Pierre-François Biancolelli, Jean-Antoine Romagnesi
La Bonne femme
Parodie de l’opéra d’Hypermnestre
Représentée pour la première fois par les Comédiens Italiens ordinaires du Roi
le 28 juin 1728
Les Parodies du nouveau Théâtre-Italien, Briasson, 1738
Acteurs
Danaüs
Hypermnestre
Lyncée
Arcas
L’Ombre de Gélanor
Le Grand prêtre d’Isis
Un paysan
Chœur d’Égyptiens
Chœur d’Argiens
Danseuses en matelots et matelotes
Une matelote
La Bonne femme
Le théâtre représente plusieurs tombeaux, et au milieu le mausolée de Gélanor, Roi d’Argos. On voit dans la perspective le soleil qui s’élève peu à peu.
Scène i
Danaüs, Arcas
arcas
Air : Sais-tu la différence
Deux illustres familles,
Apaisent leur courroux,
Tuchoux.
Et vos cinquante filles
Trouvent cinquante époux,
Tuchoux.
Tous Princes et bons drilles,
Tuchoux,
Ah, quel bonheur pour vous !
Que ce jour est heureux !
danaüs
Air : Je jure par tes yeux
pas tant que tu le dis.bis
Un frère chicaneur me chassa de Memphis,
Et me force en ces lieux à couronner ses fils.
arcas
Ne sont-ils pas vos neveux ?
danaüs
Oui.
arcas
Par conséquent, vos filles sont leurs cousines ?
danaüs
Hé bien.
arcas
Hé bien.
Fin de l’air : Compère et commère
Cousins et cousines
Sont faits pour s’aimer,
Et pour s’entre-couronner.
Mais, Seigneur, si cette alliance vous faisait tant de peine, que ne refusiez-vous la paix ?
danaüs
Air : Pierre Bagnolet
Pouvais-je soutenir la guerre,
Et ne sais-tu pas comme moi,
Que la moitié de la terre
D’Égyptus reconnait la loi ?
Voilà pourquoi,bis
Je n’ai pu soutenir la guerre,
Parce qu’il est plus fort que moi.
Il a plus de soldats que je n’ai de sujets et quels sujets !
Air : Quand la bergère vient des champs
Ils se ressouviennent encor
De Gélanor.
arcas
Ils ont grand tort.
Ne savent-ils pas qu’il est mort,
Et que tout ombre
Du palais sombre
Jamais ne sort.
danaüs
Oui, mais c’est moi qui l’ai tué.
arcas
Bon, ne fallait-il pas toujours qu’il mourut ? mais on vient...
Scène ii
Hypermnestre, Danaüs
hypermnestre
Air : Pourquoi vous en prendre à moi
À quoi vous amusez-vous,
Mon père, mon père ?
Nous attendons nos époux,
Est-ce dans un cimetière
Qu’on forme des nœuds si doux ?
À quoi, etc.
danaüs
Air : Sois complaisant, affable, débonnaire
D’un doux regard
Le ciel nous favorise,
Mais de sa part
Je crains encor la crise.
Car
Quand on fait une sottise,
On la paye tôt ou tard.
hypermnestre
N’ayez aucune peur.
Air : Que je chéris mon cher voisin
De vos neveux la quantité,
La valeur, l’alliance,
Du trône où vous êtes monté
Affermit la puissance.
Songez qu’ils sont cinquante, quoiqu’on n’en parle point à l’Opéra.
Air : Allons gai
Par un destin prospère,
Avant qu’il soit deux ans,
Vous vous verrez grand-père
D’un régiment d’enfants.
Allons gai, d’un air gai, toujours gai.
danaüs
J’attends mes gendres avec impatience. J’ai promis Lyncée à votre amour, je vous tiendrai parole.
hypermnestre
Il parut ici par l’ordre d’Égyptus. Vous me vantâtes son mérite, et vous m’ordonnâtes de l’aimer, je ne balançai pas un moment à exécuter vos ordres.
Air : Quand le péril est agréable
Mon soin d’abord fut de lui plaire,
Il fut l’objet de mes amours,
Car une fille doit toujours
Obéir à son père.
