Louis Fuzelier, Claude Florimond Boizard de Ponteau et Charles-François Panard
La Méprise de l’amour
Parodie de Tancrède en un acte, représenté avec le ballet de \emph L’Amour et la nécessité
Foire Saint-Germain
le 10 mars 1729
BnF ms. fr. 9337
definitacteur, chœur des guerriers chœurdesguerriers
definitacteur, chœur des grenadiers chœurdesgrenadiers
definitacteur, l’amour lamour
La Méprise de l’amour
Le théâtre représente la route d’un vivandier de l’armée des Sarrasins. On voit au milieu une table chargée d’un gros baril de brandevin entouré de faisceaux de pipes et de rouleaux de tabac.
Scène i
herminie, argant, jolicœur fumant dans le fond du théâtre
argant
Air : Ta ta ta
Va, Jolicœur, il faut
Tôt, tôt, tôt,
Laisser là la fumée
Et rassembler ici,
Mon ami,
Les grivois de l’armée.
Ils y seront plus gaiement que parmi des tombeaux.
À Herminie.
Air : Je ne suis né ni roi, ni prince
Princesse, vous voyez ma rage
Le sort a trompé mon courage
Tancrède et ses maudits soldats
Ont du terrain pris l’avantage
J’ai perdu la bataille, hélas !
Et qui pis est tout mon bagage.
Il ne m’est resté que cet habit, qui est connu de toutes les troupes sans alliées, qu’ennemis. Ce n’est pas tout, et pour comble de malheurs, Clorinde, cette brave et charmante amazone que j’adore, est prisonnière et je cours la délivrer.
herminie
Air : Non, je ne ferai pas
Ah, que ce jour me donne une fièvre mortelle !
argant
Vous devez à Tancrède une haine éternelle.
Mais ne vous mettez pas en peine, je vous vengerai.
herminie
Quelles mesures prenez-vous ?
argant
Oh ! Des mesures immanquables !
airopera
Au pied de ce tonneau par un serment terrible
Nos grenadiers vont s’engager
D’immoler ce guerrier que l’on croit invincible.
herminie
Hélas !
argant
Vous frémissez !
Air : Tu croyais, en aimant Colette
Tancrède a-t-il touché votre âme ?
Cousine, parlez sans façon.
herminie
Vous avez découvert ma flamme ;
En vain je voudrais dire non.
argant
airopera, Acte I, scène 1
Vous l’aimez ? Ciel ! Est-il possible ?
Et quoi, ne vous souvient-il pas
D’avoir vu vos cousins dénoués au trépas
Par l’effort de son bras terrible !
herminie
Air : Ce fut ce jour fatal
C’est en les égorgeant qu’il me rendit sensible
argant
Air : Absent de ma belle
Pour naître princesse
Dans de tels instants
Que votre tendresse
A fort bien pris son
Taleri leri lalala leralire,
A fort bien pris son temps.
On vient. Allez du moins cacher votre honteuse faiblesse et la pleurer dans votre petit particulier.
Scène ii
argant, isménor
isménor
Air : Joconde
C’est Isménor le négromant
Et sa sorcellerie
Qui vous offre, Seigneur Argant,
Toute sa diablerie.
Ma langue ici n’étalera
De mes secrets l’élite,
C’est aux enchanteurs d’Opéra
À prouver leur mérite.
Quant à moi je ne verbiage point. J’aime votre cousine Herminie, livrez-la moi et je vous livre Tancrède, votre rival, troc pour troc. Est-ce fait ?
argant
Air : Tarare pompon
Non, je veux avec lui faire deux coups de lames ;
Non, il faut que Tancrède expire sous mes coups.
isménor
Air : L’amour veut me surprendre
Dans affaire semblable
N’allez pas le galop,
Et comptez que le diable
N’y sera pas de trop.
ensemble, ensemble
Air : Grelin guin guin
Cher ami, suivons la fureur
Et réparons notre honneur.
Chacun sait notre défaite,
Tout l’univers en caquette,
Le Mercure et la Gazette,
Tout la dit, tout la trompette,
Pette, pette, pette, pette, pette,
Jusqu’aux nouvelles à la main,
Grelinguin guin, guin guin, grelinguin guin guin.
argant
airopera, Acte I
La troupe des guerriers s’avance.
Je vais les engager dans mes ressentiments.
isménor
Je vais employer la puissance
De mes plus noirs enchantements.
Scène iii
isménor, argant et grenadiers
chœurdesgrenadiers
Marche
Air : Et brin bron brac
Brin bron brac
Donnez- nous du tabac
Faisons le miquemac !
argant
Mes enfants on ne vous plaindra rien, mais il y a une petite cérémonie à faire auparavant.
airopera
En immolant Tancrède il faut nous signaler.
