[Pierre Laujon]
La Fille, la veuve et la femme
Parodie nouvelle des Fêtes de Thalie
Représentée pour la première fois par les Comédiens Italiens ordinaires du Roi
le samedi 21 août 1745
Paris, Delormel, 1745
Acteurs
Acaste, capitaine de Vaisseau, amant de Léonore : Monsieur Rochard
Cléon, père de Léonore : Monsieur Carlin
Léonore, fille de Cléon et de Bélise : Madame Dehesse
Bélise, mère de Léonore : Monsieur Vincent
Matelots
La Fille, la veuve et la femme
Acte i
La Fille
Le théâtre représente le port de Marseille.
Scène i
Acaste, Cléon
cléon
Air : Va-t’en voir s’il viennent, Jean
Dites-moi, quel est l’objet,
De votre tendresse.
acaste
Nenni, cela gâterait,
Le nœud de la pièce.
Mes gens pour le dénouement,
Près d’ici se tiennent.
Va-t’en voir s’il viennent, Jean,
Va-t-en voir s’ils viennent.
cléon
Air : Est-ce que ça se demande
Des fers vous m’avez su tirer
J’en suis ravi dans l’âme.
Mais que sert de m’en délivrer,
Pour me rendre à ma femme ?
On me croit mort...
acaste
Que craignez-vous ?
cléon
Vous badinez, je pense.
Je crains ce que craint un époux
Après dix ans d’absence.
Scène ii
Acaste seul
acaste
Air : Menuet de l’esprit follet
Qu’il est charmant,
D’aimer une belle,
Tendrement !
Quand son cœur,
Sans rigueur,
Laisse peu languir pour elle,
Son amant !
Qu’il est charmant,
Ce feu qui dévore,
J’adore
Mais c’est vainement.
Quoi, Léonore,
Quoi résister encore ?
Ma langueur,
Mon ardeur,
Tout irrite ta froideur.
Quel tourment !
Qu’il est charmant,
Quand la même flamme,
Enflamme,
L’amante et l’amant !
Air : Médor a su charmer mon cœur
Mes soins, mes soupirs, ma langueur,
Rien ne te rend plus tendre !
L’amour, l’hymen, tout te fait peur
Comment faut-il te prendre ?
Sa mère vient, n’approchons point,
Elle instruira la belle.
La bonne maman sur ce point,
En doit savoir plus qu’elle.
Scène iii
Léonore, Bélise
léonore
Air : Ma maîtresse est une blonde
Point d’hymen, point de tendresse,
Jamais je n’en veux tâter.
Je ne m’occupe sans cesse,
Qu’à danser, rire et chanter.
Zeste,
Leste,
Preste,
Voilà comme il faut
Être folâtre et légère.
Toujours prête à faire
Lan laire,
Toujours prête à faire le saut.
bélise
Air : Filles qui passez par ici
Acaste soupire pour toi,
Mets fin à son martyre.
léonore
Oh ! je ne veux que rire moi,
Qu’à son aise il soupire.
bélise
Un bon époux, un jeune amant,
Sait bien nous faire rire,
Vraiment,
Sait bien nous faire rire.
léonore
Air : Il est pourtant temps, ma mère
Oh, laissons-là ce cavalier,bis
Pourquoi vous effrayer ?
Pourquoi vous récrier ?
bélise
Il est pourtant temps, pourtant temps, ma fille,
Il est pourtant temps de vous marier.
léonore
Air : Monsieur le Comte a très grand tort
Sur mer depuis plus de dix ans,
Mon époux court la prétentaine.
Hélas, après un si long temps,
Je n’espère plus qu’il revienne.
Mais en tout cas il a grand tort,
De ne pas mander s’il est mort.
bélise
Air : Bouchez, Naïades, vos fontaines
Le pauvre homme aura fait naufrage,
Sans toi, resterais-je en veuvage ?
Prends-un mari sans lanterner,
La jeunesse est comme la rose.
On la voit toujours se faner
Presque aussitôt qu’elle est éclose.
léonore
Air : Toujours va qui danse
L’hymen a des chagrins trop grands.
