Jean-François Le Tellier
La Parodie de Psyché
1714
BnF ms. fr. 9312
definitacteur, l’amour lamour
Acteurs
Arlequin, en Amour : Baxter
Colombine, en Vénus : Mademoiselle Maillard
\persliste[Mademoiselle d’Aigremont] Thérèse
en Psyché
Monsieur Pernel, père de Thérèse, appelé Jeannot
Octave, amant de Thérèse : Du Londel
Pierrot, sœur de Psyché : Amoche
Madame Pernel, sœur de Psyché : Sorin
Le théâtre représente la même décoration de l’opéra de Psyché, quand l’Amour s’endort sous une alcôve.
La Parodie de Psyché
\divertissement[de \divertissement[de \emph L’Opéra de campagne, pièce italienne], pièce italienne]
Scène i
L’Amour et Vénus
lamour
Air : La faridondenne
Je me transforme en grand garçon,
Ma Psyché va se rendre,
Il faut de la barbe au menton,
Mesdames, pour vous prendre,
L’on méconnaîtra Cupidon,
La faridondenne, la faridondon.
vénus
Le beau brunet, qu’il est joli, biribi,
À la façon de Barbari, mon ami.
vénus
Air : Tes beaux yeux, ma Nicole
Voyez sous quel beau maque
Cupidon s’est caché !
Tu crois, marmot fantasque,
Épouser ta Psyché ?
Je verrais à Cythère
De petits margajats
M’appeler leur grand-mère !
lamour
Fi, cela ne sied pas.
vénus
Air : Ma mère, mariez-moi
Voyez le plaisant époux,
Quoi ! Je vous marierais vous !
lamour
Vous l’étiez à quatorze ans,
Vous me l’avez dit, souvenez-vous en.
vénus
Je n’aime pas les maris.
lamour
Mon papa l’a bien appris.
vénus
Air : Tu croyais, en aimant Colette
Cherche pour femme une autre fille,
Ha, tu me fais frémir d’effroi.
Quoi ? Je verrais dans ma famille
Une bru plus belle que moi ?
lamour
Air : Réveillez-vous, belle endormie
Songez à ce que je puis faire.
vénus
Non, je ne veux plus de tes soins.
lamour
Je vous suis assez nécessaire,
Maman, vous savez vos besoins.
vénus
Air : Pour vous, Monsieur le Sauvage
C’est ainsi qu’un fils me traite ?
Ta maîtresse en pâtira.
Je la rendrai si coquette
lamour
Qu’elle vous ressemblera.
vénus
Tremble, ingrat, pour ta fillette !
lamour
Tremblez pour votre toilette !
vénus
Je la peindrai de safran.
lamour
Je vous enverrai mon blanc.
L’Amour rentre dans son alcôve et se couche.
vénus
Air : Tout cela m’est indifférent
Or, voilà Cupidon couché,
Tâchons d’attraper sa Psyché,
Et que ma haine ingénieuse...
Je la vois, jouons-lui d’un tour,
Toute femelle est curieuse
Surtout quand elle a de l’amour.
Psyché
Même air
Ah ! Quand verrai-je mon amant ?
vénus, une lanterne à la main
Vous le pouvez en ce moment.
Tenez, prenez cette lanterne.
Psyché
Je le perdrai si je le vois.
vénus
Quiconque vous le dit vous berne,
Tirez les rideaux, croyez-moi.
Psyché
Air : Pendant une absence légère
Mais Vénus...
vénus
C’est une friponne.
Psyché
Je vous en crois plus que personne.
vénus
Sur ce lit, dans ces doux instants,
Surprenez l’objet de vos flammes,
Il ne dormirait pas longtemps,
Si le cas touchait bien des dames.
Psyché
Air : Ah, qu’il est beau l’oiseau qu’Amour
Ha, découvrons qui j’ose aimerbis
Sans le voir il sait m’enflammer,
Je l’aime, je l’aime,
Dieux, quel amant j’ai su charmer,
C’est l’Amour même !
lamour
Air : Adieu paniers, vendanges sont faites
Tu m’as vu, quittons ces retraites,
Tu vas tomber dans les enfers.
Psyché
Quoi, mon cher amant, je vous perds ?
lamour
Adieu paniers, vendanges sont faites.