Air : Branle de Metz
Jurez d’assommer ce drille
Jurez le sabre à la main
Et de ce bon bran de vin
Vous aurez chacun roquille.
chœurdesguerriers, le sabre à la main, d’un air niais
Morbleu, si je le tenais
Com’je l’étrille, je l’étrille, j’l’étrille,
Morbleu si je le tenais
Comme je l’étrillerais.
argant
Eh ! Ventrebleu ! Quelle contenance pour des grenadiers ! Allons.
Air : Ah ? Vous avez bon air
La tête mieux campée,
La mine retapée,
Tenez mieux votre épée,
Allons donc, enfants,
Quel maintien débonnaire !
Ah ! Vous avez tout l’air
D’un chorus militaire
De guerriers chantants.
isménor
C’est à mon tour à glisser.
Air : Len la
Vous, sorcier, qui m’obéissez,
Rendez-vous ici, paraissez
Sur vos montures ordinaires...
Lère, la !... ah ! Les voilà !
Deux sorciers descendent, l’un monté sur un bouc et l’autre sur un gros chat, une vieille sorcière est au milieu sur un dragon ailé.
Allons, mes chers associés dans la magie noire, ne vous amusez pas à danser. À présent supprimez les gigues pour aller au fait. Mettons-nous sérieusement à l’ouvrage. Montrant les grenadiers. Le voilà , c’est sur tous ces grivois-là qu’il faut exercer nos talents.
Air : Pierre Bagnolet
Il faut les rendre invulnérables
Et leurs exploits seront plus sûrs.
Que leurs corps soient impénétrables
À tous les coups d’estoc futurs !
Faisant des lazzi magiques sur les soldats ainsi que les sorciers et la sorcière.
Devenez durs,
Devenez durs.
Allez au feu, comme des diables,
Mes chers amis devenez durs.
argant
Ceci ma foi n’est pas trop sûr.
La vieille sorcière et les deux sorciers dansent et sont interrompus par un grand tonnerre.
chœur
Air : Belle brune
Comme il tonnebis
Ha, nous allons tous périr !
isménor
Je chancèle, je frissonne
Comme il tonne.bis
Ils se sauvent.
argant
Quoi, le fameux enchanteur Isménor tremble comme les autres ! Hé, qu’avez-vous à craindre ?
Air : Sur la laideur
Les bons soldats, les jolis enchanteurs !
Hé, que peuvent-ils craindre ?
En cas pareil, au théâtre lyrique,
L’affreux tonnerre exerce sa fureur
Sur des tombeaux où l’on jure en musique,
Mais il ne fait point de mal au jureur.
Le tonnerre redouble.
Isménor, les magiciens, les guerriers tombent de peur et renversent tout l’équipage en tombant.
Les bons soldats, les jolis enchanteurs !
isménor se relevant et les magiciens, ensemble
Allons redoubler nos efforts,
Allons nous signaler par des charmes plus forts.
argant, riant
Oui, allez !
Air : Allons à la guinguette
Très loin de nous
Faire un si bel ouvrage !
Aux soldats tombés.
Relevez-vous,
Enfants prenez courage,
Pour des exploits nouveaux
Allez raiguiser vos couteaux.
chœur, se relevant en tremblant et éclopé, reprend
Allons, allons,
Allons raiguiser nos couteaux.
Scène 4
argant, herminie
herminie
Air : J’ai fait à ma maîtresse
Tancrède aime Clorinde,
Ô destin rigoureux !
Mais le savez-vous bien ?
argant
Air : Renonce à ta folle envie
Est-ce un secret que sa flamme,
Qui, des prisonniers nous rend
Plus d’un cent ?
Il leur a montré son âme,
De Clorinde il est l’amant.
Et tout son camp, camp, camp, camp, camp
Camp, camp, Madame,
Est aujourd’hui son cher confident.
herminie
Air : L’amour, la nuit et le jour
Jugez de mon ennui !
argant
Jugez de ma colère !
Croyez-vous qu’avec lui
Clorinde veuille faire l’amour ?
herminie
La nuit et le jour.
Comptez que Clorinde aime Tancrède et qu’ils ne sont pas mal ensemble.
argant
Qui vous le fait présumer ?
herminie
Air : la Ceinture
Sans espoir je vis sous sa loi
Et c’est Clorinde qui l’engage,
Cependant j’en suis folle moi,
Comment pourrait-elle être sage ?
argant
Je crois que vous avez raison ! Ce qu’on m’a rapporté
me le prouve. Nos intérêts sont communs, songeons à nous venger.
herminie
C’est ici que l’enchanteur a promis de nous le livrer.
argant
On dit qu’aussitôt que Tancrède lui a fait pressentir qu’il allait la tirer d’esclavage en lui chantant tendrement :
Air : Je suis captif
Air : La ceinture
Je suis captif d’une beauté !
