Louis Fuzelier et Jacques-Philippe d’Orneval
La Grand-Mère amoureuse
Parodie d’Atys
Représentée à la Foire Saint-Germain
1726
Le Théâtre de la Foire de Le Sage et d’Orneval
Acteurs
Atys : Pierrot
Sangaride
Idas
Doris
Cybèle, en vieille : Arlequin
Phrygiens et Phrygiennes
Prêtres de Cybèle
Célénus
Mélisse
Le Fleuve Sangar, en porteur d’eau
Fleuves, Rivières et Ruisseaux, en lavandières et porteurs d’eau
Le Dieu du Sommeil
Morphée
Songes agréables, en porteuses d’argent
Songes funestes, en chaudronniers
Esculape, en robe de médecin
Deux Apothicaires
Coquetiers et Coquetières
La scène est en Phrygie.
La Grand-Mère amoureuse
Acte i
Le théâtre représente une montagne consacrée à Cybèle.
Scène i
atys seul
atys
Air : Allons gai
Ici l’on doit se rendre,
Amis, rassemblez-vous !
Cybèle va descendre ;
Tôt, tôt, accourez tous !
Allons gai,
D’un air gai ! etc.
Scène ii
atys, idas
ensemble, ensemble
Cybèle va descendre ;
Allons, accourez tous !
Allons gai ! etc.
idas
Air : J’offre ici mon savoir-faire
Trop souvent Atys réveille
Ses amis avant qu’il soit jour.
N’est-ce point ce fripon d’Amour
Qui lui met la puce à l’oreille ?
N’est-ce point, etc.
atys
Air : Ma pinte et ma mie, ô gué
Je vois que mon cher Idas
Ne me connaît guère.
Apprends que je n’aime pas
Le tendre mystère.
Je suis fort indifférent ;
Si mon plaisir n’est pas grand,
Ma peine est légère, ô gué !
Ma peine est légère.
idas
Air : Je passe la nuit et le jour
Tôt ou tard l’amour est vainqueur,
En vain les plus fiers s’en défendent ;
On ne peut refuser son cœur
À de beaux yeux qui le demandent.
atys
Pour moi, je suis fort peu tenté
De leur faire la charité,
Fort peu tenté,
Fort peu tenté,
De leur faire la charité.
idas
Eh, morbleu, ne faites point tant le réservé ! Je sais de vos nouvelles.
Air : À la façon de Barbari
Un jour, vous vous croyiez seulet
Dans un bois solitaire ;
Vous parliez à votre bonnet
Du grand dieu de Cythère.
atys
Si je parle de Cupidon,
La faridondaine, la faridondon,
C’est pour traiter cet étourdi,
Biribi,
À la façon de Barbari,
Mon ami.
idas
Point de gasconnade, s’il vous plaît. J’entendis vos lamentations et, si vous en doutez, je vais vous les répéter.
Air : Paris est en grand deuil
Je sens mon cœur griller
Et je n’ose en parler
Qu’aux forêts et qu’aux bêtes ;
Amants qui vous plaignez,
Coiffés vous êtes nés,
Oui, nés coiffés vous êtes.
atys
Air : Sans dire mot
Puisque tu m’as pris sur le fait,
Du moins, cher Idas, sois discret ;
Et garde-moi bien le secret,
Sans dire mot,
Sans sonner mot ;
Car partout d’Atys on dirait :
Ha, qu’il est sot !
Dieux, qu’il est sot !
Scène iii
atys, idas, sangaride, doris
sangaride \emph et doris, ensemble
Air : Vous qui vous moquez par vos ris
Allons, allons, accourez tous !
Cybèle va descendre.
sangaride
Que dans nos concerts les plus doux
Son nom se fasse entendre.
tous quatre, ensemble
Allons, allons, accourez tous !
Cybèle va descendre.
sangaride
Air : Des fraises
Des rossignols d’alentour
La musique est nouvelle ;
On dirait, dans ce beau jour,
Qu’ils célèbrent tour à tour
Cybèle, Cybèle, Cybèle.
atys, à Sangaride
Air : Belle brune
Ma cousine, ma cousine,
Vous ne les entendez pas ;
Moi, j’ai l’oreille plus fine,
Ma cousine, ma cousine.
sangaride
Que disent-ils donc, mon cousin, ces petits oiseaux dont la langue vous est si familière ?
atys
Hé mais, si vous les écoutez bien, dame !
Air : Mirliton
Un grand roi de bonne mine
Va devenir votre époux ;
Ainsi (je me l’imagine)
Tout parle d’amour pour vous,
Et de rigaudons,
Cotillons,
Ma cousine,
Et de violons,
Dondons.
sangaride
Il est vrai, je triomphe : je vais être une grande dame. C’est l’Amour qui me vaut cela. Pour Atys,
Air : Vraiment, ma commère, voire !
D’Amour il est ennemi.
atys
Oui-da, ma cousine, oui.
sangaride
Il paraît qu’il en fait gloire.
atys
Vraiment, ma cousine, voire,
Vraiment, ma cousine, oui.
sangaride
Air : Le trot
Aux plus charmants appas
Peut-on être insensible ?
atys
Je m’en défends, hélas !
Autant qu’il m’est possible.
Cousine, un jour, si j’allais, comme un fou,
Si j’allais comme un fou,
Mettre à mon cœur la bride sur le cou,
Je le connais : il irait le trot,
Le trot, le trot, le trot, le trot, le trot,
L’entrepas, l’amble et même le galop.
Air : Amis, sans regretter Paris
Mais à quoi nous amusons-nous ?
L’heure peut nous surprendre.
atys \emph et idas s’en allant, ensemble
Allons, allons, accourez tous !
Cybèle va descendre.
Scène iv
sangaride, doris
sangaride
Air : Le beau berger Tircis
Atys est trop heureux !
doris
Lui portez-vous envie,
Vous qui, dans une heure ou deux,
Serez reine de Phrygie ?
Dites-moi, je vous prie,
Qui peut troubler vos vœux.
sangaride
Air : Ne m’entendez-vous pas
Atys est trop heureux !