On est jaloux, on se chamaille,
Les enfants viennent tous les ans,
Cela gâte la taille.
Je préfère à tous ces soins-là,
L’aimable indépendance.
Ta la, la, la, la, la, la, la, la, la,
Toujours va qui danse.
Scène iv
Acaste, Léonore, Bélise
acaste
Air : Cahin, caha
Beauté que j’aime,
Commencez mes beaux jours,
Et vous verrez leur cours
Rempli par les amours...
léonore
L’amant tient ces discours,
L’époux fait-il de même ?
Avec lui ce n’est plus cela.
Sa vive tendresse,
Ainsi qu’une ivresse,
Le lendemain cesse,
Plus le devoir presse,
Plus l’amour va,
Cahin, caha.
Plus l’amour va,
Cahin, caha.
bélise, à Acaste
Air : Ah ! vous ne m’aimez pas
Quoi, de cette inhumaine,
Votre cœur n’est point las !
Formez une autre chaîne.
acaste
Que ne le puis-je, hélas !
léonore
Vous trouverez sans peine,
De plus charmants appas,
Changez, rien ne vous gène...
acaste
Ah ! vous ne m’aimez pas !
bélise
Air : Cher amant, tu m’abandonnes
Une jeunesse semblable
Vous ferait trop endever\definition Endever Avoir grand dépit de quelque chose Acad. 1762.
Prenez femme raisonnable,
On en peut encor trouver.
Air : Tarare ponpon
J’ai fait choix pour vos feux d’un objet moins rebelle,
Qui brûle en ce moment de vous donner sa foi.
Il vaut bien autant qu’elle,
acaste
Madame, je vous croi.
Mais quelle est cette belle ?
bélise, se montrant
C’est moi.
Air : Gai, gai, gai, mon officier
Gai, gai, gai mon officier,
Puisque l’hymen vous tente,
À vous, je veux bien me lier,
Songez à l’oublier.\indicreprmus Fin
acaste, à Léonore
En fille obéissante,
Il faut vous marier.
léonore
Ma mère est obligeante,
Moi, je me fais prier !
bélise
Gai, gai, gai, mon officier...\indicreprmus Au mot fin
acaste, à Léonore
Air : Marotte fait bien la fière
Puisque vous êtes si fière,
Il faut bien vous planter là.
Allez, Madame votre mère,
De mon amour me guérira,
Me consolera.
acaste et bélise, ensemble
Puisque vous êtes si fière,
Il faut bien vous planter là.
léonore
Air : Mariez-moi
Sortons, je suis hors de moi...
Scène v
Acaste continuant l’air
Que vois-je ? elle prend la fuite !
bélise
Songe à me donner ta foi,
Puisque enfin t’en voilà quitte.
Mon p’tit Roi,
Marions-nous au plus vite,
Mon p’tit Roi,
Je me donne tout à toi.
Air : Non, je n’irai plus seulette aux bois
Consens à de nouveaux soupirs,
Sur mes pas volent les plaisirs,
Nous comblerons tous tes désirs,
Mon petit toutou, lon lan la,
Et gai, gai, gai, ta, la, la, la, la, la...
Mais pourquoi donc rester com’ ça ?
Cléon paraît.
Scène vi
Cléon, Léonore, Acaste, Bélise, Matelots
cléon, apercevant sa femme
Air : De tous les capucins du monde
Perfide, est-ce ainsi qu’on me traite !
bélise, reconnaissant Cléon
Mon époux ! battons la retraite.
cléon, à Acaste
Je fais le rôle d’un nigaud,
C’est vous qui causez ces méprises.
En me disant un mot tantôt,
Vous épargniez bien des sottises.
acaste
Air : L’amour se démasque lui-même
Quoi ! j’ai délivré votre père !
Ah ! Léonore, quel bonheur !
léonore, d’un air content
Vous n’épouserez point ma mère !
acaste
Qui m’y forçait ? votre rigueur !