Ses yeux m’ont forcé de me rendre !
La perfide Clorinde l’a d’abord coupé et lui a répondu vivement :
Si l’on m’offrait ma liberté
Je ne voudrais pas la reprendre.
argant
Hon, hon, je ne me fie pas à la baguette d’Isménor, elle rate quelque fois.
herminie
Air : Comment faire
Pour moi j’en fais beaucoup d’état
argant
Je cours pour un dernier combat
Me donner le soin nécessaire.
Il sort.
herminie
Dérobons dans ce jour fatal
Tancrède aux traits de son rival.
Oui mais... Comment faire ?
Scène v
tancrède seul
Que la peste t’étouffe, maudit Isménor !
Air : Suivons, suivons tour à tour
Clorinde et moi, d’un air tendre,
Nous poussions de doux hélas.
J’enrage, on vient de m’apprendre
Qu’il fait périr mes soldats :
Que faire ?
Il faut suivre, tour à tour,
La gloire et l’amour.
airopera
En tremblant.
Voici de l’enchanteur la fatale retraite
D’où vient que je frémis... Quelle frayeur secrète
S’empare de mes sens ?
Quelle métamorphose...
Air : Camp de Porcherfontaine
Tantôt il fallait m’écouter !
Je m’écriais héroïquement :
Plus le péril est redoutable
Plus il m’est doux de le sentir !
Fièrement
En partant je faisais le diable,
Patapatapan, patapatapan,
Timidement.
En arrivant je fais l’enfant.
Des fantômes blancs traversent le théâtre.
Ventrebille, ce n’est plus sans sujet que je tremble !
Air : Pendu
Voilà des esprits sûrement,
Je le vois à leur vêtement.
Ma nourrice m’a toujours dit qu’ils étaient faits comme cela.
Bannissons ces indignes craintes
Entrons...
On entend des hurlements.
Ciel ! D’où naissent ces plaintes ?
Je crois que j’en deviendrai fou...
C’est tout au moins un loup garou.
Les gémissements continuent. Tancrède, après des lazzi de peur, va écouter près des arbres.
Jarnigoton ! L’aventure est neuve !
Air : Bonsoir la compagnie
Qui s’en serait douté vraiment ?
C’est la forêt qui crie...
Surmontons cet enchantement.
chœur
Bonsoir la compagnie,
Bonsoir,
Bonsoir la compagnie.
tancrede
Bonsoir, bonsoir, je vais vous le souhaiter de plus près.
Il veut entrer dans la forêt, des arbres s’assemblent et s’opposent à son passage.
Quel prodige !
Air : Pour passer doucement sa vie
Arbres, vous bouchez mon passage,
Vous me barrez tous à la fois
Il met l’épée à la main.
Servons-nous de notre courage,
Oh ! Que je vais fendre du bois !
Lazzi de couper du bois.
Allons ferme, taillons à droite et à gauche. Que vois-je ?
Il sort de la forêt une troupe de bergères.
Marche
J’aime ce spectacle nouveau,
Rien n’est si beau.bis
Je n’ai pas besoin de couteau
Pour cette armée ;
Mettons l’épée
Dans le fourreau.
Air : Je suis un bon soldat
Mon courage revient,
Je suis bien !
Çà , n’épargnons personne,
C’est sur ces troupes-là
Ratata
Qu’avec plaisir je donne.
Il va caresser les paysannes.
chœur
Air : Branle de mai
Chantons dans ces belles retraites,
C’est pour l’amour qu’elles sont faites.
Trémoussons-nous et allons gai
Sur l’herbette
Joliette,
Tous mois ici sont mois de mai.
Les bergères dansent et Tancrède disparaît.
Scène vi
herminie, clorinde
herminie, seule, aux bergères
Retirez-vous, je n’aime pas les cotillons.
Elles se retirent.
Air : Ton humeur est, Catherine
Par mes soins, dans ce bocage,
Tancrède est captif.
Apercevant Clorinde.
Mais quoi !
Déjà Clorinde... ah ! J’enrage.
Qui l’amène auprès de moi ?
Affectons un air terrible,
Son secret va s’échapper.
Il est un endroit sensible
Par où l’on peut la frapper.
Air : L’on n’aime point dans [nos forêts]
À Clorinde, vivement.
Quel bonheur vous offre à mes yeux !
Venez-vous secondez ma haine ?
clorinde
J’ai suivi Tancrède en ces lieux.
herminie
Vous avez pris bien de la peine.
clorinde
J’ai craint les coups de l’enchanteur.
herminie
Pourquoi donc en avez-vous peur ?
Ne savez-vous pas, belle amazone,
qu’Isménor cherche à vous venger ?
clorinde
Ah ! Nous devons nous venger plus noblement que par des sortilèges !
