Auteurs : | Mague de St-Aubin (Jacques) |
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Parodie de : | Tarare de Beaumarchais et Salieri |
Date: | 31 juillet 1787 |
Représentations : | 31 juillet 1787 Théâtre de l'Ambigu-Comique 5 septembre 1787 |
Source : | Paris, Guillot, 1787 |
Air : Robin turelure lure
Savez-vous bien, ma chère femme, qu’on nous prendra tout-à-fait pour des enfants ?
Eh bien ! voyez le gros malheur ! Ne sommes-nous pas convenus de profiter de notre grand âge pour nous débarrasser des occupations sérieuses, en affectant l’imbécilité ? Notre fils, ce coquin de Batar, ne demande pas mieux. Il fait à son aise toutes les sottises qui lui passent par la tête. Quand nous le gênions par de sages remontrances, il nous le rendait bien par ses brutalités. À présent qu’il nous voit tombés dans l’enfance, et que par dérision il nous en fait porter le costume, nous sommes tranquilles, rien ne nous inquiète, et nous pouvons nous égayer à mille bagatelles qu’on ne nous pardonnerait pas si l’on nous supposait encore de la raison.
Mais, croyez-vous qu’il soit bien décent de voir un père et une mère, dont l’âge seul devrait inspirer le respect, se livrer à des puérilités, servir de risée à la populace, et abandonner leur fils à tous ses penchants dérêglés ?
Eh ! laissez donc, Esprit-bleu. Si la nature et les génies producteurs se permettent de faire des scélérats, par manière de passe-temps, et pour s’amuser aux dépens de la Eh ! laissez donc, Esprit-bleu. Si la nature et les génies producteurs se permettent de faire des scélérats, par manière de passe-temps, et pour s’amuser aux dépens de la \emph risible espèce humaine, devons-nous être plus parfaits ?, devons-nous être plus parfaits ?
Qui peut supposer pareille extravagance ?
Oh ! qui, qui ? quelqu’un qui en sait plus long que vous et moi.
Air : Tarare pompon
Allons, allons, point d’honneur, viens jouer à l’accouchée, et puis nos enfants que voilà grandiront. Dans une demi-heure, ils auront quarante ans, ils seront des hommes faits, et nous les marierons. Oh ! va, nous nous amuserons bien.
C’en est trop, laissez-moi, je suis las de déraisonner.
Tant pis pour toi. Si tu t’avises de parler raison, on dira que tu radotes. Moi, on me trouve charmante depuis que je n’ai pas le sens commun, et je veux que tu partages mes sottises et mon triomphe.
Et moi, je ne veux pas, Mademoiselle.
Et moi, je le veux, Monsieur. Là, ou bien je bouderai... Tiens, je vais te battre, je vais bouleverser tous tes joujoux.
Eh bien ! eh bien ! vois l’embarras que tu fais. À quoi ressemble ce désordre ?
Au chaos. C’est beau. On n’y connait rien. Vois-donc, que c’est drôle !
Air : Ciel ! l’univers [va-t-il donc se dissoudre]
Savez-vous, Monsieur, que vous les menez lestement, quoiqu’ils soient vos père et mère ?
Bon ! ce sont des machines.
Mais enfin, vous leur avez des obligations.
Et de quoi ? de m’avoir mis au monde ? C’était pour leur plaisir.
Et encore, ce n’est pas ce qu’ils ont fait de mieux.
Que dis-tu ?
Je dis... que l’on pourrait les traiter mieux.
Et de quoi te mêles-tu ? Ne suis-je pas le maître ? Chacun à son tour. Leur temps est passé, c’est à moi de profiter du mien... Tiens, ne m’échauffes pas. Tu sais que je ne suis pas tendre. Songeons à ce que je t’ai dit. Je veux absolument jouer à mon frère un tour qui le fasse crever de chagrin.
Mais que vous a fait ce pauvre diable ? N’est-il pas assez malheureux que vos parents l’aient déshérité pour vous donner tout, même de leur vivant ? Forcé de s’engager pour avoir du pain, il s’est bien comporté à son régiment. On l’a fait caporal, il obtient un semestre, vient ici dans l’espoir de se raccommoder avec vous, et d’en obtenir quelque douceur, et vous voulez encore lui faire du mal ! Ma foi, Monsieur, cela n’est pas beau.
Je crois que tu veux te mêler de moraliser, malheureux charlatan ? Songe que je t’ai fait mon valet de chambre pour être mon complaisant, et non pour faire le pédagogue.
Air : Vaudeville,
Ne vois-tu pas que son air hypocrite gagne les cœurs de tous les paysans, tandis qu’on ne peut pas me souffrir ? Et pour comble d’offense, une jeune paysanne a pu seule échapper à mes voluptueuses recherches. Monsieur s’en emmourache, et veut l’épouser. Non, morbleu ! je ne souffrirai pas qu’il me déshonore...
Réduit au sort le plus humble, il ne peut porter ses vues plus haut. Il faut bien qu’il cherche une compagne dans la classe où la fortune l’a relégué.
Eh bien ! qu’il l’épouse, mais ce ne sera qu’après que...
Il en mourra !
Tant mieux.
Cela n’est pas tendre pour un frère, et votre cœur...
Est tel qu’on me l’a fait. Ce n’est pas ma faute... encore un coup.
