Jacques Bailly
Bolan
Le Médecin amoureux
Parodie de Roland
Représentée pour la première fois par les Comédiens Italiens ordinaires du Roi
le 27 décembre 1755
Paris, Prault, 1761
Acteurs
Bolan, médecin : Monsieur Rochard
Angélique, riche bourgeoise : Madame Favart
Médor, garçon boulanger : Mademoiselle Catinon
Thémire, suivante : Mademoiselle Desglands
Monsieur Fleuran, apothicaire : Monsieur Vincentini
Un insulaire : Monsieur Chanville
L’Heure du Berger, une jeune fille : Mademoiselle Susette
Colin : Mademoiselle Rousse
Claudène : Mademoiselle Susette
Jérôme, batelier, père de Claudène : Monsieur Chanville
Troupes de bergers et de bergères
Paysans et paysannes
Quatre garçons cabaretiers
La scène représente les environs de Paris.
Bolan
Le théâtre représente une campagne agréable, un village dans le fond.
Scène i
Angélique seule
angélique
angélique
Air : Comment faire, Comédie Française
Ah ! que mon cœur est agité,
L’amour y combat la fierté :
Tous deux me déclarent la guerre ;
La fierté veut avoir raison,
L’amour me dit tout bas que non,
Comment faire ?
Air : Ma raison s’en va grand train
Il faudra bien à la fin
Que je cède au plus mutin,
Comme du vainqueur,
Tôt ou tard mon cœur
Doit être le salaire ;
Il en fera
Ce qu’il pourra,
Je ne saurais qu’y faire, lon la,
Je n’y saurais que faire.
Scène ii
Angélique, Thémire
thémire
Air : Au bord d’un clair ruisseau
Quand tout flatte vos vœux,
Qu’à vous plaire on s’empresse,
Bannissez la tristesse
Que je lis dans vos yeux ;
Prêtez vous à des jeux
Que l’amour vous apprête,
Embellissez la fête
Qu’on vous offre en ces lieux
Air : Et j’y pris bien du plaisir
Que votre fortune est grande !
Bolan, fameux médecin,
Vous adore et vous demande ;
Votre cœur et votre main :
Consultation, remède,
Tout saura vous prévenir ;
Si quelque mal vous obsède,
Attendez vous à guérir.
angélique
Air : À mon cœur, en ce séjour
J’ai fait un choix, dans mon voyage,
D’un garçon sage
Et qui me plaît ;
Je le crois assez mon fait,
Car du beau monde il a l’usage,
À mon cœur en ce séjour
Il parle amour.bis
angélique, thémire ensemble, ensemble
Air : Qui goûte de ces eaux,
Des beaux jours que l’on perd, non rien ne dédommage,
Le temps de plaire est précieux,
Ne formons que les plus doux nœuds,
La saison des plaisirs est celle du bel âge.bis
angélique
Air : la Serrure, Comédie Italienne
Lorsque l’amour vient nous surprendre,
On lui résiste vainement ;
Bolan est libéral et tendre,
Mais que Médor paraît charmant !
thémire
Air : J’en ferai la folie
Médor ! que voulez-vous dire ?
angélique
C’est pour lui, Thémire,
Qu’Angélique enfin soupire.
thémire
Bon vous voulez rire :
Eh quoi ! Médor n’a pas le sou !
angélique
N’importe, mon cœur en est fou ;
J’en f’rai la folie, ma mie,
J’en f’rai la folie.
Air : Réjouissez-vous, bons Français
Vraiment c’est un joli garçon.
thémire
Par quel hasard et comment donc
Ce muguet a-t’il su vous plaire ?
angélique
Je vais te l’apprendre, ma chère.
Air : Cantique de Saint Julien l’Hospitalier
Un jour que j’étais à la chasse,
Et qu’on poursuivait à la trace
Un monstre échappé dans un bois ;
Triste victime de sa rage,
Médor expirant et sans voix
Se présenta sur mon passage.
Air : Quand le péril est agréable
Je vole à lui toute attendrie,
Il me paraît sans mouvement ;
Je le regarde tendrement,
Il revient à la vie.
