Dominique Biancolelli
La Foire galante
Le Mariage d’Arlequin
Opéra comique
Acteurs
Vénus
Les deux Cupidons
Deux Grâces
Arlequin, amant de Colombine
Pierrot
Le Docteur
Scaramouche, capitan, amoureux de Colombine
Colombine, servante du Docteur
Marinette
Troupe de marchands forains
Troupe de masques
La scène est à Paris.
La Foire galante
prologue
Scène i
Vénus sur un char marin avec les deux Cupidons à ses pieds, troupe de marchands forains, chanteurs et danseurs
\venus[ chante à l’imitation de \venus[ chante à l’imitation de \emph Frapez, frapez ] ]
Chantez, chantez, ne vous lassez jamais,
Et qu’à vos voix, l’écho réponde.
Les plaisirs et les jeux remplissent vos souhaits,
Vous êtes les mortels les plus heureux du monde.
Chantez, etc.
chœur
Chantons, chantons, etc.
Les trois Grâces dansent sur l’air des plaisirs du prologue, après quoi suit :
Scène ii
Scaramouche arrive
La symphonie joue le prélude de la Discorde. Vénus en le voyant dit à l’imitation de Quelle soudaine horreur.
Quel soudain carillon, et quels terribles bruits,
Ciel ! qui peut amener ce bélitre où je suis ?
scaramouche
Air : Folies d’Espagne
Je viens ici pour troubler votre fête,
De mes regards éprouvez la terreur.
Dans mes transports, il n’est rien qui m’arrête,
Je me nourris de carnage et d’horreur.
Je suis nommé l’ennemi de nature,
Le destructeur de tout le genre humain.
Une des Grâces le caresse.
Je ne veux point d’amoureuse aventure
Si je ne fais cocu le dieu Vulcain.
Cupidon veut le blesser.
De Cupidon, j’incague\definition Incaguer Défier quelqu’un sur quelque chose, en témoignant qu’on ne le craint point, et qu’on le met au pis Acad. 1694 la puissance.
Mon souffle seul repousse tous ses dards,
Le grand Jupin redoute ma vengeance,
Et pour ami, je n’ai que le dieu Mars.
Scène iii
Pierrot avec un gros bâton
scaramouche
Quel sot ici porte un pas téméraire ?
En badinant, je veux l’exterminer.
Pierrot le bat.
Non, tu n’es pas digne de ma colère,
Vas, dis partout que je sais pardonner.
pierrot
Air : Robin turelure
Tu croyais m’épouvanter
Par tes chiennes de grimaces,
Mais apprends, sot animal,
Turelure,
Que j’en avons bien vu d’autres,
Robin [turelure lure].
scaramouche
Même air
J’ai juré plus de cent fois
De frapper sans dire gare,
Ceux qui traitent de manant,
Turelure,
Un homme de mon calibre,
Robin, etc.
Pierrot le bat.
Scène iv
[pierrot, vénus]
pierrot, s’adressant à Vénus
Air : [Talalerire]
Je sais punir qui vous offense,
Je me moque de sa fierté.
Vénus, pour toute récompense,
Accordez-moi cette beauté,
Car depuis longtemps je soupire,
Tan la ra ritar.
vénus, chante ces paroles imitées du prologue
C’est Vulcain qui fait le tonnerre,
Dont le maître des dieux épouvante la terre.
Mais le brave Pierrot avec un échalas
Punit qui ne me connait pas.
Célébrons aujourd’hui sa valeur pierrotesque,
Et chantons que Pierrot n’a rien que de grotesque.
chœur, à l’imitation de celui du prologue
Il fait régner l’amour au milieu des alarmes.
Les gros tricots, les gros tricots
Son ses plus fortes armes.
On danse la Loure des Ris et des Plaisirs qui est dans le prologue de l’\emph Europe galante, après quoi le chœur reprend :
Il fait régner, etc.
Pendant le chœur, Arlequin écoute, et le chœur fini Arlequin chante.
Scène v
arlequin
arlequin
Quoi, pour célébrer un héros,
On parle ici de gros tricots,
Cela sent trop la bastonnade,
Je vais m’esquiver au plus tôt,
Car Arlequin sans gasconnade,
Est aussi poltron que Pierrot.
pierrot
Savez-vous, Monsieur l’animal
Que Pierrot est homme de cœur.