Air : De tous les capucins du monde
Il faut triompher avec gloire.
herminie
Qu’importe comment, la victoire
De vos ennemis abattus
Rend le visage triste et blême !
clorinde
Je ne les compte pour vaincus
Que quand je les abats moi-même.
herminie
Ho ? Bien si vous aviez dessein de secourir Tancrède, vous deviez vous y prendre plus tôt...
clorinde
Air : La Palisse
Je frémis...
herminie
Pleurez son sort
Si vous en avez envie !
clorinde
Hélas !
herminie
S’il n’était pas mort
Vous lui sauveriez la vie.
clorinde
Air : L’autre nuit, j’aperçus en songe
Il est mort, quelle main barbare
A pu trancher de si beaux jours ?
Air : L’autre jour, ma Cloris
Diffère d’un moment,
Chère ombre que j’adore,
Et dans le monument
Ne descends pas encore !
Je veux te suivre, hélas,
Mais je crains le trépas
et je n’ai pas la force de me tuer.
herminie
Je suis charmée, Madame, de savoir ce que vous pensez sur le compte de Tancrède, il est temps de vous désabuser.
clorinde
Quoi, ce fameux paladin que j’aime, que...
herminie
Air : Sois complaisant
Tu ne rends pas son affaire meilleure,
Tancrède encor dans ce monde demeure
Mais
Il en sort dans un quart d’heure
Pour n’y revenir jamais.
C’est ta rivale qui te le promet et qui te tiendra parole.
Elle veut sortir, Clorinde l’arrête.
clorinde
Air : Non, je ne ferai pas
Perfide, arrête !
herminie, la repoussant
Ici ta bile en vain s’échauffe,
Rien ne m’est impossible.
Je puis, pour te montrer de quel bois je me chauffe,
Ordonner aux démons d’élaguer ces forêts
Mais... on dirait que pour rien j’aime à faire des frais.
clorinde, seule
La barbare menace les jours de Tancrède.
Air : Ah, démons, vous avez tout permis
Gémissons, pleurons ! Non, point de pleurs,
Mes sujets riraient de mes douleurs.
Mais
Quand pour mon amant j’ai mille alarmes,
Dois-je songer, peuples, si vous jugez ?
N’ai-je appris à manier les armes
Que pour rester ici les bras croisés ?
Scène vii
tancrède, herminie
tancrede, seul
airopera
Sombre forêt, demeure redoutable !
Halte là , je n’ai pas trop le temps de causer avec ces bois.
Air : Quand Iris prend plaisir à boire
L’enfer veut m’arracher la vie !
Apercevant Herminie qui rentre.
Et vous aussi, belle Herminie,
Êtes-vous de la trahison ?
Honnêtement Tancrède vous renvoie
Quand vous criez dans sa prison,
Pour me payer votre rançon
Me gardiez-vous, me gardiez-vous cette monnoie ?
Vous ne répondez rien.
Air : Que de gentilles pèlerines
Faites-moi rendre mon épée,
Comment me l’a-t-on attrapée ?
Faites-moi rendre mon épée,
C’est tout le secours qu’il me faut,
Ici je crains plus d’un assaut.
Faites-moi rendre mon épée,
Je l’emploierai mieux que tantôt.
herminie
Non, cruel, cesse de le prétendre.
Scène viii
herminie, tancrède
herminie, interdite
Air : Ce n’est point par effort qu’on aime
Clorinde... pour toi... je m’égare,
Quel est le trouble où je me vois ?
Ne peux-tu concevoir, barbare !
Ce qui m’anime contre toi !
tancrede
À votre emportement bizarre
Je ne comprends rien, sur ma foi.
herminie
Vous m’entendez, de reste.
Scène ix
tancrède, herminie, isménor, la vengeance, la haine et leurs suivants
herminie, à Isménor
Venez, généreux Isménor, vous pouvez vous venger, Tancrède est sans défense, frappez !
isménor
Oh ! Cela ne va pas si vite. Nous autres enchanteurs, nous ne nous touchons les héros qu’avec cérémonie. Vous allez voir, je commence.
Il touche Tancrède de sa baguette magique.
tancrede
Quelle nuit vient m’environner !
Par d’invisibles mains je me sens enchaîné.
Il fait l’éloge d’un homme lié.
isménor
Air : Folies d’Espagne
Vengeance affreuse, impitoyable haine,
Vous, noirs démons, leurs ministres puissants
Que toujours guide une rage inhumaine,
Venez ici, dans vos habits décents !
La Vengeance sort des enfers.
la vengeance, présentant un poignard à Isménor
Air : Tu n’as pas le pouvoir
Sans amener trente démons
Dansant sur mes talons,bis
Seule, je viens à la fureur
Offrir ce fer vengeur.
