Monsieur de Marcouville
La Petite Maison
Parodie d’Anacréon, troisième acte des \emph Surprises de l’Amour
Représentée pour la première fois par les Comédiens Italiens ordinaires du Roi
le jeudi 30 juin 1757
Paris, Duchesne, 1757
Acteurs
Mondoron : Monsieur Rochard
Arlequin, poète : Monsieur Carlin
Landor, musicien : Monsieur Desbrosses
Crispin, jeune frère de Philaris : Monsieur Vicentini
Philaris, jeune maîtresse de Mondoron : Mademoiselle Victoire
Rébarbade, ancienne maîtresse de Mondoron : Monsieur Chanville
Convives
Voisines de Madame Rébarbade
Domestiques de Mondoron, habillés en danseurs
Autres domestiques
La scène se passe aux environs de Nanterre, à la petite maison de Mondoron.
La Petite Maison
Scène i
Mondoron, Philaris, Arlequin, Landor, convives, domestiques en danseurs, autres domestiques en livrée
Le théâtre représente le jardin de la petite maison de Mondoron. Il paraît à table avec sa jeune maîtresse et plusieurs convives.
mondoron, philaris, ensemble
Air : Bacchus, c’est toi que je chante
Bacchus que de ton ivresse
Nous éprouvions les accès.
Trinquons tous et buvons sans cesse
De ce jus pétillant et frais.
chœur
Bacchus, etc.
mondoron, philaris, ensemble
Le temps fuit, l’instant nous presse.
Hâtons-nous de goûter tes bienfaits.
chœur
Bacchus, etc.
mondoron
Air : Ah, voilà la vie
Dans cette partie,
tout nous rend joyeux,
Maîtresse jolie,
Vin délicieux.
Ah ! voilà la vie, la vie, la vie,
Ah ! voilà la vie
Qui nous rend heureux.
chœur
Ah ! voilà la vie, etc.
philaris
Badine saillie,
Agréables jeux,
Un peu de folie,
Point de sérieux.
Ah ! voilà la vie, etc.
chœur
Ah ! voilà la vie, etc.
arlequin
Sans mélancolie,
Sans soucis fâcheux,
Le plaisir nous lie,
Pour nous rendre heureux,
Ah ! voilà la vie, etc.
chœur
Ah ! voilà la vie, etc.
landor
À sa fantaisie
On suit tous ses vœux.
Liberté chérie,
Tu nous fais des Dieux.
Ah ! voilà la vie, etc.
chœur
Ah ! voilà la vie, etc.
mondoron, présente son verre à Philaris, qui le remplit
Air : Quand Hébé servait
Quand Hébé servait les dieux à table
Elle avait moins de grâce que vous...
arlequin, l’interrompant
Air : Ah ! le bel oiseau, maman
Pourquoi nous donner du vieux ?
Cette chanson est usée.
mondoron
Monsieur l’auteur faites mieux.
arlequin
La chose serait aisée.
landor
Moi, j’approuve ce morceau,
Et j’en aime la pensée.
mondoron
Vraiment ! Cet air est fort beau,
Il vaut mieux que le nouveau.
landor, à Philaris
Air : Bucherons, majeur
Puisque nous sommes en belle humeur,
Chantez mon petit cœur,
C’est l’usage.
Mais point de chant
Plaintif ou touchant.
Donnez du sémillant,
Du brillant.
mondoron
Mineur
Elle a la voix parfaite,
Et vous enchantera
Quand elle chantera.
Elle n’est pas muette,
Comme dans son rôle à notre Opéra.
philaris, chante
del Signor Hasse
De ce jus délectable
Versez-moi tour à tour.
Dans ce beau séjour,
Bacchus est à table
Avec l’Amour.
Régnez sans cesse,
Ô double ivresse.
Pour nos plaisirs,
Enchantez nos loisirs.
À ces deux vainqueurs
Consacrons nos cœurs.
Doux esclavage !
L’un sait nous charmer,
L’autre sait aimer.
Servons-les tous deux.
C’est ce partage
Qui nous rend heureux.
arlequin
Air : Nanon dormait
C’est au parfait !
philaris
Ah ! c’est trop d’indulgence.
landor
L’heureux sujet !
mondoron
Voyez un peu sa danse.
landor
Encore un agrément !
mondoron
Comment ! Vraiment !
