Antonio Jean Sticotti
Cybèle amoureuse
Parodie nouvelle d’Atys
1738
Paris, Prault père, 1738
Acteurs
Cybèle
Atys
Sangaride
Célénus
Idas
Doris
Mélisse
Le fleuve Sangar
Un démon, couvert de plumes et de papier
[Songes agréables et Songes funestes]
Troupes d’Indiens
Troupes de Fleuves et de Naïades
Troupes de Bergers et de Bergères
Cybèle amoureuse
Le théâtre représente un bois, au bout duquel on voit une montagne.
Scène i
atys, chœur
atys
Air : Vivons pour ces fillettes
Peuple, assemblez-vous dans ces lieux,
Nous allons voir du haut des cieux
Cybèle ici se rendre.
Courons la voir descendre, courons,
Courons la voir descendre.
chœur, répète
Peuple, assemblez-vous etc.
atys
Air : J’ai du bon tabac
Des faveurs que sur nous répand la belle
Le reste du monde sera jaloux.
Allons, peuple, égosillez-vous,
Allons, allons, accourez tous.
Allons, allons voir descendre Cybèle,
Elle va venir demeurer chez nous.
chœur
Allons, allons voir descendre etc.
Scène ii
atys, idas, sangaride, doris
tous quatre, ensemble
Air : Ho, ho, tourelouribo
Tous quatre marquons notre allégresse,
Ho, ho, tourelouribo,
Allons tous par politesse,
Ho, ho, tourelouribo,
Au-devant de la déesse,
Ho, ho, tourelouribo.
sangaride
Air : Ah, qu’il est drôle ! ah, qu’il est beau le franc moineau
Les petits oiseaux d’alentour
Chantent d’une façon nouvelle ;
On dirait que dans ce grand jour
Ils ne parlent que de Cybèle.
Ah ! qu’ils sont drôles ! ah ! qu’ils sont beaux,
Ces francs moineaux !
atys
Air : La révérence anglaise, contredanse
Ils parleront d’amour ; un roi grand, redoutable,
Avant la fin du jour deviendra votre époux.
Que votre sort est beau ! Célénus est aimable,
Tout dans ces lieux charmants parle d’amour pour vous.
sangaride
Le triomphe est doux,
L’amour met les rois à nos genoux ;
Le triomphe est doux
S’ils n’aiment que nous.
J’aime ma victoire,
Et je m’en fais gloire.
atys
Vous aimez bien,
Madame, et moi je n’aime rien.
Air : Il n’est qu’un certain temps
Oui, je fuis l’amoureuse chaîne ;
Elle cause trop de tourments
Aux amants.
J’aime mieux une paix certaine,
Elle offre bien moins de plaisirs
Aux désirs,
Mais ce sont des plaisirs sans peine.
Air : De tout temps le jardinage
Auprès des fleurs et des belles,
Par mille épines cruelles
Nous nous sentons assaillir.
L’épine s’émousse-t-elle ?
La rose alors n’est plus nouvelle,
Songe-t-on à la cueillir ?
sangaride
Air : Il ne faut point avoir peur sur les flots de Cythère
Est-ce un grand mal de trop aimer
Ce que l’on trouve aimable ?
Du péril faut-il s’alarmer
Lorsqu’il est agréable ?
On ne doit point avoir peur
atys, à part
Le trait est admirable,
Qu’augurer de son cœur ?
sangaride
Air : Quand le péril est agréable
Seigneur, seriez-vous invincible ?
L’amour partout règne à bon droit.
atys
Ce cœur que vous croyez si froid,
Plus qu’un autre est sensible.
Air : L’amour, la nuit et le jour
Je veux lui mettre un frein.
Pour le peu qu’il crût plaire,
Il irait si grand train
Qu’il voudrait pouvoir faire
L’amour
La nuit et le jour.
Air : Allons, allons à la guinguette, allons
Idas, sortons ;
Je crains que l’Immortelle
Dans ces cantons
Ne me trouve avec elle ;
Et sans fin répétons
Allons, allons
Voir descendre Cybèle, allons.
Scène iii
sangaride, doris
sangaride
Air : C’est mademoiselle Manon que je prends pour maîtresse
Atys est trop heureux.
doris
Lui portez-vous envie ?
sangaride
Maître de tous ses vœux,
Atys est trop heureux.
Qu’on est malheureux,
Lorsque l’on est trop amoureux !
doris
Au maître de ces lieux
Vous devez être unie ;
De si charmants nœuds
Doivent satisfaire vos feux.
sangaride
Est-ce à lui que j’en veux ?