Mais quand je vous vois si fort enseveli dans la tristesse, est-il quelque bonheur pour moi ?
danaüs
Oh, ma foi, je n’ai pas envie de rire.
hypermnestre
Quel nouveau chagrin peut encore vous agiter ?
Air : Diablezot
Ma fille j’ai vu cette nuit
De Gélanor l’ombre implacable,
Dans ma chambre il a fait grand bruit,
D’une voix rauque et formidable,
Arrête, arrête, m’a-t-il dit.
hypermnestre
Croyez-vous que Pluton renvoie
Les morts qu’il tient dans son cachot ?
L’Achéron lâche-t-il sa proie ?
Diablezot.
danaüs
Ce n’est pas là tout, écoutez le reste.
Air : L’autre nuit j’aperçus en songe
Les dieux l’ont armé de la foudre,
Soigneux de venger son trépas.
J’ai vu mon trône en mille éclats,
Et mon palais réduit en poudre.
hypermnestre
Ah ! vos songes sont trop mauvais,
Puissiez-vous ne rêver jamais.
danaüs
Air : La Serrure
Je vais lui donner une fête,
Ce spectacle sera nouveau.
Allons, enfants, que l’on s’apprête
À l’amuser dans son tombeau.
hypermnestre
Air : Ami, qui l’aurait pu croire
Mon père, pouvez-vous dire
Qu’on aime à rire
Chez les morts ?
danaüs
Ma fille, retirez-vous, et laissez-moi.
hypermnestre, en s’en allant
En vérité, le bon homme radote !
Scène iii
Marche des danseurs, en longs manteaux noirs et crêpes, qui portent des plats devant le tombeau de Gélanor.
Après qu’on a dansé.
danaüs
Air : Ô reguingué
Ombre d’un Prince infortuné
Que j’ai moi-même assassiné,
Ô reguingué, ô lon lan la,
Soyons amis, plus de querelle,
Pardonne cette bagatelle.
Fin de l’air : Revenant de Lorette
Honorez,
Célébrez,
Et sa gloire
Et sa mémoire.
Que nos jeux, que nos chants
Lui fassent passer le temps.
chœur
Honorons,
Célébrons,
Et sa gloire
Et sa mémoire.
Que nos jeux, que nos chants
Lui fassent passer le temps.
Après les danses, le soleil s’éclipse, la terre tremble.
definitacteur, un du chœur unduchœur
unduchœur
Air : Je ne suis né ni roi, ni prince
Le jour pâlit ! la terre tremble !
Quel pouvoir contre nous rassemble,
Et confond tous les éléments ?
Quels sifflements ! l’ombre cruelle
Reçoit nos divertissements
Tout comme une pièce nouvelle.
Tout le peuple fuit. L’ombre de Gélanor sort de son tombeau.
definitacteur, l’ombre lombre
lombre
Air : Or écoutez petits et grands
Tous tes regrets sont superflus,
Bientôt un des fils d’Égyptus,
Pour me venger de ton audace,
Tyran, va régner en ta place.
Mon sang fut répandu par toi,
Il versera le tien pour moi.
danaüs
Air : On vous en ratisse
Que mon cœur est agité !
Ah ! par cette obscurité,
Tu redoubles mon supplice,
Dis-moi donc qui me tuera.
lombre, en rentrant dans son tombeau
On vous en ratisse, tisse, tisse,
On vous en ratissera.
danaüs
Air : Comment faire
Ombre inhumaine expliquez-vous,
Sur qui doivent tomber mes coups ?
Dans une telle pépinière,
Il s’agit de développer
Celui que ma main doit frapper,
Comment faire ?
Air : Quand je tiens de ce jus d’octobre
Voyez la plaisante vétille,
Je n’ai pour sortir d’embarras
Qu’à tuer toute la famille,
Et je ne m’y tromperai pas.
Scène iv
Hypermnestre seule
Le théâtre change, et représente une mer agitée.
hypermnestre
Air : Sortez de vos retraites
Ah ! quel affreux orage,
Cessez vents furieux
D’exercer votre rage
Sur l’objet de mes feux.
Dans vos grottes profondes
Rentrez en ce moment,
Doux Zéphirs sur les ondes,
Conduisez mon amant.
