Auteurs : | anonyme |
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Parodie de : | Amadis de Gaule de Quinault et Lully |
Date: | 1741 |
Représentation : | Inconnu |
Source : | s. l. 1741 |
Remarques : | |
Publié en 1741 |
Non, Urgande, je ne serai jamais satisfaite si l’audace d’Amadis n’est punie avec la dernière rigueur.
Reposez-vous en sur moi, Madame, s’il est assez hardi pour mettre
le pied dans votre maison, malgré la défense qui lui en est faite, il apprendra que la condition des personnes de votre rang est une barrière que l’on ne peut franchir sans s’exposer à des remords éternels.
Ce qui me peine le plus dans cette affaire, c’est que ce vil comédien, suivant le génie du théâtre, ne manquera point de regarder ma colère comme les premières étincelles d’un amour naissant. Son impertinence lui coûtera cher.
Je vous promets de pousser à bout sa fatuité et de la forcer dans ses derniers retranchements.
Mais, n’est-ce pas lui que je vois ? Son audace encore...
Il serait trop flatté de vous rencontrer, laissez nous.
Ah ! Ma chère Urgande, comment vont nos amours ? Oriane est-elle toujours cruelle ?
Cruelle ? Dites plutôt charmante, adorable, n’aimant que vous, ne brûlant que pour vous.
Ô bonheur d’autant plus agréable qu’il était moins attendu ! La manière dont on m’avait interdit l’entrée de cette maison devait-elle être suivie d’une nouvelle si charmante ?
Vous avez fort bien fait de mépriser ces défenses, ces menaces étaient les derniers efforts d’une pudeur à demi-vaincue.
Il est donc vrai, ma chère Urgande, que je suis aimé.
Si bien qu’il vous est permis de goûter dès aujourd’hui des plaisirs que l’on a cru jusqu’ici réservés aux demi-dieux.
Ah, ma chère Urgande, que faut-il faire pour y parvenir ?
Me cajoler, me prier bien fort ; que sais-je ? m’offrir quelques portraits de Louis XV.
Je t’entends, voilà cinquante louis que je te supplie de recevoir, trop heureux si je vois Oriane dans la chambre enchantée des loyaux amants.
Vous serez satisfait, je m’en vais disposer toutes choses et ne sortez point d’ici jusqu’à ce que je revienne.
[Le texte imprimé passe de la scène III à la scène V]
Amadis en ces lieux ? L’on vous en disait banni pour toujours !
C’est une erreur, je suis ici des mieux et d’ailleurs, qui serait assez osé pour vouloir m’en interdire l’entrée ?
Je ne sais, mais je connais ici bien des gens qui vous en veulent et je crois fort que vous gagneriez à ne plus y paraître.
Malgré cela j’y parais avec confiance, je voudrais fort que quelque original y trouvât à dire. Corbleu, tel que vous me voyez, je ne suis point aisé.
Au reste, ceux dont je vous parle, ce sont des gens de goût et la fatuité leur déplaît infiniment.
Parlez plus doucement, cet air fanfaron commence à me déplaire.
Ma foi, ce n’est point devant vous que je baisserai le ton.
Applique cet emplâtre à ton impertinence.
Ah, Monsieur, de grâce calmez votre volère, si quelque chose vous a blessé dans mes discours, je vous en demande pardon.
Ah ! ah, c’est donc ainsi que vous répondez ? Je ne vous croyais pas de si bon accord.
La seule grâce que je vous demande, c’est de ne pas divulguer cette aventure.
Ne craignez pas, j’y perdrais autant que vous, mais avant de vous quittez permettez-moi de vous chanter un couplet qui vous convient fort.
Air : Menuet,
À l’insulte il mêle encore la raillerie, quelle malice !... N’importe. Je n’irai pas moins partout tête levée.
Air : Joconde
Vous savez assez quel dessein
m’amène. Allons, Monsieur, l’épée à la main.
Moi, Monsieur ? Cela m’est défendu,
ma vie est trop nécessaire au public, je ne l’expose pas pour peu de chose.
Quoi ! Vous refuseriez de me faire
raison en homme d’honneur ? Il est vrai que l’honneur ne s’enveloppe jamais d’un habit de théâtre. Votre conduite ne m’étonne pas.
Pour quelques paroles que vous me reprochez, voudriez-vous
immoler les délices du public et le soutien de l’Opéra ?
Je serais blâmé des honnêtes gens si je profitais de l’avantage que me donne votre faiblesse. Adieu.
Enfin, voilà cette affaire, dont je craignais les suites, heureusement terminée !
Air : Sire votre bonne ville
Bonjour, mon cousin. Et cadédis, comment vous portez-vous ?
Que souhaitez-vous, Monsieur ? Je ne vous connais pas.
Vous ne me connaissez pas ? Je suis de Toulouse et je m’appelle Goudouli, votre cousin germain.
Je ne le reconnais que trop. C’est lui-même.
Vous me faites, ce me semble, un accueil bien peu gracieux. Cependant je vous ai rendu
des services assez considérables. Que feriez-vous devenu si je ne vous avais caché trois mois dans ma maison. Vous vous souvenez qu’étant encore abbé, vous séduisîtes la plus jolie dévote du père Sébastien, ce fameux carme déchaussé. Ce moine n’entendit point raillerie là-dessus et vous suscita cette affaire criminelle dont vous auriez été la victime.