Elle rentre dans les enfers.
tancrede
Air : Non, je ne ferai pas
Me voilà désarmé. Quoi ? Pour m’arracher l’âme
Fallait-il des enfers apporter une lame ?
Vous pouviez épargner cette dépense-là
Et le moindre couteau suffisait pour cela.
isménor
Air : Il est bon, sur ce ton là
Comme juge le compère,
Il est bon, sur ce ton là ,
Larira,
Éprouve enfin ma colère !
Il veut frapper Tancrède, Herminie l’arrête.
herminie
Air : À boire, à boire
Arrête, arrête, arrête !
isménor
Votre vengeance est prête,
Pourquoi retenir ma fureur ?
herminie
Frappez, frappez plutôt mon cœur.
tancrede, à part
En voici bien d’un autre !
isménor, à Herminie
L’ai-je bien entendu ? Que dites-vous ?
herminie
Air : On n’entend plus le bruit des armes
Je l’aime, une autre a su lui plaire.
L’amour me parle en sa faveur
Et force la haine à se taire.
tancrede
Taisez-vous vous-même !
Par ma foi, votre petit cœur
Bien à propos ici, ma chère,
M’instruit de sa secrète ardeur.
Air : Je suis la fleur des garçons
Ce petit cœur brûle comme une forge,
De ses soupirs il m’entretient
Et quand... quand j’ai le couteau sous la gorge
Qu’un ennemi, qu’un jaloux tient.
isménor
Effectivement.
Air : Ô reguingué
Voilà des aveux bien placés.
Je le vois, vous me trahissez,
Pour lui vous vous intéressez.
Sa mort va m’en faire justice.
Il veut frapper Tancrède, qui met son chapeau devant le poignard. L’enchanteur dit, apercevant Clorinde :
À Herminie.
Mais j’imagine un autre supplice.
Et qui me vengera de l’amour que vous avez pour lui ?
À Clorinde, lui présentant Tancrède.
Air : Vous parlez gaulois
Tancrède est à vous, ma princesse,
Je le livre à votre tendresse
Dans le fond d’un bois.bis
À Tancrède.
Suivez l’objet qui vous engage.
tancrede, gaiement
Parbleu, je vais dans ce bocage
Lui parler français...bis
isménor, à Herminie
Air : La Serrure
Et vous marchez... qui vous arrête ?
herminie
Ciel !
isménor
Oh ! Marchez sans discourir.
herminie
Ciel ! Ils vont rester tête à tête ?
Je devais le laisser périr.
Scène x
tancrède, clorinde
tancrede
Sans vous, ma foi, j’étais camus.
Pour votre récompense
Je vous ferai, je vous ferai
Bien bas la révérence, bien bas,
La saluant coup sur coup.
Bien bas la révérence.
clorinde, lui rendant son épée
Air : Ami, sans regretter Paris
Je vous rends vos armes.
tancrede
Vraiment !
Ma surprise est extrême.
Comment les avez-vous ?
clorinde
Comment ?
Je n’en sais rien moi-même.
Mais il n’est pas question de cela... Il faut tout présentement nous séparer.
tancrede
Nous séparer ? Nous n’avons pas encore entamé la conversation.
clorinde
Air : Ne croyez pas que je demeure
Ne croyez pas que je demeure
Plus longtemps, je pars.
tancrede
Eh ! Pourquoi ?
clorinde
Du combat, j’entends sonner l’heure.
tancrede
J’entends celle du berger, moi.
clorinde
Du combat, j’entends sonner l’heure.
tancrede
J’entends celle du berger, moi.
clorinde
Partez, je vous l’ordonne.
tancrede
Air : J’en ferai la folie
Vous me bannissez, princesse,
D’où vient ma disgrâce ?
clorinde
C’est malgré moi, ma tendresse
Veut que je vous chasse.
Si vous restiez j’aurais grand peur
Que sait-on peut-être mon cœur
J’en ferais la folie.
tancrede
J’en ferais la folie.
tancrede, déclamant
Ciel ! Quel aveu charmant ! Que mon sort a d’appas ! Quoi ? Votre cœur touché s’accorde avec mon âme ?
clorinde, déclamant
Votre sort en doit être encor plus triste, hélas !
Craignez...
tancrede
Vous partagez ma flamme,
Que pourrais-je craindre ?
clorinde, emphatiquement
Air : Je suis un bon jardinier
Mes rats
Mes rats sont de batailler,
D’attaquer, de ferrailler,
D’inspirer l’effroi,
De tuer.
tancrede
Pourquoi
Ce grand goût pour la guerre ?
Êtes-vous faites, dites-moi,
Pour dépeupler la terre,
Lon la,
Pour dépeupler la terre ?