Air : Trembleurs
Les méchants tours ne sont pas de nouvelles inventions, et je ne vois pas qu’il soit fort nécessaire d’en multiplier les exemples.
Fourreau ! tu me pousses à bout. Si j’avais mon fusil !
Oh ! voilà votre grand mot. Vous ne parlez que de tuer. Je ne m’étonne pas si tout le monde dit que vous êtes un...
Je te...
Ah ! te voilà, Matamor ! Quelle bonne nouvelle ?
Voulez-vous mon récit en vers ? un seul fera l’affaire.
Il ne vaudrait tien. Tu sais que la poésie n’est pas ton fort... j’aime mieux ta prose.
Eh bien ! je la tiens.
Fantaisie ?...
Oui.
Je te fais mon premier garde-chasse... tu t’y es pris adroitement.
Ah ! je vous en réponds. Elle ne savait ce que cela voulait dire. Elle lavait du linge au ruisseau qui baigne les murs du parc. Je l’ai prise à travers du corps, et je l’ai tout d’une haleine portée dans le petit donjon, où on la fait rafraîchir.
Macaroni ! fais pour demain les préparatifs d’une fête. Dis que l’on n’épargne rien à la cuisine. Je veux que ce soit comme une noce... et songe à m’obéir...
Peste ! je n’ai garde. Et le fusil donc !
Air : Toujours seule, disait Nina
Tenez-la bien, mais ne lui faites pas de mal.
Mais enfin, que me voulez-vous ? Pourquoi me retenir ici ?
Pour les beaux yeux de Batar, qui a un caprice en votre faveur.
De Batar ! ce mauvais garnement ! ce tyran de ses vassaux !
Tout doux, la belle, ne dites point de mal de votre amant.
Mon amant ! Ah ! que je le détesterais s’il vous ressemblait ! Que dirait-il s’il savait...
Bon ! bon ! avec de l’argent, nous lui ferons entendre raison. C’est la mode.
Air : Ce fut par la faute du sort
Quelle vertu farouche ! On ne voit pas de ces scènes-là à Paris.
Monsieur, votre flacon, elle se trouve mal.
De quoi te mêles-tu ? Aux femmes. Faites-la revenir promptement, sinon...
Gare le fusil ! il a le diable au corps !
Quel bruit ! quel horrible vacarme !
Ce n’est rien, mon cœur, je les encourageais à vous soigner.
Dieux ! le vilain brutal !
Qu’on la porte sur un lit, et que tout le monde soit aux ordres de Mimi, c’est le nom que je lui donne. Il me rappelle une fille charmante, presque aussi jolie qu’elle, mais plus docile.
Voulez-vous, Monsieur, que j’aille auprès d’elle ? Mes soins ne vous seront peut-être pas infructueux. Je sais réduire un jeune cœur entiché de scrupules, et je me flatte d’y réussir aussi bien que mon cher époux.
Pourquoi te charger de tout cela ?
Va ! Finette, je saurai te récompenser.
Ah ! Monsieur, ce pauvre Bagare...
Ne m’en parle pas... Eh bien ! Bagare ! après ?
Il se désole, tout le village le plaint, et crie justice.
Je ne veux pas le voir... Fais-le venir... Sans-Façon sort. Je ne sais trop ce que je veux, mais c’est mon caractère...
Que me veux-tu, mon cher ami ?
Je viens vous demander justice. Une fille charmante et que je voulais épouser vient d’être enlevée, et l’on a volé mon linge qu’elle blanchissait au ruisseau.
Faisons encore un tour digne de moi.Haut. Je te plains, mon cher, et pour te dédommager, je te donne toute meublée la petite maison qui est au bout de mon parc, j’y joins mille écus de pension.
Y pensez-vous ?
Laisse-donc, je lui garde autre chose.
Mon frère, vos dons me sont chers, mais Fantaisie...
Quelle Fantaisie ?
C’est apparemment quelque petite malheureuse pour qui il en tient.
Une petite malheureuse ! ah !
Air : Non, non, Doris
Et moi, j’ai perdu tout espoir d’être heureux.
Quoi ! tu pleures pour une femme ? Un militaire ! Allons donc, te voilà riche, tu ne manqueras pas de consolations.
Mon frère !
Un homme intrépide comme toi, pleurer ! Je n’en reviens pas.
Je ne vous demande que deux de vos gardes-chasse, pour m’aider à faire des poursuites qui...
Eh bien ! Mimi comment va-t-elle ?
Ah ! Monsieur !
Quoi donc ?
Hélas !
Achève !...
Elle se porte bien.
Mimi est revenue !
Oui, Monsieur, Fan...Batar lui fait un signe. sans autre accident.
Ah !... à la bonne heure.
Mon frère ! C’est sans doute quelque beauté dont vous êtes épris. Jugez de mon cœur par le votre, et soyez sensible à mon malheur.
Tu as donc bien du chagrin ?
Je perds la tête.
C’est une maladie de famille.
Eh bien ! Je te donne Mimi pour te consoler.
Quoi !
Paix donc ! il n’en voudra pas.
Vous lisez dans mon cœur, non, je ne forme de vœux que pour ma Fantaisie. Puisse celle que vous aimez vous rendre heureux ! Je vous laisse.
Le pauvre diable ne sait pas la conséquence de ce qu’il dit.
Je suis content. Matamor ! prends un garde avec toi, et je vous ordonne de faire avec Bagare toutes les recherches nécessaires pour qu’il retrouve sa maîtresse. À part, à Matamor. Tâche de l’engager dans quelque mauvaise affaire dont il ne puisse pas se tirer.