Je n’aime point la raillerie,
Passez, passez votre chemin,
Car quand on songe au mariage
On n’aime pas les importuns.
arlequin
Pierrot, tu vas te marier ?
À qui vas-tu donc t’allier ?
Je prétends être de la fête,
Et comme ami de la maison.
Il faut que Pierrot me promette
Quelque singe de sa façon.
pierrot
Pierrot est trop homme de bien,
Pour en cela promettre rien.
Car je sais que le mariage
Nous produit souvent des enfants,
Qui prétendent notre héritage,
Quoiqu’ils ne soient pas nos parents.
une des Grâces, la chanteuse à l’imitation de l’air du prologue., ensemble
Souffrez que l’amour vous blesse,
Finissez tous vos débats.
La raison et la tendresse,
Pierrot ne s’accordent pas.
Deux Grâces dansent un menuet, après quoi Vénus chante à l’imitation de l’air du prologue qui dit
C’est dans une tendresse extrême,
Ce n’est que dans le mariage,
Qu’on trouve le bonheur parfait.
Tout abonde dans le ménage
Quand un homme a l’esprit bien fait.
Et Tircis sans le cocuage,
Serait-il ce qu’il est ?
arlequin et pierrot sur le même ton., ensemble
Devenons par le cocuage
Aussi riche qu’il est.
arlequin
Belle Vénus, votre éloquence
A quelque espèce de raison.
Lorsque la corne d’abondance
Fait l’ornement de la maison,
Un mari sans chagrin doit dire tan la rita.
pierrot
Voila pourquoi mon pauvre père
Chantait la nuit comme le jour,
Quoique jamais ma chère mère
Ne lui témoignât de l’amour.
Nous avions toujours de quoi frire, tan la.
arlequin
Air : Ne m’entendez-vous pas
Le mal est général,
Pourquoi diable le feindre ?
On a tort de se plaindre
Quand la tête fait mal,
Le mal est général.
pierrot
Allons donc nous pourvoir
À la foire galante.
Qu’importe qu’on nous trompe,
Mon ami, tu seras
Cocu comme Pierrot.
arlequin
À la foire, Vénus
Étalant sa boutique
Crèvera de pratique.
Ses appas sont connus,
Les cafés sont perdus.
pierrot
Air : Tu n’as pas le pouvoir
La belle Vénus ne vient pas
Trafiquer ses appas.bis
Elle ne paraît en ces lieux
Que pour plaire à nos yeux.bis
arlequin
Pierrot, ne vous fâchez pas tant,
Parlez plus doucement.bis
En fait d’amour, gardez-vous bien
De répondre de rien.bis
pierrot
Pour me brouiller avec Vénus
J’ai trop bon naturel.bis
Je ne puis souffrir sans chagrin
Qu’on en dise du mal.bis
\arlequin[à l’imitation du prologue, \arlequin[à l’imitation du prologue, \emph Ha ! que l’amour]]
Ah ! si l’amour
Conduit chaque jour
Bien du monde à la foire,
À leurs dépens
Nous aurons de boire,
Et nous serons contents.
pierrot
Air : Réveillez-vous, [belle endormie]
Quoi, tu ne parles que de boire !
Pour moi, je mourrai de souci
Si les ongles du mariage
Ne grattent ma démangeaison.
arlequin
Avant de me mettre en ménage,
Si je pousse quelques soupirs,
Je veux que l’objet qui m’engage
Accorde tout à mes désirs,
Et sans cela, je me retire,
tan la rara, etc.
pierrot
Air : Réveillez-vous, [belle endormie]
Ne va pas si vite en besogne,
Tu fais l’amour en étourdi.
Il faut quelque temps battre en brèche
Avant que de donner l’assaut.
arlequin
Vas, tu n’as pas lu le grimoire,
Tous tes avis sont superflus.
Apprends, mon ami, qu’à la foire,
Les marchés sont bientôt conclus,
Jamais en vain l’on n’y soupire, tan la tare.
vénus, chante à l’imitation du prologue
Faites-lui ressentir l’effet de ma puissance,
Cupidon, punissez le faquin qui m’offense.