Il est tout neuf encore ;
Son cœur tranquille ignore
Les tourments amoureux ;
Atys est trop heureux !
doris
Parlez plus clairement. Vous ne faites que tourner autour du pot.
sangaride
Air : Aïe, aïe, aïe, Jeannette !
Je devrais aimer un roi
Qui m’apporte une couronne,
Mais c’est en vain, par ma foi,
Que le devoir me l’ordonne :
Aïe, aïe, aïe !
L’Amour me talonne !
Doris, aïe, aïe, aïe !
doris
Ouais !
Air : Non, rien n’est plus content
Auriez-vous le cœur pris
Pour ce benêt d’Atys ?
sangaride
Ma chère, je l’adore !
doris
Quoi ? ce pauvre garçon
Qui ne sait pas encore
S’il est chair ou poisson ?
sangaride
Air : J’étais perdue
Je sais que de toucher son cœur
Il m’est impossible ;
C’est même mon plus grand bonheur
Qu’il soit insensible.
Si mes appas quelque jour
Lui donnent dans la vue,
S’il me vient parler d’amour,
Je suis... je suis perdue !
doris
Oh ! ne craignez rien !
Air : Réveillez-vous, belle endormie
Atys (vous devez le connaître)
N’est pas homme à vous prévenir...
Mais je le vois encor paraître.
Il ne fait qu’aller et venir.
Scène v
sangaride, doris, atys
atys
Air : Quand le péril est agréable
On voit dans ces belles campagnes
Tous nos Phrygiens s’avancer.
doris, s’en allant
Je vais prendre soin de presser
Les nymphes, nos compagnes.
Scène vi
sangaride, atys
atys
Air : Talalerire
Or, nous voici donc tête-à-tête.
Ce jour est un grand jour pour vous.
sangaride
Nous ordonnons tous deux la fête ;
L’honneur est égal entre nous.
atys, se grattant l’oreille
Ce n’est pas ce que je veux dire :
Talaleri, talaleri, talalerire.
sangaride
Eh, que voulez-vous donc dire ?
atys
Air : Quand on a prononcé ce malheureux oui
Je ne vous vis jamais si contente et si belle ;
Vous brillez en bijoux, en pompons, en dentelle ;
Ce jour même un grand roi doit être votre époux.
sangaride
Atys le mal-ému n’en sera point jaloux.
atys
Air : Je ne suis né ni roi, ni prince
Faites tous les deux bon ménage.
J’ai pressé votre mariage,
J’ai servi vos amours. Hélas,
Pour moi quel funeste négoce !
Achevez, mais n’espérez pas
Que je sois garçon de la noce.
sangaride
Même air
Quoi ? vous, cousin, qui dès l’enfance
Venez chez nous sans conséquence ;
Le jour qu’on me donne un époux,
Vous nous fuiriez ! Quelles manières !
Je comptais pourtant bien sur vous
Pour me voler mes jarretières.
atys
Il ne s’agit pas de badiner ici. L’affaire est très sérieuse.
Air : Ho, ho ! ha, ha
Ce beau jour, qui sera
Pour vous le plus charmant,
Ce beau jour me verra
Descendre au monument.
sangaride
Ho, ho ! ha, ha !
Eh ! pourquoi donc ? Comment cela ?
atys
Air : Pierre Bagnolet
Vous me condamnerez vous-même
Et vous me laisserez crever.
Vous me causez un mal extrême,
Je ne saurais en relever,
En relever,
En relever.
sangaride
Quoi ! vous m’aimez !
atys
Oui, je vous aime
Et vous me laisserez crever.
Air : Voyelles anciennes
Allons, prononcez mon arrêt ;
Parlez, parlez, sans vous contraindre...
Mais vous pleurez !... Oh, s’il vous plaît,
Dites-moi ce qui vous fait geindre !
sangaride
Si vous saviez tous vos malheurs,
Atys, que vous seriez à plain... dre.
atys
Si je vous perds et si je meurs,
Que diable aurais-je encore à crain... dre ?
sangaride
Dondaine, dondaine Je l’aime, je l’aime
Je vais bien t’étonner, ma foi ; bis
Cousin, voici le pis pour toi :
Je t’aime ! Je t’aime !
atys
Cousine, attrapez-moi
Toujours de même.
sangaride
Oui, voilà de la besogne bien faite.
Air : L’autre nuit j’aperçus en songe
Eh, quoi donc ? de mon mariage
Tu guettais le malheureux jour
Pour me découvrir ton amour,
Quand tant de fois le cousinage
T’offrait un chemin fort aisé !...
atys, l’interrompant
Tenez, je n’ai jamais osé.
sangaride
Air : Dupont mon ami
Atys, mon ami,
Qui t’a fait si sage ?...
atys
La faute est faite, n’en parlons plus.
ensemble, ensemble
Air : Monsieur La Palisse est mort
Faut-il qu’un devoir jaloux
Sépare mon cœur du vôtre !
Comme la graisse et les choux,
Ils étaient faits l’un pour l’autre
Comme la, etc.
sangaride, bas
On vient. Craignez d’être écouté.
atys, bas
Ils seront bien attrapés ! Je vais reprendre mon style ordinaire.
Air : On ne peut, quoi que l’on fasse
Non, non, rien n’est plus aimable
Que d’être libre nuit et jour ;
Je donne les Iris au diable
Et je me, toure, loure, loure,
Loure, loure, loure, loure,
Et je me moque de l’amour.
Scène vii
atys, sangaride, doris, célénus, idas, Troupe de Phrygiens et de Phrygiennes
L’orchestre joue en ritournelle l’air suivant pour la descente de Cybèle.
atys, les bras et les yeux en l’air
Air : Ramonez ci, ramonez là
Quittez la cour immortelle,
Venez, Madame Cybèle !
Hâtez-vous, ne tardez pas !
Descendez ci, descendez là,
La la la,
Descendez là du haut en bas.
chœur
Descendez ci, descendez là,
La la la,
Descendez là du haut en bas.
