Louis Fuzelier
La Jalousie avec sujet
Parodie en deux actes
1732
BnF ms. fr. 9333
definitacteur, L’Incendie lincendie
definitacteur, L’Inondation linondation
Acteurs
Io
Jupiter
Junon
Iris
Mercure
Hiérax
Pirante
La Furie Erinys
La Guerre
L’Incendie
L’Inondation
Brûleurs de Maisons
Porteurs d’eau
La Fièvre
Atropos
Clotho
Lachésis
Une Egyptienne
La Jalousie avec sujet
Acte i
Le théâtre représente une campagne.
Scène i
Hiérax seul
Hiérax
Air : La Serrure
Cessons d’aimer une infidèle,
C’est être le plus sot des fous !
Évitons la honte cruelle
De servir qui se rit de nous !
Scène ii
Hiérax, Pirante
pirante
Bonjour, mon cousin Hiérax !
Hiérax
Bonjour, mon cousin Pirante !
pirante
Air : [Non,] je ne ferai pas [ce qu’on veut que je fasse]
C’est trop entretenir vos tristes rêveries ;
Venez, tournez vos pas vers ces rives fleuries !
Qu’il fait beau dans ces prés...
Hiérax
Je n’en vois rien, ma foi,
Ce que j’aime a changé, tout est changé pour moi.
Air : Ah ! Que la forêt de Cythère
Je prends dans mon humeur sauvage
Pour une forêt ma maison
Tontaine tonton tonton tonton ton[ton]
Chaque mari dans son ménage
Me semble un cerf dans un buisson
Ton ton tonton tonton ton tonton
Ton ton tontaine tonton ton tonton.
pirante
Vous ne rêvez plus... Songez qu’Io vous préfère à deux ou trois bons partis, songez que vous avez la parole de son père, et que votre cadet Argus vous a procuré la protection de l’épouse de Jupiter.
Hiérax
Je crains fort que cette protection ne me porte malheur.
pirante
Mais...
Hiérax
Mais ? Ma nymphe trigaude me remet de jour en jour aux calendes grecques.
Air : Mon mari est à la taverne
Je n’entends que trop son négoce
Jarni !
pirante
Là, pourquoi jurez-vous ?
Hiérax
Fille qui retarde la noce
N’est guère éprise de l’époux
pirante
C’est la pudeur qui tournevire.
Hiérax, hoche la tête
Ta la lerita la lerita la lerire.
Air : Monsieur La Palisse est mort
Tiens, ce fut dans ces vallons
Que... Mais je vois l’infidèle.
pirante
Débitez-lui vos raisons !
Hiérax
Laisse-moi avec elle !
Scène iii
Hiérax, Io
io
Air : Lere la
M’aimez-vous ? Puis-je m’en flatter ?
Hiérax
Cruelle en pouvez-vous douter ?
La belle question à faire !
Lere la, quelque chimère
Vous tient là.
Se touchant le front.
io
Vous y voilà !
Tenez, je crains un funeste présage !
Hiérax
Air : Lon la
Quoi ?
io
Suivons l’avis des cieux.
Tout à l’heure, dans ces lieux,
Certain rossignol
Chantait en bémol ;
Un gros matou sans honte
Vient de l’avaler comme un bol.
Hiérax
Hélas, quel pauvre conte !
Fi donc,
Fi donc, quel fichu conte !
Eh, bien ! Que concluez-vous
Air : Il est pourtant temps de me marier
Après un si bel examen ?bis
io
Qu’il faut différer notre hymen.bis
Faites-moi quartier
Un bon mois entier !
Hiérax
J’ose parier
Qu’il est pourtant temps, pourtant temps, ma chère,
Qu’il est pourtant temps de vous marier !
Mais cessez de lanterner : convenez que votre cœur se détache de moi !
io, très froidement
Air : Non, je ne ferai pas [ce qu’on veut que je fasse]
Non, je vous aime encor...
Hiérax
Quelle froideur extrême !
Inconstante, est-[ce] ainsi qu’on doit dire qu’on aime ?
Vous avez l’air contraint et le lugubre ton
D’une fille par force épousant un barbon.
io
Air : De quoi vous plaignez-vous, [belle Iris, quand on vous aime]
À tort vous m’accusez :
N’avez-vous pas vu, j’y songe,
Vos rivaux méprisés,
À tort vous m’accusez !
Hiérax
Dans le chagrin qui me ronge,
Que diantre me citez-vous ?
Mal d’autrui n’est que songe,
Surtout pour les jaloux.
Il y a bien de la différence entre moi et mes rivaux.
Air : L’Amant Protée
Comme eux, à votre humeur sévère
Je ne suis point fait, ma très chère,
Tic, tic, tic, tic,
Io, c’est le hic.
Lorsqu’on s’est vu comme un compère,
Quel tourment de cesser de plaire,
Toc, toc, toc, toc,
Cela m’est donc hoc !
Jarnicoton ! Je ne vois que trop que j’ai mangé chez vous mon pain blanc le premier.
io, niaisant
Avez-[vous] bientôt tout dit ? Eh ! Quoi point de relâche ?
Air : Tout ci, tout ça
Toujours votre amour se plaindra !
Tout ci tout ça
Hiérax
Et c’est justement dont j’enrage ;
io
Vous avez tort ; oh ! Pour cela,
Il ne tient qu’à vous, je le gage
De ne plus faire ce train-là
Holà, mon cher, holà !
Hiérax, la contrefaisant
Vous avez tort ; oh ! Pour cela,
Il ne tient qu’à vous
De m’épargner ces chagrins-là
Holà, ma chère, holà !
Hiérax et Io répètent ensemble ces quatre vers.
io
D’où vient que partout ou je vous vois, vous ne finissez pas d’être jaloux, sombre et chagrin ?
Hiérax
C’est votre faute !
io
Ma faute ! À moi ?
Hiérax
Air : Boudrillon
Oui, la vôtre, inhumaine !
io
Quittez ce triste ton, boudrillon !
Hiérax, s’en allant
Je vois que je vous gêne.
io
Adieu, dolent garçon, boudrillon !
Et toujours boudrillon, boudrillon dondaine
Et toujours boudrillon, boudrillon dondon
Scène iv
Io seule
io
Air : À l’hôtel de la comédie,
On dit qu’Hiérax se mutine
Sans raison, lorsqu’il se chagrine
Et se plaint à moi de son sort...
Il n’est pas si déraisonnable,
Au fond le pauvre diable
N’a pas tort.
Voyant Mercure descendre.
En voici la preuve.
Air : Je suis un bon soldat, titata
Mercure ici descend
Seulement
Pour moi sur ce nuage ;
Il m’a, mais en secret,
Déjà fait
Plus d’un galant message.
Scène v
Io, Mercure
mercure, sur le nuage
Air : La rivière de Loire est grande
Le dieu qui tient le tonnerrebis
Descend presque à mes talons
Sur la terre
Et ses projets sont fort bons
Il crie très haut.
Allons, allons, allons, allons, allons.
Il descend et dit à Io.
Air : Polyphème
C’est ainsi que l’adroit Mercure,
Abusant toute la nature,
Lui fait avaler le goujon.
Ah, voyez donc ! Ah, voyez donc !
On ne vient que pour vous, ma reine,
Ce que j’ai dit haut est chanson
Pour frauder le qu’en-dira-t-on
Ton ton ton ton tontaine,
Qu’en-dira-t-on,
Ton ton ton, etc.
io, affectant de la modestie
Jupiter me fait en vérité bien de l’honneur !
mercure
Oh ! Pas trop...
io
Pourquoi se donne-t-il la peine de descendre du haut des cieux ?... Mais les divinités de la terre sont elles averties de son voyage ?