Cupidon poursuit Arlequin, et après un jeu de théâtre, il lui décoche une flèche, après quoi Arlequin chante sur l’air Réveillez-vous, [belle endormie]
Ah ! Cupidon, faites-moi grâce,
Quoi ! vous visez droit à mon cœur !
Ma foi, j’en tiens, quoique l’on fasse,
L’amour est toujours le vainqueur.
finprologue
Les violons reprennent l’ouverture.
Acte i
Scène i
Le Docteur, Arlequin, Colombine
arlequin
Air : Folies d’Espagne
Du dieu d’Amour, je ressens la puissance,
Ce mirmidon m’a percé le gosier.
Il m’a vaincu, malgré ma résistance.
Mes intestins ne sont plus qu’un brasier.
Savant docteur, soleil de médecine,
Vous pouvez seul soulager mes tourments.
Accordez-moi l’aimable Colombine,
Que j’aime mieux que tous vos lavements.
Je suis le modèle
D’un parfait amant.
Souffrez qu’à la belle,
Je fasse un... tant la leri, un compliment.
\ledocteur[à l’imitation de ces paroles, \ledocteur[à l’imitation de ces paroles, \emph C’est plus de Doris que j’attends mon bonheur]]
Marinette autrefois faisait votre bonheur.
arlequin
Ciel ! qu’entends-je ?
ledocteur
Après avoir donné son cœur,
Doit-on devenir infidèle ?
arlequin
Air : Fanatiques
Par rapport à ses yeux charmants,
Et son air peu sévère,bis
À mes premiers engagements,
Je deviendrai contraire.
Aussi prompt à trahir mes serments,
Que je fus à les faire.bis
colombine
Arlequin, tu peux te flatter
De plaire à Colombine.
ledocteur
Quoi ! vous osez vous en vanter,
Madame la coquine.
Hors d’ici, je saurai tricoter
Comme il faut votre échine.bis
Le Docteur poursuit Colombine, ce qui donne lieu à un jeu de théâtre avec Arlequin qui veut empêcher le Docteur de la maltraiter. Arlequin se retire.
Scène ii
Le Docteur chante à l’imitation de \emph L’Amour en comblant
ledocteur
Le soin que je prends de son sort
Me fera troubler la cervelle.
Arlequin croit triompher d’elle,
Mais le coquin se trompe fort.
Le Docteur s’en va.
Scène iii
Marinette seule, à l’imitation de \emph Paisibles lieux
marinette
Mon cher vainqueur, aimable Scaramouche,
Je n’aimerai jamais que vous.
C’est en vain qu’Arlequin gémit à mes genoux.
Son amour n’a rien qui me touche.
Je ris de ses transports jaloux.
Je sens, à sa présence allumer mon courroux,
Je suis pour lui sombre et farouche.
Mon cher vainqueur, aimable Scaramouche,
Je n’aimerai jamais que vous.
Scène iv
Arlequin et Pierrot, troupe de marchands forains qui les accompagnent
\marinette[à l’imitation de \marinette[à l’imitation de \emph Quels spectacles]]
Que vois-je ? quels présents portent-ils dans leurs mains !
Que veulent ces marchands forains ?
arlequin
Air : Monsieur de la Palisse est mort
Je viens tout exprès dans ces lieux
Pour régaler Colombine.
Apercevant Marinette.
Cet objet m’est odieux,
Et me sert de médecine.
Je veux, pour rire à ses dépends,
L’assurer de ma tendresse.
Et par de petits présents,
Profiter de sa faiblesse.
arlequin, lui présentant des présents
Air : Quand sur le golfe du tendre
Recevez, beauté charmante,
Une preuve de mes feux.
Voici de l’encre luisante
Pour noircir vos blonds cheveux,
Un peu de machicatoire\definition Machicatoire Terme dont on se sert en parlant du tabac, ou de quelque autre drogue qu’on mâche sans l’avaler Acad. 1762,
Avec un décrottoir,
Un petit sifflet mignon,
Et ce joli saucisson.
pierrot
Même air
Pour moi qui ne suis point chiche,
Je vous fais un plus beau don.