On descend la déesse dans un char comique.
Scène viii
les acteurs \emph de la scène précédente, cybèle en vieille, mélisse
cybèle, d’un ton de vieille
Ho çà, mes enfants ! Il ne faut point tant de beurre pour faire un quarteron ; il n’y a point de plus beau deuil que sur la fosse, et il est inutile de vous envoyer dans mon temple pour vous dire ce que je puis vous dire ici. Voici de quoi il est question.
Air : Ô reguingué, ô lon lan la
Or écoutez, grands et petits !bis
Par moi soyez bien avertis
Que du jeune et gentil Atys
Je fais aujourd’hui mon grand-prêtre.
Pour tel venez le reconnaître.
chœur, sur le ton du dernier vers
Pour tel allons le reconnaître.
cybèle, regardant Célénus
Air : Ton himeur est, Cathereine
Célénus me fait paraître
Qu’on a trompé son espoir.
Il aurait voulu peut-être
L’emploi qu’Atys vient d’avoir.
célénus
Non, en vérité, Madame ;
Il lui convient mieux qu’à moi.
Puisque je prends une femme,
Je n’aurai que trop d’emploi.
cybèle
Allons, Messieurs les Phrygiens. Complimentez au plus vite mon grand sacrificateur et décampez tous. J’ai deux mots à dire à ma confidente.
un phrygien, à Atys
Air : Si la jeune Annette
L’on vous félicite,
Grand-Prêtre, d’avoir
Un fort grand mérite,
Avec un fort grand,
Taleri leri tatou,
Talera lire,
Avec un grand pouvoir.
chœur
Un fort grand mérite,
Avec, etc.
Ils se retirent tous, Atys à leur tête.
Scène ix
cybèle, mélisse
cybèle
Air : Dedans nos bois il y a un ermite
Tu me parais à bon droit ébaubie,
Et mon choix te surprend.
mélisse
Le jeune Atys, grand-prêtre de Phrygie !
Que son bonheur est grand !
cybèle
Pour lui je fais encor bien davantage :
Je l’aime à la rage, moi,
Je l’aime à la rage.
mélisse
Il n’est pas possible !
cybèle
Cela est comme je te le dis.
Air : Ce fut un dimanche après vêpres
Ce fut à ma dernière fête
Que mon cœur devint sa conquête.
Je quittai la terre à regret,
Et, et, et, et, et, et, et, et, et.
Ha ! que le ciel me parut laid,
Aid, aid, aid, aid, aid, aid !
mélisse
Et c’est pour le voir tout à votre aise que vous le logez dans votre temple.
cybèle
Tout juste.
mélisse
Air : Comme un coucou que l’amour presse
Un jour une antique comtesse
S’amouracha d’un vert galant ;
Pour mieux vaquer à sa tendresse
Elle le fit son intendant.
cybèle
Brisons là. Va-t’en me chercher le Sommeil.
mélisse
Qu’en voulez-vous faire ?
cybèle
C’est que je ne me sens pas la force de déclarer ma passion à une jeune barbe comme Atys.
mélisse
Air : Amis, sans regretter Paris
La pauvre enfant !
cybèle
Mélisse, tien,
C’est que je suis honteuse.
mélisse
Une telle pudeur sied bien
À grand-mère amoureuse.
cybèle
Ho, ho ! Quoique grand-mère de plus de cent dieux, je suis encore de bon usé. Mais revenons à nos moutons. Je veux charger les Songes de ma déclaration.
mélisse
Air : Tu croyais, en aimant Colette
Pour mettre à fin vos aventures,
Certes, le projet est fort beau :
Faire les Songes vos Mercures !
cybèle
Dame ! le moyen est nouveau.
mélisse
J’aperçois Atys.
cybèle
Allons ensemble ranger mes petites affaires.
Scène x
atys seul, en habit de sacrificateur
atys
Si le Roi me voulait donner J’aime mieux ma mie, ô gué !
Ah, je perds l’unique bien
De ma pauvre vie !
Tout le reste ne m’est rien ;
Fortune ennemie !
Eh, que servent tes faveurs,
Et tes chiennes de grandeurs ?
J’aime mieux ma mie, ô gué,
J’aime mieux ma mie.
Scène xi
atys, idas, doris
idas, étouffé
Ah ! Seigneur Atys, Sangaride...
atys
Hé bien, Sangaride ?
doris
Air : Quand ma mère était jeunette
Elle va vers la déesse !
Et c’est pour lui dire :
Atys m’aime avec tendresse ;
Pour lui je soupire.
Si l’on n’me donn’ce garçon-là,
On verra tout ce qu’on verra...
atys, l’interrompant
Air : Que Dieu bénisse la besogne
Quoi ? tout de bon, elle fera
Pour moi cette démarche-là ?
doris
Cette démarche, telle quelle,
Vous convenait mieux qu’à la belle.
atys
Ma foi, puisqu’elle veut bien s’en charger, je la laisserai faire.
Air : Est-ce ainsi qu’on prend les belles ?
Mais mon cœur, perfide et traître,
Si lâchement trompera
Mon bienfacteur et mon maître !
doris
S’il faut croire l’Opéra,
C’est ainsi qu’on prend les belles,
Lonlanla,
Ô gué lonla !
Air : Je ne suis né ni roi, ni prince
Oui, l’Opéra, qui si bien pense,
D’être généreux vous dispense.
Ce pédagogue doucereux
Vous dit qu’on peut en conscience,
Quand on veut devenir heureux,
Faire faux bond à l’innocence.
atys
Air : Vous avez raison, La Plante
Puisque l’Opéra décide
Si justement ce cas-là,
Larira,
Allez dire à Sangaride
Qu’à ses vœux je me rendrai,
Lariré.
Gué, gué, gué,
Larirette !
Gué, gué, gué,
Lariré !
tous trois, ensemble
Gué, gué, gué,
Larirette !
Gué, gué, gué,
Lariré !
Doris et Idas se retirent.