Eh, malgré mon dépit extrême
Ne lisiez-vous pas dans mon cœur ?
L’amour se démasque lui-même.
cléon
Air : Ma raison s’en va grand train
Parbleu, s’est un bon vivant,
Épousez-le mon enfant.
léonore
Comme il vous plaira.
cléon, à Acaste
Allons, prenez-la,
Elle vaut bien sa mère.
Ma fille, tu payeras par là,
Les dettes de ton père.
léonore
Oui-da.
cléon
Les dettes de ton père.
On danse.
finacte
Acteurs
Isabelle, veuve coquette : Madame Dehesse
Doris, sa suivante : Mademoiselle Astrando
Léandre, officier, amoureux d’Isabelle : Mademoiselle Coraline
Chrisogon, financier, aussi amoureux d’Isabelle : Monsieur Rochard
Une oublieuse : Monsieur Carlin
Bergers
Acte ii
La Veuve coquette
Le théâtre représente un hameau.
Scène i
Isabelle seule, parée d’un demi deuil galant
isabelle
Air : Vive le badinage
L’état le plus heureux
Est celui du veuvage,
Je vous mille amoureux,
Sans en être moins sage.
Mon temps en mariage,
Serait-il mieux rempli ?
Nenni,
Vive un joyeux veuvage.bis
Scène ii
Doris, Isabelle
doris
Air : Catinat
Dès que la Parque eut mis votre époux au tombeau,
Vous prîtes pour pleurer le plus riant hameau.
L’amour su de l’hymen sécher les pleurs...
isabelle
D’accord,
Mais un jeune galant vaut mieux qu’un mari mort.
doris
Air : Le tout par nature
Chaque jour, chaque galant...
isabelle
Amuser plus d’un amant
Est un remède charmant
Contre l’inquiétude.
Je le fais moins par penchant
Que par habitude.
doris
Air : Jamais la nuit ne fut si noire
Jamais beauté n’eut tant de gloire !
Faut-il que le veuvage ait pour vous tant d’appas !
Et qu’un second hymen ne vous en offre pas ?
Ce dégoût est si grand que j’ai peine à le croire.
Vous trompez un jeune officier,
Est-il, est-il, de plus aimable emplette !
Vous êtes sourde aux vœux d’un financier,
Que de ducats perdus, \ibis\, Ah ! que je les regrette !
Air : Un peu de tricherie [dans la vie]
Mais je les vois venir, Madame,
Allez-vous répondre à leur flamme...
isabelle
Et bon, bon, bon.
Je t’en répond,
Sous ce bosquet je me retire,
De leur embarras j’y vais rire,
N’ai-je pas raison ?
doris
Ah, ah ! voyez donc !
isabelle
Un peu de tricherie,
Dans la vie,
Est toujours de saison.
Scène iii
Léandre, le financier, doris
léandre
Air : Vantez-vous-en
Je suis seul aimé d’Isabelle.
le financier
Moi, je suis au mieux auprès d’elle.
léandre
Sa bouche m’en a fait serment.
le financier
j’en dis autant.bis
Mon mérite est assez brillant,
Pour ne point trouver de cruelle.
Car j’ai de bon argent comptant,
Vantez-vous-en.
léandre
Air : Ma chère mère
Le militaire
Formé pour plaire,
Charme d’abord,
Sans or,
Ni coffre-fort.
Tendre parole,
Langage drôle,
Le rend vainqueur,
Du plus rebelle cœur.
Par son jargon,
Il enjôle, il enjôle,
Par son jargon,
Il enjôle un tendron.
doris
Air : Pierrot
Ne disputez point vainement,
Chacun de vous peut charmer une belle.
À l’officier.
Vous aimez délicatement.
En montrant le financier.
Mais il aime solidement.
le financier
Qui sera l’époux d’Isabelle ?
léandre
C’est moi, Monsieur, elle vous le dira.
doris
Madame vient qui vous en instruira.
léandre et le financier, ensemble
Ah, ah !
Nous allons voir ça.