De ce baril de moutarde
Je prétends vous régaler.
Pour rétrécir votre bouche
Prenez ce pot de pommade,
Cette râpe de fer blanc,
Cette andouille de Tabac.
le chœur, le docteur à l’imitation de \emph Aimez, aimez, belle bergère., ensemble
Râpez, râpez, belle bergère,
Si vous voulez charmer !
Et quand vous ne saurez que faire,
Vous n’avez qu’à fumer.
arlequin
Air : Le premier jour du mois de mai
C’est pour vous que je suis ici,
Et je n’aspire qu’à vous plaire.
Pour vous mon cœur est tout transi,
C’est pour vous que je suis ici.
À la foire et dans ce temps-ci,
On finit bientôt une affaire.
C’est pour, etc.
Scène v
Colombine surprend Arlequin aux genoux de Marinette, et chante sur l’air \emph Lizon
Malgré toute l’ardeur
Qui règne dans mon âme,
Osez-vous, imposteur !
En compter à Madame...
Lizon, etc.
arlequin
Hélas ! je suis pressé
Du mal qui me possède.
Vos beaux yeux m’ont blessé,
Donnez-moi le remède...
Lizon, etc.
colombine
airopera
Qu’entends-je ? quels discours ! et que me dites-vous ?
Je vous ai vu, perfide, à ses genoux.
arlequin
Air : Le premier jour de mai
Non, Colombine, c’est pour vous
Que mon cœur veut se faire entendre.
L’amour m’a lancé tous ses coups.
Non, Colombine, c’est pour vous.
A-t-elle autant d’attrait que vous ?
Et le moyen de s’y méprendre ?
Non, Colombine, etc.
arlequin, continue
Air : J’ai senti pour vous seule
J’ai renoncé pour vous au doux jus de la tonne.
Je ne puis plus souffrir ce breuvage divin.
Et chaque jour, mon aimable pouponne,
Je ne bois que trois pots vin.
marinette
airopera, fin de la quatrième scène de la première entrée
Laissez-moi, c’est trop vous entendre.
J’enrage, c’est trop vous entendre,
D’un pareil traitement, je veux avoir raison.
De mon juste courroux, rien ne peut vous défendre,
Je vais vous étriller de la bonne façon.
pierrot
Air : Marie Salisson
Madame Alizon est en colère,
Oh ! oh ! etc.
De ce qu’elle ne peut faire,
Oh ! oh ! etc.
Et qu’on ne veut pas lui faire,
Oh ! oh ! etc.
colombine
Ma pauvre Alizon, que veux-tu faire,
Oh ! oh ! etc.
Rengaine donc ta colère,
Oh ! oh ! etc.
Et ne fais pas l’harengère,
Oh ! oh ! etc.
marinette
Oh ! c’en est trop petite effrontée,
Oh ! oh ! etc.
Vous m’avez trop maltraitée,
Oh ! oh ! etc.
Ma foi vous serez frottée.
Elles se battent et se décoiffent, Arlequin en les séparant frappe Pierrot. Ils se retirent tous à l’exception de Marinette qui reste décoiffée.
Scène vi
Marinette
marinette
Air : Quel funeste coup pour mon âme,
Quel funeste coup pour ma tête !
Quoi ! tu m’arraches les cheveux.
Et pour marque de ta conquête,
Ma coiffure en tes mains, rend ton sort glorieux.
Tu m’as frappé, ah ! j’en prendrai vengeance,
Et j’irai te dévisager.
Infâme, tu m’as fais une sensible offense,
Mais ne crois pas que je sois sans défense,
De cent coups de bâtons, je prétends te charger.
Quelle honte pour moi, qu’une femme fluette !
Un petit embryon me soumette à ses coups.
Reprenons nos fureurs, courage, Marinette,
Et sans différer, vengeons-nous.
Ma face égratignée, et tout contrefaite,
Doit contre une salope allumer mon courroux.
Oui, quand j’aurai puni cette mazette,
Un triomphe si grand me paraîtra bien doux.
Et pour voir aujourd’hui ma vengeance complète,
Je veux que la carogne en présence de tous,
Me rende enfin à mes genoux
Ma coiffure de mignonette.