Atys est trop heureux.
Air : Feuillantines
Le Roi me fait grand honneur,
Mais mon cœur
N’est pas pour ce fier vainqueur.
Si Célénus me couronne,
Il n’aura que ma personne.
Air : Je sens un certain je ne sais qu’est-ce
On n’est point maîtresse de soi,
Lorsque l’amour nous blesse.
Atys a toute ma tendresse.
Doris, sitôt que je le voi,
Je sens un certain je ne sais qu’est-ce,
Je sens un certain je ne sais quoi.
Air : Tu croyais, en aimant Colette
Tu connais l’objet de ma flamme,
Je viens de te le révéler.
Mais de peur que l’on ne m’en blâme,
Je te défends bien d’en parler.
ensemble, ensemble
Air : Fanatiques
Qu’un amant ait su nous toucher,
Nous en faisons mystère,
Quoi qu’on puisse reprocher
À notre caractère.
Mais l’homme sait mal cacher
Ce que la femme sait taire.
doris
Air : Quand Moïse fit défense
Votre passion m’enchante.
Votre amant vient, je le voi.
Princesse, soyez prudente,
Je suis votre humble servante,
Car vous n’avez pas, je croi,
Maintenant besoin de moi.
Scène iv
atys, sangaride
atys
Air : Vous avez bien de la bonté
Ce jour est un grand jour pour vous,
Au Roi le sort vous lie.
sangaride
Atys n’en sera point jaloux.
atys
Aimez-le, je vous prie ;
Je sers avec sincérité
Cet amant qui pour vous soupire.
sangaride
Je vous admire ;
Seigneur, en vérité,
Vous avez bien de la bonté.
atys
Air : Si j’avais connu monsieur de Catinat
Comme de bons enfants,
Passez bien votre temps ;
C’est ma plus chère envie ;
Vivez bien contents.
Le plus beau de vos jours,
Qui comble vos amours,
Peut-être de ma vie
Va borner le cours.
sangaride
Air : Triolets
Que vous me causez de frayeurs !
Mais, Atys, qu’avez-vous à craindre ?
atys
Du sort j’éprouve les rigueurs.
sangaride
Que vous me causez de frayeurs !
atys
Hélas ! d’amour pour vous je meurs.
sangaride
Vivez, et cessez de vous plaindre.
Que vous me causez de frayeurs !
Mais, Atys, qu’avez-vous à craindre ?
Air : Les petits rats, contredanse
Atys vous m’aimez donc ?
atys
Oui, je vous aime.
Mais après cet aveu, je veux mourir.
sangaride
Ah ! Seigneur, votre folie est extrême,
De l’amour on peut aisément guérir.
atys
Aimez le Roi ; que le devoir vous guide.
sangaride
Je le devrais, soit dit entre nous.
Mais, Atys, connaissez mieux Sangaride,
Elle est tout aussi folle que vous.
atys
Air : De tous les capucins du monde
En effet je suis ridicule,
Le Roi perdrait à mon scrupule,
Et d’ailleurs je ferais fort mal
De lui faire un tel sacrifice.
Empêcher l’hymen d’un rival,
C’est lui rendre un fort bon office.
ensemble, ensemble
Air : Et marions-nous donc
L’amour est une sympathie,
Qui par le cœur toujours nous lie.
Quand le cœur ne dit rien tout bas,
C’est que nous n’aimons pas.
Mais puisque mon cœur et le vôtre
Par l’amour sont faits l’un pour l’autre,
Moquons-nous du qu’en dira-t-on !
Princesse, aimons-nous donc !
Atys, aimons-nous donc !
sangaride
Air : À la façon de Barbari, mon ami
Bas.
On vient, feignons en ce moment,
Et craignons d’en trop dire.
Haut.
Oui, mon cœur est indifférent.
atys
Bas.
Ce n’est donc que pour rire ?
Vous ne parlez pas tout de bon,
La faridondaine, la faridondon ?
Haut.
Je suis indifférent aussi,
Biribi.
À la façon de Barbari,
Mon ami.
Scène v
cybèle descend de son char, le chœur
chœur
Air : Ma pinte et ma mie, ô gué
Commençons et célébrons
La fête nouvelle,
Par nos jeux et nos chansons
Marquons notre zèle.
Descendez dans ces cantons,
Ici nous vous attendons,
Puissante Cybèle, ô gué,
Puissante Cybèle.
cybèle
La coiffeuse, contredanse
Air : Je suis gaillard et j’ai bon estomac
Quoique des cieux je descende ici bas,
Sachez que je ne songe pas
Au bien de ces climats.
