusant et joyeux
De quelque nouvelle fête.
Il sort.
Scène xiii
Bélise, Coridon, plusieurs gens de la noce
Arrivée de la noce.
Marche
coridon
Air : Sans un peu de vin dans mon verre
Quel plaisir,
Quand l’Amour nous blesse,
Quel plaisir,
De pouvoir s’unir.
chœur, répète
Quel plaisir, etc.
bélise
Les nœuds formés par la tendresse,
De deux cœurs comblent le désir.
chœur
Quel plaisir, etc.
bélise
Sans l’objet qui nous intéresse
Du vrai bien l’on ne peut jouir.
chœur, répète
Quel plaisir, etc.
coridon
Air : Jean danse mieux que Pierre
Que j’aime ma bergère !
bélise
Que j’aime mon berger !
coridon
Seule elle sait me plaire.
bélise
Seul il sait m’engager.
coridon
Mon cœur ne peut changer.
bélise
Le mien n’est point léger.
coridon
Que j’aime ma bergère !
bélise
Que j’aime mon berger !
coridon
Air : Eh ! vogue la galère
Rien n’égale la flamme
Qui me fait soupirer.
bélise
la mienne dans mon âme
Veut toujours demeurer.
ensemble, ensemble
Elle sera fidèle
Tant qu’elle, tant qu’elle, tant qu’elle,
Elle sera fidèle,
Tant qu’elle pourra durer.
On danse.
Scène xiv
Roland, les acteurs précédents
coridon
Air : La bergère qui m’engage
Rien n’est si beau qu’Angélique.
Mais malgré tous ses appas,
Elle n’a rien qui me pique.
Non, je ne changerais pas.
La bergère qui m’engage
Satisfait mon ambition.
Eh ! non, non, non,
Je n’en veux pas davantage.
bélise
Air : Que toute la terre est à moi
Quand je verrais d’un feu sincère,
Pour moi, brûler le beau Médor,
Quand il m’offrirait un trésor,
Crois-tu que son cœur pût me plaire ?
Non, non. Quand j’ai le tien, je croi
Que toute la terre est à moi.
roland
Air : Pierrot se plaint que sa femme
De Médor et d’Angélique,
Que dites-vous mes enfants ?
coridon
Leur aventure est publique.
bélise
Ce sont de tendres amants,
Qu’un sort propice,
L’un de l’autre rend contents.
roland
Ah ! quel supplice !
bélise, à Roland
Air : Ne vous chagrinez pas
Vos yeux sont inquiets.
coridon, à Roland
D’où vient cette humeur noire ?
bélise
De ces deux amants satisfaits
On sait ici l’histoire,
Si vous aviez quelque loisir,
Elle vous ferait du plaisir.
Air : Quand je tiens de ce jus d’octobre
Contre l’ennui qui vous assiège,
Il faut quelque récréatif.
coridon
Que l’on apporte vite un siège,
Monsieur sera plus attentif.
bélise
Air : Quand je le vois venir
Mettez-vous sur cette chaise,
Suspendez votre dépits,
Pour entendre un récit
Qui va vous mettre à votre aise,
Pour entendre un récit
Qui calmera votre esprit.
Air : Répondez ma chère
Tantôt sur ce bord,
Le beau Médor,
Certain de plaire,
Sans m’apercevoir,
Près d’Angélique vint s’assoir.
roland
Qu’est-ce qu’ensuite ils ont osé faire ?
Répondez, ma chère.
bélise
D’un amour parfait
Ils se sont fait
L’aveu sincère.
Sur ce gazon vert,
Librement leur cœur s’est ouvert.
roland
Qu’est-ce qu’ensuite ils ont osé faire ?
Répondez, ma chère.
bélise
Pendant quelque temps,
Ces deux amants
Ont su se taire,
Ou parlaient si bas,
Que nous ne les entendions pas.
roland
Qu’est-ce qu’ensuite ils ont osé faire ?
Répondez, ma chère.
bélise
Cette place-là,
Où vous voilà,
Leur fut si chère,
Que sans les fâcher,
On ne put les en arracher.
roland
Eh ! voilà ce qui me désespère !
Achevez, ma chère.
bélise
Ils ont fui soudain.
roland
Par quel chemin ?
bélise
Voici mon père,
Qui sait tout cela.
Du reste il vous informera.
Scène xv
Thersandre, les acteurs précédents
thersandre
airopera
Allez, laissez-nous, soins fâcheux,
Éloignez-vous de nos paisibles jeux.
Non, non, jamais la disette importune
Ne pourra nous troubler.
Nos jours en paix pourront couler,
Je tiens notre fortune.
chœur
Allez, laissez-nous, soins fâcheux,
Éloignez-vous de nos paisibles jeux.
roland
Air : Bonhomme, de quoi savez-vous jouga
Bonhomme, bonhomme,
Bonhomme, venez, et répondez-moi.