Que je suis heureuse ! la tempête cesse.
airvide
Le temps est calme, et le vent doux,
Dépêchez-vous,
Mon cher époux.
L’Hymen nous attend au port,
Pour vous y faire un heureux sort.
Ce dieu dans ce jour
D’accord avec l’Amour
Va couronner l’ardeur qui nous presse,
Faisons sur ces bords,
Éclater nos transports,
Et que nos tendres désirs,
Comblés par les plaisirs,
Dans nos cœurs renaissent sans cesse.
Scène v
Hypermnestre, troupe de matelots et matelotes
hypermnestre
Air : Y avance, y avance
Viens promptement, jeune héros,
Hâte-toi, traverse les flots,
L’Amour veut de la diligence.
definitacteur, le chœur des matelots chœurdesmatelots
chœurdesmatelots
Y avance, avance,
Réponds à son impatience.
hypermnestre
Que ne vous dois-je point, mes chers enfants ? Voilà ce qui s’appelle être bien secondée. Lyncée ne peut manquer d’arriver lorsque tout un peuple l’appelle... Mais n’est-ce pas lui que j’aperçois... Ô ciel ! en quel état s’offre-t-il à mes yeux ?
Scène vi
Lyncée, les acteurs de la scène précédente
On voit Lyncée qui traverse les flots à la nage, il est en chemise.
lyncée
Air : Ça du vin, mettons-nous en train
Ça Fanchon,
Mon petit bouchon,
Ça ma chère
Faites faire
Du feu car j’ai le frisson.
hypermnestre
Cher époux
Je tremblais pour vous.
lyncée
Des poissons l’humide canaille,
Les huitres à l’écaille,
De moi tout était jaloux.
Mais enfin,
L’Amour bien plus fin
M’a malgré l’orage,
Conduit à la plage,
Je promets...
De n’en dériver jamais.
hypermnestre
Air : Ma fable est-elle obscure lure lure
Tout parle ici de votre amour extrême,
Mon tendre cœur n’a rien à désirer.
lyncée
De vous aimer je fais mon bien suprême,
De mon ardeur tout doit vous assurer.
hypermnestre
Mon cher amant, croyez-vous qu’elle dure ?
Lure, lure, lure.
Oh ! sans doute, elle durera
Autant qu’à l’Opéra.
hypermnestre et lyncée, ensemble
Air : Par bonheur ou par malheur
Sort heureux, aimable jour,
Vous augmentez mon amour
En finissant mes alarmes.
chœur
Sort heureux, aimable jour.
lyncée
Oh ! finissez, s’il vous plait, vous m’étourdissez. J’ai bien autre chose à faire que de vous entendre brailler, allons chercher le Roi, mon futur beau-père.
hypermnestre
Air : Je n’aimerai jamais que vous
Déjà vos frères et mes sœurs
Se jurent dans le temple
Les plus sincères ardeurs,
Suivons leur exemple.
lyncée
Cessons d’inutiles discours,
Nous n’avancerons rien si nous chantons toujours.
Venez, Princesse mes amours,
Venez au temple.
Scène vii
Danaüs, Hypermnestre, Lyncée
danaüs
Ah ! mon gendre vous voilà ? soyez le bien venu. Vous avez bien tardé.
Air : Laire laire laire
Vos frères plus impatients
N’ont pas attendu si longtemps,
Ils ont déjà conclu l’affaire,
Laire, laire, laire, etc.
lyncée
Malepeste ! ils étaient bien pressés.
Air : Un amant avec ce qu’il aime
Beau-père, on ne doit pas si vite
Prononcer ce funeste mot,
Car le mariage est un gite
Où l’on n’arrive que trop tôt.
danaüs
Air : Quel plaisir d’aimer sans contrainte
Au temple l’Hymen vous appelle.
hypermnestre, à Lyncée
Entrez-y donc.
lyncée
Je vous suis, ma belle.
danaüs
Tout est prêt pour la cérémonie.
lyncée
Oh ! point de façon, je vous en prie.
Scène viii
Le grand prêtre, ministres, et prêtresses
Le théâtre change et représente le temple d’Isis avec la statue de cette déesse.