Peuple qui sans cesse m’implore,
Je viens exprès pour qu’on m’adore.
Pour vous quel honneur !
Je fais choix d’un sacrificateur,
Admirez son bonheur,
Pour lui quelle faveur !
Et j’en fais mon adorateur,
Car je n’en veux qu’au cœur.
chœur
Air : Tourelourette, ma tantourelourette
Pour la déesse en ce jour
Ayons tous beaucoup d’amour.
Que notre ardeur soit parfaite,
Tourelourette, tourelourette,
Ma tantourelourette.
Scène vi
cybèle, célénus
cybèle
Air : Et allons donc, jouez, violons
Sans faire plus longtemps attendre,
Célénus, je vais vous apprendre
Le nom du sacrificateur.
Si j’en voulais un de naissance,
Pour vous pencherait la balance.
Le trône et la grandeur
N’est pas ce qu’exige mon cœur.
Atys aura la préférence
Pourvu que sa reconnaissance
Égale un semblable bienfait ;
Atys seul peut être mon fait.
célénus
Air : Ton humeur est, Catherine
Pour moi, qu’une forte chaîne
Dès longtemps sut engager,
Pour une autre souveraine
Je ne saurais plus changer.
Sur cet article une belle
Ne nous fait point de quartier,
Et de son côté Cybèle
Mérite un cœur tout entier.
cybèle
Air : Que j’estime mon cher voisin
Jouissez de votre bonheur,
Que l’Amour seul vous guide,
Seigneur, à peine votre cœur
Suffit pour Sangaride.
Partez, qu’Atys apprenne sa grandeur ;
Qu’il sache où ma faveur l’appelle.
célénus
Oui, j’aurai le premier l’honneur
De lui porter cette nouvelle.
Scène vii
cybèle, mélisse
mélisse
Air : Non, je ne ferai pas ce qu’on veut que je fasse
Atys à tant d’honneur ne devait point s’attendre.
cybèle
Cet honneur-là n’est rien, je vais bien te surprendre.
mélisse
Est-il pour un mortel un rang plus glorieux ?
cybèle
Ce mortel dans mon cœur est au-dessus des dieux.
mélisse
Air : L’amour est de tout âge
L’Amour qui règne dans les cieux
Vous punit d’avoir été si fière.
Entre nous, la mère des dieux
Devait bien aimer la première,
Mais il vaut mieux tard que jamais ;
On en souffre un peu davantage.
Que tout répète désormais,
L’amour est de tout âge.
cybèle
Air : Vous n’avez pas besoin qu’on vous console
Pour cet amant je quitte tout sans peine,
Jusques aux biens dans le ciel préparés.
L’Amour unit d’une plus forte chaîne
Ceux que le sort a le plus séparés.
mélisse
Air : Voilà ce qui m’étonne
Que la tendresse ait pour vous des appas,
Je ne saurais vous contredire ;
Vous êtes femme, c’est tout dire,
Cela ne me surprend pas.
Mais quand je vois que malgré sa couronne
Le roi Célénus vous déplaît
Et que vous choisissez tout net,
Au lieu du maître, le valet,
Voilà ce qui m’étonne.
cybèle
Air : Bouteille, que vous êtes heureuse
Quel plus haut rang ai-je à prétendre ?
De quoi ne viens-je pas à bout ?
Pour aimer il faut bien descendre,
Quand on est au-dessus de tout.
Air : L’horoscope était accompli
Il faut te charger d’introduire
Le Sommeil en ce beau séjour ;
Il n’oubliera pas d’y conduire
Les Songes qui lui font la cour.
Atys ignore ma tendresse ;
Admire quelle est mon adresse :
Je prétends par ce tour nouveau,
La faire entrer dans son cerveau.
mélisse
Air : Rien n’est pire que l’eau qui dort
Les rêves sont tout autant de mensonges,
Qu’attendez-vous de ces fils du sommeil ?
cybèle
Ah ! quel travers, tu ne penses qu’aux songes ?
Moi, je compte sur le réveil.
Scène viii
atys, cybèle, le chœur peuples de la Chine
chœur
Air : La découpure
Atys est devenu seigneur,
Que chacun s’empresse
À témoigner son allégresse.
Atys est devenu seigneur,
Que chacun lui rende un hommage flatteur.
Trémoussons, trémoussons, trémoussons-nous.
Sautons, gambadons, faisons briller notre adresse,
Trémoussons, trémoussons, trémoussons-nous.