Air : Ces filles sont si sottes
D’Angélique puis-je savoir
Quel est le sort ?
thersandre
Je viens de voir
Embarquer cette belle.
roland
Elle est partie ?
thersandre
Oui.
roland
Je suis mort !
thersandre
Et Médor avec elle.
roland
Médor !
thersandre
Et Médor avec elle.
roland
Air : Ton humeur est, Catheraine
Où sont-ils ? Ah ! la parjure !
thersandre
Ils sont au port à l’anglois,
Et comme vous, je vous jure,
ne soufflent pas dans leurs doigts.
Un bon feu les ravigote.
Ces deux amants, en un mot,
Mangent une matelote.
roland
Moi, je croque le marmot !
thersandre
Air : L’autre nuit, j’aperçus en songe
Elle a fait les choses en reine.
Et si j’ai servi ses amours,
Elle a bien payé mon secours.
Tenez, regardez cette chaîne.
roland
Que vois-je ? grands dieux ! quel objet !
La chaîne de mon perroquet !
bélise
Air : Comme v’la qu’est fait
De lui la colère s’empare :
Comme il se promène à grands pas !
thersandre
Il pleure, il soupire.
roland
Ah ! barbare !
thersandre
Il gronde, il murmure tout bas.
roland
J’ai cru vivre heureux avec elle.
thersandre
Il est tout pâle et tout défait.
Il frémit.
roland
C’est donc là, cruelle,
Le prix d’un amour si parfait ?
coridon
Quels yeux il fait !
bélise
Oh ! qu’il est laid.
thersandre
Air : Vive la joie, et point d’alarmes
Chantez et danser avec nous,
À nos plaisirs unissez-vous,
Et goûtez-en les charmes.
bélise
Loin de se livrer au chagrin,
Un guerrier doit tout mettre en train.
Vive la joie, et point d’alarmes.
Air : Ne m’entendez-vous pas
Cessez d’être rêveur.
thersandre
Il garde le silence.
Que ferons-nous ?
bélise
Je pense.
Qu’il faut chanter en chœur
Pour calmer sa douleur.
chœur
Air : Plus on est de fous
Dans un doux transport,
Chantons Angélique.
Dans un doux transport,
Célébrons Médor.
Lorsqu’un triste sort
Nous blesse et nous pique,
C’est un réconfort
Qu’un air de musique.
Dans un doux, etc.
roland
Air : Pierre Bagnolet
Taisez-vous, cette injure atroce
Mérite mon juste courroux.
De crainte que je ne vous rosse
Canaille, prévenez mes coups,
Retirez-vous.bis
chœur
Allons-nous-en gens de la noce,
Allons-nous-en chacun chez nous.
Scène xvi
Roland seul
roland
Air : Les Trembleurs
J’ai donc découvert leur trame,
L’ingrate trahi ma flamme.
Ce trait déchire mon âme.
Dans quel état je me vois !
Que tout sente ici ma rage,
Faisons un affreux ravage.
Durandal, sers mon courage,
Allons abattre du bois.
Il sabre les décorations et tombe dans la rêverie, puis il revient.
Air : Quand on a prononcé [ce malheureux oui]
Où suis-je ? Quel pouvoir, quelle vertu magique
M’entraîne, malgré moi, sur la scène lyrique ?
Air : Belle brune
Logistile, [Logistile],
Pour lui donner du bon sens,
Ton secours est inutile.
Air : Je suis la fleur [des garçons du village]
Jusqu’à la fin de l’acte quatrième,
Le public aime l’opéra,
Mais dès qu’il voit commencer le cinquième,
Et gai, gai
Et gai, gai, gai, comme il s’en va !
Air : Tambourin,
Sortons de ce lieu,
Je suis en feu,
J’ai la migraine.
Air : Faites dodo
Faisons un tour
Chez Melpomène,
Faisons un tour,
Dans le faubourg.
Air : Sois complaisant, [affable et débonnaire]
De traits brillants une harangue pleine
Fait que Cortez est goûté sur la scène.
Mais,
Air : Où est-il le petit nouveau né
En sortant
Chacun dit hautement :
Il est si long qu’il traîne.
Air : La troupe Italienne, [faridondaine]
Quel objet frappe mes yeux !
C’est moi-même, justes dieux !
Que chez eux l’on joue !
Air : Cotillon hongrois
Cet aspect réveille ma furie,
Rien ne peut retenir mon courroux.
Lieu fatal où l’on me parodie,
Ne crois pas échapper à mes coups.
Dans l’instant tu vas
Voir du vacarme, du fracas.
Oui, tu gémiras,
Tu tomberas,
Tu périras,
Sous les efforts de mon bras.
Il brise tout.
Fin