Scène xii
atys seul
atys
Air : Comment faire
Comptons sur l’espoir le plus doux ;
Cybèle et l’Amour sont pour nous...
Mais le devoir ne peut se taire :
Il gronde l’Amour... Ah ! tout beau !
L’un tire à dia, l’autre à \emph hurhau :
Comment faire ?
Allons faire un petit somme.
Il va se coucher sur un lit de gazon. Aussitôt, l’orchestre joue l’air \emph Do, do, l’enfant dort
pour l’entrée du dieu du sommeil et de sa suite.
Scène xiii
atys dormant, le dieu du Sommeil amené dans un berceau, morphée berçant le dieu, songes agréables représentés par quatre porteuses d’argent, songes funestes représentés par quatre chaudronniers
lesommeil
Il se met à son séant et chante l’air suivant en faisant aller sa tête de çà et de là, comme une personne qui dort.
Air : Do, do, l’enfant dort
Do, do, dormons tous ;
Ah ! que le repos est doux !
chœur
Do, do, dormons tous ;
Ah ! que le repos est doux !
morphée
Il a mille biens pour nous,
Il nous rafraîchit la poitrine ;
De plus, il flatte nos goûts :
Ne dit-on pas que qui dort dîne ?
Il est favorable aux amants
Quand il assoupit les mamans.
lesommeil
Do, do, dormons tous ;
Ah ! que le repos est doux !
chœur
Do, do, dormons tous :
Ah ! que le repos est doux !
morphée, aux Songes agréables
Allons, Songes agréables, qui vous êtes transformés en porteuses d’argent, faites votre devoir.
Les Songes agréables forment des danses gracieuses.
un songe agréable, à Atys
Air : Boire à son tirelire lire
Voici tout le quibus
De Cybèle qui t’aime.
Si tu veux ses écus,
Atys, il faut de même
Que nuit et jour
Ton cœur d’amour
Brûle à son tirelire lir,
Brûle à son toureloure lour,
Brûle à son tour.
definitacteur, chœur de songes agréables chœursonges
chœursonges
Brûle à son tirelire lir,
Brûle à son toureloure lour,
Brûle à son tour.
morphée, aux Songes funestes
Vous, Songes funestes, qui, pour vous conformer à la mythologie, avez pris la forme de chaudronniers, exécutez vos ordres.
Les Songes funestes forment des danses burlesques.
un songe funeste, à Atys
Air : Y avance, y avance
Nous tenons nos couteaux tout prêts
Si pour Cybèle et ses attraits
Tu n’échauffes ton indolence.
Y avance, y avance, y avance !
Ou nous servirons sa vengeance.
definitacteur, chœur de songes funestes chœursongesfunestes
chœursongesfunestes
Y avance, y avance, y avance !
Ou nous servirons sa vengeance.
chœursonges, aux Songes funestes
Air : Turlututu rengaine
Turlututu, rengaine,
Rengaine, rengaine ;
Turlututu, rengaine,
Rengaine ton couteau.
un songe funeste
Air : Y avance, y avance
Ah ! garde-toi, petit badin,
De rester en si beau chemin !
Cybèle aime la diligence ;
Y avance, y avance, y avance !
Ou nous servirons sa vengeance !
chœursongesfunestes
Y avance, etc.
chœursonges
Turlututu, etc.
Le Sommeil, Morphée, et les Songes disparaissent. Atys se réveille épouvanté, et se sauve en criant :
atys
Au feu ! Au feu ! Au guet !
finacte
Acte ii
Le théâtre représente les jardins du temple de Cybèle.
Scène i
atys seul
atys
Air : Les Feuillantines
J’ai fait un songe maudit !
Mon esprit
En est encor interdit.
J’ai rêvé que la déesse
Me prenait \ibis pour l’objet de sa tendresse.
Scène ii
atys, cybèle
cybèle
Air : Petit boudrillon
Avez-vous la migraine ?
Qui vous rend, mon mignon,
Boudrillon ?
atys
Un songe fait ma peine.
cybèle
Expliquez-le-moi donc,
Boudrillon.
Petit boudrillon,
Boudrillon, dondaine,
Petit boudrillon,
Boudrillon, dondon.
atys
Air : Ne croyez pas que je demeure
Non, non, ce songe n’est qu’un leurre,
Qu’un fantôme qui me bernait.
cybèle
Du berger il vous sonnait l’heure,
Et par mon ordre il la sonnait.
Du berger, etc.
atys
Diantre !
cybèle
Air : Et zon, zon, zon
Je vous demande un cœur
Qui dépend de lui-même.
atys
Pour moi c’est trop d’honneur.
cybèle
Peste du Nicodème !
Et zon, zon, zon,
Votre respect extrême,
Et zon, zon, zon,
N’est guère de saison.
atys
Oh ! je sais trop ce que je dois à la vénérable grand-mère des dieux, pour...
Scène iii
cybèle, atys, sangaride
sangaride, se jetant aux pieds de la déesse
Air : Tu croyais en aimant Colette
Protégez-moi, grande déesse !
Je vous en prie à deux genoux.
L’intérêt d’Atys vous en presse.
Tous deux...
atys, à Sangaride, l’interrompant
Je parlerai pour vous.
sangaride, reprenant son discours
Air : Voulez-vous savoir qui des deux
Tous deux unis des plus beaux nœuds...
atys, à Cybèle, interrompant encore Sangaride
Oui, nous sommes cousins tous deux.
Sauvez cette pauvre dolente
D’un mariage rigoureux,
Et faites-en votre suivante.
cybèle
Oui-da, mon petit amoureux.
atys
Ah ! Déesse, c’en est trop !
cybèle
Je t’enjôle, va.
Air : Le fameux Diogène
Je ne prétends point faire
Ici de vain mystère,
Prendre un air précieux ;
Je veux, libre déesse,
Te marquer ma tendresse
À la barbe des dieux. bis
À Sangaride.
Quant à vous, la belle,
Air : Lon lan la deriri
Vos vœux seront bientôt remplis, bis
Je vais endoctriner Atys,
Lon lan la derirette ;
Il finira votre souci,
Lon lan la deriri.