Air : Ne v’là-t’il pas que j’aime
Il m’approche d’un air tremblant,
Et d’une grâce extrême,
Il me fait son remerciement,
Ne v’là-t’il pas que j’aime.
thémire
Air : Je veux garder ma liberté
Croyez-moi, pour votre bonheur,
Fuyez sans plus attendre,
On doit tout craindre de son cœur,
Quand il est né si tendre,
Et lorsqu’un amant
Est entreprenant,
Le moyen de se défendre.
angélique
Air : Le moulin d’une coquette
Sois sensible à ma peine extrême,
Je vais faire ce que tu veux ;
Mais en éloignant ce que j’aime,
Bolan n’en est pas plus heureux.
thémire
Air : Livrons sans alarmes,
Pour un cœur sincère,
Qui cherche à plaire,
Ne montrez point tant de rigueur ;
Plus on cherche à feindre,
Plus on doit craindre
D’éteindre son ardeur.\indicreprmus fin
De l’Amour l’empire est si doux,
Qu’il prend pour offense
Votre résistance ;
Craignez, craignez sa vengeance ;
Cédez, rendez vous
Entre nous.
Pour un cœur, etc.
De vos beaux jours faites un utile usage ;
Bolan vous aime tendrement ;
Au temps du bel âge,
C’est être sage
Que de faire un amant.
Pour un cœur, etc.
angélique
Air : Les filles de Nanterre
Médor ici s’avance,
Que devenir, hélas !
Que je crains sa présence,
Ne m’abandonne pas !
Angélique et Thémire sortent.
Scène iii
Médor seul
médor
Air : Et j’y pris bien du plaisir
Plein de l’ardeur qui m’enflamme
Je viens guidé par l’amour
Rendre grâces à la dame
Qui m’a conservé le jour ;
Elle a beaucoup de richesse,
Je brûle de parvenir,
D’en faire un jour ma maîtresse,
Le tout est de réussir.
Air : C’est mademoiselle Manon
La voici,
Parlons lui
De l’ardeur qui m’enflamme,
Profitons du moment,
Je n’oserais vraiment,
Cependant,
Si pourtant
Cette belle à mon feu se rend,
Qu’elle consente un jour à devenir ma femme,
Je le vois,
Si pour moi
Elle avait du goût, sur ma foi,
J’aurais bien de l’honneur
De régner sur son cœur.
Scène iv
Médor, Angélique, Thémire
médor
Air : Deux beaux yeux n’ont qu’à parler
Craignant quelque malin tour
De l’amour,
Je l’évitais jusqu’à ce jour,
Jaloux de mon bonheur suprême,
Jamais ce dieu ne m’aurait enrôlé,
Et je serais encore le même,
Si vos yeux n’avaient parlé.
Air : Port à l’Anglais, Comédie Italienne
Mon rival sait se faire entendre,
Par des soins et des présents ;
Il est riche.
angélique
Et fait pour attendre,
Et pour attendre bien longtemps.
Air : Quand je vous ai donné mon cœur
Je vois où vous voulez venir,
Perdez et l’un et l’autre
D’Angélique le souvenir ;
thémire
Ne voulant rien du vôtre,
Laissez-nous tranquilles, Monsieur,
Nous voulons garder notre cœur.
angélique
Air : La fanfare de Saint-Cloud
Ai-je sur vous quelqu’empire,
Médor ? Je veux le savoir.
médor
Lorsque pour vous l’on soupire,
Sentez mieux votre pouvoir.
angélique
Partez pour votre village.
Comme je sais qu’en effet
Vous n’avez point d’équipage,
Prenez mon cabriolet.
médor
Air : Un mitron de Gonesse
Accablé de tristesse,
Où puis-je donc aller ?
Je vais pleurer sans cesse.
angélique
Décampez, le temps presse,
Allez Médor, droit à Gonesse ;
Partez, il faut nous séparer.
médor
Air : Nanon dormait
Eh quoi, si tôt !
Dieux, quelle barbarie !
angélique
Médor, il faut
Nous quitter pour la vie ;
Il faut nous séparer :
Partez.
médor
Ô Ciel !
angélique
Partez, Médor, sans différer.
Médor se retire.
Scène v
Angélique, Thémire
angélique
Air : J’aime une ingrate beauté
Cher amant, quoi vous partez !
Pour moi, quel sujet d’alarmes ;
Sans pitié vous emportez
Tout ce qu’Amour a de charmes.
Les jeux épouvantés
Partageront mes larmes,
Les amours irrités
En briseront leurs armes.
Air : Ah ! mon mal ne vient que d’aimer
Cours, tâche de le ramener :
Reste, il faut le laisser aller ;
Mais non, qu’en peut-il arriver ?
Tout ceci me désole.
Ah ! mon mal ne vient que d’aimer,
Ma foi je deviens folle.