Sautons, gambadons, rions, faisons les fous.
atys
Air : Je suis dans le temps de l’aimable jeunesse
Épargnez les frais d’une longue tirade,
Ouvrez les yeux, connaissez votre erreur.
Je ne suis encor que votre camarade,
Cybèle ici m’a fait son procureur ;
À ce titre seul je puis recevoir vos aubades.
C’est sous son nom que j’agis ;
Je vais de ce pas rendre vos chants et vos gambades
À la dame du logis.
On danse.
Scène ix
atys seul
atys
Air : Si le Roi m’avait donné
Oses-tu bien me flatter,
Fortune ennemie,
Tandis que tu veux m’ôter
Ma petite amie ?
De quoi me sert d’être grand ?
J’aime mieux baisser d’un cran,
Et revoir ma mie,
Ô gué,
Et revoir ma mie.
Air : Comment faire
Puis-je voir mon roi dans ce jour
La victime de mon amour ?
L’honneur à l’amour est contraire ;
Mais dois-je, pour servir l’honneur,
Trahir Sangaride et mon cœur ?
Comment faire ?
Air :
Il me faudra,
Quoi qu’on en dise,
Faire une sottise,
Et finir par là.
Elle est forte,
Mais que m’importe,
Qu’est-ce qu’on dira ?
Il fait comme à l’Opéra.
La symphonie joue une ritournelle lente sur l’air Et quand ils furent revenus.
Que ces sons me semblent touchants,bis
Mais je m’endors à leurs accents,
Il faut donc qu’à l’italienne,
Je fasse la méridienne.
Scène x
[atys,] songes agréables et funestes
Atys se jette dans un fauteuil, le dos se baisse, et forme un espèce de berceau d’enfant, avec des pieds ronds, pour pouvoir bercer. Des jeunes nourrices le bercent en chantant Do, do. La symphonie joue l’air \emph Do, do, l’enfant do.
chœur
Même air
Do, do, l’enfant do,
L’enfant dormira tantôt.
Air : Carillon des cloches
Que les fous, les jaloux,
Les mamans et les époux
S’endorment, s’endorment,
Tous.
S’endorment.
un songe agréable
Air : De tout temps le badinage
Une vertu trop austère
Contre l’enfant de Cythère
Fait un inutile effort.
En vain, elle le traverse,
Tout doucement l’Amour la berce,
Et la cruelle s’endort.
Air : Dupont mon ami
Apprends par nos voix
Que Cybèle t’aime ;
Réponds à son choix,
Aime-la de même.
Cher ami, voilà comment
Le bien nous vient en dormant.
Des hommes en hiboux prennent la place des nourrices.
songes funestes
Air : Cordon bleu, contredanse
Pour punir notre infidélité,
En figure
De mauvaise augure
Les dieux ont changé notre beauté.
Cybèle ainsi punit le parjure.
Si la déesse, cher Atys,
Transformait les hommes
En ce que nous sommes
Pour avoir quitté leurs Cloris,
Que de hiboux on verrait dans Paris !
Le berceau disparaît et Atys se lève dessus le fauteuil en sursaut.
Scène xi
cybèle, atys
atys
Air : Les filles de Montpellier
Secourez-moi, justes dieux
Dont le cœur est pitoyable ;
Tous les démons en ces lieux
Font un sabbat effroyable.
Aïe, aïe, aïe,
J’ai cru voir le diable,
Cybèle, aïe, aïe, aïe.
Air : Je suis Madelon Friquet
Mais tout songe est un menteur,
Je m’en moque, et n’en fait que rire,
C’est une folle vapeur,
Qui ne doit pas me faire peur.
cybèle
Celui-ci n’était pas trompeur.
atys
Comment donc, que voulez-vous dire ?
cybèle
C’est qu’Amour en est l’auteur ;
Oui, je l’avais fait porteur
Des sentiments qu’Atys m’inspire.
atys
Le plaisant ambassadeur
Pour me déclarer votre ardeur !
cybèle
Air : Mais
Atys, réponds à la plus vive flamme.
atys
Je vous respecte, et de toute mon âme.
Mais,
Jusqu’à vous aimer, Madame,
Je ne m’oublierai jamais.
cybèle
Air : Est-ce que cela se demande
Bon ! tous les Dieux sont rebutés
De leur grandeur suprême.
Ils sont las d’être respectés,
Ils veulent qu’on les aime.
De l’Amour, Atys, suis la loi,
Ce dieu te le commande.
atys
Hé bien, que voulez-vous de moi ?
cybèle
Est-ce que cela se demande ?