Elle emmène Atys.
Scène iv
sangaride, idas, doris
sangaride, pleurant
Ah ! ah ! ah !
doris
Air : Dupont, mon ami
D’où naissent vos cris,
Belle Sangaride ?
sangaride
Hélas ! dans Atys
J’adore un perfide !
doris \emph et idas, ensemble
Ah ! gardez-vous, gardez-vous
De croire un transport jaloux !
sangaride
Air : Ma mère, mariez-moi
La déesse, sans façon,
Le déclare son mignon.
Il en paraît fort content.
Faut-il l’aimer tant ! Faut-il l’aimer tant !
Ah ! puisqu’il est inconstant,
J’en saurai bien faire autant.
doris \emph et idas sur le ton des deux derniers vers, ensemble
Ah ! gardez-vous, gardez-vous
De croire un transport jaloux !
sangaride
Le traître m’interrompait toutes les fois que je voulais parler.
Air : Perrette, venez tôt
Revenez, Raison ! Étouffez de mon âme
La flamme,
La flamme.
Raison, revenez tôt
Me procurer la paix qu’il me faut !
doris \emph et idas, ensemble
Air : Que Dieu bénisse la besogne
Quand, pour punir la trahison,
Vous appelez votre Raison ;
C’est le chien de Jean de Nivelle
Qui fuit toujours quand on l’appelle.
Doris et Idas se retirent.
Scène v
sangaride, célénus
célénus
Air : Ma raison s’en va bon train
Je vais être votre époux :
Mais aussi m’aimerez-vous ?
sangaride
On vous flattera
Et caressera
Pour contenter mon père.
célénus
Sans l’ordre de votre papa,
N’oseriez-vous le faire, lon la ?
N’oseriez-vous le faire ?
sangaride, apercevant Atys
Hélas !
célénus
Air : Je ferai mon devoir
Ah, vous condamnez mes désirs !
Et j’en crois vos soupirs. bis
sangaride
Expliquez en votre faveur
Le trouble de mon cœur. bis
Scène vi
sangaride, célénus, atys
célénus, à Atys
Air : Robin turelure lure
Ami, que je suis heureux !
L’objet qui m’a fait blessure
Enfin répond à mes vœux.
atys, à part
Turelure !
célénus
Dépêchons-nous de conclure.
atys, à part
Robin turelure lure !
célénus
Mais, charmante Sangaride, vos parents ne viennent pas. Je vais un peu les hâter d’aller.
Il s’en va.
atys, chante
Air : Va-t’en voir
Va-t’en voir s’ils viennent, Jean,
Va-t’en voir s’ils viennent.
Scène vii
sangaride, atys
atys
Air : Quand le péril est agréable
Ah, que je plains le pauvre diable !
Et que de son compte il est loin !
sangaride
Monsieur, épargnez-vous le soin
D’être si pitoyable.
atys
Ho, ho ! quelle mouche vous pique ?
sangaride
À Paris, ces filles Non, non, je n’aimerai plus
Prends-tu Sangaride
Pour une stupide ?
En vain tu prétends
M’abuser plus longtemps
Par tes feux inconstants ;
Non, je n’aimerai plus
Un cœur volage et perfide ;
Non, non, je n’aimerai plus
Que le grand roi Célénus.
atys
Air : Quand la Mer Rouge apparut
D’où vient ce transport jaloux ?
sangaride
Tu trahis qui t’aime.
atys
Non, ce n’est pas moi.
sangaride
C’est vous.
atys
Pardi ! c’est vous-même.
sangaride
Oh, c’est vous, c’est vous, c’est vous,
Qui rompez des nœuds si doux !
Petit in, tin, tin,
Petit fi, fi, fi,
Petit in, petit fi,
Petit infidèle ;
Vous aimez Cybèle.
ensemble, ensemble
Oh, c’est vous, c’est vous, c’est vous,
Qui rompez des nœuds si doux !
deuxcol, \sangaride
Petit in, tin, tin,
Petit fi, fi, fi,
Petit in, petit fi,
Petit infidèle ;
Vous aimez Cybèle !
atys
Petite in, tin, tin,
Petite in, tin, tin,
Petite in, petite in,
Petite infidèle ;
Vous trichez, la belle !
atys
Voilà bien du carillon pour rien !
sangaride
Pour rien !
atys
Oui, pour rien. C’est Cybèle qui m’aime ; pour moi, je ne l’aime point.
sangaride
Vous m’en donnez à garder.
atys
Air : Tique, tique, taque et lon lan la
Vous ne me croyez donc pas ? bis
Hé bien, je vais de ce pas
Tout conter à la Déesse ;
Tique, tique, taque et lon lan la,
Dieu sait comme la diablesse
Tous deux nous régalera !
sangaride
Venez çà, venez çà. Raccommodons-nous.
Air : Carillon de Maître Gervais
Or, finissons ce carillon.
De toi je n’ai plus de soupçon,
Frappe dans ma main sans façon !
atys
Bon, bon, bon, bon, bon, bon, bon, bon !
sangaride
Petit benêt,
Petit benêt,
Faisons la paix.
Ensemble, ensemble
Faisons la paix.
deuxcol, \sangaride
Je te promets
De ne carillonner jamais,
atys
Je vous promets
De ne changer jamais, jamais,
Jamais, jamais, jamais, jamais,
Jamais, jamais, jamais, jamais, jamais, jamais.
atys
Mais voici le fleuve Sangar, votre père, avec toute votre parenté aquatique.
Scène viii
sangaride, atys, célénus, le fleuve sangar en porteur d’eau, troupe de fleuves et de ruisseaux aussi en porteurs d’eau, troupe de rivières et de fontaines en lavandières
le fleuve sangar
Air : Tout le long de la rivière
Dieux de ma famille,
Fleuves, mes parents,
Je donne à ma fille
Mari des plus grands.