On entend un bruit d’instruments.
thémire
Air : Et va toujours qui danse
On vient, étouffez vos soupirs,
L’amant qui cherche à vous plaire
Pour vous rassemble les plaisirs.
angélique
Dis-moi, que dois-je faire ?
thémire
Que vous receviez tout cela
D’un air de complaisance,
Talera, talera, la la la la,
Et va toujours qui danse.
Thémire sort.
Scène vi
Angélique, Thémire, un insulaire
Marche grave d’insulaires
chœur
Air : Pour directeur dorénavant
Rendons hommage à la beauté ;
Dont le cœur de Bolan est enchanté ;
un insulaire
Ce Médecin,
Délicat, tendre et fin
Du feu le plus constant,
Dans le moment,
Brûle pour vous,
Que son destin est doux :
chœur
Rendons hommage à la beauté,
Dont le cœur de Bolan est enchanté
Si tous ceux qu’il n’a pu guérir,
Qu’entre ses mains même il a vu périr,
Venaient se rassembler ici
Notre ballet serait plus garni.
Rendons hommage, etc.
On danse.
un insulaire
Air :
Au grand art de Bolan je dois enfin la vie
D’un rhume affreux son savoir m’a sauvé ;
Il n’a voulu pour toute courtoisie,
Que ce présent qu’il vous a réservé.
On danse.
une jeune fille, représentant l’heure du berger
Air : Je suis la simple violette
Je suis cette heure si chérie
Des bergers, des rois et des dieux.
Toute la terre est ma patrie,
Je suis l’objet de tous les vœux,
Mon carillon est gracieux,
Aucun jaloux ne peut l’entendre ;
Je sonne l’instant d’être heureux,
Mais il faut le surprendre.
vaudeville, de monsieur Blaise
1
En vain pour éviter l’amour
Dans l’indifférence on demeure,
Ce dieu pour nous soumettre un jour,
De son triomphe a marqué l’heure.
2
Qui de plaire guette l’instant,
Jamais en place ne demeure ;
Ce n’est qu’en allant et venant
Que du berger on trouve l’heure.
3
Profitez de votre printemps,
Formez des chaînes éternelles ;
La beauté passe et n’a qu’un temps
Ainsi que les fleurs les plus belles.
4
Si dans l’antichambre d’un grand
Du matin au soir on demeure,
C’est ainsi qu’en se morfondant
De la fortune on brusque l’heure.
5
À ses créanciers finement
Un Gascon cache sa demeure,
D’emprunter il sait le moment,
Mais de rendre il ignore l’heure.
6
angélique
Pour voyager, vive un cadet,
Jamais en route il ne demeure,
Quand on est aimable et discret
On vient toujours à la bonne heure.
7
Un barbon a beau se presser,
Toujours en chemin il demeure,
Il recule au lieu d’avancer,
Le moyen d’arriver à l’heure !
On danse.
un apothicaire, à Angélique
Air : Que devant vous tout s’abaisse,
Vous triomphez de l’âme la plus fière,
Divin objet, apprenez mon bonheur,
Je suis choisi pour votre apothicaire,
C’est de Bolan que je tiens cet honneur.
Belle Angélique
Si la colique
Vous tient jamais
J’en détruis les effets.
On danse et la fête finit.
Scène vii
Angélique, Thémire, Bolan
bolan
Air : C’est une excuse
Je vous trouve enfin dans ces lieux.
Angélique sort.
Que vois-je l’ingrate à mes feux,
Échappe et se refuse.
thémire
Tout ceci n’est qu’un quiproquo,
Elle est sujette au vertigo ;
C’est une excuse.
bolan
Air : Belle brune
Angélique, Angélique.
thémire
Air : Folies d’Espagne
Pourquoi vous rendre aujourd’hui la victime
D’un accident peu contraire à vos feux ;
Si vous n’eussiez voulu que de l’estime
Jamais mortel n’eut été plus heureux.
Air : Absent de ma belle
L’amour qui m’anime
Veut beaucoup d’ardeur ;
À quoi sert l’estime
Quand on a pas le cœur.
Thémire sort.
Air : Que devient ma vertu, sur le même chant de l’Opéra
Qu’en transports furieux mon désespoir éclate ;
Ah ! que me sert-il aujourd’hui
D’avoir les dons du ciel qu’eut jadis Hippocrate.
Je laisse Paris sans appui :
Sans moi d’un prompt secours vainement il se flatte,
De cruels charlatans vont triompher de lui.