Air : Carillon de Mélusine
clorinde
La gloire sonne son tocsin,
Obéissons partout, enfin !
Cette brillante sonnerie
De nos cœurs doit être chérie,
Din dan don din din dan don.
tancrede
Même air
La gloire sonne son tocsin,
Ah ! Laissons la sonner en vain.
Maugré bleu de la sonnerie !
Écoutez l’amour, je vous prie :
Din dan don din din dan don,
Des amants c’est le carillon.
Ils répètent ensemble chacun leurs paroles sur le même air, en partie.
clorinde
Air : Oh pardi, j’étais en belle humeur
Ne tardons plus, séparons-nous, bis
Allons nous présenter aux coups.
tancrede
Soit, je retiens ma flamme...
Oh, pardi, je suis en belle humeur !
Que vous perdez madame,
Lon la,
Que vous perdez madame.
Il sort et dit en se retournant encore le dernier vers.
clorinde
Êtes-vous satisfait, devoir fâcheux, gloire cruelle, sujets babillards, vous ne me reprocherez plus la faiblesse pour Tancrède, j’imagine un moyen pour la réparer.
Air : Monsieur le Prévôt des marchands
Je veux avec ce cavalier
Risquer un combat singulier,
Que la postérité s’écrie,
Sachant un triomphe si beau
Clorinde, au péril aguerrie,
Mit Tancrède sur le carreau.
Scène 11
[herminie, le sarrasin, ]
herminie, sort par la porte de la ville, un soldat Sarrasin la veut retenir
Air : Je ne suis né ni roi, ni prince
Oui, je veux sortir de la ville.
le sarrasin
Pour quitter votre unique asile
Quels sont donc vos besoins pressants ?
herminie
Oh ! Je cours, loin de la muraille
Fredonner un air dans les champs,
Quoi qu’on y livre une bataille.
Le Sarrasin rentre, ferme la porte à Herminie, prélude comme quand on va chanter.
Air : Le beau berger Tircis
Amour, cruel amour,
Cesse !
Mais cessons nous- même un monologue aussi mal placé, le jour commence de luire.
Air : pèlerins de Saint-Jacques
Il me découvre de la guerre
Les fruits cruels,
Votre sang inonde la terre
Pauvres mortels.
Ah ! Partout d’un combat affreux
On voit des preuves,
Que Mars a fait de malheureux !
Exceptez-en des veuves.
Même air
À toi, brillant flambeau du monde.
On entend des fanfares qui annoncent le vainqueur.
Mais ce bruit annonce le vainqueur.
Scène xii
herminie, tancrède et sa suite
tancrede, essuyant son épée
airopera
Le jour a découvert le succès de nos armes
Qu’on épargne nos ennemis
Voyant Herminie.
Ah ! Vous voilà encore ? Que diantre venez-vous chercher en pleine campagne, pendant qu’on y tue, qu’on y dépouille ?
herminie
Air : J’ai vu l’horloge du berger
Ignorez-vous
Ingrat ce qui m’amène ?
tancrede
Instruisez-nous.
herminie
Sans que mon cœur se gêne
Par des formalités
Je viens... je viens
Savoir comment vous vous portez.
tancrede
Air : Robin turelure
Ma princesse, en vérité,
C’est dans cette conjoncture
Pousser la civilité
Turelure
Un peu trop loin, je vous jure,
Robin turelure lure
herminie
Hélas ?
tancrede
De grâce, ne soupirez plus, écoutez plutôt le récit de la déroute de votre armée, cela vous divertira.
Air : Mirlababibabette
J’ai dit : va,
Tancrède, meurs, ta tâche est faite.
Mirlababi, serlababo,
Mirlababibobette
Serlababorita
Mettant la main sur son cœur.
Crois-en cela.
À ces mots j’ai fait sonner la charge et je suis tombé comme un foudre sur vos Sarrasins.
Air : oh ! oh ! Tourelouribo
Les plus fiers guerriers n’osaient m’atteindre
Oh ! oh ! Tourelouribo,
Que de têtes j’ai su fendre
Oh ! oh ! Tourelouribo,
Que de vieux chapeaux à vendre
Oh ! oh ! Tourelouribo !
Comme j’enfonçais les escadrons entiers, mon courage a rencontré une forte barrière. C’était sans doute Argant lui-même ? Oh ! Que malgré l’épaisseur de la nuit nous nous sommes poussés de rigoureuses
bottes ! Les tierces, les quartes et les flanconades se succédaient dru et menu. La victoire perplexe balançait entre nous et les soldats des deux parties
aussi embarrassés qu’elle et ne sachant sur qui des deux combattants fixer leur admiration s’écriaient en chœur sur un ton héroïque...
Chante.