Elle s’en va.
Acte ii
Scène i
Arlequin sur l’air de l’opéra \emph Mes yeux
arlequin
Hélas ! Arlequin n’en peut plus.
L’Amour m’a donné la colique,
Je suis devenu comme étique,
Je sens tous mes membres perclus.
Hélas ! etc.
Scène ii
Colombine arrive
colombine
Air : Morguienne de vous
Mon cher Arlequin, ton humeur chagrine
Trouble le destin de ta Colombine.
Morguienne de toi, quel homme ! quel homme !
Calme ton effroi, tu seras à moi.
arlequin
Hélas ! je ne puis concevoir,
Sur quoi tu fondes cet espoir.
Le Docteur me sera contraire,
Je ne pourrai jamais lui plaire.
Il ne faut pour nous rendre heureux,
Prendre conseil que de nous deux.
colombine
Air : Réveillez-vous, [belle endormie]
Pour mieux parler de notre flamme,
Entre avec moi dans le logis,
Je crois que t’habillant en femme,
Tu ne seras jamais surpris.
arlequin
Je n’aurai pas trop bonne mine
En équipage féminin.
Allons... souviens-toi, Colombine,
Que je suis toujours masculin.
Scène iii
[scaramouche, arlequin, scaramouche]
Une nuit. Scaramouche va sous la fenêtre du Docteur. Les violons jouent le sommeil.
scaramouche
Docteur, qui chaque nuit fait ici sentinelle,
Ne verse point sur moi ton grand pot à pisser,
Ne verse, etc.
arlequin, à la fenêtre, chante
Air : Vous m’entendez bien
Scaramouche, retirez-vous,
Car vous avez bien des jaloux.
Croyez en Marinette,
Hé bien !
Je crains qu’on ne vous traite,
Vous [m’entendez bien].
scaramouche, continue sur l’air du sommeil
Trop heureux, trop heureux, si pour vous, ma belle,
Je me pouvais faire rôtir.bis
arlequin
Air : Vous m’entendez bien
Je prétends répondre à mon tour
Aux sentiments de votre amour.
Parlez à Marinette,
Hé bien !
Avec cette trompette,
Vous m’entendez [bien].
Même air
J’ai fait faire cet instrument,
Pour nous parler plus sûrement.
Approchez votre oreille,
Fort bien,
Vous êtes à merveille,
Vous m’entendez [bien].
Même air
J’ai pour vous une telle ardeur,
Que je sens grésiller mon cœur.
Je verse pour vos charmes,
Hé bien !
Un déluge de larmes,
Vous m’entendez [bien].
Il lui jette le pot de chambre.
scaramouche, se voyant mouillé, chante sur la suite du sommeil
Je suis mouillé, l’on punit ma sottise.
L’eau dégoute partout, que maudit soit le pot.
Il faut pour sécher ma chemise
Que j’aille brûler un fagot.
Il faut, etc.
Scène iv
[arlequin]
Une chambre. Arlequin paraît à sa toilette, et chante
arlequin
Que d’ustensiles différents,
Pour attirer les soupirants.
Toujours par la toilette,
Hé bien !
Triomphe une coquette,
Vous m’entendez [bien].
Il se mire.
Ma foi, je suis un beau garçon,
J’ai le nez tout à fait mignon,
Ma figure est gentille,
Hé bien !
Si j’étais une fille,
Vous m’entendez bien.
Je veux me poudrer, me rougir,
Me vermillonner, me blanchir.
Et pour fuir les alarmes,
Hé bien !
Mettre à profit mes charmes,
Vous [m’entendez bien].
Puisque j’ai l’air si féminin,
Je veux par un discours badin,
Contrefaire le style,
Hé bien !
D’une coquette babille,
Vous m’entendez [bien].
Puis aussi sur un ton nouveau,
Feindre la voix d’un damoiseau,
Qui prétend faire emplette,
Hé bien !
Du cœur d’une coquette,
Vous [m’entendez bien].
Arlequin s’assied et s’adresse à une chaise qui est devant lui et chante sur l’air Ne m’entendez-vous pas.