Air : Tarare pompon
Que dis-je, puis-je rompre une si belle chaîne,
Un malheureux amour me retient en ces lieux.
Air : Viens, trop insensible Silvie
Viens trop insensible Angélique,
Viens, viens partager mon tourment,
Qu’en ma faveur ton cœur s’explique,
Viens, viens à la voix de Bolan :\indicreprmus fin
Mais hélas ! en vain [je] l’appelle,
Elle est sans pitié la cruelle ;
L’inhumaine
Rit de ma peine ;
Faut-il me plaindre inutilement ?
Viens, etc. \indicreprmus jusqu’au mot fin
Puisqu’une ingrate maîtresse
Méprise ma tendresse,
Heureuse la cruauté
Qui me rend la liberté.\indicreprmus fin
Mon cœur se dégage,
Je deviens volage,
Mes fers sont rompus ;
C’en est fait, je n’aime plus.
Puisqu’une, etc. \indicreprmus jusqu’au mot fin
Air : Belle brune
Angélique, Angélique.
Air :
Ah ! c’est en vain que mon amour espère,
Sortons de mon aveuglement,
Mon tendre cœur en ce moment
Ne voit ici que du mystère :
On a beau chercher un nouveau tour,
On ne peut tromper l’amour.
Scène viii
Angélique, Thémire
angélique
Air : Je ne suis né ni roi, ni prince
Bolan est décampé, ma chère.
thémire
Oui, mais il serait nécessaire
D’amuser ici son amour.
angélique
Que j’écoute ses propos fades.
thémire
C’est que lorsqu’il vous fait la cour
Il laisse vivre ses malades.
angélique
Air : Vivons pour les fillettes, vivons
Malgré moi Bolan me déplaît,bis
Et Médor est galant, bien fait,
Je l’aime, il cherche à plaire,
Voilà justement mon affaire,
Voilà justement mon affaire.
Air : L’amour plaît malgré ses peines,
Il vient, laisse-nous ensemble,
Tout annonce son ardeur.
thémire
Que pour vous, hélas, je tremble,
C’en est fait de votre cœur.
Thémire sort.
Scène ix
Médor, Angélique cachée
médor
Air : Quand Moïse fit défense
Bolan fait de la dépense,
Angélique y prendra goût,
Je n’ai que de la constance,
Des soupirs, et puis c’est tout :
L’indigence rend timide,
Mais l’amant que Plutus guide
Sur la plus fière beauté,
Règne sans difficulté.
Air : Tout le long de la Rivière
Puisque la cruelle
Cherche à me quitter,
Pour me venger d’elle,
Je vais me jeter
Dans le fond de la rivière.
angélique, l’arrêtant par la basque de son habit
La raison pourquoi ?
médor
Hélas ! je ne puis vous plaire.
angélique
Oh, pardonnez-moi.
Air : Ah ! c’est un certain je ne sais qu’est-ce
Médor, ce que je fais pour toi,
Te prouve ma tendresse.
Je me reprocherais sans cesse,
Que quelqu’amant fut pour moi,
Faute d’un certain je ne sais qu’est-ce,
Faute d’un certain je ne sais quoi.
Air : Je n’en veux pas davantage
Bolan prendrait de l’ombrage,
Ne t’offre point à ses yeux,
Je vais tout mettre en usage
Pour l’éloigner de ces lieux.
Il vient, évite sa rage :
Tantôt pour répondre à tes vœux,
Mon cher Médor, je t’en dirai davantage.
Scène x
Angélique, Bolan
bolan
Air : Robin turelure
Vos yeux ont fait en mon cœur
Une profonde blessure,
L’amour ce charmant vainqueur,
Turelure,
Vous en réserve la cure,
Robin turelure relure.
angélique
Air : Non, non, Colette n’est point trompeuse
Hélas ! j’aimerais tout comme un autre,
S’il était un cœur constant,bis
Qui m’assure que le vôtre,
[bis]
Sut aimer bien tendrement.
Hélas ! etc.
Air : L’amant frivole et volage
Mon cœur dans l’incertitude,
N’ose écouter les amants,
C’est assez leur habitude
De prodiguer les serments.
bolan
Ici qu’ai-je donc à faire ?
angélique
Quoi ! devez-vous ignorer
Qu’il faut commencer à plaire,
Pour être en droit d’espérer.
bolan
Air : Je ne suis né ni roi, ni prince
Si je puis découvrir, Madame,
Qu’un rival traverse ma flamme,
Il recevra bientôt le prix
D’oser braver la Médecine,
Pour me venger de vos mépris
De remède, je l’assassine.
angélique, d’un air tendre
Air : Quand je sors de la taverne
Bolan.
bolan
Quoi ! votre cœur soupire,
Parlez, d’où naît cet embarras ?
angélique
Le trouble que j’éprouve, hélas !