Partons. SI le ravisseur tombe sous ma main, il sentira ce que pèse mon bras.
Tu l’entends ? cela te touche de près.
Vous y êtes bien pour quelque chose, mais, laissez-moi faire.
Le voilà entre les mains de bien honnêtes gens !
Heim !
Je dis, que vous êtes, en vérité, la fleur des honnêtes gens. À part. Il me fait pitié, je cours l’avertir.
Air :
Monsieur, la bohémienne Haquenée demande à vous parler.
Qu’elle vienne, c’est le bon moment... Je ne suis en belle humeur que quand j’ai fait un mauvais coup.
Je viens vous avertir qu’il y a dans le village une émeute terrible. Vous savez que c’est dimanche que les paysans s’assemblent pour tirer l’oiseau, et la nomination de celui qui doit jouer le rôle d’officier cause une grande fermentation.
Que m’importe à moi ? qu’ils s’arrangent.
Oui, mais les esprits s’échauffent, il pourrait en résulter des rixes, des coups, du sang répandu, et vous devriez y mettre ordre, et punir les mutins.
Et, dis-moi, vieille sorcière, quel mal y a-t-il à cela ? Laissons-les battre.
Non, il faut commencer par en faire mettre une douzaine en prison, pour l’exemple.
Quelle rage te prend de vouloir punir les gens avant qu’ils soient coupables ?
Mais, à mon tour, quel caprice vous tient de vouloir jouer la bonté et la justice ? Nous nous connaissons, et nous savons bien, entre vous et moi, que nous ne valons pas grand chose. À quoi bon débiter de la morale ? Nous n’y entendons rien. Il y a longtemps que nous nous servons mutuellement, ne détruisons pas nos intérêts.
Qu’ont-ils de commun ?
Air : Un mouvement de curiosité
Vous savez l’empire que j’ai sur l’esprit des villageois. Dans combien d’occasion ne les ai-je pas empêchés de se soulever contre vous, et de vous faire un mauvais parti ! S’ils ont à leur tête un homme qui vous en veuille, je ne réponds plus de rien, et toutes mes prédictions et mes simagrées ne vous sauveront pas. Concertons-nous donc ensemble, et ne laissons pas éventer notre secret.
Ne dirait-on pas que les droits d’un seigneur tiennent au caprice d’une diseuse de bonne aventure ? Tu raisonnes comme un coquin de Brame.
Et vous, comme un Roi d’Ormus... Allons, ne nous fâchons pas. Qui nommez-vous ?
Matamor.
Mon fils ?
Il me rend des services dont je veux le récompenser.
Je vous en remercie, mais le village voulait Bagare.
Tarare ! Bagare est mal dans ses affaires, va, mon enfant.
Comment donc ?
Peut-être est-il déjà assommé.
Diantre ! mais, prenez garde, il est aimé, et si l’on vient à savoir que vous trempiez là-dedans, vous n’aurez pas grand monde pour vous, et, tout seigneur que vous êtes, la justice pourrait bien...
Laisse donc. Je m’y suis pris de manière à ne pas même donner de soupçons.
Air : Sous le nom de l’amitié
Tâche que le choix de l’officier se fasse par la voix du sort, et arrange cela de manière que nous ayons toujours raison.
Tu en sais long, mais pas tant que moi. Mettons toujours le village dans mes intérêts. Batar m’a confié trop de choses pour ne pas me craindre. Je vais faire en sorte de ménager les autres, sans me brouiller avec lui. Que fait-on ? mon fils pourrait bien... enfin ! quand... suffit.
Que veut dire Macaroni ? Il me marque par ce billet qu’il a quelque chose à me communiquer au sujet de Fantaisie... qu’il ne peut me voir qu’en cachette... que... que veut dire Macaroni ?
Bagare, je vous cherche, un mot.
Quelle mascarade !
Ne plaisantons pas. Fripon par caractère, j’ai d’heureux instants. Je vous ai pris en amitié, d’ailleurs, je vous ai des obligations. Je vous préviens (mais n’allez pas me compromettre) que votre Fantaisie est dans ce château, et que le ravisseur est Matamor, qui l’a enlevée par l’ordre de votre frère.
Les lâches ! les coquins ! les scélérats ! les monstres !
Paix donc ! Si vous vous sentez assez de force pour traverser à la nage les fossés du château, elle est dans l’appartement à droite, et je vous aiderai à... on vient, je me sauve.
Camarades, il y a un bon coup à faire. Vous savez que notre race proscrite n’a part à aucune dignité civile. Le village est en combustion pour nommer un chef de milice rustique, il faut qu’un billet tiré comme au hasard fasse tomber le choix sur Matamor, et que, pour éviter l’air de connivence, un enfant soit l’organe du sort.
Nous avons enrôlé un petit espiègle qui fera notre affaire. Viens, Tire-Lire.
Avance, mon enfant. Heureux fripon ! tu vas débuter par un coup, dont le plus adroit coquin se ferait honneur. Écoute-moi bien.
Oh ! je ne suis pas sot. Ce n’est pas d’aujourd’hui que je travaille à la presse.
Fi donc ! veux-tu compromettre des gens d’honneur comme nous ?
Oh ! si vous me grondez, je m’en vais. Votre mine me fait peur.