Scène iv
Isabelle, Léandre, le financier, Doris
le financier
airvide
Ah ! morbleu que vous êtes belle,
Ventrebleu que vous valez d’or !
léandre
Vous seriez cent fois plus cruelle,
Qu’on vous adorerait encor.
le financier
Ah ! morbleu, etc.
Air : Pour la Baronne
Et l’un et l’autre,
Brûlons pour vous des mêmes feux.
Décidez, quel choix est le votre ?
léandre
Oui, qui renvoyez-vous des deux ?
isabelle
Ni l’un, ni l’autre.
léandre
Air : C’est encore mieux
Je crois être l’heureux amant.
le financier
On est fait d’un modèle
À prendre hypothèque aisément
Sur le cœur d’une belle.
isabelle
À bannir l’un j’aurais trop de regret.
léandre
C’est fort bien fait.
le financier
C’est fort bien fait.
isabelle
Ne puis-je pas vous garder tous les deux ?
C’est encor mieux.bis
léandre et le financier, ensemble
Air : Allons donc, Mademoiselle
Allons donc Mademoiselle
Expliquez-vous sans façon.
le financier
C’est trop faire la cruelle.
léandre
C’est trop feindre hors de saison.
tous deux, ensemble
Allons donc, etc.
isabelle
Air : Vous qui voyez les dames
Quels transports sont les vôtres ?
Mon pauvre époux, hélas !
Valait mieux que vous autres,
Je pleure son trépas.
le financier
Je vous consolerai.
léandre
Je vous divertirai.
le financier
Je vous amuserai.
tous deux, ensemble
Je le remplacerai.
le financier
Air : Mademoiselle, parez votre chapelle
J’ai pour réussir dans mon amour,
Rassemblé les bergers d’alentour,
Sans tristesse en ce jour,
Ne songeons qu’à chanter votre fête.
Aux bergers.
Çà voici ma conquête.
Hâtez-vous,
Venez-tous.
Donnant un bouquet à Isabelle.
[bis]
Mademoiselle
Parez votre chapelle.
Scène v
Isabelle, Doris, Léandre, le financier, bergers, une oublieuse
On danse.
une oublieuse
Ronde
1
Régalez-vous à peu de frais,
V’la l’plaisir des dames.
Monsieur m’a mandé tout exprès
Pour rendre hommage à vos attraits.
Venez choisir,
Venez filles et femmes,
V’la l’plaisir des dames.
V’la l’plaisir
2
Pour rendre, etc.
V’la, etc.
On ne me renvoie jamais,
J’ai des oublis pour ces plumets,
Venez choisir, etc.
J’ai des oublis pour ces plumets,
V’la, etc.
3
Pour ces petits muguets coquets
Je porte des colifichets
Venez, etc.
Je porte, etc.
V’la, etc.
4
Pour nos tendrons j’ai des croquets,
Pour nos maris j’ai des cornets
Venez choisir,
Venez filles et femmes,
V’la l’plaisir des dames.
V’la l’plaisir
On danse.
Scène vi
Isabelle, Doris, Léandre, le financier
le financier
Air : Est-ce ainsi qu’on prend les belles
Peut-on douter de ma flamme,
Après de pareils efforts ?
léandre
Parbleu, vous traitez Madame,
Comme un tendron du palais.
Croyez-vous que de ces preuves,
Elle se contentera ?
Est-ce ainsi qu’on prend les veuves,
Lon lan la, au gué lan la.
isabelle
Air : Ma raison s’en va grand train
En prenant l’un pour époux,
Je rendrai l’autre jaloux.
À l’officier.
Je ne sens rien pour vous.
le financier
Fort bien.
isabelle
Ni pour vous.
léandre
Fort bien.
le financier
Qu’elle est sauvage !
isabelle
Si vous voulez après cela
Risquer le mariage...
léandre et le financier, ensemble
Non-da.
isabelle
Risquer le mariage.
Elle sort avec Doris.
le financier
Air : N’avez-vous pas vu l’horloge
Tant mieux la veuve déloge.