Messieurs, elle a plus d’un talent.
À ses gens.
Air : Toujours va qui danse
Vous aussi mes gentils laquais,
Allez sauter autour d’elle.
Avec vos habits faits exprès,
La fête sera belle.
Mais si je vous passe cela,
Honni qui mal y pense !
Ce n’est que pour cette fois-là,
Que je permets la danse.
Les domestiques dansent et Philaris est au milieu. Pendant ce ballet, Mondoron chante :
mondoron
Air : Non, je n’aimerai jamais que vous
Que j’aime ta charmante gaité,
Ton air séduisant et ta vivacité !
Que j’aime ta charmante gaité,
On voit près de toi voler la volupté.
Heureux talent ! Pour charmer et pour plaire,
Il ne te faut à présent
Qu’un instant.
Un pied brillant nous amène à Cythère,
Plus promptement
Que le seul sentiment.
Que j’aime, etc.
Mineur
Que de plaisirs,
Que de désirs
Excite ta danse légère !
Ces jolis pas,
Et ces beaux bras
Pour mon cœur font autant de lacs.\indicreprmus Fin
Enchanté,
Transporté,
Tout me saisit,
Tout me ravit.
Le dieu d’amour sur tes pas me conduit.
Que de plaisirs, etc.
Scène ii
Madame Rébarbade, voisines, domestiques, Mondoron, Philaris, Arlequin, Landor, convives
Symphonie bruyante. Madame Rébarbade entre rapidement, suivie de plusieurs voisines portant des lanternes... Elles font le tour du jardin, et restent en attitude, pendant le commencement du morceau suivant.
rébarbade
Air : Ah ! voilà donc cet objet radieux
Ah ! le voilà !
Monsieur est-il bien là ?
Croit-il donc qu’impunément on m’offense ?
À Mondoron.
Ah ! le voilà !
Perfide es-tu bien là ?
oses-tu me traiter comme cela ?
Quelle impudence !
Quelle indécence !
Quoi ? sans rougir,
Peut-on la soutenir ?
De cette injure,
Oui, je le jure,
Je crèverai,
Ou je me vengerai.
Elle regarde Philaris.
Le bel objet !
Ah ! le joli sujet !
Qu’il est charmant !
À part.
La sotte créature !
Le bel objet !
Ah ! le joli sujet !
À Mondoron.
En vérité, votre choix est parfait.
Plus de scandale,
Que l’on détale.
Il vous sied bien
De me voler mon bien !
Elle est habile !
Petite fille,
En d’autres lieux,
Allez porter vos feux.
D’un cœur jaloux
Redoutez le courroux.
Ah ! gardez-vous de m’échauffer la bile.
D’un cœur jaloux
Redoutez le courroux.
Je ne veux rien partager avec vous.
mondoron
Air : Belle brune
Ah ! Madame !bis
Pardonnez,
Et retenez
Le transport qui vous enflamme.
arlequin
Ah ! Madame !bis
Elle lui donne un soufflet.
landor
Air : Mon petit doigt me l’a dit
Au tapage que vous faites,
On n’ose vous approcher.
rébarbade
Taisez-vous, sot que vous êtes,
Morbleu ! je veux me fâcher.
Souffrirai-je qu’à son âge,
Une morveuse l’engage ?
Tendrement.
Il m’aimait tant autrefois !
Je viens réclamer mes droits.
À Mondoron.
Air : Que suis-je, romance
C’est ici que sous la treille,
Nous passions d’heureux moments.
En vidant mainte bouteille,
Je recevais tes serments.
Tu me contais ton martyre,
Tes vœux étaient écoutés.
Dans cet aimable délire,
Nos cœur étaient transportés.
arlequin
Air : Le fameux Diogène
Madame Rébarbade,
Quittez cette boutade,
À quoi sert ce courroux ?
Trêve de l’incartade,
Buvez une rasade,
Et restez avec nous.
mondoron
Air : Eh pourquoi, donc dessus l’herbette
Hé ! pourquoi donc pour une fille,
Hé ! pourquoi donc nous séparer ?
rébarbade
Cela me ferait soupirer,
La friponne est gentille.
mondoron, avec dédain
Quoi ? Faudrait-il encor vous adorer ?
arlequin, la regardant sous le nez
Cela n’est pas facile.
rébarbade, en fureur
Dottor mio caro
Quoi ! l’on m’outrage,
Je cède à la rage.