Après la danse, Danaüs, Hypermnestre, Lyncée, arrivent.
le grand prêtre
Air : J’offre ici mon savoir faire
Sur cet autel qu’on révère,
Isis recevez les serments,
Que toujours y font les amants,
Et plus souvent ne tiennent guère.
chœur
Que toujours, etc.
On approche l’autel de l’Hymen où Hypermnestre et Lyncée posent la main, le grand prêtre reçoit leur serment.
hypermnestre
Air : Amis sans scrupule
De ma vive flamme
Hymen soit le garant.
lyncée
Je jure à ma femme
D’être toujours constant.
hypermnestre
Je vous serai fidèle,
J’en fais, cher amant,
Le serment.
lyncée
Hélas, ma belle,
L’Amour le fait, mais l’Hymen le dément.
danaüs
Allons, qu’on ouvre les portes du temple, et que tout le monde y entre pèle mêle.
Scène ix
Les acteurs de la scène précédente, paysans, paysannes qui entrent dans le temple
un paysan
Air : Gai, gai, gai, Madame la mariée
Gai, gai, gai,
Madame la mariée.
Bon, bon,
Je sommes ravis tatigué,
De vous voir si bien accouplée.
chœur
Gai, gai, gai.
On danse.
une bergère
Air : Menuet d’Hypermnestre
À l’Amour,
En ce jour,
Rendons tous hommage.
Quelle douceur !
Quand ce vainqueur
Nous engage,
Livrons-nous
À ses coups.
Jeunes cœurs hâtez-vous,
Il ne veut votre encens
Que dans vos beaux ans.
On danse.
Scène x
Arcas, les susdits
arcas
Air : Lanturlu
Que votre présence
calme les mutins,
Voyez l’insolence
De tous ces coquins.
Pendant que l’on danse
Ils nous rossent tant et plus,
Lanturlu, lanturlu, lanturlu.
danaüs
Air : Talaleri, talaleri, talalerire
Sur moi leur injuste vengeance
Poursuit le sang de Gélanor,
Mais c’est en vain que ma clémence
Voudrait les épargner encor.
Ah ! morbleu, nous allons bien rire
Talaleri, talaleri, talalerire.
lyncée
Air : Ce n’est point par effort qu’on aime
De vous, que j’obtienne une grâce,
Souffrez qu’en cette occasion,
Sur cette vile populace,
Je fasse une belle action.
danaüs
Allez donc vous battre à ma place.
lyncée, en s’en allant
Le beau-père est un peu poltron.
Scène xi
Danaüs, Hypermnestre
danaüs
Sortez tous, et vous ma fille demeurez. À part. Je ne sais comment elle recevra le beau compliment que je vais lui faire.
Air : Mais surtout prenez bien garde [à votre cotillon]
Quoique les liens les plus doux
Vous attachent à votre époux,
Vous devez votre affection
À votre cher papa mignon.
hypermnestre
Vraiment, je le sais mon père.
danaüs
Écoutez-moi donc.bis
Air : Que je chéris, mon cher voisin
Ma fille, l’on a résolu
D’immoler votre père.
J’ai besoin de votre vertu.
hypermnestre
Et qu’en voulez-vous faire ?
danaüs
Elle doit armer votre bras.
hypermnestre
Air : Le beau berger Tircis
Sachons sur qui je doi
Exercer mon courage.
Sans différer nommez-moi
L’ennemi qui vous outrage.
danaüs
Son nom seul va, je gage,
Glacer ton cœur d’effroi.
hypermnestre
Air : Dedans nos bois il y a un ermite
Quoi ! vous pouvez soupçonner ma faiblesse ?
Seigneur, si du serment
Que dans ce jour j’ai fait à la déesse,
Vous n’êtes pas content,
Pour vous prouver mon amitié sincère,
Je vais encor faire, moi
Je vais encor faire.
danaüs
Air : Ah ! qu’il est beau l’oiseau
À vous parler sincèrement,bis
Je crains que le second serment
N’ennuie, n’ennuie.
Jamais on en fit tant
En Normandie.
hypermnestre
Écoutez celui-ci, il vous fera trembler.
Elle met sa main sur l’autel.
Air : Charivari
Malgré le respect sincère
Que j’ai pour toi,
Si je ne venge mon père,
Hymen fais-moi
Manquer de foi dès aujourd’hui
À mon mari.
danaüs
En vérité, voilà un terrible serment !