Non, non, reste, mon ami. Souviens-toi seulement de tirer le billet noir pour Matamor. Je te soufflerai.
Cela vaut fait.
À la bonne heure ! Je pourrais dire qu’un enfant docile est comme une abeille... Mais nous clochons assez dans notre conduite, sans clocher encore par les comparaisons. Voici les gens du village, songeons à nous.
Vous êtes inquiets, mes enfants, sur le choix de l’homme qui doit vous commander pour votre arquebuse, n’est-ce pas ?
Air : Allons, vite, prenez le patron
Vous jurez donc tous de m’obéir ?
Non, Messieurs, je ne choisirai pas.
Il faut donc que ce soit lui qui décide. Voilà plusieurs billets blancs, et un noir. Cet enfant, pur comme un acte d’opéra, va les mêler, les brouiller, les tirer, et celui dont le nom viendra avec le billet noir, sera votre chef. À Tire-Lire. Allons, jeune innocent, faites votre devoir, et ne vous trompez pas.
Air : Marlb’roug
Bagare tant qu’il vous plaira. Il n’a pas le temps. Je sais qu’une affaire personnelle l’occupe trop pour qu’il s’amuse à votre fête.
Tarare !
Soyez tranquille, je trouverai du temps pour tout.
Air : Vaudeville,
Corbleu ! C’en est trop, ce drôle-là soulèvera tous mes habitants !
Cela me regarde autant que vous. Laissez-moi faire, et ne vous en mêlez pas. À Bagare. Savez-vous que les émeutes sont défendues ?
Il te sied bien, escamoteur ignorant, de me parler sur ce ton ! Oublies-tu que ta mère n’est qu’une vile bohémienne, et que je suis le frère de ton maître ? Beau sujet vraiment pour commander une milice ! Que sais-tu faire ? tuer des lièvres, ou leur faire peur ? Moi, je connais les manœuvres militaires, et tandis que tu ronflais dans un fossé, j’apprenais à manier le fusil et la baïonnette.
Je ne sais qui me retient !...
Vas-donc, manant. Je te conseille de faire le rodomont avec moi ! Je te ferai mourir sous le bâton.
Oh ! je dis... nous verrons.
Mon fils, il va te rosser.
Laissez-moi ! je veux lui arracher les yeux.
Prends garde à toi ! Qui menace a peur. Je ne crie pas, moi, mais si je te prends...
Allons, finissons. Je crois qu’il est temps que je parle.
Je te retrouverai toujours... À Macaroni. À ce soir, n’est-ce pas ? \did À Batar. Vous voyez comme je suis obéissant ?
C’est bon ! c’est bon !
Qui vous a dit de mettre ici la table ?
C’est moi.
C’est différent, mais pourquoi tous ces apprêts ?
Ne t’ai-je pas dit que je voulais un repas de noces ?
Oui, pour demain.
Si je le veux tout de suite, moi ? Ne suis-je pas le maître ?
J’avais envoyé demander des violons à la ville.
Bah ! bah ! un tambourin, des chansons. Je n’aime que le bruit.
Mais votre fête sera détestable si la musique n’en fait pas oublier le ridicule fracas.
Fais-moi servir, et pas de réplique.
Le sot homme avec ses idées folles !
Tu dis donc que Bagare a éreinté Matamor ? Conte-moi cela en attendant le souper.
Bagare se promenait sur la place, moi, je buvais bouteille au cabaret avec un ce mes camarades. Matamor arrive, escorté de trois ou quatre bohémiens. Il s’approche de Bagare, et sans rien dire va pour lui donner un coup de bâton sur la tête. Votre frère esquive le coup, lui saisit le poignet d’une main, et de l’autre lui donne sur la face un horion si bien appliqué, que Matamor crache avec le sang la moitié de sa mâchoire. Il se dégage, relève sa canne. Son ennemi la lui arrache, la jette, et tirant son sabre, le lui met sur la gorge.
Il l’a tué ?
Attendez donc. Matamor chancelle, tombe à la renverse. Bagare se jette sur lui, appuie un genou sur sa poitrine, et toujours la pointe au corps. Ah ! quel luron !
Il l’enfonce ?
Au contraire, il le lâche en lui disant noblement : Vas, coquin, je suis ton maître, tu le vois, tu le sens, je pourrais t’achever. Mais un brave homme ne tue pas les gens à terre. Ramasse tes dents, et va te faire panser\fg .
Matamor n’est donc pas tué ?
Pas autrement. Mais il est mort étouffé. Il ne respirait plus quand Bagare s’est retiré.
Je le crois bien. C’est un diable que ce Bagare. Dans le fond, je ne m’embarrasse guère de Matamor : un homme comme moi ne s’occupe pas de ces misères-là. Je ne suis fâché que de n’avoir pas vu cela. Je me serais amusé un moment. C’est cette vielle sorcière d’Haquenée qui m’a privé de ce plaisir en les séparant. Voici le souper, ne parlons plus de cela, je vais songer à boire.
À coté de moi, petite méchante. À Macaroni. Eh bien ! Aurons-nous un bal ?
Ma foi, Monsieur, il n’y a qu’un prince ou un enchanteur qui puissent être servis dès qu’ils ont désiré. Vous ne me donnez pas le temps. Personne n’est prévenu. Écoutez donc, ce n’est pas ici comme à l’Opéra où l’on voit en un quart d’heure ordonner, imaginer, apprendre et exécuter des fêtes, dont le plan seul suppose des journées de réflexions. Je n’ai qu’un aveugle qui racle du violon, et donc les chansons gaillardes pourront vous égayer.