Air : Je ne suis [né] ni roi ni prince
Aurons-nous des échos, des danses ?
mercure
Non, à cause des conséquences.
Quoique avec un bruit éclatant
Il vienne dans cette contrée,
Jupiter voudrait bien, pourtant,
Ne voir que vous à son entrée.
Il tonne.
Mais le voilà lui-même qui se fait annoncer.
io
De quoi ce dieu galant s’avise-t-il de tonner de la sorte ?
Air : Votre époux, belle laitière
Dans un amoureux mystère
Est-ce ainsi qu’il est secret ?
mercure
Près de vous il saura faire
Plus doucement claquer son fouet
D’un ton de caresse.
Clique et claque et tique tique tac,
Plus doucement claquer son fouet.
Scène vi
Io, Mercure, Jupiter descendant des cieux
On joue pour ritournelle l’air des Flon, flon flon des lanturlure, du \emph Banquet des Sept Sages.
jupiter, dans son char
Air : Des flon flon des lanturelure
Jupiter vient sur la terre
Pour la combler de bienfait.
io, à part
Pourquoi porter le tonnerre,
Quand on va donner la paix ?
mercure, à la cantonade
Avancez, chefs de famille,
Ce Dieu va vous enrichir tous ;
Mais si vous avez de[s] filles,
Renfermez-les bien chez vous !
jupiter, à Mercure, à part, après être descendu
Mercure, la nymphe m’attend de pied ferme ?
mercure
Oh ! Ce n’est pas une poltronne à reculer dans l’occasion.
jupiter
Même air
Je vais aborder la belle
Sans la couvrir d’un brouillard.
mercure
Moi, pour vous, en sentinelle,
Je vais me mettre à l’écart.
L’amour tous deux vous appointe,
Profitez de ce doux moment,
Et poussez là votre pointe
Mieux qu’un héros des romans !
Scène vii
Jupiter, Io
jupiter
Air : Tu croyais, en aimant Colette
Je vous apprends que mon empire
Confond les dieux et les humains.
Je vous aime, et pour vous le dire
Je viens, le foudre dans mes mains.
io
La déclaration est fort galante !
Même air
Pour faire l’aveu de sa flamme,
En pleine paix, que dirait-on
D’un officier qui, chez sa dame,
Irait avec son esponton ?
jupiter
Vous esquivez, mignonne ! Répondez précisément : aurez-vous égard à la grandeur de ma puissance ou à l’excès de mon amour ?
io
Air : J’étais perdue
Que me sert-il que pour sa part
Votre amour me prenne ?
Hélas ! L’honneur m’en vient trop tard
Car j’ai mon étrenne :
J’ai déjà donné ma foi,
Ma fierté s’est rendue.
Il vous faut du neuf, et moi
Je suis... Je suis vendue !
jupiter
Air : On dit que vous aimez les fleurs
C’est pour votre premier vainqueur
Une assez grande gloire
D’être encor dans, d’être encor dans,
Dans votre répertoire.
Un petit bourgeois devrait-il me boucher si longtemps le passage de votre cœur ?
io
Air : La Ceinture
À Paphos, il n’est point deux prix :
Tout paraît égal quand on aime
Et si la nuit tous chats sont gris,
Dans les amours le sont de même.
jupiter
Cette proposition-ci n’est pas exacte...
io
Mais...
jupiter
Mais ? C’est trop longtemps chicaner !
io
Bon ! Je ne suis pas si chicaneuse que vous feignez de le croire... Mais je m’embarbouille ; laissez-moi en repos, portez votre pratique à d’autres appas
Air : Oh ! J’étais en belle humeur
Si vous cherchez de la douceur,
Un feu commode, un petit cœur
Bien facile à surprendre,
Je sais des tendrons en belle humeur
Qui, sans trop se défendre,
Feront...
Leur gloire de se rendre...
jupiter, avec empressement
Savez vous la demeure de ces tendrons-la ?... Mais que dis-je ? Je me blouse : vous seule me convenez et géométriquement ; Savez vous la demeure de ces tendrons-la ?... Mais que dis-je ? Je me blouse : vous seule me convenez et géométriquement ; \emph sic probo : :
Air : Tout cela m’est indifférent
Belle nymphe, vous l’emportez
Sur toutes les autres beautés
Autant que Jupiter l’emporte
Sur les autres divinités.
io
Quand vous calculez de la sorte,
Je crois que vous vous mécomptez
jupiter
Non, ma règle d’arithmétique est sûre. Oh çà, ma belle enfant, à propos de calcul, achevons notre compte ensemble !
io
Nous l’achèverons une autre fois...
jupiter, l’arrêtant par la manche
Air : Pierre Bagnolet
L’amour pour moi vous sollicite,
Et je vois que vous me quittez.
io
Le devoir veut que je vous quitte...
Par la manche vous m’arrêtez ?
à deux, ensemble
Vous me quittez
Vous m’arrêtez\footnote [Ces deux vers répétés deux ou trois fois]
jupiter
C’est dans ma première visite
Me couper trop court... Ah, restez !
Scène viii
Jupiter, Io, Mercure
mercure
Air : Voici les dragons qui viennent
Voici les dragons, brunette,
Vite, sauvez-vous !
jupiter
C’est Junon ?
mercure
C’est sa soubrette,
Qui sans doute ici vous guette,
Et moi itou.bis
jupiter
Puisque tu as vu Iris, ma jalouse moitié n’est pas loin.
mercure
Air : On n’aime point dans nos forêts
Si votre amour était surpris
Junon ferait un coup funeste.
jupiter, prenant Io sous le bras dit à Mercure
Va, prend soin d’arrêter Iris,
Mon amour prendra soin du reste.
mercure, à part, regardant Io
De ce reste-là, par ma foi,
Je m’accommoderais bien, moi.
Scène ix
Mercure, Iris
mercure, appelant Iris qui traverse le fond du théâtre
St, st, écoutez, belle Iris ! Où courez-vous donc si vite ?
iris
Air : Vraiment, ma commère, oui
Pourquoi m’amuser ainsi ?
C’est pour rien je gage...
mercure
Si :
C’est pour œuvre méritoire
iris, hochant la tête
Vraiment mon compère, voire ?
mercure
Vraiment, ma commère, oui !
Se radoucissant.
Même air
Si je vous disais ici
Que vous êtes mon souci ?
iris, le contrefaisant
Avec plaisir, mon ami,
Même avec un grand merci,
Je recevrais votre histoire,
Mais j’aurais peine a la croire.
mercure
Ho ! L’honnête démenti.
iris
Nous convient-il d’être galant ?
Air : [L’amour] la nuit et le jour
Jupiter et Junon
Ne nous ménagent guère.
Avons-nous, mon garçon,
Le loisir de bien faire
L’amour
La nuit et le jour ?
mercure
Fi donc, Iris, est ce que vous êtes assez sotte pour faire le profit de votre maîtresse avant le vôtre ? Mais que dites-vous là !
Air : Allons à la guinguette
Si mon amour
Fait ma première affaire ?
iris
Bon, pour un jour.
mercure
Non, je ferai, ma chère,
Plus d’un mois mon devoir
De vous, de vous, de vous aimer et de vous voir.
Le moyen de ne vous pas... Tenez, l’autre jour ma tendresse augmenta furieusement au souper des dieux en vous voyant sabler une rasade de mousseux... Ma foi, sans la présence de Jupiter je me serais mis à chanter comme un perdu.
Il chante.
Quand Iris prend plaisir à boire
Bacchus croit que...
iris
Je ne crois pas, moi que Mercure soit si tendre qu’il le dit
mercure
Air : Amis, sans regretter Paris
Pour vous tout de bon je suis pris,
Sachez, mon adorable,
Qu’avec du vin et mon Iris
J’irais...
iris
Allez au diable !