Scène xii
cybèle, sangaride, atys
sangaride
La Têtard, contredanse
Air : Marions, marions, marions-nous
Pour le repos de ses jours,
C’est à vous, grande Immortelle,
Que Sangaride a recours.
atys
À qui donc s’adresse-t-elle ?
Finissez, finissez tous vos discours,
Je vais parler à Cybèle.
sangaride
Prêtez-moi, prêtez-moi votre secours.
atys
Parlera-t-elle toujours ?
Air : Beauté plus friande qu’un chat
En quatre mots voici le fait :
Le roi Célénus lui déplaît.
Empêchez, puissante Cybèle,
Qu’il ne devienne son époux.
cybèle
Mais en plaidant si bien pour elle,
Ne parleriez-vous pas pour vous ?
Air : La jeune abbesse de ce lieu
N’appréhendez plus d’épouser
Cet amant qui vous désespère,
Et j’aurai grand soin d’apaiser
Le fleuve Sangar votre père.
Puisque Atys pour vous parle si bien,
Je ne puis vous refuser rien.
Air : Maris, avalez le goujon
Atys, n’en faites point mystère,
Pourquoi cacher votre bonheur ?
Je vous aime et ne puis le taire.
atys
Oh, vous me faites trop d’honneur.
cybèle
Air : Ah, Philis, je vous veux, je vous aime
Une fille ici que l’Amour touche
N’ose le déclarer hautement.
Mais là-haut, impunément,
Nous faisons sans rien craindre un aveu si charmant.
atys
Ah ! plus d’une fillette farouche
Voudrait être déesse en aimant.
cybèle
Air : Deux cœurs se donnent troc pour troc
Je vous arme de mon pouvoir
Pour défendre votre parente.
Partez.
atys
Je ferai mon devoir ;
Sangaride sera contente.
Scène xiii
cybèle seule
cybèle
Air : Proverbes de monsieur Quinault
Atys me fuit, que faut-il que je pense ?
L’ingrat Atys n’a que de la froideur.
Ignore-t-il qu’un tendre amour dispense
Des vains égards qu’exige la grandeur ?
La serrure Quoique le cœur d’une coquette
Non, non, ne soyons point la dupe
De ses discours trop circonspects ;
Sangaride en secret l’occupe,
Et moi je n’ai que ses respects.
Scène xiv
sangaride, idas, doris
idas, doris, ensemble
Air : Confiteor
Quoi ! Sangaride, vous pleurez !
sangaride
Hélas ! ma douleur est mortelle.
idas, doris, ensemble
Quoi ! toujours vous soupirerez !
sangaride
Hélas !
idas, doris, ensemble
Contez tout à Cybèle.
sangaride
Hélas !
idas, doris, ensemble
Qui cause vos ennuis ?
sangaride
Hélas !
idas, doris, ensemble
Achevez.
sangaride
Je ne puis.
Air : À l’ombre d’un ormeau
Ah ! je n’aime plus qu’un perfide,
Qui vient de trahir mon amour.
Atys n’aime plus Sangaride,
Pour Cybèle, il la quitte en ce jour.
idas, doris, ensemble
Gardez-vous, gardez-vous
D’un transport trop jaloux.
sangaride
Air : Un cordelier d’une riche encolure
De mon ingrat que je suis maltraitée !
Comme une effrontée,
Cybèle hautement
Le veut pour son amant.
Mais c’en est fait, oui, puisqu’il m’abandonne,
Au Roi je me donne.
Un trône vaut bien
Un faquin qui n’a rien.
Éteins ma flamme,
Raison, par tes bienfaits
Rends-moi la paix,
Viens dans mon âme,
Raison, règne à jamais.
idas, doris, ensemble
Un amant plaît quoiqu’il soit infidèle,
Plus il fuit, plus il semble avoir d’appas ;
La raison nous voit dans les las ;
Quoiqu’on l’appelle,
Elle ne revient pas.
sangaride
Éteins ma flamme, etc.
Scène xv
célénus, sangaride, atys
célénus
Air : Et puis ils s’en furent dans une masure
L’Hymen va par de doux nœuds
Combler mes vœux.
Répondez à mes tendres feux,
Aimable Princesse,
Mon cœur vous en presse.
Air : Que toute la terre est à moi
Daignez partager ma couronne,
Sans vous je ne l’estime pas ;
Elle est le prix de vos appas,
Et c’est l’Amour qui vous la donne.
Si j’obtiens votre foi,
Je crois que toute la terre,
Que toute la terre est à moi,
Que toute la terre est à moi.
sangaride
Air : Allons la voir à Saint-Cloud
Oui, je suis à vous, Seigneur,
Puisque mon père l’ordonne.
célénus
De vous j’attends mon bonheur,
Non d’un père qui vous donne.