Tout le long de ma rivière,
Laire,
Lon lan la,
Tout le long de ma rivière,
Que l’on dansera !
chœur
Tout le long de sa rivière,
Laire,
Lon lan la,
Tout le long de sa rivière,
Que l’on dansera !
On danse.
un ruisseau
Air : Joconde retourné
Chers amis, les petits ruisseaux
Font les grandes rivières,
On sait cela dans les bureaux
Et chez tous les notaires :
Les procureurs et les bedeaux,
Tailleurs et couturières,
Chantent que les petits ruisseaux
Font les grandes rivières.
On reprend la danse, après quoi on chante le vaudeville suivant.
vaudeville
Air : Qu’il passera d’eau sous les ponts !
1
Jadis, à la cour de Cythère,
On trouvait plus d’un cœur sincère ;
Il y pleuvait des Céladons.
Avant que la mode en revienne,
Diguedin, diguedin, diguedindaine,
Qu’il passera d’eau sous les ponts !
2
Jadis, à vingt ans, une fille
Croyait Boulogne et la Courtille
Plus loin que les treize Cantons :
Avant que telle Agnès revienne,
Diguedin, diguedin, diguedindaine,
Qu’il passera d’eau sous les ponts !
3
Jadis, l’époux, dans son ménage,
Après le jour du mariage,
En comptait dix mille aussi bons :
Avant que ce temps-là revienne,
Diguedin, diguedin, diguedindaine,
Qu’il passera d’eau sous les ponts !
4
Jadis, l’amour touchait les belles ;
Un traitant trouvait des cruelles
Même en semant ses patagons ;
Avant que ce temps-là revienne,
Diguedin, diguedin, diguedindaine,
Qu’il passera d’eau sous les ponts !
5
Au mérite on rendait justice
Et jusques dans une coulisse
Il intéressait les tendrons ;
Avant que ce temps-là revienne,
Diguedin, diguedin, diguedindaine,
Qu’il passera d’eau sous les ponts !
6
Au public.
Vous demandez, dans une pièce,
Que le brillant et la justesse
Y donnent toutes les façons ;
Messieurs, avant qu’il vous en vienne,
Diguedin, diguedin, diguedindaine,
Qu’il passera d’eau sous les ponts !
sangar, à Atys
Air : Pour faire honneur à la noce
Grand-Prêtre de la déesse,
Venez former des nœuds charmants ;
Venez unir ces deux amants ;
Par ma voix chacun vous en presse.
Le Fleuve Sangar \emph et Célénus, ensemble
Grand-Prêtre de la déesse,
Venez former des nœuds charmants.
atys, à Célénus
Air : C’n’est pas pour vous
C’n’est pas pour vous
Que le four chauffe,
C’n’est pas pour vous
Qu’on cuit chez nous.
célénus
Que voulez-vous dire, Atys ?
atys
Air : Pour passer doucement la vie
Cet hymen déplaît à Cybèle,
Elle défend de l’achever :
Sangaride est un bien pour elle,
Et je dois le lui réserver.
célénus, aux Fleuves
Air : Le seigneur turc a raison
Mes enfants, opposons-nous
À cette injustice.
atys, à Célénus
Mon cher ami, filez doux,
Et respectez le caprice
De la grand-maman des dieux.
À la cantonade.
Enlevez-nous de ces lieux,
Zéphyrs ! Qu’on m’obéisse !
Des Zéphyrs comiquement habillés enlèvent Atys et Sangaride.
atys, pendant qu’on l’enlève, chante
Hanneton, vole, vole, vole...
finacte
Acte iii
Le théâtre représente les dehors du temple de Cybèle.
Scène i
cybèle, célénus
célénus
Barbare déesse !
Air : Morguienne de vous
Que vous ai-je fait
Pour navrer mon âme
En m’ôtant l’objet
De ma tendre flamme ?
Morguienne de vous !
Quell’ femme, quell’ femme !
Morguienne de vous !
Quell’ femme êtes-vous !
cybèle
Ne me querellez point, Célénus. Si je vous ai causé du chagrin, j’en ai aussi ma bonne part.
Air : La vie est ennuyeuse
Atys est un perfide.
J’adorais le vaurien,
Le chien,
Atys est un perfide.
J’adorais le vaurien.
Il aime Sangaride :
Hélas ! je le sais bien,
Très bien !
Il aime Sangaride
Et pour moi ne sent rien.
célénus
Le scélérat !... Et serait-il aimé ?
cybèle
La belle demande ! Je viens d’être témoin de leurs tendres amours dans un coin de mon jardin où ils s’étaient cachés.
célénus
Contez-moi cela, je vous en prie.
cybèle
Air : Je ne suis né ni roi, ni prince
Après mille et mille tendresses,
Après nous avoir fait largesses
De noms que vous devinez bien,
Tous deux... (je frémis quand j’y pense...)
célénus
Que disaient-ils donc de plus ?
cybèle
Rien,
Les traîtres gardaient le silence.
Ho, ho ! je n’ai pas gardé le mien longtemps. J’ai éclaté et les ai rendus fort étonnés.
célénus
Les canailles ! Ne laissons pas cela impuni !
cybèle
Laissez-moi faire. Les voici qui viennent. Je vais les traiter en enfants de bonne maison.
Scène ii
cybèle, célénus, sangaride, atys
Cybèle \emph et Célénus, ensemble
Air : Les trembleurs
Venez chercher le supplice.
Atys \emph et Sangaride, ensemble
Ciel ! faut-il qu’on nous punisse !
Cybèle \emph et Célénus, ensemble
Songez à votre injustice.
Atys \emph et Sangaride, ensemble
Déesse, pardonnez-nous !
Cybèle \emph et Célénus, ensemble
Traîtres ! Perdez l’espérance !
Atys \emph et Sangaride, ensemble
L’amour seul a fait l’offense.
Cybèle \emph et Célénus, ensemble
Mon cœur demande vengeance.
Atys \emph et Sangaride, ensemble
Ah ! sauvez-la de vos coups !