Il lui présente un poignard.
Air : Contre un engagement
Du plus funeste sort
Ma tête est menacée,
Pour empêcher ma mort
Va percer...
hypermnestre
Qui ?
danaüs
Lyncée.
hypermnestre
Quelle loi sanguinaire,
Hélas, m’imposez-vous !
Me convient-il, mon père,
De tuer mon époux !
danaüs
L’ombre de Gélanor m’a prédit tantôt qu’un des fils d’Égyptus me ravirait la vie, et la couronne. Vos sœurs n’ont pas fait tant de difficulté, elles sont bien plus résolues que vous.
Air : Quand on a prononcé ce malheureux oui
Elles vont dans la nuit m’immoler mes victimes.
hypermnestre
Hélas !
danaüs
Vous soupirez ! vos soupirs sont des crimes...
Vous balancez encor ! qui peut vous arrêter ?
Votre serment vous lie, allez l’exécuter...
Hé bien, que ne partez-vous ?
Air : Tarare ponpon
Lorsque ma volonté, ma fille, se déclare,
C’est à vous de répondre à mon intention.
hypermnestre
Serais-je assez barbare !
danaüs
Obéissez-moi donc.
hypermnestre, en s’en allant
Mon cher père tarare,
Ponpon.
Scène xii
Danaüs seul
danaüs
Va, va, j’ai pris se si justes mesures que Lyncée ne pourra se soustraire à ma fureur. La nuit favorisera mon projet.
Air : Quand on tient de ce jus d’octobre
J’ai su m’assurer ma vengeance.
En vain l’amour retient tes coups,
On va dans l’ombre et le silence,
Partout assiéger ton époux.
Scène xiii
Hypermnestre seule avec un poignard
Le théâtre change et représente la façade du palais de Danaüs, une nuit très obscure règne sur le théâtre.
hypermnestre
Air : Depuis que j’ai vu Nanette
Justes dieux ! que dois-je faire ?
Quoi ! cédant à son courroux,
Mes sœur par l’ordre d’un père
Assassinent leurs époux.
Ô nuit de tes voiles sombres
Quel est le fatal secours ?
Toi qui ne devais tes ombres
Qu’au triomphe des amours.
Scène xiv
Lyncée avec une lanterne sourde, Hypermnestre
lyncée
Où diable trouverai-je ma femme ? je la cherche partout... si je ne me trompe, je crois que c’est vous, ma mignonne ?
Air : J’ai fait à ma maîtresse
Doux objet de ma flamme
Je vous retrouve enfin...
Il aperçoit le poignard.
Mais, que vois-je ?... ma femme
Quel est votre dessein ?
Cet instrument, ma mie,
N’est guère de mon goût.
N’auriez-vous point envie
De faire un mauvais coup ?
hypermnestre
Que lui dirai-je ?... croyez-moi, Lyncée, éloignez-vous de ces lieux, fuyez-moi de grâce.
lyncée
Moi vous fuir !... vous n’y pensez pas.
Air : La verte jeunesse
Par ma foi j’ignore
Pour quelle raison,
Je ne suis encore
Mari que de nom.
Il faudrait, Madame,
À vous parler net,
Pour quitter ma femme,
L’être tout à fait.
Mais que veut dire ceci ? vous me parlez par énigme, expliquez-vous mieux.
hypermnestre
Air : Pour passer doucement la vie
Pour sauver un époux que j’aime,
Fers fatal à toi j’ai recours,
Ne sert qu’à m’immoler moi-même,
Mourons pour conserver ses jours.
lyncée, l’arrêtant
Air : [Turlututu rengaine]
Turlututu rengaine, rengaine,
Rengaine ton couteau.
Que diable voulez-vous faire ?
Air : Je n’saurais
Quoi, tu prétends, assassine,
Te percer de part en part ?
hypermnestre
Ma vertu m’y détermine,
Mon cher, rends-moi ce poignard.
lyncée
Je n’saurais,
S’il entrait dans ta poitrine,
Tu mourrais.
Le tonnerre gronde, les éclairs brillent.
lyncée
Air : À la façon de Barbari
Mais quel tonnerre, quels éclairs
Étonnent la nature !