Je vous connais comme si vous étiez mon père : vous n’êtes qu’un libertin de profession.
mercure
Oh ! Mon enfant, je me suis bien corrigé.
iris
C’est ce qui n’est pas possible.
Air : L’esprit vient en mangeant
Quand on aime la grisette,
Ce n’est jamais sobrement,
Et la blonde et la brunette
On vous croque également.
Jamais rien on ne rejette,
Et chez cet amour gourmand
L’appétit vient en mangeant.
mercure
En vérité, mon Iris, vous ne me rendez pas justice !
iris
En vérité, mon petit Mercure, vous feriez bien de ne plus finasser avec moi ! Au moins je ne suis pas curieuse... Mais quel négoce presse Jupiter de descendre ici-bas ?
mercure
Au moins, je ne suis pas curieux aussi, moi... Et ce n’est que par fortune de conversation que je vous demande instamment où Junon est à l’heure que je vous parle.
iris
Junon ! Oh ! Elle est bien loin d’ici ; elle prend le frais actuellement dans les jardins d’Hébé.
mercure
Air : [Et zon,] zon, zon, Lisette la Lison
Elle est bien loin d’ici ?
Vous me trompez, je gage.
iris
Vous me trompez aussi.
mercure, apercevant Junon dans un nuage où il y a une jalousie qui s’entrouvre en traversant le théâtre
Junon est sous l’ombrage,
Et zon, zon, zon,
Friponne, ce nuage,
Et zon, zon, zon,
N’apporte rien de bon.
Air : Vous en venez
Iris parle ainsi sans mystère ?
iris
Pour Mercure il est fort sincère
Mon cher poulet...
mercure
Mon petit nez...
ensemble, ensemble
Vous m’en donnez, vous m’en donnez,
Ah ! Je vois bien que vous m’en donnez,
Que vous m’en donnez.
iris
Fourbe de Mercure !
mercure
Coquine d’Iris !
ensemble, ensemble
Air : Le joli jeu d’amour
Gardez vos soupirs pour quelque autre,
Je reprends mon cœur, foin du vôtre ;
Vous avez triché plus d’un jour,
Loure loure loure loure loure loure lour[e],
Vous avez triché plus d’un jour
Au joli jeu d’amour.
Scène x
Junon, Iris
iris
Déesse ! J’ai cherché inutilement la fille unique du fleuve Inachus.
junon
C’en est fait ; j’ai découvert le pot aux roses ! Comme j’ai soupçonné ce matin Jupiter d’une intrigue toute fraîche à l’eau de fleur d’orange qu’il a prodiguée à sa toilette, je l’ai suivi de loin enveloppée d’une cape de Bretagne.
Air : L’Embarras des richesses, Les richesses et les [vains honneurs]
Mais vainement, de toutes parts,
J’ai cherché sa tendre complice :
Je n’ai vu que troupeaux épars...
Je me souviens d’une génisse :
Jupiter peut, sous cette peau,
Me cacher la nymphe qu’il aime,
Puisque pour Europe en taureau
Ce Dieu s’est transformé lui-même.
iris
Il devait plutôt se servir aujourd’hui de cette métamorphose. S’il est vrai qu’il ait changé Io en génisse, je ne voudrais pourtant pas être moi sous cette peau-là, car...
Air : Elle est morte la vache à Panier
Si Junon écoute son chagrin,
Elle est morte la vache à Jupin.
junon, regardant de tous côtés
Nous sommes dans des lieux écartés et cependant
Air : On n’entend plus le bruit des armes
Tiens, vois comme la terre est belle :
L’amour rend un désert charmant
Près d’une maîtresse nouvelle.
Le Ciel même ne plaît pas tant
Avec une épouse immortelle.
iris
Cela n’est pas fort étonnant.
Même air
Quand d’un mari nous faisons choix,
Suivons la voix
De nature.
Chez Hymen parfois reste Amour
Mais à la cour
Il ne dure.
Bientôt il tombe, pouf !
Ouf !
C’est là son vice.
Et chez sa femme un grand
Rend
Peu de service.
Je pense que, suivant votre louable coutume, vous allez bien laver la tête à votre vaurien de mari.
junon
Non, Jupiter veut aujourd’hui faire le fin avec moi.
iris
J’entends, vous lui riposterez sur le même ton : je m’imagine qu’il apprendra bientôt à déchanter.
junon
Air : Ouiche, [ouiche]
Jupiter armé d’artifice,
Tout Jupiter qu’il est, saura
Qu’il n’est près de moi qu’un novice
Quand de fourber il s’agira.
Ha ! Ha ! Ha !
Ouiche, ouiche,
Je suis femme on me trouvera
L’esprit en friche,
Ouiche, ouiche,
Eh oui-da !
Il vient, faisons avaler la pilule à mon mari.
Scène xi
Jupiter, Mercure, Junon, Iris
jupiter, bas à Mercure
Faisons avaler le goujon à ma femme.
iris, à part
Voici une situation de ménage.
jupiter, à Junon
Eh, quoi ! C’est vous, ma chère femme ? Je ne vous croyais pas si proche.
Air : Ma belle digue don
Çà, quel bon vent vous amène ?
Belle digue don digue don dondaine.
junon
Je ne vous suivrai pas plus loin
jupiter, bas
Bon.
Haut.
Ma belle digue digue, ma belle digue don.
junon
Quoiqu’on vous quitte avec peine...
iris, à part, ironiquement
Belle digue digue digue don dondaine.
jupiter, à Junon
Même air
Oh ! Vous vous moquez ma reine ?
iris, à part
C’est la vérité, digue don dondaine.
junon, à Jupiter
De vos feux, j’attends un nouveau don.
jupiter
Parlez, ma digue digue, parlez ma digue don !
junon, à Jupiter
Vous m’aimez, j’en suis certaine...
mercure, à part, ironiquement
On sait bien cela, digue don dondaine.
jupiter, à Junon
Air : Vos beaux yeux n’ont qu’à parler
Souhaitez et sans nuls délais
Je promets
Que vos vœux seront satisfaits.
À part.
Que je vais vous berner, déesse !
junon, à part
Volage dieu que je vais vous siffler !
jupiter, haut à Junon
Que voulez-vous de ma tendresse ?
Vos beaux yeux n’ont qu’à parler.
junon, faisant la révérence
Je n’en attendais pas moins de votre honnêteté... J’y répondrai avec usure et pour vous en donner de promptes marques, je vous prie de me conseiller au sujet d’une nouvelle nymphe que je couche en joue.
Air : Ce n’est point par effort qu’on aime
Je veux avoir votre suffrage.
jupiter, à part
Depuis quand ?
junon
J’en fais grand cas.
jupiter
Quel est votre choix ? Je présage
Que l’objet est rempli d’appas
junon, souriant
La nymphe qui me plaît, je gage,
Mon cher, ne vous déplaira pas.
C’est la fille d’Inachus.
jupiter, étonné
La fille d’Inachus !
mercure
La fille d’Inachus !
junon, à Jupiter
Air : Joconde
Pourquoi cette exclamation ?
Déclarez-vous pour elle...
iris, à Jupiter et malignement
Pouvez-vous mettre en fonction
Une nymphe plus belle ?
junon, examinant Jupiter
Sa voix n’inspire que l’amour,
On dit qu’elle est divine...
mercure
Oui ; mais on dit que pour la cour
La nymphe est trop peu fine.
junon, ironiquement
Mercure croit apparemment être en droit de parler ici comme dieu de l’éloquence
mercure
Il est vrai que mon éloquence est... est... est fort à votre service.
jupiter, à Mercure
Paix, babillard !
junon, à Jupiter
Air : Vous parlez gaulois
Aurai-je ce que je demande ?
jupiter
Peut-on d’une gloire trop grande
Combler votre choix ?
mercure, bas
Oh ! Quel iroquois !