Madame, à vos appas,
Je viens pour rendre hommage.
Heureux si sans partage,
Je puis entre vos bras,
Ne m’entendez-vous pas.
Il répond pour la femme.
Je le connais trop bien,
Vous cherchez à me plaire,
Vous êtes téméraire,
Et vous ne valez rien,
Je le connais trop bien.
L’homme.
Ah ! faites plus de cas
D’une si belle flamme.
Je vous aime, Madame,
Et voudrais bien, hélas !
Ne m’entendez-vous pas ?
La femme.
Vous êtes trop pressant,
Ma vertu s’effarouche.
Soyez moins violent,
Vous êtes trop pressant.
L’homme.
Ah ! l’aimable museau,
Et que ta gorge est belle.
Je veux, ma tourterelle,
Être ton tourtereau.
Ah ! l’aimable museau.
Il baise sa main.
La femme.
Fi donc, petit badin,
Qu’osez-vous entreprendre ?
Vous êtes trop malin.
Fi donc, petit badin,
L’homme.
Rien ne peut m’arrêter,
Dans ma vive tendresse.
La femme.
Je suis une Lucrèce,
Pourquoi me tourmenter ?
Vous voulez m’affronter.
L’homme.
Cupidon m’a vaincu,
Mon aimable Silvie.
La femme.
Finissez, je vous prie,
Respectez ma vertu,
Ou vous serez battu.
L’homme.
Tous vos efforts sont vains,
Charmante impératrice.
La femme.
Ah ! Monsieur le Jocrisse,
Quittez de tels desseins,
Ne jouez plus des mains.
Scène v
[arlequin, le docteur]
Le Docteur les surprend, et chante sur le même ton
ledocteur
Que faites vous ici,
Madame la carogne ?
Reconnaissant Arlequin.
Quoi ! c’est vous, chien d’ivrogne
Qui babillez ainsi ?
Sortez vite d’ici.
Il le chasse.
Scène vi
le docteur
ledocteur
Air : La nuit ramène en vain, parodie
D’une jeune beauté, la garde est difficile,
Mes soins seront-ils superflus ?
Je ne m’étonne point si l’on voit des cocus,
Au manège d’amour la femme est trop habile.
Scène vii
Le Docteur apercevant Scaramouche, chante
ledocteur
C’est à vous de servir mon âme vigilante,
Je vous ai destiné mon aimable servante.
Contre tous vos rivaux, je prétends vous armer,
À grands coups de tricot, il faut les abimer.
scaramouche
Air : Trembleurs
Je suis prêt à faire rage,
Je punirai qui m’outrage.
Ah ! quel horrible carnage,
Et que de sang répandu.
J’ai perdu la connaissance.
Tout excite ma vengeance,
Évitez donc ma puissance,
Ou bien vous serez battu.
Il les chasse.
finacte
Acte iii
Scène i
Arlequin, Colombine
arlequin
Air : Voulez-vous savoir qui des deux
Ne verrai-je jamais le jour
Qui doit couronner mon amour ?
Vous brûlez d’une faible flamme,
Ah ! c’est trop offenser mes feux.
Hélas ! je voudrais bien, Madame,
Nous voir accoupler tous les deux.
colombine
airopera
De quels reproches encor venez-vous m’alarmer ?
Votre amour, quelque temps, ne peut-il se contraindre ?
Que sert, ingrat, de vous aimer ?
De vous, hélas ! j’ai tout à craindre.
arlequin
Air : Ne m’entendez[-vous pas]
Je ne me plaindrais pas,
Mais en vain je vous aime.
Si vous m’aimiez de même,
Ma Colombine, hélas !
Je ne me plaindrais pas.
colombine
Vous plaignez-vous, ingrat,
De ma flamme parfaite.
Vous aimez, Marinette,
Perfide scélérat.
Mais... à bon chat, bon rat.
arlequin
Air : Réveillez[-vous] belle endormie
C’est le sujet de mes alarmes,
Vous reconnaissez mal ma foi.
Je renonce à tout pour vos charmes,
Et vous ne faites rien pour moi.
arlequin
Air : Lampons
Raccommodons-nous toujours,
C’est le plaisir des amours.