Est de ceux que l’amour inspire,
Bolan, ne devinez-vous pas,
Ce que ma bouche n’ose dire,
Ah ! ne le devinez-vous pas ?
Bolan, ne m’entendez-vous pas ?
bolan
Air : Quand le péril est agréable
Ah ! quel bonheur pour moi, Madame,
Souffrez...
Il lui tâte le pouls.
Dieux, quel pouls séduisant !
À ce pronostic bienfaisant
L’espoir naît dans mon âme.
angélique
Air : Menuet de monsieur de la Lande
Oui, Bolan.
C’est en vain que mon cœur se défend
De s’enflammer,
Vous aimer,
Est le seul bien qui sait me charmer.
Tout m’engage
D’écouter vos soupirs,
Pour moi quel avantage
D’allumer vos désirs,
Je na...ge au milieu des plaisirs.
bolan, transporté de joie
Air : La bonne aventure, ô gué
Vous m’aimez ?
angélique
Bien tendrement
Mon cœur vous le jure.
J’aime votre empressement,
Laissez-moi seule un moment.
bolan
La bonne aventure, ô gué,
La bonne aventure.
Bolan s’en va et revient sur ses pas.
Air : Attendez-moi sous l’orme
Où dois-je vous attendre,
Parlez ? ...
angélique
À saint Bonnet.
Ce soir je dois m’y rendre,
Partez toujours, Poulet.
bolan
Par un contrat en forme,
Vous comblerez mes vœux.
angélique
Attendez-moi sous l’orme.
bolan
J’y vole tout joyeux.
Bolan sort.
Scène xi
Médor, Angélique
médor
Air : Je dit que si, je dis que non
Cruelle, j’ai tout entendu,
Non, je ne l’aurai jamais cru,
Vous vous arrangez à merveille :
Pour ne point manquer d’amoureux,
Au lieu d’un vous en avez deux,
Si l’un dort, au moins l’autre veille.
angélique
Air : J’entends déjà le bruit des armes
De mon cœur, Médor se défie ?
médor
De grâce, calmez ce courroux !
Qui sait aimer sans jalousie,
N’est pas le plus tendre de tous :
Lorsqu’une maîtresse est jolie,
Il est permis d’être jaloux.
angélique
Air : Je ferai mon devoir
Bolan en sera, mon garçon,
La dupe tout du long.bis
médor
Mais vous écoutez son ardeur.
angélique
Pour mieux tromper son cœur.bis
Air : Que je chéris mon cher voisin
Je l’ai séduit facilement,
Par un air simple et tendre :
À Saint-Bonnet tout bonnement,
Il est allé m’attendre.
Air : [Que je vous aime]
C’est vous que j’aime.
médor
Dieux ! que mon bonheur a d’appas.
angélique
Mes soupirs, mes regards et ma langueur extrême,
Tout, Médor ne vous dit-il pas,
Que je vous aime.
médor
Air : Que la guerre est effroyable, prologue – de Roland
Que l’ardeur qui nous enflamme,
S’augmente et dure à jamais :
Cédons à ses charmants attraits,
Que l’amour dans nos âmes,
Lance mille traits.
angélique
Que les plus charmants plaisirs,
Se succèdent sans cesse :
Que notre tendresse
Suive nos désirs.
ensemble, ensemble
Goûtons sans alarmes,
Des biens remplis de charmes :
Goûtons le sort heureux,
Qui va combler nos vœux :
Aimons-nous, goûtons les charmes,
D’un sort cent fois heureux,
Qui va combler nos vœux.
médor
Air : L’occasion est bonne
Au plaisir, Médor s’abandonne.
angélique
Cher amant je te donne,
Et mon cœur et ma main.
médor
Hélas !
Je suis prêt à suivre vos pas.
angélique
Ton rival est absent,
Dérobons-nous furtivement,
Saisissons le moment,
Au port l’on nous attend :
L’occasion est bonne.
médor
Air : On ne doit point avoir
Pour Paphos, partons mon cher cœur,
Rien ne nous est contraire :
Allons rendre hommage au vainqueur,
Par qui je sais vous plaire.
ensemble en quittant la scène, ensemble
L’on ne doit point avoir peur,
Sur les flots de Cythère :
Quand on est bon rameur.