Scène ii
Madame Pernel et Pierrot en femme
madame pernel
Air : Folies d’Espagne
Dans ce palais où tout nous inquiète,
Les vents nous ont porté avec douceur,
Un dieu sans doute aime notre cadette !
pierrot
Ce pourrait bien être un diable, ma sœur.
madame pernel
Air : Ne m’entendez-vous pas
On dit qu’elle ne voit pas
Cet objet qu’elle enchante.
pierrot
Tredam un invisible
Peut faire de bons tours,
On ne voit pas ses mains.
madame pernel
Air : Vous m’entendez bien
Un monstre sur un roc juché
Devait, dit-on, manger Psyché.
pierrot
Et zeste la morveuse,
madame pernel
Eh bien,
pierrot
Dans ce palais peut-être, vous m’entendez bien.
madame pernel
Air : Pendant une absence légère
Ma sœur, dans le siècle où nous sommes,
Qu’est devenu le goût des hommes,
Qu’ils ont peu de solidité
D’un enfant leur âme est éprise.
pierrot
Il n’aime la maturité
Que dans la poire et la cerise.
madame pernel
Air : Confiteor
Mais qu’a donc Psyché plus que nous,
Ne me déguisez rien, ma chère.
pierrot
Ma sœur, en vérité, c’est vous,
Que l’on devrait craindre à Cythère.
madame pernel
Mon embonpoint ne plaît-il pas ?
pierrot
Oh que si ! on aime le gras.
pierrot
Même air
Votre bouche est d’un fort beau bleu,
Vos yeux sont d’un riche admirable,
Vos cheveux sont des filets d’or,
Vos dents sont des clous de girofle,
Vous voilà peinte trait pour trait.
madame pernel
Ha, ma sœur, c’est votre portrait !
pierrot
Air : Ha, vous avez bon air
Ma sœur, soyez sincère.
madame pernel
Parlez-moi sans mystère.
pierrot
Ai-je donc pour déplaire,
Un air contrefait.
madame pernel
Ha ! Vous avez bon air.
pierrot
Ha ! Vous avez bon air.
madame pernel
Ha ! Vous avez bon air,
Bon air, tout-à-fait.
tous deux ensemble, ensemble
Ha ! Nous avons bon air etc.
madame pernel
Air : Robin turlurelure
Qui demeure en ce beau lieu ?
Si je crois cette dorure,
Ma sœur, ce n’est pas un dieu,
Turelure
C’est un traitant je vous jure
Robin turelure lure.
lamour, arrive et dit
Air : Réveillez-vous, [belle endormie]
Il faut, par quelques traits visibles,
Amuser ici mes douleurs,
Rendons-nous encore invisible,
Lutinons ces jalouses sœurs.
madame pernel
Air : Vous m’entendez bien
Allons visiter ce palais.
pierrot
Il est bâti d’un fort beau grais.
lamour
Holà, mesdemoiselles !
pierrot
Et bien
madame pernel
Quelle voix nous appelle ?
pierrot
Moi je ne vois rien.
lamour
Air : Tes beaux yeux, ma Nicole
Qui ne serait sensible
À des charmes si doux ?
pierrot
Ha, monsieur l’invisible,
Vous vous moquez de nous.
lamour, en leur mettant la main sous le menton
Partagez ma tendresse,
Régnez toujours ici.
madame pernel
Ma sœur, on me caresse !
pierrot
On me caresse aussi.
madame pernel
Air : Tu croyais, en aimant Colette
Ha ! Que mon bonheur est extrême,
J’ai charmé quelque dieu mignon !
pierrot
C’est un dieu champêtre qui m’aime,
Car ses soupirs sentent l’oignon.
lamour
Air : Robin turelure lure
Daignez recevoir de moi
Ces habits, cette coiffure.
madame pernel
Diable emporte si je vois
Turelure
Ni vous, ni cette parure
Robin turelure lure.
madame pernel
Air : Quand le péril est agréable
On sent assez la broderie
En touchant ces riches habits.
pierrot
Ma foi, nous avons des appas,
On nous met dans nos meubles.
madame pernel
Air : Lanturlu
Psyché je vous jure,
Va bien enrager.
pierrot
Que cette aventure
Doit nous en venger.
lamour
À votre encolure
Tout d’abord vous m’avez plu
Lanturlu etc.
madame pernel
Air : Réveillez-vous, [belle endormie]
Cher invisible que j’adore,
Ha, c’est trop nous favoriser.
lamour
Pour vous je veux plus faire encore
Je vais vous métamorphoser.
L’Amour change madame Pernel en nourrice et Pierrot en enfant.
madame pernel
Air : Ha, vous avez bon air
Ha, ma sœur quel supplice !
Quelle horrible malice !
pierrot
À téter, ma nourrice !
Donnez mon hochet !
lamour
Mesdames les commères,
Ha, vous avez bon air, bis
Bon air tout-à-fait.
lamour
Air : Lanturlu
Quel dieu vient sur terre,
Changer mon destin ?
J’entends le tonnerre,
C’est monsieur Jupin.