Haut.
Mais...
junon, fièrement
Mercure avec moi marchande
jupiter, à Mercure
Obéissez, Junon commande...
iris, à Mercure
C’est parler français.
mercure, bas
Comme un bon bourgeois.
jupiter, à Mercure
Air : Je suis la fleur des garçons du village
Allez, enfin obéissez Mercure
Et chez Junon menez Io.
Elle y va faire une belle figure...
Il sort.
mercure, sans le voir partir
La vôtre ici n’est qu’un zéro.
Mercure croyant parler à l’oreille de Jupiter dit à Junon qui s’est glissée subtilement à la place de son mari :
Ne voyez-vous pas, imbécile, que votre maligne bête de femme ne fait ainsi la sucrée que pour vous escamoter la nymphe. Mais
Air : L’amour me fait mourir
Allez jusqu’à la source
De ces feintes douceurs.
Ventrebille !
Vous donnez votre bourse
À garder aux voleurs.
junon, éclatant
Je vous y prends mon coquin !
mercure, s’enfuyant
Sauvons mon casaquin.
Scène xii
Junon, Iris
iris
Air : Allons chez
Enfin votre rivale
Va prendre vos leçons.
junon
Il faut qu’on la régale
De toutes les façons :
Allons gai, d’un air gai, chez Hébé, etc.
iris
Mais ne serait-il pas plus convenable à la dignité de la reine du monde d’attendre Io dans son palais que de se donner la peine d’aller chercher une petite nymphe destinée pour la servir ?
junon
Air : Vous avez raison, la plante
Vous avez raison,
La belle,
Iris vous avez raison,
Et Junon
Ne doit pas, hors de chez elle,
Recevoir sa chambrion.
Allons donc !
Voyons la péronnelle,
Mais dans notre maison
iris
Allons... Mais comment ferons-nous pour nous rendre dans votre palais ? Comme je ne me figurais pas que votre affaire serait si tôt faite, j’ai renvoyé votre équipage et le mien.
junon
Air : La bonne aventure
Je sais remède à cela :
Notre route est sûre.
Un instant nous fournira
La poste de l’Opéra.
iris
La bonne voiture, ô gué !
La bonne voiture.
junon
Assurément. Et les coureurs anglais sont des tortues auprès des attelages de la muse lyrique.
iris
Oh ! Il faut l’avouer :
Air : Je méprise les avantages,
Dans les agréables retraites,
Du fonds des Enfers aux planètes,
Dans l’instant le voyage est fait.
junon
Dans ces dangereuses retraites,
Les dieux ainsi que les poètes
Sont soumis au coup de sifflet.
Scène xiii
Junon, Iris, Hébé et sa suite composée de jeunes gens de l’un et de l’autre sexe d’enfants
Le théâtre change et représente le palais de Junon ; Hébé et sa suite y sont rassemblées ; on joue pendant le changement de décoration l’air du Mai.
junon
Air : Mai
Dans mon Palais, jeunes fillettes
Vous ne danserez pas seulettes,
Voilà des garçons ; allons gai !
Que chacune,
Blonde ou brune,
Des jarrets fasse l’essai !
iris, bas à Junon
Pouvez-vous songer à la danse dans la situation ou vous êtes ?
junon
C’est pour cacher mes chagrins à cette jeunesse étourdie.
Air : Ô reguingué, [ô lon lan la]
Je veux même dans ce moment,
Pour feindre plus parfaitement,
Être du divertissement,
Et paraître autant politique
Ici qu’au Théâtre Lyrique.
Allons, mes enfants, de la joie et force contredanses nouvelles !
On danse.
junon, chante
Que c’est un plaisir charmant
D’être jeune et belle !
On vous lorgne à tout moment,
Et lorsqu’un peu finement
Vous jouez de la prunelle,
Vous ripostez joliment.
Le cours, le Moulin de Javelle,
Le bal, voilà votre élément.
Chaque jour fête nouvelle,
Chaque jour nouveau galant.
Que c’est un plaisir charmant
D’être jeune et belle !
Mais est-on fille ? Il faut se choisir un amant
Plutôt libéral que fidèle
Est-on femme ? Il faut promptement
Façonner son mari sur le dernier modèle
Que c’est un plaisir charmant
D’être jeune et belle !
On danse.
Une Italienne chante.
junon, à la suite d’Hébé
Oh çà, jeunesse ! Mon fils Mars m’a donné l’autre jour un vaudeville nouveau qui vous convient assez :
Air : La troupe italienne restera
Sur les rives de la Seine
Peut-être que bientôt ce vaudeville ira
La troupe italienne
Faridondaine
L’apprendra.
Puis en chœur sur la scène
Faridondaine
Le dira.
vaudeville
1
Jeunes tendrons, dans le bel âge,
Que vous sert-il de savoir tout charmer
Si vous avez un cœur sauvage ?
Avec mille attraits en partage,
C’est grand dommage
Que vous ne sachiez pas aimer !
2
Dans son magnifique équipage,
Ce gros Damis croit qu’on l’admire. Hélas !
Peut-on se tromper davantage ?
Avec tant d’écus en partage,
C’est grand dommage
Que l’esprit ne s’achète pas !
3
Toi que le dieu des cœurs engage
Pour dissiper le chagrin importun,
Avec Bacchus fais ton voyage !
Il empêche plus d’un naufrage.
C’est grand dommage
Lorsque l’amour s’embarque à jeun.
4
Sur la scène, votre langage,
Damon, vos vers ont l’art de nous charmer :
N’en demandez pas davantage !
La raison manque à votre ouvrage.
C’est grand dommage
Que vous ne sachiez que rimer !
5
Daphné, sous un sombre feuillage,
Folâtrait seule avec un jeune amant
Dont l’amour dictait le langage.
La belle acceptait son hommage,
Mais, quel dommage !
Sa mère vint dans ce moment.
6
L’épouse de Cléon fait rage
Et devant lui d’un petit air aisé
Traite le plus galant hommage.
Avec une femme si sage,
C’est grand dommage
Que Cléon soit vulcanisé !
7
Au point du jour, dans un bocage,
Lise et Colin de mille heureux instants
Commencèrent le doux usage.
Sur le soir, Lise dit : \og j’enrage !
C’est grand dommage
Que nous n’ayons pas plus de temps !\fg
8
À sa nymphe très peu sauvage,
Un financier, plumé du haut en bas,
Disait : \og Fille, tu n’es pas sage.
- Ah ! Lui répondit la volage
C’est grand dommage
Que vous n’ayez plus de ducats\fg.
9
[D’]une Philis un peu sur l’âge
Galant gascon convoitait fort l’écrin.
Un seul rubis fut son partage.
\og Eh donc ? dit-il en son langage,
C’est grand dommage
De rester en si beau chemin !\fg
10
Au public.
Messieurs, quand notre badinage
Sait de vos ris exciter l’enjouement,
Nous n’en voulons pas davantage.
À la fin d’un comique ouvrage,
C’est grand dommage
Quand le public sort gravement !
Scène xiv
Junon, suite d’Hébé, Iris, et Mercure conduisant Io par la main
iris, à Io
Air : Par bonheur ou par malheur
Servez nymphe et servez bien :
Junon ne vous plaindra rien.
Vous irez à sa toilette
Quand elle se coiffera.
mercure, bas à Io
Et Jupiter en cachette
À la vôtre se rendra.
junon
Sortez tous ! Vous, Io, attendez dans mon antichambre ; vous, Iris, demeurez.