Son procédé me déplaît,
Ma foi sa beauté déroge,
Depuis son maudit arrêt.
léandre
N’avez-vous pas vu l’horloge,
Savez-vous qu’elle heure il est ?
le financier
airvide
Vole amour, vole,
J’imite ta légèreté.
Méprisé d’une beauté,
Près d’une autre je m’en console.
Vole amour, vole,
J’imite ta légèreté.
finacte
Acteurs
Caliste, femme de Dorante : Mademoiselle Silvia
Dorine, sa suivante : Madame Dehesse
Dorante, mari de Caliste : Monsieur Rochard
Arlequin, mari de Dorine : Monsieur Carlin
Masques
Acte iii
La Femme
Scène i
Caliste seule, un masque à la main
caliste
Air : Sans le savoir
Amour, quel aimable avantage,
D’occuper un cœur sans partage !
Mon époux comble mon espoir !
Épris d’une flamme nouvelle,
Il croit manquer à son devoir.
Et cependant il est fidèle,
Sans le savoir.
Scène ii
Dorine, Caliste
dorine
Air : Ronde,
Votre époux qui vous croit absente
Amuse ses désirs fripons.
Au nouvel objet qui l’enchante
Il va donner des violons.
Si le mien me faisait injure,
Il me le paierait je vous jure.
Femme qui se sent outragée
A toujours de quoi se venger.
caliste
Air : Ces filles sont si sottes
Je suis sous un nom emprunté,
L’objet de la légèreté.
De moi Dorante est enchanté !
dorine
Quel bonheur est le votre !
caliste
Ainsi je gagne d’un côté,
Ce que je perds de l’autre.bis
Air : Je ne sais comment ça se fit
Un soir dans un bal il me vit,
Je ne sais comment ça se fit.
Il m’aborda tout interdit.
Il était si tendre,
Que j’allais me rendre.
Un scrupule me défendit,
Je ne sais comment ça se fit.
dorine
Air : Ni l’un, ni l’autre
Voilà les hommes,
De sa femme on est bientôt las !
C’est la mode au siècle où nous sommes.
On veut celles que l’on n’a pas,
Voilà les hommes.
caliste
Air : Ce sont les garçons du port au blé
Il vient, sortons.
dorine
Pourquoi cela ?
caliste
Je prétends comme à l’Opéra,
User encore un peu d’adresse,
Pour mettre à profit sa tendresse.
Scène iii
Dorante, Arlequin
dorante
Air : Corbillon
Mon épouse est loin de la ville,
Et me voilà le maître pour deux jours.
Hélas ! que je suis peu tranquille,
J’attends ici l’objet de mes amours.
À la fin mes yeux verront donc,
Son joli petit air fripon.
arlequin
Air : Je sommeille
Pourquoi quitter votre moitié ?
dorante
Ne m’en parles pas, par pitié,
Je sommeille.
Elle est belle, elle est sage... mais
en amour vive un nouveau mets.
Cela réveille.
Apercevant son inconnue.
Air : C’est ma devise
Tiens, elle porte ici ses pas.
arlequin
Quel goût fantasque !
Vous en jugez de ses appas
Que sur son masque !
dorante
Vois la majesté de son port.
arlequin
Quelle sottise !
Belle montre et peu de rapport,
C’est sa devise.
Scène iv
Caliste masquée, Dorine masquée, Dorante, Arlequin, troupe de masques
Marche
dorante
Air : Cotillon des fêtes de Thalie
Exerçons un peu nos jarrets,
Et dansons ensemble
Les nouveaux menuets.
Le plaisir ici nous rassemble,
Folâtrons,
Sautons,
Des cotillons,
Des rigaudons,
Exerçons un peu nos jarrets,
Et dansons ensemble,
Les nouveaux menuets.
On danse.
dorine, masquée
Air : J’ai demandé à ma mère
D’Arlequin qui va paraître,
Je veux tirer le secret.
Il vient, sachons s’il est traitre,
Car tel maître, tel valet.
Arlequin inconstant,
Sera payé comptant.
C’est un usage admis,
Change pour change,
Quitte à quitte et bons amis,
Quand on s’arrange.