Jean danse mieux que Pierre,
Pierre danse mieux que Jean,
Ils dansent bien tous deux
Mais Pierrot danse mieux.
Et cela s’est trouvé vrai, après une longue résistance, j’ai occis mon champion. Je ne sais pourquoi dans ce moment-là , il m’est échappé un soupir. Riant. Il serait fort plaisant que j’eusse pleuré la mort de mon rival, j’ai donné ordre qu’on m’apportât ici la défroque du défunt.\did Riant plus fort. Ah ! Voici mon triomphe qui approche.
Scène xiii
tancrède, soldats victorieux
Après la marche simple, Tancrède fait repasser devant lui les soldats qui portent en bout de lance le juste-au-corps, le chapeau et l’épée d’argent.
tancrede
Air : Régiment de la calotte
Je goutte un bonheur sans égal
Plus d’ennemi, plus de rival...
Je vois son habit d’ordonnance
Son casque, son sabre et sa lance
Parbleu, voilà tout ce qu’au camp
Possédait le feu sieur Argant
Car j’en ai pris la note...
Gai.
Et plan, plan, plan...
Il manque pourtant
Là sa calotte.
Que diantre viennent faire ici ces bourgeois de la Palestine ?
un soldat
Ils viennent danser avec nous.
tancrede
Air : Belle brune
Ventrebille, jarnonbille !
J’ai cherché Clorinde en vain,
Quoi, pendant que mon cœur grille
Jarnoubille ! Ventrebille !
Croyez-vous que mon chagrin
Permette ici qu’on sautille ?
Ventrebille ! Jarnoubille ! Têtebille.
Vous danseriez quand cela conviendra Voyant arriver Herminie. mais elle ne finit point !
Scène xiv
herminie, tancrède
tancrede, la voyant le mouchoir à la main
Air : Et toujours Catherine qui fille
Et toujours Herminie est en larmes !
Et toujours Herminie est partout !
herminie
Air : Des fraises
Ne craignez plus mon amour
tancrede
Est-il si nécessaire
De vous revoir dans ce jour ?
herminie
Oui, car j’arrive exprès pour
Me taire, me taire, me taire.
Je fais comme à l’Opéra ; le silence dans une personne de mon sexe est un morceau assez curieux pour en orner la fin d’une pièce.
Scène xv
herminie, tancrède, argant mourant, porté sur un brancard par des soldats, il a le juste-au-corps de Clorinde et son chapeau par-dessus sa perruque et son bonnet de nuit
tancrede
Quelle apparition ! Argant est-il ressuscité ?
argant
Air : Quand le péril est agréable
Je vais redoubler ta surprise
Pauvre Tancrède, sans détour,
Je te dirai que ton amour
A fait une méprise.
tancrede
Air : Lanturlu
Quel trouble m’accable !
Parle clairement...
argant
Amant misérable !
Tu crois bonnement
Tantôt, comme un diable,
Contre moi t’être battu
Lanturlu, lanturlu, lanturlu, laturta.
tancrede
Je ne vous entends pas encore...
argant
Eh bien, entends-moi, voici du plus clair.
Air : Le joli jeu d’amour
Tu pensais m’arracher la vie,
À Clorinde tu l’as ravie.
tancrede, pathétiquement
Quoi ? Mon bras a fait dans ce jour
Toureloure loure loure lour !
Quoi ? Mon bras a fait dans ce jour
Un quiproquo si lourd ?
mais cependant j’ai reconnu vos habits.
argant
Et c’est le fin de l’intrigue.
Air : La nouvelle Joconde
Clorinde dans la nuit...
tancrede
Eh bien ?
argant
Sans trop y prendre garde
A mis mon habit pour le sien.
tancrede
La méprise est gaillarde
J’en augure mal pour mes feux
Oui [...] et m’épouvante...
Vous dormiez donc alors tous deux
Sous une même tente ?
Monsieur Argant, vous auriez fait plus sensément d’aller vous faire panser que de vous faire apporter ici pour me débiter en face ces belles nouvelles-là ! Allez mourir plus loin.
argant
J’y vais, mais toi, généreux guerrier
Air : Feuillantines
Va t’en voir près de ces lieux
Les beaux yeux
De Clorinde...
tancrede
Justes dieux !
argant
Tu la perds
tancrede
Quelle aventure !
argant
Et je meurs... et je meurs... et je meurs
Dans sa doublure.
tancrede
Quoi ? Je ne verrai plus ma chère Clorinde ?
Scène xvi
herminie, tancrède, soldats
tancrede
airopera, Acte V, scène dernière
Elle n’est plus ! Mourrons, le jour me fait horreur.
Les soldats le veulent désarmer et il leur dit en riant :
Air : J’ai fait à ma maitresse
Laisse-moi mon épée
Je ne me tuerai pas,
Mon âme détrompée
Ne veut plus du trépas.