C’est excellent. Fais-le venir.
Voilà un terrible contretemps pour Bagare ! À force d’incidents, on ne sait plus où l’on en est.
Air : Maris, qui voulez fuir l’affront
Votre chanson est fort déplacée. Venez-vous ici pour contrarier Monsieur ? Tenez, écoutez celle-ci.
Air : Mon enfant, et...,
Que parle-t-il de Fantaisie ? Est-ce qu’il sait ?...
C’est pour la rime. Ah dame ! en fait de vers, on s’en tire comme on peut.
Effectivement, non saisie\fg , n’est pas trop lyrique.
Bon ! cela se perd dans la foule.
Eh ! Sans doute !
Air : On compterait les diamants
Eh bien ! Où allez-vous donc ? Vous vous écartez de votre sujet pour placer une épigramme que tout le monde sait par cœur ? Pour nous...
Ah dieux ! quelles expressions grossières !
Ce ne sont que des mots, on n’y prend pas garde, et puis... la musique...
Air : Du serin qui te fait envie
Ah ! en vérité, voilà une pensée bien neuve !
Oh ! dame, voulez-vous que j’aie plus d’esprit que vous qui avec couru le monde ? Vous me donnez du vieux, je vous en donne à mon tour : nous somme quittes. Ce qu’on te fait, fais-lui. Vieux proverbe encore : c’est ma morale.
À propos, il est temps, je crois, de m’apercevoir que je suis ici... Ah ! mon amant ! où êtes-vous ?
Air : Travaillez, travaillez, bon tonnelier
Hélas ! hélas !
Eh ! je n’y pensais plus. À ses gens. Saluez Mimi, c’est votre maîtresse, j’en ai fait ma femme.
Hélas ! hélas ! Elle baille. Ah ! ah ! ah !
Qu’a-t-elle ?
C’est qu’elle s’amuse.
C’est assez. Servez le fruit, et laissez-nous.
Je suis content de toi, Macaroni ! Ton aveugle est un drôle de corps. Mais tu ne nous as rien dit, toi qui fais tant d’histoires... Raconte-nous tes aventures.
Volontiers. À part. Si je pouvais l’endormir !
Air :
Jarnibleu ! le voilà l’étourdi !
Et, ma foi, sans Bagare, c’était une terrible Bagare.
Bagare !
De quoi diable t’avises-tu de prononcer ce nom-là ?
Imbécile !
Je crois que ce coquin-là le fait exprès pour me faire enrager.
Ah ! ma belle robe ! ma belle robe !
Ce n’est rien, allez changer.
Eh bien ! ne voilà-t-il pas encore une nouvelle Bagare ?
Qui m’appelle ?
C’est moi, Macaroni.
À la bonne heure ! Je n’entends que mon nom partout. Je croyais être trahi, et j’allais te tuer en douceur pour commencer, car il est temps que je fasse quelque chose.
Mais vous êtes bien sec pour avoir traversé les fossés à la nage !
Pas si sot ! J’ai aperçu de l’autre côté de la lumière par ici. J’ai fait le tour, les chiens ont un peu aboyé, mais cela n’a pas paru. Que je t’ai d’obligations ! J’ai entrevu ma chère Fantaisie.
Oui, mais vous ne la tenez pas. Il aurait été plus adroit de votre part de vous glisser dans le château, et de vous y cacher dans quelque coin, à la faveur du tumulte et de l’obscurité. À présent, les portes sont fermées, et si votre frère s’avisait de sortir encore, et qu’il vous trouvât ici, hein ?... Attendez, chut ! Il va prendre la robe et la perruque de l’aveugle, qui dort profondément, et en revêt Bagare. Cela se trouve-là comme de cire\definition Comme de cire On dit d’un habit qui est fort juste à celui qui le porte qu’il lui vient comme de cire \acad 1762. Vous voilà aveugle, tenez-vous immobile, et attendez le moment.
Comment ! attendre ? Je n’ai que trop attendu, morbleu ! il est avec elle, et qui sait...
Paix donc !
Quel diable ! tu me fais jouer là un très sot personnage, il faut que j’agisse à la fin.
Qui va là ?
Nous sommes perdus...Haut. C’est moi.
À qui en as-tu de crier si haut ?
C’est cet imbécile d’aveugle qui a bu un peu plus que de raison. Il ronflait comme une pédale d’orgue. Le bruit de tout à l’heure l’a réveillé, et il est comme fou.
Cherche ma tabatière.
Elle est de ce côté-là...
Que dit-il ?
Il dit qu’il l’a vue rouler par là.
Cet aveugle a vu ?
C’est-à-dire, entendu.
Qu’il la cherche.
Sais-tu que je ne suis pas plus avancé que tantôt ? Je vais pour la suivre dans sa chambre, elle me ferme la porte au nez, et m’accable d’injures. Je n’en ai jamais vue de si farouche... J’ai vingt fois été tenté de la faire jeter par les fenêtres. Bagare remet la boite à Macaroni. Je suis d’une fureur... ma tabatière ?
La voilà.