Scène 12
Bolan, monsieur Fleuran
monsieur fleuran
Air : Aimer tout le monde
Abandonnez un projet,
Que tout chacun fonde :
Un médecin est-il fait,
Pour peupler le monde.bis
bolan
Air : Tout cela m’est indifférent
Ah ! de grâce, Monsieur Fleuran !
monsieur fleuran
Daignez m’écouter un moment,
Vous allez perdre vos pratiques,
Vos ennemis triompheront :
Il faudra fermer nos boutiques,
Et les malades guériront.
bolan
Air : Lerela lerelanlere
Sur moi vous ne gagnerez rien.
monsieur fleuran
Je vous laisse, car aussi bien
N’y serais-je que de l’eau claire :
Lerela lerelanlere,
Lerela lerelanla.
Scène xiii
Bolan seul
bolan
airopera
Ah ! j’attendrai longtemps, la nuit est loin encore.
Air : Pendus
Angélique enfin va venir,
Que je vais goûter de plaisir :
Ô nuit sert ma flamme constante,
Deviens pour moi plus diligente,
De ton voile embrasse ces lieux,
Il regarde.
Mais, quels écrits frappent mes yeux ?
Bolan lit tout haut ce qu’il a lu tout bas.
Air : Par un baiser, l’ardent Pierrot
Cet écrit m’apprend qu’en ces lieux,
Sensible au zèle
D’un amant fidèle,
L’amour a couronné ses feux ;
Mais, qu’aperçois-je, justes dieux !
C’est l’écriture de la belle,
Pour qui mon cœur toujours soupirera ;
Voyons tout, mais qu’aperçois-je encor là :
Ah ! ah déchiffrons ce mot-là.
Bolan lit tout haut ce qu’il a lu tout bas.
Air : Au bout du monde
Si l’on s’informe d’Angélique,
Médor, pour qui son cœur s’explique,
La fait voyager aujourd’hui,
Sur la terre et l’onde,
Je vais avec lui
Au bout, au bout, au bout du monde.
Air : La faridondaine
Médor, j’ignore en vérité,
Quel est le personnage.
De moi sous un nom emprunté,
Elle parle, je gage.
Angélique par fiction,
La faridondaine, la faridondon :
Met ce nom pour le mien, ici
Biribi.
La symphonie achève l’air.
Bolan lit les deux vers que Médor a écrit.
Air : Tarare
Qu’ai-je lu ? juste Ciel ! il faut relire encore.
Il répète tout haut ce qu’il a lu tout bas.
Air : Colin, là, là
Beaux lieux, aimable séjour,
Témoins de ma flamme,
Publiez partout l’amour,
Dont brûle mon âme ;
L’hymen me tient sous ses lois,
Angélique a fait un choix,
Médor l’a l’a... l’a prise pour femme.
Air : À l’ombre de ce vert boccage
Non, c’est un piège que l’on dresse
Au plus fidèle des amants.
On entend une musique champêtre.
À se réjouir on s’empresse,
J’entends le son des instruments ;
Allons chercher en diligence
L’aimable objet de mes tourments ;
Et visitons avec prudence
Les plus secrets appartements.
Bolan sort.
Scène xiv
Colin, Claudène, troupe de bergers et de bergères, paysans et paysannes, suite de la noce
Marche
claudène
Air : Musette, je ne veux aimer que Colin
Non, je ne puis aimer que vous,
Mon cœur en fait l’aveu le plus doux.
colin
En dépit des jaloux
J’aimerai toujours ma Claudène.
ensemble, ensemble
Que l’amour à jamais nous enchaîne,
Non, je ne puis aimer que vous,
Mon cœur en fait l’aveu le plus doux.
claudène
Mon cher Colin,
Soir et matin,
Tiens-moi sans cesse ce langage ;
Au dieu d’amour
Tour à tour
Rendons un tendre hommage.
ensemble, ensemble
Non, je ne puis aimer que vous,
Mon cœur en fait l’aveu le plus doux.
On danse sur l’air ci-dessus.