Scène xv
Junon, Iris
junon
Air : Au bal du cours des Dames
D’Io qu’allons nous faire ?
iris
Mettez-la chez Argus :
C’est un garde sévère.
junon
As-tu l’esprit perclus ?
Je la renfermerais en vain chez ce bonhomme.
Mercure irait guetter,
Flûter,
Et bientôt assoupi
D’ennui,
Argus ferait un somme.bis
iris
Vous avez bonne opinion de la musique de Mercure !
junon
Même air
Quand je tiens ma friponne,
Tu veux tranquillement
Que je la pensionne ?
C’est penser sottement.
C’était à Jupiter à faire à sa poulette,
Dans quelque hôtel garni,
Un nid,
Où ce coq pût la voir
Le soir
Bien mieux que sur l’herbette.
iris
Vous me faites comprendre que Jupiter a bien manqué de prudence dans cette occasion-ci.
junon
Compte que je ne m’amuserai pas ici à des épisodes inutiles quoique gracieux et à des métamorphoses qui ne font pas honneur à ma puissance.
iris
J’entends ; vous ne voulez pas qu’Argus changé en paon et Hiérax en oiseau de proie décréditent votre protection dans la rue Française comme dans la rue Saint-Honoré.
junon
Non ; Io n’ira pas en séquestre.
Air : Grimaudin
Junon est par trop colérique
Pour se borner
À la vengeance très modique
D’emprisonner
Une rivale qu’elle hait.
Me connaîtrait-on à ce trait ?
Iris sort.
Fais rentrer Io !
Air : Amis, sans regretter Paris
Sa présence m’inspirera
Quelque supplice étrange.
Belle nymphe, on vous apprendra
Comment Junon se venge.
Scène xvi
Junon, Io
io
Que me veut ordonner l’auguste Junon ?
junon
Écoutez bien, ma petite !
Air : Branle de Metz
On ne plaît guère à l’épouse,
Lorsqu’on plaît tant a l’époux,
Je vous le dis, entre nous.
Vous rendez Junon jalouse,
Et ce n’est pas sans raison
(J’en ai compté plus de douze).
Quoi, vous me supplantez donc ?
Vous en aurez tout du long !
airopera
Sors, barbare Érinys, sors du fonds des Enfers !
Scène xvii
Junon, Io, Érinys sortant par une trappe et chargé de toutes sortes de fouets
junon, à Érinys
Air : Ramonez-ci, [ramonez-là]
Sers ma vengeance fatale,
Va promener ma rivale,
Sans la quitter d’un seul pas :
Du froid au chaud,
Du chaud au froid,
Et sans gants,
Dans l’univers du haut en bas.
io, sur le chant du dernier vers
Quelle rude corvée hélas !
junon, à la furie
Fatigue-la tant qu’elle perde ses charmes et le peu d’embonpoint qui lui reste.
Erinys, à Junon
Vos ordres seront exécutés au pied de la lettre, je vous le jure, foi d’honnête Furie.
Air : Et surtout prenez bien garde [à votre cotillon]
J’amaigrirai tant ce tendron
Qu’en voyant ce visage long
L’on sera sans tentation
À Io.
Oui, bientôt, mon petit bouchon,
Il ne sera plus question
De prendre de si près garde
À votre cotillon.bis
junon, à Érinys
Air : Absent de l’objet de ses feux
Punis au gré de mon courroux
La pimbêche qui m’outrage
io, à Junon
Ô Dieux, où me réduisez-vous ?
junon, ironiquement
Partez, faites bon voyage !
À part, regardant la Furie qui lutine Io en l’emmenant.
Et gai, gai, gai, gai, comme elle y va !
La la la la la la la la la la la la la la [la].
finacte
Acte ii
Le théâtre représente l’antre des Parques et l’Enfer dans le fond.
Scène i
Maître Simon, la Guerre
La Guerre
Parlez, Maître Simon ! Vous qui êtes le rémouleur ordinaire des Parques, ne savez-vous pas qu’elles ont aujourd’hui une visite sérieuse à recevoir qui les oblige à se mettre sur leur droit ? Vous devriez bien plutôt que de vous amuser ici aller donner un tour de meule à leurs ciseaux.
Maître Simon
Bon.
Air : J’en jurerais presque sur sa laideur
De leurs ciseaux la lame est claire et blanche :
On les croirait moins d’acier que d’argent.
Rien n’est si dur qu’avec eux on ne tranche :
Ils couperaient l’âme d’un vieux sergent.
La Guerre, riant
Air : Au Cap de Bonne-Espérance
Vous deviez être sur terre
Un fameux gagne-petit !
Maître Simon
À tort l’épineuse Guerre
De mon devoir m’avertit ;
Les Parques ont connaissance
De ma grande diligence.
Ma foi, ces dames n’ont rien
Que je ne repasse bien.
La Guerre
C’est parbleu fort bien fait à vous, mais allez presser l’assemblée qui doit se rendre ici.
Maître Simon
Cette affaire-là est toisée et j’en ferai mon rapport en temps et lieu.
Il sort.
La Guerre, seule
Morbleu, Mesdames les Maladies, venez donc ! La Guerre n’est pas faite pour vous attendre. Mais voici pour me désennuyer deux des plus aimables sujets de la cour des Parques, l’Incendie et l’Inondation.
Scène ii
La Guerre, l’Incendie, l’Inondation et leur suite composée de brûleurs de maisons et de porteurs d’eau
linondation
Air : La bonne aventure, ô gué,
La troupe la plus hardie
N’attend pas ma jonction.
Je suis l’Inondation.
lincendie
Et moi je suis l’Incendie :
Je réduis tout en charbon.
linondation
En large et en long,
D’un beau canton
Quand je gâte la verdure...
lincendie
Quand je brûle une maison...
à deux, ensemble
La bonne aventure ! Ô gué,
Ô gué, la bonne aventure !
La Guerre, les abordant
Bonjour, mes agréables ! Comment va votre petit négoce ?
lincendie
Ah, charmante Guerre ! Depuis que la Paix vous a damé le pion, notre crédit est absolument tombé et moi qui vous parle, je n’ai rien fait qui mérite
le suffrage des connaisseurs depuis le célèbre embrasement de Londres.
linondation
Et moi, je n’ai rien fait de raisonnable depuis que j’ai submergé il y a plus d’un siècle une province de la Hollande.
à trois, ensemble
Air : Ah ! Mon beau laboureur
Le bon temps est passé,
Tout va de mal en pire ;
Pas un empire
Ne gémit, ne soupire
Et n’est vexé !
La Guerre
J’aperçois bonne compagnie qui nous arrive : c’est la Fièvre chaude qui ne va que par sauts et par bons, la Fièvre lente la suit à pas comptés.
Scène iii
La Guerre, l’Incendie, l’Inondation, les Fièvres Chaude et Lente
La Fièvre lente, tremblant toujours
Air : Les Trembleurs d’Isis
Vous voyez la Fièvre lente
Toujours débile et tremblante
Qui très sourdement s’enfante
Et vous mine et vous tourmente
Comme font certains procès
La Fièvre chaude, l’interrompant et sautillant toujours
Air : Les Vieillards
Vous voyez en moi la Fièvre chaude
Qui très fort clabaude
Dans ses accès.
La Fièvre lente, l’interrompant aussi
Trembleurs d’Isis
Volontiers je m’emménage
Chez fillette assez peu sage
Pour languir dans le filage
Tandis que dans le bel âge
Les remèdes sont si près.
La Fièvre chaude
Suite de l’air : Vieillards de Thésée
Je ris, j’épouvante,
Je jure, je chante,
Et je dis tout sans égard
Très peu je harcèle
Normande cervelle,
Mais ce n’est que tard
Que je quitte celle
D’un bon Picard.