À la foire, c’est la mode,
On se brouille, on s’accommode,
Lampons, lampons,
Colombine, lampons.
Tu ne danses pas trop mal,
Allons-nous-en donc au bal,
Chez la jeune cafetière,
Chacun danse à sa manière.
Lampons, lampons,
Colombine, lampons.
On danse des menuets,
Toutes sortes de ballets.
Souvent, ce qui plus tourmente,
On y danse la courante.
Lampons, lampons,
Colombine, lampons.
Scène ii
[pierrot, arlequin]
On ouvre. Les violons jouent la marche. Troupe de marchands forains. Salle de bal.
chœur
Marchands forains, rassemblons-nous,
Ça, que l’on danse, que l’on chante.
Quel séjour peut être plus doux ?
Bannissons les soupçons jaloux.
À la foire galante
L’amour nous trompe tous.
On danse l’air des masques, ensuite on chante Ah ! d’un curé. Après on danse encore l’air des masques.
pierrot, masqué
À la danse
Je viens en masque
Pour n’être pas reconnu,
A c i o u.
À ma taille délibérée,
Me prendrait-on pour Pierrot
O o o diu hurhaut.
On danse un menuet.
pierrot
Air : La Guinguette
Entrons au bal,
Et sans cérémonie
Accostons-y
Quelque jeune beauté.
Faisons lui voir
Que quoique l’on en dise,
Pierrot est un vivant
Qui fait, qui fait
Chiffonner bien un falbala.
Pierrot va caresser Colombine.
arlequin
Air : Tu n’as pas le pouvoir
Doucement, Monsieur l’animal,
Voici votre rival,
Vous chiffonnez son falbala
Retirez-vous de là.bis
Il le frappe.
pierrot
Mais, Monsieur, pourquoi me frapper ?
Vous n’avez qu’à parler.bis
Je connais pourtant des époux
Plus dociles que vous.bis
Arlequin le frappe encore.
\leschanteuses[à l’imitation de \leschanteuses[à l’imitation de \emph Formons d’aimables jeux]]
Arlequin, c’est à tort que vous êtes jaloux,
Pierrot ne vient ici que pour l’amour de nous.
première chanteuse
C’est pour moi que Pierrot ici porte ses pas,
Il a senti le pouvoir de mes charmes.
Arrêtez, Arlequin, ne le frappez donc pas !
Épargnez-moi de mortelles alarmes,
Arlequin, c’est à tort, etc.
pierrot
Air : Trembleurs
En vain donc je suis en masque,
Puisqu’on sait me reconnaître.
Mais malgré la connaissance,
Arlequin m’a maltraité.
N’importe, je lui pardonne,
Pierrot n’a point de rancune,
C’est par faute de courage
Que je suis lâche et poltron.
Scène iii
Le Docteur et Scaramouche armés
La chanteuse, les apercevant, chante à l’imitation de la scène quatrième de la troisième entrée Mais que vois-je
Mais, que vois-je ? Ô cieux ! cruels, d’où provient votre rage ?
Quoi ! vous venez au bal pour faire carillon ?
scaramouche
Air : Réveillez-vous, [belle endormie]
Oui, je viens pour faire tapage,
Vous devinez notre dessein.
Et puisque son amour m’outrage,
Il faut qu’il meure de ma main.
colombine
Vous voyez mon ardeur,
Il n’est plus temps de feindre.
Arlequin a mon cœur,
Et vous êtes à plaindre,
Lizon, etc.
scaramouche
Quoi ! malgré tous mes feux,
Mes soins et ma tendresse,
Mes larmes et mes vœux,
Je serai donc malheureux.
Tu lui donnas ta foi,
Tu te moques de moi,
C’est pourquoi,
Je veux, double tigresse,
Le massacrer devant toi.
colombine
Air : Ma mère, mariez-moi
Arlequin a réussi.
L’Amour m’a parlé pour lui.
Votre sort serait plus doux
S’il m’avait parlé,bis
Votre sort serait plus doux
S’il m’avait parlé pour vous.
arlequin, à genoux, s’adressant à Scaramouche
Même air
Mon ami, vous avez tort
De vous emporter si fort.