Ne craignez rien, mes gardes,
Je n’ai plus de fureur,
Le changement de hardes
Vient de changer mon cœur.
Malepeste ! La jolie fille que j’aimais.
Air : Prenez garde à votre cotillon
Eh quoi, Clorinde, mon bouchon, bis
La nuit, avec un gros garçon,
Vous troquez d’habit sans façon ?
Vous preniez donc bien peu garde
À votre cotillon ? À votre cotillon ?
Pour le coup, mes enfants, vous pouvez danser et frétiller sans qu’il vous plaira, sans choquer les bienséances. J’espère que mademoiselle Herminie, qui n’est pas difficile sur les démarches, restera aussi au divertissement.
herminie
Pourquoi non ?
Scène xvii
tancrède, herminie, solats, paysannes et paysans
Scène 18
pour ajouter à la parodie.] tancrède, la nécessité et l’amour
la nécessité
Ouf ! Seigneur, apprenez-nous s’il vous plaît le chemin de la forêt enchantée, nous y cherchons un asile contre nos persécuteurs.
tancrede
Qui êtes-vous, ma bonne femme ?
la nécessité
Je suis la Nécessité et voilà le fils de Vénus.
tancrede
Quoi, l’Amour avec la Nécessité ?
lamour
Vous avez raison d’être surpris, mais quand on s’enfuit on ne choisit pas le beau chemin.
tancrede
De quoi est-il question ?
la nécessité
Nous comptons trouver du secours auprès de l’enchanteur
Isménor et cela pour le crédit de l’Amour, car d’enchanteur à enchanteur, il n’y a que la main.
tancrede
Que craignez-vous ?
lamour
On veut nous enfermer dans une méchante boite, avec je ne sais combien de vilaines choses.
la nécessité
Air : Mes rats sont de batailler
On y veut mettre avec nous
Le mal de dents, et la toux,
Asthme fatigant,
Cauchemar pressant
Vapeurs, coliques, enflures.
lamour
Ce n’est pas là certainement
La boîte aux confitures, lon la
La boîte aux confitures.
tancrede
L’amour parmi les maladies...
lamour
Air : Je passe la nuit et le jour
Avec cette société
Le sémillant dieu de Cythère
Se trouverait-il bien planté !
tancrede
Par ma foi l’on n’y pense guère,
Car pour l’amour en vérité
Peut-on avoir trop de santé,
Trop de santé,
Trop de santé ?
Peut-on avoir trop de santé ?
la nécessité
Bon, on voulait l’associer avec la paralysie.
lamour
Air : Branle de Metz
Fi de la paralysie !
L’amour n’en veut pas tâter,
J’aimerais mieux fréquenter
La fièvre ou la pleurésie.
Ce serait un bel enfant
Qu’un amour sans mouvement.
tancrede
Assurément, les amants ne sauraient être trop dégourdis, pourquoi vous mêler avec cette vilaine coterie-là ?
lamour
Les dieux m’ont jugé propre pour tourmenter les mortels.
tancrede
Écoutez donc, ils n’ont pas tort.
Je ne vous ai vu qu’un seul petit moment
Et je me sens tout je ne sais comment.
lamour
Air : De son lan la
Que rien ne vous inquiète
Quand mes traits feront souffrir
Je fournirai la recette
Pour empêcher d’en mourir
Et j’ai de quoi landeriret
Et j’ai de quoi vous en guérir.
tancrede
À la bonne heure, mais pour revenir à votre premier
discours, on dit que toutes les maladies, en sortant des Enfers, se sont données rendez-vous sur le Théâtre-Français.
lamour
Ho ! Il y en avait quelques unes qui avaient pris les devants.
la nécessité
J’espère qu’elles viendront comme nous voir le seigneur Tancrède.
tancrede
Je me passerai bien de leurs visites. Ciel, je les aperçois ! mais, mais, c’est un hôpital complet qui arrive !
la nécessité
Sans doute, le parterre les a congédiés. À deux pas d’ici, la jolie assemblée ! je vois l’Indigestion, conduite par un gros abbé, la Migraine par un acteur français, et l’Ennui par un Italien.
tancrede
Et vous, Madame la Nécessité, vous devriez bien avoir un poète pour écuyer !
la nécessité, riant
Air : Je ne suis né ni roi, ni prince
Je crois, pour couronner la fête,
Qu’à danser leur troupe s’apprête
Que vous allez voir de beaux tours !
tancrede
Leur danse, je vous certifie,
Ennuiera moins que les discours,
Qu’ils tiennent à la comédie.
Ils dansent.
Nous ne pouvons que par extrait
Parler de maladies
Notre opéra sur ce sujet
Le cède aux comédies.