J’entends soupirer votre cœur.
sangaride
Vous pouvez en votre faveur
Croire que je soupire ;
N’est-ce pas assez en dire ?
célénus
Air : Tambourin
Le bonheur de ma vie
De vous seule dépend,
Si votre cœur n’est point changeant,
Jean.
sangaride
J’en suis, ma foi, ravie.
célénus
Que de si tendres amours
Durent toujours !
Rien n’en pourra borner le cours.
sangaride
Cours.
célénus
Grands dieux ! que mon bonheur est extrême !
Cher Atys, sois-en témoin toi-même.
Pourrai-je exprimer comme à mon tour je l’aime !
Que d’attraits !
Ils combleront mes souhaits,
Et mes plaisirs seront parfaits,
Fais.
Le bonheur de ma vie
De vous seule dépend,
Si votre cœur n’est point changeant.
sangaride
J’en,
J’en suis, ma foi, ravie.
célénus
Que de si tendres amours
Durent toujours !
Rien n’en pourra borner le cours.
sangaride
Cours.
célénus
Air : Dans son château de Gaillardin
Dès cet instant, je vais me rendre
Chez vos parents.
Je vais moi-même leur apprendre
Vos sentiments.
Il sort.
atys
Je ris de son empressement.
Ah ! qu’il est dupé joliment.
Scène xvi
sangaride, atys
atys
Air : Cela m’est bien dur
Ah ! que son sort est déplorable !
Méritait-il d’être dupé ?
sangaride
Ah ! ne sois pas si pitoyable,
Le Roi ne sera pas trompé.
Comme ton cœur, apprends que le mien change.
atys
Quel discours étrange !
sangaride
Je l’épouse, il n’est que trop sûr.
atys
Cela m’est bien dur.
Air : La chasse, contredanse
Vous changez donc, beauté trop cruelle ?
sangaride
Quelle trahison !
atys
Ah, quel courroux !
ensemble, ensemble
C’est vous qui, pour une amour nouvelle,
Venez de rompre des nœuds si doux.
atys
Beauté trop cruelle, c’est vous !
sangaride
Amant infidèle, c’est vous !
ensemble, ensemble
Ah, c’est bien vous !
Ah, c’est bien vous !
C’est vous, infidèle, c’est vous
Qui rompez des nœuds si doux !
sangaride
Air : Voyageur que l’Amour guide
Cybèle sur moi l’emporte,
Et vous l’aimez tendrement.
atys
Ah ! que le diable m’emporte
Si j’y pense seulement !
Croyez-moi sur ma parole,
Elle ne me tente pas.
Puis-je empêcher cette folle
De me trouver des appas ?
L’effrontée, contredanse
Air : Ah, Colin ! es-tu fou
Je n’aime que vous, je vous jure.
sangaride
Dois-je vous croire si facilement ?
Souvent on fait un serment
De ne plus revoir un parjure.
Souvent on fait un serment,
Le tient-on quand on voit l’amant ?
atys
Je n’aime que vous, je vous jure.
sangaride
Dois-je vous croire si facilement ?
ensemble, ensemble
Jurons-nous d’aimer bien,
Que mon amour vous rassure,
Jurons-nous d’aimer bien,
Mais, non, ne jurons de rien.
sangaride
Aimons, ne jurons jamais,
Souvent, à notre âge, on fait
Des serments indiscrets.
atys
Le cœur souvent se dédit,
Et l’hymen nous contredit
De ce qu’Amour a dit.
ensemble, ensemble
Jurons-nous etc.
atys
Air : Aussitôt, on lui répond la bonne aventure
Mais que rien ne vous étonne ;
Pour seconder notre espoir,
J’emploierai tout le pouvoir
Que Cybèle ici me donne.
Les vents nous enlèveront
Aussitôt que nous le voudrons.
Que si quelqu’un en murmure,
Tous deux nous lui répondrons :
La bonne aventure, ô gué,
Ô gué, la bonne aventure !
Scène 17
le fleuve sangar, célénus, sangaride, troupe de fleuves, troupe de naïades
sangard
Air : Vantez-vous-en
Mes chers parents, voyez le drille
Que je vais joindre à ma famille.
Eussiez-vous jamais mieux choisi ?
Oh, que nanni,
Oh, que nanni !
Amis, ne doutons pas aussi
Qu’il ne fasse honneur à ma fille,
Car c’est un roi puissant et grand,
Vantez-vous-en !