Ah ! sauvez-le de vos coups !
cybèle
Point de miséricorde !
célénus
Il faut vous apprendre à vivre !
cybèle, faisant des gestes de cabaliste avec sa canne
Air : Aux armes, camarades
Sors des royaumes sombres,
Viens saisir ce fripon,
Cruelle Alecton !...
Mais non. La Furie pourrait manquer son coup.
Air : Qui veut se mettre en ménage
Viens plutôt, cher Esculape,
Dieu fatal des médecins !
Un cerveau que ta main frappe
Reçoit des coups plus certains.
Atys par trop baguenaude,
Son rôle agit froidement ;
Donne-lui la fièvre chaude
Pour le finir chaudement.
Scène iii
les acteurs \emph de la scène précédente, esculape en robe de médecin, arrivant dans une chaise roulante
esculape, à la cantonade
D’où vient que ma garde ne me suit pas ? Je ne devrais jamais marcher sans un détachement d’apothicaires.
Air : Bouchez, Naïades, vos fontaines
Comment, il ne paraît personne !
Lorsque la médecine ordonne,
La seringue devrait voler.
Quoi donc, l’apothicairerie
Veut-elle aussi se rebeller
À l’instar de la chirurgie ?
cybèle
Quoi ? vous n’amenez pas des chirurgiens ! Cependant, pour expédier la raison d’Atys et lui allumer davantage le sang, il faudrait le saigner jusqu’au tarissement des veines et des artères.
esculape
Le faire saigner ! Oh, la médecine est trop mécontente de la chirurgie !
Air : Réveillez-vous, belle endormie
Une vengeance raffinée
Change le tic des Galiens :
Nous n’ordonnons plus la saignée
Pour punir les chirurgiens.
cybèle
Qu’ont donc fait les chirurgiens pour s’attirer la colère des médecins ?
esculape
Air : Le gourdin
Comment ! ces messieurs les fraters
Veulent se donner des airs,
Et lorsqu’il s’agit d’une cure
Les faquins nous font l’injure
De guérir fièvre et blessure
Et maux de toute nature,
Lure, lure, lure, lure, lure,
Sans savoir ni grec, ni latin !
Gueredin, din,
Gueredin, din, din,
Gueredin, din, din, din, din !
Mais j’aperçois deux de mes fidèles carabiniers. Ils me suffiront pour l’expédition que vous souhaitez.
Scène iv
les acteurs \emph de la scène précédente, deux apothicaires la seringue à la main
esculape, aux apothicaires
Allons, marchez à moi ! Braquez vos canons ! Leur montrant Atys. Voilà le malade qu’il faut attaquer.
Air : Flon, flon
Amis apothicaires,
Arrosez-lui le corps
De ces eaux salutaires
Qui donnent des transports.
Hé, flon, flon,
Larira dondaine,
Flon, flon,
Larira dondon.
Les apothicaires poursuivent Atys, et l’arrosent avec leurs seringues d’une liqueur qui lui donne la frénésie. Ils se retirent aussitôt avec Esculape. Il arrive en même temps une troupe de Phrygiens et de prêtresses de Cybèle.
Scène v
cybèle, atys, sangaride, troupe de phrygiens, et de prêtresses de cybèle
cybèle
Que viennent faire ici mes prêtresses et les Phrygiens sans que je les y appelle ?
un phrygien
Nous venons chanter les chœurs.
atys, troublé
Air : Les trembleurs
Quelle vapeur m’environne !
Il change d’air.
On dit que vos parents Tarare ponpon
Tous mes sens sont troublés, je frémis, je frissonne...
Il change encore d’air et après s’être tâté le pouls, il dit :
Air : Je ferai mon devoir
Oui, sûrement, j’ai le frisson.
À moi, Monsieur Purgon ! bis
Il quitte encore cet air, pour prendre le suivant.
Air : Carillon
Ah ! que de fantômes divers
Sortent tout à coup des enfers !
Le ciel vient attaquer la terre !
Quel bruit ! Quel éclat de tonnerre !
Pon, pon, pon, pon, pon, pon, pon !
Ô l’effroyable carillon !
Il prend Cybèle pour Sangaride et la caresse.
Air : Lurelu, larela, lirette
Ma charmante brunette,
Sangaride, où vas-tu,
Lurelu ?
Cybèle nous maltraite ;
Fuis cette guenon-là,
Larela,
Lurelu, larela, lirette !
cybèle, riant
Oh ! quel drôle voilà !
sangaride, tirant Atys par la manche
Atys ! reconnaissez Sangaride !
atys, repoussant Sangaride qu’il prend pour un monstre
Air : Vaudeville
Quel monstre en veut à Sangaride ?
Qu’il est vilain ! Qu’il est félon !
Tontaine, tonton, ton, ton, ton, ton, ton, ton.
Il tire son couteau.
Je vais de mon bras intrépide
Percer le flanc de ce dragon,
Ton, ton, ton, ton, ton, ton, ton, ton, ton, ton, ton, ton, ton
Tontaine, tonton, ton, ton, ton.
Il poursuit Sangaride comme une bête furieuse. Elle fuit devant lui.
célénus, s’efforçant d’arrêter Atys
Air : Place au Régiment de la Calotte
Arrête, arrête, malheureux !
sangaride
Atys ! Mon cher Atys !
atys
Ô ciel ! quels hurlements affreux !
célénus
Fuyez ! Sauvez-vous de sa rage !
atys
Amour, seconde mon courage !
Il poursuit Sangaride jusques dans la coulisse, où il la frappe du couteau qu’il tient.
sangaride
Je meurs !
Célénus court au secours de Sangaride.
Scène vi
cybèle, atys, phrygiens et prêtresses
atys, revenant et achevant l’air commencé
Le monstre est sur terre gisant.
À Cybèle, qu’il prend toujours pour Sangaride.
Vous me revoyez triomphant.
Qu’on m’accole la botte !
Et plan, plan, plan !
Place au Régiment
De la Calotte !