Scène xv
Claudène, Colin, Bolan un peu éloigné, écoute
colin
Air : Talalatelire
Angélique est riche et charmante,
Mais je la quitterais pour toi.
claudène
Quand d’une ardeur tendre et constante
Médor soupirerait pour moi ;
Ma foi je n’en ferais que rire,
Talalatelire, etc.
bolan, paraît, se tenant à l’écart
Air : Quand le péril est agréable
De Médor, enfin d’Angélique,
Pourquoi vous entretenez-vous ?
claudène et colin, ensemble
Ce sont des amants, entre nous,
Dont l’histoire est publique.
claudène
Air : Confiteor
Ce Médor est, mon cher Monsieur,
Tendrement aimé d’Angélique.
bolan
Je sens redoubler ma fureur :
colin
Souffrez qu’enfin l’on vous explique,
De quelle façon ces amants
Ont ici passé leurs moments.
claudène
Seyez-vous
Bolan s’assoit.
Vous allez, Monsieur,
En savoir davantage.
Dans les transports de leur ardeur
Ils tenaient ce langage :
\og Je vous adore mon petit cœur \fg.
bolan
Oh ! pour le coup j’enrage !
colin
Air : Adieu paniers, vendanges sont faites
Tous deux se sont dans ces retraites
Épousés, sans faire d’éclat.
claudène
L’amour a signé leur contrat.
colin, étonné de le voir s’agiter
Qui peut causer le trouble où vous êtes ?
claudène
Air : Est-ce que ça se demande
Quand on les força de quitter
Ces aimables retraites,
On eut peine à les arracher
De l’endroit où vous êtes.
bolan, avec fureur
Qu’entends-je, où suis-je malheureux !
Est-il douleur plus grande ?
Qu’est-ce qu’ils se disaient tous deux ?
claudène
Est-ce que ça se demande ?
bolan
Où vont-ils ces amants ?
claudène
Ils ont prié mon père
De leur faire passer surement la rivière ;
Le voici qui revient, demeurez en ces lieux,
Lui seul peut contenter vos désirs curieux.
Scène xvi
Jérôme batelier, père de Claudène, Bolan, Colin, Claudène les acteurs précédents
jérôme
Air : Pour le peu de temps qui nous reste,
Claudène, bannissons la tristesse,
Vive l’allégresse,
Soyons joyeux,
Chose fort peu commune,
J’ons fait ma fortune
Passant ces deux amoureux ;
Pour ton mariage,
C’est un avantage,
Puisqu’avec Colin
Je te mets en ménage,
Ça drès demain.
Air : Il a voulu, il n’a pas pu
Jamais l’amour
N’a fait un tour,
Aussi plaisant, ma chère,
Elle fuit, dit-on, un amant,
Que j’en connaissais nullement ;
Il n’a pas su,
Il n’a pas eu
Le talent de lui plaire.
Air : Je ne suis né ni roi, ni prince
Quand j’eumes passé la rivière,
Leur allégresse fut entière ;
La poste là, les attendait.
bolan
Angélique !
jérôme
Enfin est partie,
Et Médor qui l’accompagnait.
bolan
Ils sont partis !
jérôme
De compagnie.
bolan
Air : Quand le péril [est agréable]
Sont-ils bien loin ?
jérôme
Ma foi je pense,
Qu’à les suivre on perdrait ses soins,
Car ils ont déjà pour le moins
Trois quart d’heure d’avance.
Air : Tout cela m’est indifférent
Je veux, me dit-elle, en partant,
Jérôme te faire un présent,
Cette montre,
Il la montre à sa fille.
Ajouta la belle,
Marque l’heure des rendez-vous ;
Mon enfant pour toi puisse-t’elle
Sonner comme elle a fait pour nous.
bolan
Air : Jean ce sont vos rats
Quelle perfidie !
claudène
Qu’il est agité.
colin
Il entre en furie.
bolan
Quelle cruauté !
jérôme
Voyez comme il tombe en détresse.
colin et jérôme, ensemble
Il frémit, pâlit et rougit.
claudène
Il se radoucit,
Qu’à lui plaire ici on s’empresse,
Par nos plus doux chants,
Cherchons à calmer ses tourments.
jérôme
Air : Mes enfants, après la pluie
Que chacun de nous se pique
De montrer un air joyeux,
De parler de st’Angélique,
De Médor, son amoureux,
Dansons, disons comme eux,
Quand pour Cythère on s’engage,
Chantons, disons comme eux,
Qu’on fait un voyage heureux.
Le chœur répète Dansons, disons, etc.
Air : Je te casserai la gueule et la mâchoire
Ce bijoux
En le montrant en l’air.
Vaut son pesant d’or,
Chantons Angélique et Médor,
Publions partout leur histoire ;
Ah ! Monsieur, dansez avec nous.