Dis à l’aveugle de prendre son violon, et de me chanter quelque chose pour m’égayer... non... je vais me promener, je ne saurais dormir, je suis trop agité... Jarni ! dans la colère où je suis, si je tenais ce maudit Bagare, je lui ferais passer un mauvais quart d’heure. Car, enfin, c’est pour lui que cette petite fille me rebute. Macaroni ! il me vient une idée... que l’aveugle aille crier bien fort sous ses fenêtres que Bagare s’est battu, et qu’on l’a assommé. C’est fort adroit, n’est-ce pas ?
Au contraire, vous l’irriterez plus que jamais, vous l’affligerez, vous la...
Tu as raison... Macaroni ! en voilà une meilleure. Mène-le au château, que ta femme l’introduise, sans faire semblant de rien, dans la chambre de Fantaisie, et quand ils ne seront plus qu’eux deux, nous appellerons tous mes gens, et nous lui ferons une avanie épouvantable.
Quoi ! vous voulez !...
Ah ! pas tant de raisons. Fais sur le champ ce que je te commande, et fais en sorte que les apparences soient bien contre elle. Mets ce drôle au fait de ce qu’on exige de lui, et qu’il ne se gêne pas.
Oh ! tout aveugle qu’il est, je m’en rapporte bien à lui.
Je vais faire un tour d’avenue en attendant.
J’ai cru qu’il ne finirait pas. Cette chienne de perruque me fatigue ! Il la jette. Ah ! respirons !
Dis-donc, Macaroni, elle sera bien sotte, hein, Macaroni ?
Oh ! oui, oui, je vous en réponds.
Elle ne fera plus tant la fière, hein, Macaroni ?
Bah ! elle n’osera plus.
Je veux qu’on chante le refrain de tantôt, hein, Macaroni ?
Mène ton homme au cabaret pour l’instruire de ce qu’il doit faire.
Oui, oui, oui.
Non, non, je veux m’en aller. Je ne reste pas davantage, c’est inutile.
Attendez du moins qu’il soit jour : où irez-vous à l’heure qu’il est ?
Que voulez-vous que j’attende dans cet horrible château ? exposée aux brutalités d’un ivrogne, d’un grossier ?...
Air : Ô, ma tendre musette
Vous n’y pensez pas, mon enfant. Un homme riche veut vous épouser, et vous n’en voulez pas ? Que de filles lui céderaient la victoire à meilleur marché !
Ah ! si vous connaissiez Bagare !...
En effet, je ne le connais que de nom. Mais à votre place, je filerais doux avec son frère, et je ferais en secret avertir mon amant de ce qui se passe.
Ceci change la thèse. Allons, je consens à me prêter encore à quelques incidents, puisque tu te ranges de mon parti. Mais promets-moi d’avertir mon prétendu !
Je vous le promets... J’entends quelqu’un, rentrez, ne faites semblant de rien. Je vais vous rejoindre.
Ah ! c’est toi ? eh bien ! qu’y a-t-il de nouveau ?
Un tour de chien dont je ne peux pas te dire le fin mot parce que tu bavarderais, et tout serait perdu.
Le pis-aller serait de finir tout ce tripotage. Sais-tu, mon cher époux, que tu fais un fort vilain métier ?
C’est le chemin de la fortune, ainsi point de propos. D’ailleurs, je crois que nous n’avons jamais eu rien à nous reprocher là-dessus.
En deux mots, de quoi s’agit-il ?
D’introduire sans lumière l’aveugle de tantôt dans la chambre de Mimi, et de les enfermer ensemble, sans qu’elle s’en aperçoive.
L’aveugle ! et pourquoi ?
C’est l’ordre du maître.
Le maître est un sot, et vous aussi. Cet aveugle a l’air d’un luron. Mimi est femme, et la nuit, ma foi, les plus clairs-voyants ne voient goutte.
Fais ce qu’on te dit, ou crains la fureur de Batar.
Oh bien ! tu peux lui dire que c’est une lubie qui n’a pas le sens commun.
Le compliment le flattera.
Cela m’est égal, je te répète...
Eh non ! cela n’en vaut pas la peine... Obéis toujours, je vais chercher l’homme.
Ma bonne amie, venez donc. J’ai peur, tous les gens de cette maison ont l’air de vrais bandits.
La pauvre enfant me fait pitié ! Haut. J’ai bien encore du neuf à vous apprendre, mais ne vous alarmez pas, je suis pour vous. Parlons bas de crainte qu’on ne nous écoute.
Ah ! l’horreur !
Paix donc ! je vous épargnerai cette épreuve désagréable. Allez vous enfermer dans votre appartement. J’attends ici l’amoureux en doublure, et soyez tranquille, je vous en rendrai bon compte.
Veux-tu mes habits ?
Pourquoi faire ?
Afin qu’il te prenne pour moi.
Est-ce qu’un aveugle y regarde de si près ? Toutes ces toilettes-là ne sont pas fort décentes : sauvez-vous, et me laissez jouer mon rôle.
Air : Sans le savoir
Ces scélérats d’hommes nous traitent avec tant de mépris ! Je veux venger mon sexe en général, et punir en particulier mon cher époux. Après tout, un aveugle vaut encore mieux que rien.
Le voilà, tu sais ce que tu as à faire. Adieu.
Voilà un charmant tête-à-tête !... Il ne dit mot. Le manant ne sait que faire de sa sotte personne.
Vous parlez seule ! Vous ne daignez pas vous occuper de moi. Eh quoi ! le cœur ne vous dit pas quel est celui que vous rebutez ?