À Arlequin.
Air : Sur le ritanta la leri
Vous semblez éviter mes pas ?
arlequin
Qui moi ? j’ai d’autres embarras.
dorine
Vous reculez mon cher petit,
Ah ! chit, chit, chit, chit.
arlequin
Tireli tanta la leri,
Tireli tanta leri.
dorine
Air : Monsieur l’abbé, retirez-vous
Souffrez qu’avec vous je babille,
Au bal cherchez-vous quelque objet ?
arlequin
Elle m’en veut ! quel air coquet !
Si l’on sait ça dans vot’ famille,
Est-ce le fait d’une honnête fille,
Retirez-vous, retirez-vous, retirez-vous.
dorine, le caressant
Eh ! parlez-nous,
D’un ton plus doux.
arlequin
Mon cher trognon... chien d’trognon, finirez-vous !
Air : Petite La Valière
Votre sexe morbleu, m’a joué plus d’un tour.
Je déteste à la fois, et l’hymen et l’amour.
Ma femme est un dragon pire que tous les diables,
Elle m’a dégoûté d’elle et de ses semblables.
Air : Cotillon de Dunkerque
Oui, ma très digne épouse,
En malice en vaut douze,
six, Pour fuit cette Honesta,
J’irais jusqu’en Canada.
dorine
Puisqu’elle est si maussade,
Pourquoi la ménager ?
Sans craindre d’algarade\definition Algarade Bravade, insulte qu’on fait à quelqu’un Acad. 1694,
Un époux peut changer.
arlequin
En lui faisant affront,
Je craindrais pour mon front.
dorine
Il a bien répondu,
Il a de la vertu.
Que de maris ici,
Qui ne pensent pas ainsi !
On danse.
dorante
Air : Laissez faire au temps
À mes yeux permettez ma chère,
D’admirer vos divins appas.
caliste
N’exigez point...
dorante
Quel ton sévère...
caliste
Mes appas ne se montrent pas.
dorante
Dieux !
caliste
Peut-être en voulant vous plaire,
De vos feux, je saurais vous guérir.
Laire, laire,
J’aime à faire,
Durer le plaisir.
dorante
Air : Pierrot se plaint que sa femme
Vous résistez, inhumaine ?
caliste
Je crains un cœur inconstant.
N’avez-vous point d’autre chaîne ?
dorante, troublé
Moi !
caliste
Vous parlez en Normand.
dorante
Vous êtes ma souveraine,
Tout mon cœur vous est soumis.
Allons ma Reine,
Rendez-vous car je languis
Plus que la scène.
caliste
Air : Mais, je ne vous dis pas cela
Que dira Caliste...
dorante
Madame,
Ciel !
caliste
Il faut pour moi l’oublier.
dorante, à part
Soit, mari se fait-il prier,
Pour être infidèle à sa femme...
caliste, à part
Mais quel insolent est-ce là ?
Haut.
Vous ne l’aimerez plus ?
dorante
J’en jure,
L’aimer serait vous faire injure.
caliste et dorine se démasquant, ensemble
Mais je ne vous dis pas cela.
Musette
dorante
Air : Que Sylvie m’offre son cœur
coupletvaud 0
5
Qu’il m’est doux,
De n’aimer que vous.
Si l’hymen m’accuse,
L’amour m’excuse.
Qu’il m’est doux,
De n’aimer que vous.
Votre aimable ruse
Fait un amant d’un époux.
6
Mon erreur
Ne vous fait point outrage,
Et mon cœur,
Constant quoique volage,
Pour vous rendre hommage,
Dans de nouveaux nœuds s’engage.
Je vais sans partage,
Dire à vos genoux,
Qu’il m’est doux, etc.
Nulle crainte,
Désormais nulle plainte,
À nos feux,
Ne portera d’atteinte.
Toujours amoureux,
Toujours heureux,
Comblons nos vœux.
Que notre cœur sans feinte,
Dise par nos yeux,
Qu’il m’est doux, etc.
On danse.
finacte