On veut forcer Bolan de danser.
bolan
Morbleu, faquins retirez-vous ;
Par la mort, si vous ne fuyez tous,
Je veux être...
Je vous casserai la...
jérôme et sa suite, ensemble
Air : Voici les dragons qui viennent
Quelle fureur est la sienne ?
Vite sauvons-nous.
Scène xvii
Bolan seul
bolan
Air : Père, je me confesse
Je suis trahi, l’ingrate
Qui me trompe en ce jour,
Des enfants d’Hippocrate
Doit tout craindre à son tour ;
Que la Haine, fille de l’Amour,
Tonne, fulmine, éclate,
Que la Haine, fille de l’Amour,
Remplisse ce séjour.
Pour venger mon outrage,
Que tout sente la rage,
Qui dévore mon cœur,
Portons partout l’horreur :
Arrachons, déchirons.
Bolan arrache les écriteaux, renverse les berceaux auxquels ils sont attachés, et entre en une fureur extrême.
Air : Tout cela m’est indifférent
Que vois-je ? où suis-je malheureux ?
Quel gouffre, quels spectres affreux !
Bolan jette sa canne et son chapeau.
Ne courrez point à la vengeance ;
Ombres plaintives calmez-vous :
L’incertitude et l’ignorance
Vous ont porté les premiers coups.
airnote
L’un me redemande son père ;
L’autre sa maîtresse, son frère ;
Pour accabler la Faculté ;
Je vois le corps de chirurgie
Balancer notre autorité,
Et former une Académie.
Air : Je ne suis né ni roi, ni prince
Dieux ! en quel état est la scène,
Tant Française qu’Italienne,
C’est à qui le mieux ennuiera ;
L’une est débile, l’autre étique,
À son tour je vois l’Opéra
Réduit à prendre l’émétique.
Air : L’amour m’a fait la peinture, romance
Des maux cruels que j’endure
Gardez-vous sensibles cœurs,
J’en offre ici la peinture,
Puisse la race future
L’apprendre et verser des pleurs.
Air : Des fraises
Tombez buffets odieux,
Qui me tracez l’image
De mon destin malheureux ;
Que tout éprouve en ces lieux,
Ma rage, ma rage, ma rage.
Bolan renverse les buffets, les tables, et tout ce qu’il rencontre ; il se bat contre les garçons du cabaret, dont il en renverse plusieurs par terre, pendant ce temps Jérôme effrayé cherche à se sauver et passe et repasse d’un côté du théâtre à l’autre, en chantant ce qui suit.
Air : Trembleurs d’Isis
À la rage il s’abandonne,
Que ce désespoir m’étonne ;
Hélas ! tout mon corps frissonne
Tant je suis saisi d’horreur.
Mais la fureur qui l’entraîne,
Le ballote, et le promène.
Il traverse enfin la plaine,
Bolan s’éloigne.
J’en suis quitte pour la peur.
Air : Mon papa toute la nuit
Puisqu’il est enfin parti,
Rappelons notre jeunesse,
Enfants, revenez ici
Vous livrer à l’allégresse ;
Revenez, revenez, revenez tous,
Dansez et riez sans cesse ;
Revenez, revenez, revenez tous,
Le plaisir est fait pour vous.
Toute la noce revient se réjouir et chante ensuite le vaudeville suivant.
vaudeville
airnote
8
À l’aspect d’un minois charmant
Courir vite à l’engagement,
S’applaudir de son esclavage,
Prêter son bien à ses amis,
Sans en faire des ennemis ;
C’est être plus heureux que sage.
9
Avec fierté dans son printemps,
Philis traitait tous ses amants,
Sur le retour elle s’engage ;
Elle a fait choix d’un jeune époux,
Qui l’aime, et même en est jaloux,
Elle est plus heureuse que sage.
10
Lysimon craignant un rival,
Pour éprouver sa femme au bal,
De Plutus emprunta l’image ;
Il offrit, elle résista,
L’instinct fit peut-être cela,
C’est être plus heureux que sage.
11
Chaque jour Lisandre en secret
S’introduit dans le cabinet,
Où Maman me retient en cage ;
Il se retire sur le soir,
On est encore à le savoir,
C’est être plus heureux que sage.
12
Tel qui, pour se mettre en crédit,
Produit un ouvrage d’esprit,
Est bien près de faire naufrage ;
Si par le public applaudi,
Son dessein se trouve rempli,
C’est être plus heureux que sage.
Ballet général
Fin