La Guerre
Nous voilà assez de monde pour brailler un chœur en attendant les Parques. Allons, Mesdames les Fièvres et vous, Messieurs les Redoublements, égosillez-vous à l’envi ! Ce n’est pas tous les jours qu’on entend chanter les maladies.
Air : On le mène tambour battant
Exécutons l’arrêt du sort
Faisons périr l’humaine engeance !
Vous, médecins avec la Mort
Toujours en bonne intelligence,
Pata pata pan pata pan pan pan,
Tuez, tuez, tambour battant !
chœur
Pata pata pan pata pan pan pan
Tuez, [tuez,] tambour battant !
La Guerre
Air : Ho, ho, ho, le mauvais trio
Vous, Fièvre chaude, avec la Fièvre lente,
Redoublez votre rage ardente
Ho, ho, ho,
L’excellent duo !
chœur
Ho, ho, ho,
L’excellent duo !
La Guerre
Mais que nos transports recommencent :
Je vois les Parques qui s’avancent.
Ho, ho, ho,
Le joli trio !
Scène iv
Les acteurs précédents, les trois Parques Atropos, Clotho et Lachésis l’une filant avec une grande quenouille, l’autre tenant un dévidoir, et la troisième de grands ciseaux
Les Parques
Air : J’ai dans ma pochette
Le fil de la vie
De tous les humains,
Suivant notre envie,
Tourne dans, tourlourirette,
Tourne dans, lon lan derirette,
Tourne dans nos mains.
clotho
Air : Il faut que [je file]
Il faut que je file, file...
atropos
Ma chère sœur, de grâce, interrompez votre filage ! Nous avons étés sollicitées de la part de Jupiter pour écouter seulement une petite personne qui l’intéresse, il faut que...
Même air
Il faut que je coupe, coupe.
Air : Ma pinte et ma mie, au gué
À l’autre... préparez-vous,
Parques étourdies,
À ce qu’on attend de nous.
Mais d’où vient, mes mies,
D’où vient que dans ce beau jour
Il manque dans notre cour
Tant de maladies, ô gué,
Tant de maladies ?
Scène v
Les acteurs précédents, Maître Simon
Une des Parques
Maître Simon ! Rendez-nous un peu compte de vos ambassades : pourquoi la Goutte n’est elle pas accourue ici ?
Maître Simon
La Goutte s’est cramponnée sur les deux mains d’un marquis et l’empêche de payer ses dettes.
Air : Aïe, Jeannette
Il ne devrait pas six blancs
Sans ce mal qui le transporte,
Mais dès qu’il voit des marchands
Il dit d’une voix plus forte
Aïe, aïe, aïe,
Aïe, aïe, aïe, qu’on sorte,
Qu’on sorte, aïe, aïe, aïe !
Une des Parques
Mais l’Indigestion, que fait-elle ?
Maître Simon
Air : Ton joli, belle meunière
Elle fait, ma foi, le diable,
Depuis ce matin,
Chez un abbé formidable
Le verre à la main
Qui nuit et jour fait à table
Aller son moulin.
Une des Parques
Quant à la Famine, je parierais bien qu’elle est restée chez quelqu’habitants du Parnasse.
Maître Simon
On ne peut l’arracher de chez ces messieurs-là.
Une des Parques
Air : Cap de Bonne-Espérance
Mais à propos de poète,
Dites-moi, maître Simon :
D’où vient qu’à notre diète
La Migraine fait faux bond ?
Maître Simon
Depuis deux mois, la Migraine,
Près d’un connaisseur, engraisse.
Une des Parques
Où l’a-t-elle donc saisi ?
Maître Simon
Chez le prince de Noisy.
Ho ! Elle fait bien des siennes dans cette petite cour-là.
Une des Parques
Ouais ! Il me semble que la visite qu’on nous a annoncée tarde bien à se faire... Maître Simon, allez savoir ce qui peut la retarder !
Scène vi
Les Parques, la Guerre et leur suite, Maître Simon, Io, la furie qui la mène en laisse
Maître Simon, aux Parques montrant Io et la Furie
Ah ! Tenez, ces deux jeunes personnes qui entrent ensemble sont justement ce que vous attendez.
io, aux Parques
Air : Fleuve d’oubli
Chacun pour longtemps vivre
Vient vous crier merci, i, i, i,
Et moi
Du combat qu’on me livre
Lasse, je viens ici, i, i, i,
Pour en perdre la mémoire
Dans le fleuve d’oubli...
Les Parques, hochant la tête
Biribi !
io
Vite à boire, vite à boire !
Une des Parques
Qui êtes-vous donc, Madame l’impatiente ?
io
Air : Pèlerins de Saint-Jacques
Vous voyez une pèlerine
À l’abandon.
Hélas ! Jour et nuit je chemine,
Et sans bourdon.
J’ai pour compagne (quel chagrin !)
Cette mégère ;
J’aimerais mieux un pèlerin...
Les Parques
Nous vous croyons, ma chère.
io
Depuis que cette diabolique gouvernante me mène en tête, Dame, j’ai vu bien du pays. Mais admirez sa malice.
Même air
Comme elle sait qu’un rien me glace,
Chez les Lapons
Elle m’a traînée à la chasse
Sans mes jupons ;
Enfin le corps de froid perclus,
Ayant l’onglée,
Elle m’a conduit à Pirrus
Pour me voir plus gelée.
Une des Parques, à la Furie qui a les bras croisés
Oh çà, vous taciturne et immobile Furie, apprenez-nous quel est le crime de cette nymphe persécutée par votre paisible ministère !
La furie
Air : J’en dis du mirlirot
Elle a rendu Junon jalouse,
Jupiter trahit son épouse.
Les Parques
Je n’en dis mot.
La furie, montrant Io
Quoiqu’il aime fort cette dame,
Ce dieu l’abandonne à sa femme.
Les Parques
J’en dis du mirlirot.
io
Ô Déesses souveraines, qui taillez et rognez à votre fantaisie le genre humain, je vous conjure de m’enseigner un chemin pour sortir promptement de la vie malheureuse que je mène.
Une des Parques
Mais, ma belle fille, ce n’était pas trop la peine de venir nous relancer jusques au fond des Enfers pour nous demander le chemin de la mort : le premier garçon apothicaire te l’aurait appris ! Au reste, ne pense pas l’obtenir si aisément la grâce de mourir, nous ne sommes pas sur cet article-là si complaisantes que les médecins.
io
Quoi ! Il n’y a rien à rabattre sur mon mauvais marché ?
Les Parques
Air : Il faut que je file
Veux tu qu’on te mette, mette
Au net l’arrêt du destin ?
Si du mal qui t’inquiète
Tu désires voir la fin,
Renonce à l’humeur coquette,
Fais qu’on pardonne à Jupin,
Et que Junon mette, mette,
Mette de l’eau dans son vin.
junon
Air : Attendez-moi sous l’orme
Junon est implacable !
Sur ce dont il s’agit.
Est-il irrévocable
Votre arrêt comme on dit ?
J’en poursuis la reforme
Et de vous je l’attends !
Les Parques, s’en allant
Attendez-nous sous l’orme,
Vous attendrez longtemps.
definitacteur, Chœur de la suite des Parques chœurdelasuitedesparques
chœurdelasuitedesparques, s’en allant aussi
Attendez-nous sous l’orme,
Vous attendrez longtemps.
La furie, à Io
Air : Quand le péril est agréable
Il faut qu’encor je vous promène...
io, impatientée
Où diantre allons-nous à présent ?
La furie
Dans la mer !
io
Oh, c’est trop souvent
Que vous changez la scène.
Est-il donc arrêté qu’Io ne pourra jamais demeurer en place ?
Air : Hélas, la pauvre fille
Hélas ! La pauvre fille,
L’on montre au doigt partout.