Air : Volez, volez, Zéphirs
Dansons, Fleuves, sautons,
Sur l’agréable verdure
Rions et chantons ;
Qu’à nos chansons
Se joigne le murmure
D’une eau pure
Et des verts roseaux.
Nymphes des eaux,
Accourez en cadence,
Que tout danse
Jusques aux ruisseaux.
On danse.
vaudeville, nouveau de monsieur Le Guai
airnote
une naïade
Dans les grottes les plus secrètes
L’Amour désormais peut entrer,
Puisqu’il a bien su pénétrer
Dans nos humides retraites.
Ce dieu se plaît à rassembler
Avec la téméraire Armide
L’Agnès innocente et timide
Qui ne sait pas l’eau troubler.
un fleuve
Sous le masque de l’imposture
On tâche en vain d’en imposer ;
L’art s’entend mal à déguiser
Les défauts de la nature.
Clarice qu’on a vu doubler
Le cap de l’île de Cythère
Veut trancher de la femme austère
Qui ne sait pas l’eau troubler.
On danse.
Scène xviii
atys, le chœur
chœur
Air : Que faites-vous, Marguerite
De cet aimable hyménée
Formez les liens charmants ;
Unissez la destinée
De ces bienheureux amants.
atys
Air : Dans les bras de ce que j’aime, suis-je moins heureux que vous
Vous deviez avant la danse
Songer à cette union ;
Il était de la décence
D’user de précaution.
Mais la vive impatience
Que fait naître la beauté
Fait passer, sans qu’on y pense,
Dessus la formalité.
Air : Comme un voyageur
Ce nœud déplaît à Cybèle ;
Souffrez, Seigneur, que la belle
Me suive dans ce moment.
célénus
Atys contre moi s’intéresse ?
atys
Appartenant à la Déesse,
Hélas ! puis-je faire autrement ?
Il sort avec Sangaride.
chœur
Air : Lampons, lampons
Ah, quel injuste courroux !bis
À cet ordre opposons-nous !bis
Courons après le perfide
Qui nous vole Sangaride !
Courons, courons,
Camarades, courons !
atys, avec Sangaride dans les airs
Air : On vous en ratisse
Vous vous opposez en vain ;
Zéphirs, menez-nous bon train.
Partons, que l’on m’obéisse,
Ah, comme il l’épousera !
On vous en ratisse, tisse, tisse,
On vous en ratissera !
chœur
Air : Ont enlevé ma mie Margot
Un vent, deux vents, trois vents, six vents, sept vents
Que l’Amour guide,
Devant tous ses parents,
Malgré Célénus et ses gens,
Enlèvent Sangaride.
Scène 19
célénus, cybèle
célénus
Air : Qui veut ouïr chansonnette
Quoi ! par votre ordre on sépare
Deux tendres amants,
Lorsque l’hymen leur prépare
Les plus doux moments ?
Atys enlève la belle
Plus vite qu’un éclair ;
Que vont-ils faire, Cybèle,
Tous les deux en l’air ?
cybèle
Air : Je ne sais pas écrire
Atys était votre rival ;
Pour ce petit original
Sangaride soupire.
Ensemble je les ai trouvés,
Et tous deux...
célénus
Hé bien, achevez !
cybèle
Ah, faut-il tout vous dire !
Air : La verte jeunesse qui tourne à tout vent
Assis auprès d’elle,
Atys soupirait ;
L’air gai de la belle
Me désespérait.
Quel coup pour ma flamme !
célénus
Sachant tout cela,
Et pourquoi, Madame,
Les laissez-vous là ?
cybèle
Air : Je croyais, en aimant Colette
Je joue un assez mauvais rôle,
Nous sommes tous deux outragés.
Prince, comptez sur ma parole,
Bientôt nous serons trop vengés.
Scène xx
cybèle, célénus, sangaride, atys
célénus, cybèle, ensemble
Air : Un peu de tricherie dans la vie est toujours [de saison]
Accourez que l’on vous punisse,
Venez vous livrer au supplice !
sangaride, atys, ensemble
Et bon, bon, je t’en réponds ;
Si notre crime est condamnable,
L’amour le rend bien excusable.
célénus, cybèle, ensemble
Et zon, zon, zon, ah, ah, voyez donc !
sangaride, atys, ensemble
Un peu de tricherie
Dans la vie
Est toujours de saison.
célénus, cybèle, ensemble
Air : Je suis fort bon jardinier
Vous deviez bien, sans détours,
Nous déclarer vos amours.
sangaride, atys, ensemble
Non, non, nous savions
Qu’ici nous devions
Les cacher, et pour cause ;
Vous épargner ce chagrin-là,
C’était la moindre chose, lon la,
C’était la moindre chose.