Je suis un pauvre poltron,
Accordez-moi donc,bis
Je suis un pauvre poltron,
Accordez-moi le pardon.
scaramouche
Il faut céder, enfin,
À ma fureur extrême.
Immolons Arlequin.
Colombine et moi-même,
Lizon, zon.
Mais, le puis-je ? insensé !
Quel vain espoir me flatte ?
Ses beaux yeux m’ont blessé,
Épargnons cette ingrate,
Lizon, zon.
S’adressant à Arlequin.
Mais apprends, malheureux,
Avant que je combatte,
Qu’il est bien dangereux
De tomber sous ma patte,
Lizon, etc.
Arlequin et Scaramouche se battent. Scaramouche fuit, Arlequin le poursuit. Colombine se pâme, Pierrot veut la secourir et chante Filles qui
Scène iv
Pierrot
pierrot
Donnez-moi vite du secours,
Colombine se pâme,bis
Et pour la faire revenir,
Du vinaigre à sentir,
Donnons-lui du vinaigre.
Ah ! par ma foi, tout est perdu,
L’enflure la suffoque.
Tâchons de lui trouver le poulx.
Madame, êtes-vous morte, êtes-vous,
Madame, êtes-vous morte ?
Mais voyons sans plus différer,
Si sa bouche respire.
Il la baise.
Vous n’êtes pas morte, je sens
Quelque signe de vie, je sens
Quelque signe de vie.
Scène v
Arlequin
arlequin
Réveillez-vous, belle endormie,
Voici votre cher Arlequin.
Si vous renoncez à la vie,
Je mourrai bientôt de chagrin.
Scène vi
[colombine, vénus, arlequin, le docteur]
colombine
Air : Mes yeux ne pourrez[-vous jamais], parodie
Vénus ne pourrez-vous jamais
Forcer le Docteur à se rendre ?
Hélas ! faites-lui donc entendre
Qu’il faut que je cède à vos traits.
Vénus, etc.
\venus[à l’imitation de \venus[à l’imitation de \emph Dans ces lieux tout doit se satisfaire, s’adressant au docteur], s’adressant au docteur]
À ses vœux, ne soyez plus contraire.
Pour son cher Arlequin, j’ai voulu l’enflammer.
Je prétends que pour me satisfaire,
On ne la prive pas du plaisir de l’aimer.
chœur
Arlequin tout doit te satisfaire.
Le Docteur ne saurait l’empêcher de t’aimer.
Quand on est assez heureux pour plaire,
L’amour de plus en plus devrait nous enflammer.
ledocteur, s’adressant à Vénus
Air : Réveillez-vous, [belle endormie]
Ma volonté cède à la votre.
À Colombine.
Vous triomphez de nos jaloux.
Mon penchant parlait pour vous.
chœur
Arlequin tout doit, etc.
arlequin
Vous brillez seule en ces retraites,
Vous effacez tous les appas.
L’amour ne se plaît qu’où vous êtes,
Et languit où vous n’êtes pas.
Pour vous seule mon cœur soupire,
Lan lare.
ledocteur, à l’imitation des dernières paroles de la troisième scène de la quatrième entrée
Que tout signale ici leur ardeur mutuelle !
Qu’on offre à leur égard la fête la plus belle.
Les violons jouent la marches des Bostangis.
Scène vii
Troupe de marchands forains
ledocteur
Air : Vivir, parodie
Aimez, aimez Colombine, vivir.
Que votre humeur Arlequine unir
Songe un peu moins à la cuisine, mi.
Ne soyez pas si friand, bello
Du fromage de Milan, durar
Que la crainte du cocuage
Ne trouble pas votre ménage.
Quand tout vient abondamment,
On doit dire hautement :
Favor celesta,
D’aver corne in testa.
Sois tranquille
Dans la ville,
On trouve peu de maris difficiles.
D’un époux
Trop jaloux,
Les soins sont vains, et la garde inutile.
Un époux
Trop jaloux
Lui-même rend son épouse fragile.
Trop d’esprit
Toujours nuit,
En pareil cas il vaut mieux être Gille.
arlequin
Sans contrainte,
Plus de crainte
Suivez-moi tous, je vous paierai pinte.
Fin