Si vous m’en croyez, vous irez débiter ailleurs des fables si mal inventées.
Si vous voulez savoir le succès de cette affaire, le voici : un mois après votre évasion de Toulouse, la dévote mis bas deux jumeaux, par bonheur le carme se reconnut dans un de ces poupons et en notre considération il voulut bien assoupir toutes choses.
Vos plaisanteries vous coûteront cher, si vous ne les terminez au plus tôt.
Je vois bien que la modestie de mon pourpoint blesse ta vanité, mais je saurai bien te forcer à me reconnaître.
Quelle est cette femme qui s’avance vers moi ? Sa physionomie ne m’est pas inconnue.
Je te salue, mon cher cœur. Voilà le fruit de nos anciens amours : allons, mes enfants, embrassez votre cher père.
Bonjour Papa ! Bonjour Papa !
Vous confondez, Madame, et je vous prie d’aller jouer ailleurs une scène si bizarre.
Quoi perfide ! Tu voudrais éluder ainsi l’effet de tes promesses ? Fatiguée de tes délais je suis partie de Toulouse pour t’amener ces enfants qui t’appartiennent et pour te forcer à m’épouser, suivant tes engagements. Si tu ne m’avais séduite, je serais encore en possession de ma virginité.
L’extravagance de vos discours, Madame, excite déjà mon indignation. Vous ferez sagement de vous retirer.
Quoi, me jouer de la sorte !
De quel front oses-tu me tenir ce langage ?
Ah ! Madame, de grâce ne faites point ici d’éclat. Je suis résolu de vous satisfaire. Rendez-vous chez moi demain matin.
J’accepte la condition : nous viendrons au lieu marqué.
Cette journée est marquée pour moi d’aventures funestes. Le bonheur de voir Oriane dans la chambre enchantée va me dédommager de tous ces accidents.
Air : Folies d’Espagne
Vous ne me remettez peut-être pas, Monsieur, pour moi je ne vous ai point oublié. Vous me laissâtes un gage de votre amitié que je n’ai conservé que trop longtemps.
Je ne pénètre point l’énigme que vous me proposez et je me flatte que nous n’avons rien à démêler ensemble.
Rappellez-vous cette visite nocturne que vous me rendîtes le mois passé. Depuis, j’eus besoin du chirugien et de l’apothicaire : voilà les comptes. Vous êtes trop galant homme pour ne pas les acquitter.
L’insulte que vous me faites retombera sur vous, si vous ne disparaissez au plus tôt.
Une fille bien née perd plutôt la pudeur que la modestie. Cependant, si vous refusez de me satisfaire, je ne garderai plus de mesures et j’instruirai tout le monde de vos largesses.
Madame, voilà vingt pistoles et qu’il n’en soit plus parlé.
À ce prix, ma maison vous est ouverte et nous nous exposerons sans peine au péril de vos visites.
Ah ! Ma chère Urgande, que ton absence m’a paru longue.
Tout réussit selon vos désirs. Oriane vous attend dans la chambre voisine. Volez où l’amour vous appelle.
Ô bonheur ! ô délices ! Il me
reste encore dix louis, accepte-les Urgande. Les plaisirs que je vais goûter ne peuvent être assez payés.
Vous venez fort-à-propos, vous serez témoin d’une scène qui ne vous déplaira pas. Entendez-vous comme l’on bat la mesure dans cette chambre voisine ?
N’entends-je pas la voix de ce faquin d’Amadis ?
Dieux, quelle grêle de coups ! Entendez-vous comme il demande grâce ? ... Comme l’on redouble ? Maintenant il veut s’enfuir, mais on s’arrête et l’on recommence
de nouveau... Sa voix enrouée marque qu’il succombe. Ma foi, on lui en donne pour son argent.
Malgré l’ignominie dont on le couvre, je gage que sa vanité lui fournira des motifs de consolation.
On le lâche enfin. Le voici, retirons-nous en l’observant toujours.
Ô malheur ! ô désespoir ! Je suis assommé. Quoi ? Des coups de bâtons ! À un homme de mon rang !
Mais dans mon désastre je trouve quelque chose de consolant. C’est sans doute la jalousie de quelque rival qui vient de former cet orage. Que sais-je ? Si c’était Oriane elle-même qui m’avertit par là d’être plus fidèle. Il faut tâcher de tout découvrir.
Fuyez, Amadis, votre vie n’est
point en sûreté. C’est la colère d’Oriane qui vous poursuit. La bastonnade dont on vient de vous régaler fait ses délices, elle est résolue, si vous ne disparaissez pour toujours, de vous faire passer par les fenêtres. Ce qui retarde cet événement, c’est qu’elle balance pour savoir si ce doit être du second ou du troisième étage.
Ô comble de malheurs ! Ô disgrâce la plus funeste !
Du moins, rends-moi l’argent que je t’ai donné, afin que l’on
ne puisse pas dire que je viens d’acheter mon ignominie.
Fuyez, vous dis-je ! Nous n’avons pas le temps de compter.
Avant de partir, évoutez nos adieux.
Air : Laissez paître vos bêtes
Air : Quand le péril est agréable
Air : Menuet de Pyrame et Thisbé
Air : Près d’un coulant ruisseau
Ô Ciel, fuyons ! Allons ensevelir ma honte et mon désespoir.
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