Bonjour mon grand-père,
Ha, soyez le bienvenu,
Lanturlu.
Jupiter descend des cieux avec Vénus et sa suite.
jupiter, à Vénus
Air : Joconde
Rendons à ton fils sa Psyché,
Ton intérêt t’en presse.
Depuis que l’Amour est fâché
On n’a plus de maîtresse.
On présente en vain des cadeaux
Au moulin de Javelle\footnote Guinguette.
Jusqu’au grand turc, jusqu’aux perdreaux\footnote Cabarets.,
Il entre des cruelles.
vénus
Air : Réveillez-vous, [belle endormie]
Achevons donc ce mariage,
Voici le contrat, signons tous.
L’Amour va se mettre en ménage,
Vous qu’il a coiffé vengez-vous.
jeannot
Air : Je m’en vais crier des fraises
Le mariage est conclu,
Quel bonheur, quelle gloire,
J’ai pris un ton résolu
Chez moi je suis absolu
Victoire, victoire, victoire !
J’ai pris un ton résolu,
Chez moi je suis absolu
Victoire, victoire, victoire !
madame pernel
Air : Éveillez-vous
Comment, Jeannot ?
jeannot
Comment, Madame ?
madame pernel
Que veut donc dire tout ceci ?
jeannot
Octave a Thérèse pour femme.
lamour
C’est l’Amour qui l’ordonne ainsi.
madame pernel
Même air
Quel malheur, hélas ! Quel supplice,
J’ai fait ce que veut mon époux.
vénus
Vous resterez toujours nourrice
Si vous vous fâchez contre nous.
pierrot
Air : Robin turelure lure
Ho, le traître ! Ho, le coquin !
lamour
Qu’entends-je là ? Quel murmure ?
pierrot
Je dis, Monsieur Cupidon,
Turelure
Que je suis las de boulie,
Robin turelure lure.
vénus
Désenchantons-les enfin
Turelure
Pour terminer l’aventure
Robin turelure lure.
octave
Air : [L’amour,] la nuit et le jour
Ha, que mon sort est doux !
thérèse
Que ma joie est sincère !
jeannot
Chantons, tendres époux,
Et puis vous irez faire
L’amour,
La nuit et le jour.
La suite de Vénus forme un ballet, une nymphe chante.
Branle qui se chante et qui se danse
[bis]
Jeunes amants
Profitez bien des doux moments.
Formez une douce espérance,
Bannissez la timidité.
En amour, la témérité
Trouve souvent sa récompense.
Jeunes amants etc.
L’Amour remplira votre attente,
Ce dieu veut combler vos désirs.
En prenant soin de vos plaisirs,
Sa gloire en est plus éclatante.
Jeunes amants etc.
Souvent, avec un peu d’audace,
On jouit d’un bonheur parfait.
Il faut toujours aller au fait
Quand une belle nous agace.
Jeunes amants
Profitez bien des doux moments.
La danse finie, chaque acteur chante son couplet, ce qui finit la pièce.
madame pernel
La maman prudente et sage,
Qui connaît plus d’un panneau,
Cache en vain dans son ménage
Sa poulette au renardeau.
Une fille est un oiseau
Qui sait bien ouvrir sa cage.
jeannot
Belle que par doux ramage
Veut tromper un jouvenceau,
Fuyez le blondin volage,
Comme un traitre serpenteau.
Ne recevez cet oiseau
Que tant que l’hymen l’engage.
octave
L’amant payeur qu’on outrage
Beugle d’abord en taureau,
Puis, par son patelinage,
Sa belle en fait un agneau.
Une dupe est un oiseau
Qu’on tient aisément en cage.
arlequin
Pendant qu’un vieillard sauvage
Sur le ton du loup-garou
Va se plaindre au voisinage,
Un papillons jeune et fol
À ce ténébreux hibou
Dérobe souvent la cage.
colombine
Fille qui du mariage
Veut allumer le flambeau,
Est toujours sourde au langage
De l’officier damoiseau.
Le plumet est un oiseau
Qui change souvent de cage.
thérèse
Le serin et son ramage,
Les tendres feux d’un moineau,
Cèdent au canard sauvage
Remplumé dans un bureau.
La coquette est un oiseau
Qui n’a d’égard qu’au plumage.
pierrot
Vous avez, vous autres, belles
Très grand tort, pour le certain.
Vous êtes par trop gourmandes
De retenir vos amants,
Mais, Mesdames, quel oiseau
Peut toujours rester en cage ?
arlequin, au parterre
Agréez notre ramage,
S’il vous amuse, il est beau.
Au public, oiseau volage,
Nous donnerons du nouveau,
Trop heureux si cet oiseau
Vient souvent dans notre cage.
Fin