Que dans son ménage
Tout ressente mes coups.
Faisons tapage,
Que chez ce volage
Un affreux ravage
Soit l’effet du courroux.
Oui, pour te faire enrager,
Je m’en vais tout saccager,
Tout briser, tout ravager.
Elle le menace.
Ah ! De quel plaisir
Je vais jouir !bis
Plus de faiblesse,
De ta tendresse
Va, je te ferai repentir.
À sa suite, elle montre le buste de Philaris.
Que l’on brise cette image,
Fol objet de son hommage,bis
Plus de faiblesse,
De ta tendresse
Va, je te ferai repentir.ter
Pleure, soupire,
De ton martyre,
Moi, je vais rire.
Ah ! De quel plaisir
Je vais jouir !bis
Plus de faiblesse,
De ta tendresse
Va, je te ferai repentir.ter
À Philaris.
Avancez, Mademoiselle.
À sa suite.
Qu’on la remmène chez elle.bis
Plus de tendresse,
Que ta maîtresse,
À l’instant s’apprête à partir.
Voisines, faites-la sortir.bis
Air : Adieu donc, Dame Françoise
Allez donc, Dame Françoise,
Ne vous faites pas prier.
Ici, vous vouliez briller !
Avec cette mine sournoise,
Dirait-on qu’elle oserait ?
Croit-on qu’elle aimerait ?
Allez donc, Dame Françoise,
Ou je vais faire beau train.
Allez donc, Dame Françoise,
Nous nous reverrons demain.
Les voisines et les domestiques de Rébarbade poursuivent Philaris en dansant ; Pendant ce ballet, Mondoron s’oppose à leurs efforts. Enfin, Philaris disparait.
Scène iii
Rébarbade, voisines, domestiques, Mondoron, Philaris, Arlequin, Landor, convives
mondoron
Air : Quoi ? vous partez
Quoi ! je la perds !
rébarbade
Console-toi, je reste.
Rends-moi ton cœur, et tout est pardonné,bis
Cher Mondoron.
mondoron
Tais-toi, je te déteste.
rébarbade, en pleurant
Ô coup affreux ! ô jour infortuné !
mondoron
Air : La mort de mon cher père
Peste soit de la folle
Et de son triste chant !
rébarbade
Cruel ! Je me désole
Du ton le plus touchant,
Mais ta rigueur barbare
Tient bon contre ma voix.
Hé bien, je me sépare...
Tu t’en mordras les doigts.
Air : Halte-là
J’ai décidé pour ma vengeance,
De m’en consoler dès ce jour.
Certain abbé de cour
Aura la préférence.
Enfin, si tu me laisses-là,
On s’en passera
De tout cela,
Va,
Rira bien, qui le dernier rira.
la perte n’est pas grande,
Faut-il que je m’en pende ?
Nenni dà.
Air :
La donzelle est sortie,
Cessons notre sabbat,
Ah ! ah ! ah !
mais dans cette partie,
Jouissons du dégât.
Ah ! ah ! ah !
Elle s’approche de la table.
En l’honneur de ma victoire,
Mon cher, à ta santé,
Hé ! hé ! hé !
Je vais boire.bis
Elle boit, jette son verre et renverse le surtout du dessert ; elle revient à Mondoron.
Air : Ces filles sont si sottes
Tu le vois, j’agis sans façon,
J’ai trouvé ton vin assez bon.
Je sors de ce lieu.
Elle lui prend la main.
Touche, sans adieu,
Car tu n’en es pas quitte.
Et quelquefois sur ce ton-là,
Je te rendrai visite, lon la,
Je te rendrai visite.
Scène iv
Mondoron, Arlequin, Landor, domestiques
Ils restent tous trois un instant en attitude surprise.
mondoron
Air : Non, je ne ferai pas [ce qu’on veut que je fasse]
Je n’y saurais tenir, c’est un crime effroyable
De venir déranger un financier à table...