Pour une peccadille
Qui ne faisait que la mettre en goût.
Hélas ! La pauvre fille,
L’on montre au doigt partout.
Scène vii
Io, la Furie
Le théâtre change, représente la mer et une des embouchures du Nil. Pendant le changement, on joue l’air Non, je ne ferai pas [ce qu’on veut que je fasse].
Io et la Furie sortent ensemble de la Mer.
io
Air : Non, je ne ferai pas [ce qu’on veut que je fasse]
Terminez mes tourments, ma course vagabonde !
Sans voir irai-je, hélas ! Aux quatre coins du monde ?
Jupiter, souffrirais-je et la glace et le feu
Si votre amour savait se remuer un peu ?
Scène viii
Io, la Furie, Jupiter qui arrive très lentement du fond du théâtre
io, sans voir Jupiter
Air : Quand la Mer Rouge apparût
Jupiter m’aime !... En quel lieu
Pourra-t-on le croire ?
Quoi ! Les bras croisés ce dieu
Reste dans sa gloire.
Tandis qu’on me fait courir
Apercevant Jupiter.
Mais il paraît enfin : quelle diligence ! Parle dieu tranquille :
Dis, viens-tu me secourir ?
Es-tu fa, fa, fa ?
Es-tu vo, vo, vo ?
Es-tu ra, ra, ra ?
Es-tu fat, es-tu veau, es-tu rat ?
Es-tu favorable ?
Au sort qui m’accable ?
jupiter, toujours d’un ton froid et benêt
Eh bien, ma chère Io, comment vous portez-vous ?
io
Comment vous portez-vous vous-même ? Vous avez l’air bien entrepris et bien faible !
jupiter
Il est vrai que je suis un peu embarrassé.
io
Comment donc ! Depuis le bel honneur que vous m’avez fait de me placer auprès de madame votre épouse, je n’ai pas seulement entendu parler de vous !
jupiter
J’avoue que ma négligence est inexcusable, mais je viens la réparer.
io
Réparez donc !
jupiter
Remarquez premièrement qu’à votre considération je descends du ciel, pour la seconde fois, et que je m’expose à faire dire de moi par les railleurs : "Jupiter ne fait que monter et descendre".
io
Comme ils pourront dire de mes courses fréquentes : "Io ne fait qu’aller et venir. "Hélas ! Que j’ai pâti dans ces maudits voyages !
Air : Je n’ai pas le pouvoir
Quoi, n’entendiez-vous pas mes cris ?
jupiter
Je n’en suis pas surpris.bis
Car là-haut ma femme en courroux
Criait plus fort que vous.bis
io
Même air
Calmez les maux dont je gémis !
jupiter
Il ne m’est pas permis.bis
io
Allons, faites votre devoir !
jupiter
Je n’ai pas le pouvoir.bis
io
Air : L’autre jour près d’Annette
Jupiter en cachette
Est donc exprès venu,
Lurelu,
Pour me dire : \og poulette,
Ma flamme est a quia \fg,
Larela,
Lurelu, larela lirette
Quel joli dieu voilà !
Air : Oh, oh, tourelouribo
Son amour prudent rien ne hasarde
Ho, ho, tourelouribo !
À sa barbe on me nasarde
La Furie tiraille Io.
Ho, ho, tourelouribo !
Il n’ose chasser mon garde
Ho, ho, tourelouribo !
jupiter
Comment voulez-vous que je fasse ? Il ne m’appartient pas de changer ce sentinelle-là, c’est à ma femme à le relever... Mais
Air : Je ne suis pas si diable [que je suis noir]
Junon toujours jurotte...
io
Les femmes dans les cieux
Portent donc la culotte
Comme dans ces bas lieux ?
jupiter
Si, par malheur, ensemble
Elle nous trouve ici...
io
Elle approche, je tremble...
jupiter
Et nous aussi.
Scène ix
Jupiter, Io, Mercure, Junon, Iris
Junon arrive sans les voir en murmurant et menaçant héroïquement des poings... Iris la suit les yeux baissés ; Io, craintive, se place derrière Jupiter qui, plus craintif encore, apercevant Mercure, le veut placer entre lui et sa femme.
jupiter, à part, à Mercure
Ah ! Bon, te voilà, Mercure !
mercure, haut, sans voir Junon
Je viens savoir des nouvelles de vos amours.
jupiter, le plaçant devant lui
Motus ! Cache-moi bien seulement !
mercure, haut
Pourquoi vous cacher ?
jupiter
Veux-tu te taire ? Ne vois-tu pas ma femme qui rêve encore à quelque malice pour tourmenter Io ?
mercure
Poue ! Est-ce que Jupiter n’est pas assez grand pour prendre le parti d’une fille qu’il aime ?
junon, à part, sans les voir
Air : Je n’saurais
L’ingrat m’outrage sans cesse !
mercure, à part à Jupiter
Quoi, vous mollissez, poltron !
Et devant votre maîtresse !
Soyez ferme, mon patron !
jupiter
Je n’ saurais !
junon, à part, sans les voir
Si je n’étais pas déesse,
J’en mourrais.
Quoi ! Avoir un mari qui découche depuis quatre ou cinq mille ans.
iris, sans les voir
On mourrait à moins.
jupiter, à part, à Mercure
Air : [Y avance]
Va, parle à ma femme pour moi
mercure
De Mercure est-ce là l’emploi ?
io, à Jupiter
Me laisserez-vous sans défense ?
io et mercure poussant Jupiter du côté de Junon., ensemble
Y avance, y avance, y avance...
Ho ! Quelle sotte contenance !
jupiter, les repoussant
Je n’avancerai certainement pas, mais si Junon approche, je lui parlerai.
io, à part
Quel effort pour le vainqueur des géants ! À Jupiter. Appelez-la donc, puisque vous ne voulez pas l’aller trouver !
jupiter, rechignant
Allons, je vois bien qu’il faut avaler la pilule, piétons-nous.
Haut, à Junon.
Air : L’Amant Protée
Venez, déesse impitoyable,
Venez, voyez, reconnaissez
Cette nymphe autrefois aimable,
Elle a la jaunisse : est-ce assez ?
Abandonnez votre vengeance,
Pour prix de votre complaisance
J’en ferai tant et tant, tant, tant...
junon, hochant la tête
Ces promesses à l’échéance
Ne s’acquitteront pas comptant !
jupiter
Je vous proteste que...
junon
Oh, je ne serai plus la dupe de vos protestations : vous m’avez chanté la même chanson à toutes les escapades que vous faites !
Air : Orléans, Boisgency
Chez Léda, Sémélé,
Europe et Danaé,
Chez Latone et Calypso,
On en compte avant Io
Tant d’autres...bis
jupiter, la caressant
Air : Viens çà, cher Damon
Mon joli chignon...
junon, boudant
Non.
jupiter
Accordez pardon !
junon
Non.
jupiter
À cette brunette
Au teint moribond...
junon
Non.
jupiter
Ce discours n’est pas long !
Est-ce ainsi qu’on répond
Au grand Jupiter ?
junon
Est-ce ainsi que l’on traite
La trop sage Junon ?
jupiter, redoublant de caresses
Calmez votre soupçon :
Votre esprit est bon
Et tout plein de raison.
junon
Non.
jupiter
Songez à toutes les pénitences bizarres que vous avez imposées à cette jeune nymphe !
junon, aigrement
Air : Vous le prenez sur un drôle de ton
Elle ne peut trop souffrir.
jupiter, s’enhardissant
Quoi, guenon ?
junon
Vous le prenez sur un drôle de ton !