Le cœur ne me dit rien du tout, et mes yeux ne l’ont que trop vu tantôt..
Mon aimable épouse ! reconnaissez celui qui vous adore.
Je suis fort sensible à votre adoration, mais comment pouvez-vous me tant aimer sans m’avoir vue ?
Cette voix-là n’est point à ma Fantaisie. Macaroni m’aurait-il joué un tour de son métier ?...
Je vous permets de m’aimer, c’est une faute que les femmes pardonnent quel que soit l’homme qui la commet... Mais fussiez-vous riche comme un banquier, eussiez-vous les plus beaux yeux du monde, je ne puis être sensible qu’aux vœux de Bagare.
Bagare ! Croyez que j’ai d’aussi bons yeux que lui, et que malgré l’obscurité, j’en vois assez pour... À part. Maladroit que je suis !
Comment ! tu n’es pas aveugle ?
Non, le diable m’emporte.
Pourquoi donc user d’une pareille supercherie ?
Pour avoir des pratiques, et m’amuser de mille petites scènes qu’on se permet en ma présence, parce qu’on ne se méfie pas de moi.
Cette ruse n’est pas d’un sot. J’aime les gens d’esprit, et je me sens disposée à te faire succéder dans mon cœur à Bagare, qui aussi bien est perdu pour moi.
Vous l’aimiez ?
C’est fini, je n’y pense plus.
Et vous l’oubliez ? et vous me préférez à lui ? et vous...
Et je... et je... et je te prends pour mon amant.
Ma foi ! je suis dérouté, moi, je n’y entends plus rien.
Viens avec moi, je t’expliquerai tout. On entend beaucoup de bruit. Donne-moi la main, on vient, ne restons pas ici.
J’y reste, moi : allez au diable.
Air : Je suis Madelon Friquet
Allons, qu’il n’échappe pas...
Cet homme est sous ma protection.
Et moi, j’ai ordre de me saisir de lui.
Oh çà ! Entendons-nous, car il y a quelque quiproquo.
Batar, toujours juste et conséquent comme à son ordinaire, veut qu’on mette cet homme en prison, pour le punir d’une faute qu’il lui a fait commettre.
Cela ne m’étonne pas, mais je réponds de ce malheureux, et je me charge de l’y conduire.
Vous savez que notre maître n’entend pas raison : il faut que je l’emmène.
Ce n’est pas celui que vous croyez.
N’importe. Ce qui est bon à prendre...
Oh ! dis donc, l’ami, fais-moi le plaisir de me laisser mes proverbes.
Que de cérémonie ! Allons, marche, coquin !
C’est Bagare.
Tarare !... Marche ! À moi, camarades !
Ma foi ! non, il nous battrait tous.
Tu sens bien que ceci devient délicat. Batar se fâcherait, si l’on traitait son frère comme un vagabond.
Il se fâchera bien plus, si je n’obéis pas. À Bagare. Monsieur le héros, laissez-vous faire, je vous en prie !
Oh ! je le veux bien, moi, je suis un tapageur très pacifique.
Et toi, je te conseille de te méfier de Batar. J’ai entendu quelques mots...
Oui-da ! oh ! qu’il prenne plutôt garde à lui. Il ne connait pas les ressources de mon imagination..
Air : De ces forêts
Ah ! ah ! Monsieur mon frère, je vous tiens une fois, pour le coup vous danserez. Quel plaisir de le voir ballotter par le mouvement élastique d’une couverture !... où est Macaroni ?
On le cherche.
Deux louis d’or à gagner pour qui le trouvera.
Eh bien ! quelle mouche vous pique encore ? que me voulez-vous ? Ne pouvez-vous pas me laisser pleurer mon pauvre fils ?
Je veux rendre témoin de la vengeance que je vais tirer de Bagare, qui l’a si bien arrangé. Je le tiens, et comme décemment je ne puis pas maltraiter mon frère, je veux que, pour me donner un air de justice, tu exiges de moi cette punition. Parle, et tu le verras sauter.
Il valait bien mieux le faire sauter auparavant. Prenez garde ! il a des amis, c’est un sournois qui n’a pas l’air d’y toucher, mais vous savez qu’il n’est pire eau qui dort.
Ah ! te voilà donc, libertin ? Tu vas voir de quel bois je me chauffe.
Faites ce que vous voudrez, je ne me soucie de rien. J’ai manqué mon coup, tout le monde se moque de moi, je n’ai de courage qu’en parole. Tous mes exploits se réduisent à avoir assommé ce criquet de Matamor, qui ne valait pas un coup de poing. Au reste, je n’en suis pas fâché, et vous devriez vous-même m’en avoir obligation, puisqu’il nous trompait tous deux, car votre Mimi n’est point ma Fantaisie.
Comment ! Mille diables ! ce n’est pas elle ? Allez me la chercher, et si cela est vrai, je la fais mettre sur le cheval de bois.
Cela m’est bien égal, et peut-être à elle aussi.
Oui, mais tu n’en seras pas quitte pour cela.
C’est ce que nous verrons. D’ailleurs, on n’en meurt pas pour quelques cabrioles, et puis... nous ne sommes pas encore au bout.
Comment !
Eh oui ! tu fais le rodomont parce que tu as un tas de coquins à tes ordres, et que je ne suis pas le plus fort. Mais laisse faire... cela va venir... Au reste, non. J’obéirai. Il y a des héros de roman qui t’auraient déjà étrillé, toi et ta misérable clique. Mais je suis bon prince et je me laisse mener comme un agneau. Tiens, preuve de cela.