C’est ma faute, après tout. Dans ce réduit secret,
Je devais enfermer Philaris au loquet.
landor
Air : Que j’estime mon cher voisin
L’amour nous cause trop de soins,
Perdons-en la mémoire.
mondoron, d’un ton railleur
On devait la laisser du moins,
Pour me verser à boire.
landor
Air : C’est une excuse
Ma foi, vous manquez de bon sens.
Pourquoi ces propos indécents ?
mondoron
Parbleu ! cela m’amuse.
En lui donnant cet emploi-là,
Je me conforme à l’Opéra.
landor
C’est une excuse.
mondoron
Air : À la façon de Barbari, mon ami
Sachez que je veux imiter
L’usage de la Grèce.
landor
Mon cher, vous pourriez révolter.
mondoron
J’aime la politesse,
Et je sais mon Anacréon.
arlequin
La faridondaine, la faridondon.
mondoron
Au point que l’on me prend pour lui.
arlequin
Biribi !
À la façon de Barbari,
Mon ami.
S’apercevant que les domestiques se sont retirés, et ont enlevé les bouteilles.
Air : Malgré la bataille [qu’on donne demain]
Oh ! dès que le vin manque, et qu’il vous faut dormir,
Je vais dans le moment, vous donner ce plaisir.
Vous savez que je suis poète et bel esprit,
En vous lisant mes vers, je vous conduis au lit.
mondoron
Air : Les cœurs se donnent troc pour troc
Allez, il n’en est pas besoin,
Ici, je vais prendre ma place.
Messieurs, allez dormir plus loin,
De cet ennui l’on nous fait grâce.
Arlequin et Landor se retirent. Mondoron se jette sur un lit de gazon. Symphonie douce.
Scène v
Mondoron endormi, Crispin qui survient
Symphonie bruyante, le tonnerre gronde, etc.
mondoron, s’éveillant
Air : Du haut en bas
Quel carillon !
Qui peut faire tant de tapage ?
Quel carillon !
Tout est en feu sur l’horizon.
Le ciel était clair, sans nuage,
À propos de quoi cet orage ?
Quel carillon !
airvide
Ô toi, divin Bacchus, qu’on fête sous la treille,
Que ne me restait-il encore une bouteille ?
Du moins je serais ivre, et dans ce doux état,
J’aurais dormi, malgré cet horrible sabbat.
On frappe, Crispin entre.
Air : Monsieur le prévôt des marchands
Que voulez-vous ?
À part.
C’est un enfant !
crispin
Monsieur, soyez compatissant,
Je suis effrayé du tonnerre.
mondoron
Venez, petit, rassurez-vous.
D’où venez-vous donc ?
crispin
De Nanterre.
Et je m’en retournais chez nous.
mondoron
Air : Sur le pont d’Avignon
Que faisiez-vous ?
crispin
Qui moi ? J’étais dans la milice.
On m’a, pour ma grandeur, retiré du service.
Air : Je dédaigne de lui répondre
Je me suis mis chez une belle,
Pour jouir d’un sort plus heureux.
Elle a perdu son amoureux,
L’amour a troublé sa cervelle.
Air : Dirai-je mon confiteor
Philaris est son nom.
mondoron
Ah ! Dieux !
crispin
Cette fille était vraiment sage.
Mais depuis ce moment fâcheux,
Le désordre est dans le ménage.
Tout est brisé dans son courroux,
Et j’ai fuis de crainte des coups.
mondoron
Air : Quand le péril est agréable
Quel est ce mortel si coupable ?
crispin
Ah ! Monsieur, il est bien changé.
Le cabaret l’a dérangé.
Il était fort aimable.
mondoron
Air : L’occasion fait le larron
Mais cet amant dont vous blessez la gloire,
Peut-être est vieux. Le moyen de charmer !