Ignorez-vous...
jupiter, s’animant
Je sais, porte-guignon,
Que c’est de vous que son sort doit dépendre.
junon, ironiquement
Mon mignon...
jupiter
Mon trognon...
junon
Calez donc
C’est le ton \ibis\ qu’il faut prendre.
jupiter
Air : Fi donc, Julien
Je vois qu’à me vaincre en ce jour
Il faut que je commence.
junon
Je pourrai vous suivre à mon tour
Dans votre repentance
jupiter, la caressant davantage
Allons, cher cœur,
Plus de rigueur :
Sans délai qu’on se rende !
junon, minaudant
Fi donc, m’amour,
Est-ce en plein jour
Que cela se demande ?
jupiter, étonné
Que voulez vous donc dire, Madame ma femme ?
junon
Air : Le carillon,
Chez l’époux, tendre rapatriage
Doit succéder au carillon,
Don, din dan, don, din, dan, don.
Mais la paix, dans un bon ménage,
Sur le chevet se conclut tout de bon...
Din, don, don, din, don, don,
N’est-ce pas là l’usage ?
jupiter, à part
Malepeste, que Junon est savante sur les droits matrimoniaux !
Air : Tu croyais, en aimant Colette
Feignons de ne la pas entendre...
junon, minaudant toujours
Nous verrons ce soir.
jupiter
Quoi, Junon ?
junon
Comment vous saurez-vous y prendre
Pour la paix de notre maison.
mercure
Cette paix lui coûtera bon.
junon, à part
Air : Ne m’entendez-vous pas
Ne m’entendez-vous pas ?
mercure, à part
Il vous entend, de reste.
jupiter, à Junon, montrant Io
Il faut un secours preste
À cette nymphe, hélas !
Ne m’entendez-vous pas ?
junon
Oui, oui, perfide époux, oui, je vous entends, et mieux que vous ne pensez ! Il est certain que vous prétendez continuer la belle vie que vous menez depuis la création du monde... Ouf !
Air : Encor vit-on
Trop souvent le dieu du tonnerre
Va sur terre
Passer les nuits, ce qui me fâche fort.
Cela m’atterre,
C’est une mort.
Fi d’un époux qui court sans cesse
Chez sa maîtresse !
Quand il revient coucher à la maison
Hon, hon,
Encor vit on.
Si je n’y avais mis bon ordre, vous auriez été vous emménager chez votre Io...
jupiter
Air : Non, je n’en veux pas davantage
Eh bien, par le Styx, j’en jure :
Si vous rendez la beauté
À la pauvre créature,
Je n’en serai plus tenté...
mercure
Avec elle il sera sage,
Et je me rends sa caution.
junon
Et non, non, non,
Je n’en veux pas davantage.
À la Furie.
Air : Jean Gille
Cessez figure inutile
Jean Gille, Gille, joli Jean,
De faire un rôle imbécile
Jean Gille, [Gille, joli Gille,]
Gille, joli Jean,
Joli Jean, Jean Gille,
Retournez-vous-en.
La furie, descendant par une trappe
Fin de l’air : Bonsoir la compagnie
Bonsoir,
Bonsoir la compagnie
junon, à la Furie
Bonsoir ma poule. À Io. Et vous Io,
Air : Que c’était un ravissement !
D’Isis prenez le nouveau nom,
Et dans les cieux brillés sans cesse !
jupiter
Sans qu’on l’en prie, eh ! Quoi, Junon
Fait sa rivale une déesse ?
De son humeur attendait-on
Un changement si doux, si prompt ?
Haut, à Junon.
Quelle bonté !
io
Quel moment ! Que de biens !
Quel honneur ! Quel plaisir ! Quel bonheur !
iris, à part, à Mercure
L’eus-tu dit ?
mercure, à Iris
L’eus-tu cru,
Qu’ainsi Junon avec Io
Voulût partager son gâteau ?
jupiter, à part
Je crois que pour ne pas laisser à Junon le temps de se repentir de sa douceur imprévue, je ne ferai pas mal de brusquer la réception d’Isis dans son nouveau poste de divinité. Haut. Allons, vite, que le ciel s’ouvre et que tous les dieux tant mâles que femelles en descendent au plus grand galop des nuages !
junon
Ce n’est pas assez ! Il faut donner un département à la récipiendaire.
Air : Tuton tutaine
Peuples chez qui coule le Nil,bis
Au pied léger, au doigt subtil,
Tuton, tuton, tutaine,
Et tu, tu, tu,
Venez impromptu !
Et ton, ton, ton,
Dressez sans façon
Autels pour Isis
Comme au bœuf Apis
Au chien Anubis
Au grand Osiris.
Vous la fêterez,
Vous la chanterez,
Vous l’encenserez,
L’historiserez,
Et pour ses appas
Vous n’en ferez pas
Moins que pour les chats
Tuton, tuton, tutaine.
Les dieux descendent du ciel, d’autres arrivent par les coulisses mêlés avec une bande d’Égyptiens.
junon, au chœur
Air : J’ai vu l’horloge du berger
Comprenez-vous
Qu’Isis est immortelle ?
Saluez tous
La déesse nouvelle,
Chantez, cent fois, amis,
Isis, Isis, Isis, toujours Isis, Isis !
chœur
Chantons cent fois, amis,
Isis, Isis, Isis, toujours Isis, Isis !
Le ballet est formé de la danse des Égyptiens et de celle des dieux, où Bacchus figure avec Pomone, Janus avec ses deux visages danse seul, Saturne et Cybèle peuvent danser en vieux.
Une Égyptienne chante.
Cette marge en blanc est pour remplir la chanson de l’Égyptienne.
vaudeville
11
Pendant trois actes, sur la scène,
Junon, à l’Opéra, rudement se démène
Et sa fureur fait son devoir
Sans changer du blanc au noir.
Au cinquième acte, la lionne
Prend tout à coup l’humeur moutonne
Dans un imprévu dénouement
Et change du noir au blanc.
12
Lorsqu’on aime, tout est aimable,
Il n’est pas un objet qui ne semble adorable ;
L’amour change dans un moment
La laideur du noir au blanc.
Mais, épouses, le mariage
De vos yeux ôte le nuage ;
De l’hymen tel est le pouvoir,
Qu’on revient du blanc au noir.
13
L’amant qu’attache une coquette
Croit-il par des mots seuls empêcher la poulette
En lui donnant de l’encensoir
De changer du blanc au noir ?
Lorsqu’il ne conte que fleurette,
Tout le fuit, maîtresse et soubrette,
Mais sait-il compter\footnote Lazzi de compter de l’argent en traitant,
Tout change du noir au blanc
14
Damon est brun, Cloris est brune,
L’hymen allait lier leurs cœurs et leur fortune
Quand les parents, un certain soir,
Ont changé du blanc au noir.
Ils veulent donner à la belle
Pour époux un vieux Sganarelle.
En fait de mari, quel tourment
De changer du noir au blanc !
15
Lorsqu’un époux mélancolique,
Incommode jaloux, censeur sombre et caustique
Pour sa femme, matin et soir,
Sait changer du blanc au noir,
La dame doit, dans son ménage,
Laisser-là gronder son sauvage,
Et s’en aller chez son amant,
Pour changer du noir au blanc.
16
Lorsque la volage Climène
À certain rabat court immole un capitaine,
Elle dit que c’est pour savoir
Juger du blanc et du noir.
Que l’officier ait patience :
La belle après l’expérience
Le tout discuté mûrement
Reviendra du noir au blanc.
17
Au public.
Messieurs, oh, qu’heureuse est la pièce
Qui dès le premier jour vous plaît, vous intéresse,
Sans que pour elle en ce beau soir
Vous changiez du blanc au noir !
Si vous trouvez quelque critique
Contre nous un peu trop caustique,
Faites-le tout doucettement
Revenir du noir au blanc.
Fin