Ces feux qui brillent dans les airs
Sont d’un sinistre augure.
definitacteur, chœur des fils d’Égyptus chœurdesfils
chœurdesfils
Quelle funeste trahison,
La faridondaine,
La faridondon !
Dieux, ô dieux ! on nous traite ici
Biribi,
À la façon de Barbari
Mes amis.
lyncée
Air : Joconde
Quelles voix implorent les dieux !
Quels transports sanguinaires !
Je n’en doute plus, dans ces lieux,
On égorge mes frères.
Secourons-les... dois-je souffrir
Leur sanglante défaite...
Mais à quoi bon les secourir
Lorsque l’affaire est faite ?
Il vaut autant que je reste ici.
Scène xv
Troupe d’Égyptiens, les susdits
un égyptien
Air : [Aux armes, camarades]
Aux armes, camarades,
L’ennemi n’est pas loin.
lyncée
Courons tous au vin.
definitacteur, l’égyptien legyptien
legyptien
Aux armes, camarades,
Mettons tous l’épée à la main.
definitacteur, ch\o eur d’Argiens chœurdargiens
chœurdargiens, derrière le théâtre
Air : Je suis un bon soldat
Portons dans le combat,
Titata,
L’horreur et le carnage.
Que Lyncée abattu
Tututu,
Cède à notre courage.
lyncée
Comment morbleu ! on parle de moi. Ah ! chien de beau-père, vous faites donc des vôtres ! tout à l’heure nous allons voir beau jeu : mes amis commencez toujours.
hypermnestre
Où allez-vous donc, mon cher époux ?
lyncée
Je vais boire un coup.
Lyncée sort. On sonne la charge, le combat se fait entre les Égyptiens et les Argiens. À la fin, Lyncée arrive avec un grand bâton et les repousse.
Scène xvi
Hypermnestre seule
Air : Flon, flon
Quelle horreur ! quel tapage !
Où porter mes regards !
Le sang dans ce carnage
Coule de toutes parts.
Air : Un Cavalier d’une riche encolure
Mais quel spectacle à mes yeux se découvre ?
La terre s’entrouvre,
Je vois des enfers
Les supplices divers.
Air : Ne craignez rien, l’Hymen est votre asile
Je vois mes sœurs sur l’infernale rive...
Quel est le but de leurs soins empressés ?
Elles voudraient d’une onde fugitive
Fixer le cours dans des tonneaux percés.
Air : Je ne suis né ni roi, ni prince
Non, vos mains sont trop criminelles,
Des dieux, n’espérez pas, cruelles,
Apaiser le juste courroux.
Vous puisez vainement, perfides,
Vous avez tué vos époux,
Vos tonneaux seront toujours vides.
Scène xvii
Lyncée victorieux, Hypermnestre
lyncée
Air : Il faut quand l’Amour nous presse
Décampons avec vitesse,
Suivez-moi, mon petit cœur.
Du combat je reviens vainqueur :
Belle Princesse,
Ma foi l’on a bien du bonheur
Quand on adresse.
Il aperçoit Danaüs soutenu par deux gardes.
Mais que vois-je ! vous verrez que j’aurais tué le beau-père.
Scène xviii
Danaüs soutenu par des gardes, Hypermnestre, Lyncée
hypermnestre
Fin de l’air : Réjouissez-vous bons Français
Grands dieux ! quel horrible spectacle !
Ta main vient d’accomplir l’oracle.
danaüs
Air : Colin va t’en dire à Nanon
Non, fille perfide, c’est toi
Qui trahis ton père et ton Roi
Pour l’amour de ce misérable.
Je voudrais pouvoir avec moi
Tous deux vous entraîner au diable.
lyncée
Allez-y toujours devant, mon cher papa.
Air : Et zeste, zeste, zeste
Grands dieux, quelle fureur !
danaüs
Vite que l’on m’emporte.
lyncée
La rage le transporte.
hypermnestre
Il expire, Seigneur...
Ô ciel quel coup funeste !
Il ne faut pas quitter le Roi.
lyncée
Et zeste, zeste, zeste,
Puisqu’il est défunt, croyez-moi,
Songeons au reste.
Fin