Il essuie son couteau.
chœur
Air : Pèlerins de Saint-Jacques
Atys tout seul, Atys lui-même
Vient, dans ce lieu,
De faire périr ce qu’il aime ;
Hélas ! mon Dieu !
atys
Air : Allons gai
L’affaire est achevée
Avec bien de l’honneur ;
Sangaride est sauvée,
Et c’est par ma valeur.
Allons gai !
D’un air gai ! [etc.]
cybèle, à part
Mettons le comble à ma vengeance, rendons-lui le peu de raison qu’il avait.
Elle le frappe légèrement de sa canne.
atys
Il revient comme d’un profond sommeil et après avoir cherché des yeux Sangaride, il dit à Cybèle :
Air : Ah, mon beau laboureur
Ah ! n’avez-vous pas vu bis
Sangaride, ma mie,
Ô lire, ô lire !
Sangaride, ma mie,
Ô lire, ô la !
cybèle, la lui montrant morte dans la coulisse
Tu peux la voir. Tiens, regarde !
atys
Ah ! la voilà morte ! Qui est le pendard qui a fait ce coup-là ?
cybèle
Toi.
atys
Vous en avez menti.
cybèle, montrant les Phrygiens et les prêtresses
Voilà des témoins que je n’avais pas mandés ici. Écoute-les.
chœur
Air : Pèlerins de Saint-Jacques
Atys tout seul, Atys lui-même
Vient, dans ce lieu,
De faire périr ce qu’il aime ;
Hélas ! mon Dieu !
atys, regardant ses manches
Je crois qu’ils disent vrai.
Air : Adieu paniers, vendanges sont faites
Je vois du sang à mes manchettes.
Hé, quoi donc ? Atys est bourreau !
J’ai percé cet objet si beau !
Adieu paniers, vendanges sont faites.
À Cybèle. Ah ! maudite sempiternelle ! Vieille sorcière ! C’est toi qui m’as jeté un sort !... Mais que fais-je ?... Non, vous ne m’avez pas rendu la raison. Je m’amuse à vous chanter pouilles quand je devrais vous prier de redonner le jour à Sangaride. Vous le pouvez, vous êtes déesse.
Il se jette à ses genoux.
Air : Ah, maman, je meurs d’envie
Ah, maman, je meurs d’envie
De revoir l’objet de mes feux
Encore un mois ou deux !
Rendez-lui donc la vie !
cybèle, à part
Feignons de répondre à ses vœux.
Elle va frapper de sa canne le corps de Sangaride et la change en une poule qu’on voit sortir de la coulisse. Elle revient et dit à Atys en achevant l’air commencé :
Ton affaire est faite :
Revois ta poulette,
Puisque tu le veux.
atys
Mais je ne vois qu’une poule !
cybèle
C’est Sangaride elle-même, que j’ai métamorphosée en poule de Caux.
Et vous, Seigneur Atys, je vais vous changer...
atys, l’interrompant
En arbre, n’est-ce pas ?
cybèle
Non, ce n’est pas là mon compte.
atys
Eh ! faites mieux, ma mignonne ! Métamorphosez-moi en coq : cela viendra comme de cire.
cybèle
Air : De mon pot, je vous en réponds
Moi, vous transformer en coq !
Vous gagneriez au troc.
Je sais mieux choisir votre peine :
Vous irez habiter le Maine
En chapon,
Je vous en répond ;
Mais pour en coq, non, non !
chœur
En chapon,
Je vous en répond ;
Mais pour en coq, non, non !
Elle touche Atys de sa canne dans le moment qu’il s’enfuit vers la coulisse ; et il en sort un gros chapon qui, allant pour caresser sa poule, en est battu et poursuivi, ce qui fait pousser de grands éclats de rire à la maligne Cybèle.
cybèle
Ha, ha, ha, ha, ha !
On entend des sonnettes de coquetiers.
Mais j’entends des coquetiers.
Scène vii
cybèle, troupe de coquetiers et de coquetières à cheval
cybèle
Tenez, mes amis, voilà de la volaille dont je vous fais présent. Portez-moi ces deux animaux-là à la vallée.
un coquetier
Grand merci ! Allons, camarades, divertissons-nous. Qui chapon mange, chapon lui vient.
Ils se mettent à danser avec leurs chevaux d’osier et chantent après le vaudeville suivant.
vaudeville
Air : Coquerico
7
Lorsqu’une jeune poulette
Sort de l’œuf et voit le jour,
Tout aussitôt la follette
Vole au poulailler d’amour.
En ouvrant le bec, turlurette,
Elle sait chanter : Cocodette !
Un petit cochet en écho
Bientôt répond : Coquerico !
8
Lorsqu’un fin Gascon se coule
Dans un riche poulailler,
Il vous sait plumer la poule,
Et sans la faire crier.
Près d’un coffre-fort, turlurette,
Entend-il chanter : Cocodette ?
Notre Cadédis en écho
Répond d’abord : Coquerico.
9
La volaille est une emplette
Où le plus fin est tondu ;
On croit prendre une poulette
Qui n’a pas encor pondu ;
On la prend souvent, turlurette,
À son troisième œuf, Cocodette,
Lorsqu’elle a, dans plus d’un duo,
Accompagné Coquerico.
10
Près d’une jeune poulette
C’est en vain qu’un coq barbon
Va débiter la fleurette ;
Il ne prend pas bien le ton.
Ce n’est pas pour lui, turlurette,
Que l’on veut chanter : Cocodette.
Le vieux paillier, dans un duo,
Dirait trop bas : Coquerico !
11
Il est de fines poulettes
Qui devant bien des témoins
Chantent comme des fauvettes
Trois fois la semaine au moins.
Dans ce poulailler, turlurette,
On entend souvent : Cocodette !
Mais ce n’est pas pour un zéro
Qu’on répond à Coquerico.
12
Aux spectateurs.
Messieurs, si de nos poulettes
Vous êtes un peu contents,
Ne les laissez pas seulettes ;
Elles aiment les chalands.
Revenez souvent, turlurette ;
Que nous chanterons : Cocodette !
Si le public daigne en écho
Dire après nous : Coquerico !
Fin