Tu me trompais donc, effrontée ? Morbleu ! je te ferai mettre à...
Ce n’est pas sa faute. Une enfilade de quiproquo a donné lieu à tout ce bacchanal.
C’est mon égrillarde de tantôt !
Ah ! oui-da, aux repenties... Qu’en dis-tu, Haquenée ?
Vous savez bien que vous êtes le maître, je ne suis ici que pour faire tableau.
Dis toujours quelque chose pour la forme.
Allons.
Air : Réveillez-vous, [belle endormie]
Non, il ne sautera pas.
Il sautera.
Il ne sautera pas.
Il sautera.
C’est Fantaisie !
Ah ! Bagare !
La belle reconnaissance ! À Batar. Eh bien ! comment vous tirerez-vous de là ?
Laissez-les... Qu’on les sépare... Non... Si fait... Oh ! pour le coup, je ne sais plus ce que je dis.
Brutal ! tête sans cervelle ! je ne le quitte plus, et s’il saute, je veux sauter avec lui.
Non pas, non pas, qu’on la lui arrache. Amenez-la-moi. Voilà un caprice qui me reprend pour elle. Et lui... à la couverture !
Le premier qui avance, je lui crève les yeux.
Laissez-la, elle le ferait, la gaillarde. Elle commence à se dégourdir.
Mon frère, écoutez. Je ne veux pas vous désobliger, je sui si bon ! mais auparavant, laissez-moi chanter un petit air.
Air : Vaudeville,
Air : À boire, à boire, à boire
J’ai amené le greffier et le procureur fiscal. Voilà assez de témoins, il est temps de finir vos incartades.
Mes camarades, mes bons amis, vous vous mettez dans un mauvais cas : vous vous révoltez contre votre seigneur. Voyez comme je suis sage, moi !... mon frère, je vous demande excuse pour eux.
Vous êtes un bon enfant, mais un peu bête, passez-moi le mot. Vous vous laissez mener par le bout du nez. Ceci devient mon affaire, je suis partie publique, et ne dois pas souffrir plus longtemps que l’on scandalise tout le pays. Il faut un exemple.
Tu n’auras pas le plaisir de le faire. Attends...
Où va-t-il ? où est-il ?
Ce ne sont pas tes affaires.
Bon voyage ! À Bagare. Eh bien ! vous voilà notre maître, et le possesseur de tous ses biens.
Non, mon père et ma mère ne m’avaient-ils pas déshérité ?
Ils radotaient.
Ce testament, Ce testament, \emph ab irato, était sujet à cassation vu que vous n’aviez, par aucune mauvaise action, mérité l’exhérédation. Il fallait pour obtenir son extinction, procéder à une réclamation. Vous avez resté dans l’inaction, c’est une preuve de votre soumission. Mais votre frère, par sa disparition, faisant une publique renonciation, vous pouvez entrer en possession, sans craindre aucune revendication., était sujet à cassation vu que vous n’aviez, par aucune mauvaise action, mérité l’exhérédation. Il fallait pour obtenir son extinction, procéder à une réclamation. Vous avez resté dans l’inaction, c’est une preuve de votre soumission. Mais votre frère, par sa disparition, faisant une publique renonciation, vous pouvez entrer en possession, sans craindre aucune revendication.
Non, je n’ai point d’ambition. Tout mon bonheur est dans ma Fantaisie. Vivre en paix et inconnu dans un coin avec elle, c’est le sort qui seul peut me contenter, et si elle en est contente, nous serons tous contents.
Tout, c’est beaucoup à dire. D’abord, vos maximes de roman ne plaisent qu’à des cerveaux creux. D’un autre côté, vous avez des vassaux à satisfaire, des fripons à punir, et moi à récompenser, car au bout du compte, bien fou qui s’oublie.
Allons donc ! puisqu’il le faut. Je veux bien devenir riche. Mais qu’on me donne cette couverture : j’en veux faire un habit de cérémonie.
Air : Un jour, Guillot à Guillemette
Eh bien ! ma femme, vous le voyez. En dépit de nos dispositions, et de notre autorité paternelle, Batar n’est plus et son frère est notre héritier.
Que viennent faire ces vieux radoteurs ?
Que voulez-vous, mon ami ? les dieux sont les maîtres... celui-ci ne nous sera pas pis que l’autre, et nous irons toujours notre petit train.
Il faut au moins que je fasse encore un acte de paternité. Mon fils, je ne trouve point à redire ce qui s’est passé. Votre frère était un enfant gâté. Le mal qu’il a fait est notre ouvrage, mais tout s’oublie. Écoutez un conseil que je vais vous donner.
Voyons donc ! cela sera bien beau !
Vous étiez pauvre, vous voilà riche. Soyez toujours doux et sage, n’imitez pas votre frère. Ce n’est pas le rang, ce n’est pas la richesse qui font le mérite, ce sont les qualités du cœur. Adieu, mon fils, ne nous laissez manquer de rien, nous allons jouer à la bataille.
Par ma foi ! voilà de la morale qui n’est pas neuve, quoiqu’elle tombe des nues. À tous les acteurs. Allons nous reposer, car je crois que je ne suis pas le seul fatigué de tout ce galimatias.
Air : La Barcariolle,
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