Air : En passant sur un pont
L’Amour seul vous offense.
célénus, cybèle, ensemble
Oui, mais l’Amour a tort.
Perdez toute espérance,
Ingrats, craignez la mort.
sangaride, atys, ensemble
Air : Ah, madame Anroux
Ah, je ne crains pas
Pour moi le trépas.
Se montrant l’un l’autre.
Je crains pour vous-même,
Ne la croyez pas,
Sauvez ce que j’aime,
Sauvez tant d’appas !
cybèle
Air : Le ciel bénisse la besogne
Toi, qui porte partout l’horreur,
Démon, seconde ma fureur.
Viens, et pour punir ce volage,
Inspire-lui toute ta rage.
Un diable couvert de papier et de plumes prend Atys par la main et le fait danser.
atys
Air : La béquille
Je sens dans tous mes sens
Une chaleur nouvelle.
Ah ! je perds le bon sens,
Qui diable m’ensorcelle ?
Mon feu se renouvelle,
Je vois jusqu’aux enfers.
Qui trouble ma cervelle ?
C’est le démon des vers.
Air : Fleuve d’oubli
Mille auteurs que je compte
Dans ces ténèbres-ci,
Hi, hi, hi,
Viennent cacher la honte
D’avoir peu réussi,
Hi, hi, hi,
Pour en perdre la mémoire,
Dans le fleuve d’oubli,
Beribi,
Vont-ils boire ?
Air : Je ne vous ai vu qu’un seul petit moment
Hé, quoi ! tu viens, cher Lysimachus,
Rejoindre ici ton frère Marius ?
Air : Trembleurs d’Isis
J’aperçois la Gouvernante,
Te croirait-on si méchante
À voir la douceur touchante
Dont tu sais couvrir ton front ?
Non contente, téméraire,
De piller le Légataire,
Le Malade imaginaire,
Tu voles jusqu’au patron.
Air : Du vinaigre
Castor, on te tue en tous lieux,
D’abord sur la scène lyrique ;
Puis sur le théâtre italique
On ne t’accommode pas mieux ;
Car, quoique là tu fus allègre,
Castor, d’abord
Tu serais mort
Sans le trait fort
Du vinaigre.
Air : La ceinture de Vénus
Quel est ce nom français et grec,
Qui n’offre d’abord au génie
Qu’un sujet froid, aride et sec,
Vraiment c’est la Métromanie.
Les petits rats, contredanse
Que cet ouvrage est épigrammatique,
Que de beaux vers ! Que de traits pleins de feu !
L’auteur s’est éloigné du bas comique,
Plus d’un acteur y brille par son jeu.
Que de tours où le génie étincelle !
Oui, généralement elle plaît,
D’accord ; mais cette comédie a-t-elle
Et de l’intrigue, et de l’intérêt ?
chœur
Air : Ah, Pierre ! Ah, Pierre
Déesse, déesse,
Rendez-lui le bon sens !
sangaride
Une fatale ivresse
A troublé tous ses sens ;
Soyez moins vengeresse,
Écoutez nos accents ;
Déesse, déesse,
Rendez-lui le bon sens !
chœur
Déesse, déesse, etc.
cybèle
Air : L’autre jour, j’aperçus en songe
Pour venger sa jalouse flamme,
En ces lieux Cybèle sera
Plus cruelle qu’à l’Opéra.
En les unissant.
Perfide, reçois une femme,
Et toi, reçois pour ton époux
Un métromane des plus fous.
\vaudeville[n
o 86]
1
Qu’une fille de conséquence
Brille par sa magnificence,
On n’a rien à dire à cela,
C’est un opéra.
Mais qu’une grisette jolie
Mette des mouches et du fard
Et se gâte souvent par l’art,
C’est une parodie.
2
Qu’en tout un seigneur d’importance
Sente son bien et sa naissance,
On n’a rien à dire à cela,
C’est un opéra.
Qu’un riche partisan s’oublie
Jusqu’à parler avec hauteur
Et trancher du petit seigneur,
C’est une parodie.
3
Qu’une femme du haut étage
Soit dans un superbe équipage,
On a rien à dire à cela,
C’est un opéra.
Mais qu’une bourgeoise enrichie,
Mise toujours superbement,
Nous éclabousse impunément,
C’est une parodie.
La pièce finit par un ballet pantomime exécuté par des poètes.
Fin