À soixante ans, il est aisé de boire,
Et fort difficile d’aimer.
crispin
Air : Vous m’entendez bien
Non, malgré ses cheveux gris,
Il est aimé.
mondoron
J’en suis surpris.
crispin
D’où vient cette surprise,
Hé bien !
mondoron
J’avais fait la sottise.
crispin
Je le savais bien.
mondoron
Air : Je n’en dirai pas davantage
Mais vous, dont je vois de plus près
Les yeux fripons et le teint frais,
Avec cette mine gentille,
N’êtes-vous pas de la famille ?
crispin
Air : Je voudrais bien me marier
Je suis frère de Philaris,
Puisqu’il faut tout vous dire.
mondoron
Hé bien ! Mon cher, à son logis
Vous allez me conduire.
crispin
Non, elle est ici vis-à-vis,
Je m’en vais l’introduire.
mondoron
Air : Olire, olire
Elle est en ce séjour !
Vous me jouez ce tour !
crispin
Pour causer la surprise,
Je déguise.
Il va dans la coulisse prendre Philaris.
mondoron
Vraiment ! C’est la surprise
De l’Amour.
Scène vi
Philaris, Mondoron, Crispin qui se retire ensuite au fond du théâtre
mondoron
Air : C’est chez vous
Quoi ! c’est vous ?
philaris
Je vous revois en dépit des jaloux.
mondoron
Quoi ! c’est vous ?
ensemble, ensemble
Ah ! que cet instant m’est doux.
philaris
J’avais perdu mes plaisirs.
mondoron
Je partageais vos soupirs.
Cesse
Tristesse,
L’amour comble nos désirs.
Quoi ! c’est vous, etc.
philaris
Air : Gavote de Davène
Loin de l’objet qui l’a charmé,
Le cœur languit, est inanimé.
Le souvenir de son bonheur,
Vient augmenter sa tendre douceur.
Mais quand l’aurore
A fait éclore
Le jour qui le rend à ses vœux,
Il se sent renaître,
Et son nouvel être
Semble encor redoubler ses feux.
mondoron, vivement
Air :
En vain, Bacchus, tu fais briller tes charmes,
Tu n’es plus vainqueur.
Le dieu d’Amour, par de plus douces armes,
Malgré ta liqueur,
Sait soumettre mon cœur.\indicreprmus Fin
Si quelquefois la tendresse sommeille,
La treille
Réveille,
Et dans un détour
Ramène aux pieds de l’Amour.
En vain, Bacchus, etc.
Lorsque de ton breuvage
Je vais goûter le jour,
L’Amour n’en prend point d’ombrage,
La nuit il aura son tour.
En vain, Bacchus, etc.
philaris
airopera
Un buveur se défend d’aimer
Mais il cède enfin la victoire.
La beauté, pour mieux l’enflammer,
Lui permet souvent d’aller boire.
Si nous craignons de l’alarmer,
C’est pour ménager notre gloire.bis
Un buveur n’oserait aimer,
Et Bacchus aurait la victoire.
La beauté, pour mieux l’enflammer,
Lui permet souvent d’aller boire.
Les convives, etc., témoignent par leurs danses la joie que leur cause le retour de Philaris. Cette fête est interrompue par l’arrivée de Rébarbade.
Scène vii
Madame Rébarbade, suite et les acteurs précédents
rébarbade
Air : Trois enfants gueux
Je viens encor pour te faire trembler,
Et la fureur près de toi me rappelle.
Quoi ! Philaris ! Ah ! je veux l’étrangler.
mondoron, l’arrêtant
Tout beau, tout beau, son frère est avec elle.
rébarbade, considérant Crispin
Air : C’est un enfant
Tu crois donc par cette figure,
pauvre ami, désarmer mon bras ?
Vraiment ! c’est une miniature,
Mais moi, je ne les aime pas.
Que je me contente.
Elle veut se jeter sur Philaris.
philaris, s’éloignant
Ah ! quelle est méchante !
crispin, lui prenant la main
Je saurais l’arrêter.
rébarbade
Comment !
C’est un enfant,
C’est un enfant.
crispin
Air : Les cœurs se donnent troc pour troc
Vouloir traiter ceci de jeu,
Vous me croyez donc bien novice ?
Fièrement.
Apprenez que j’ai vu le feu,
J’ai déserté dans la milice.
rébarbade
Air : De tous les capucins
En ce cas c’est une autre affaire.
Puisque vous êtes militaire,
Je renonce à mon noir projet,
Et vous enchaînez ma colère.
J’ai toujours chéri le plumet,
Je ne lui fut jamais sévère.
crispin, en riant
Air : Entre l’amour et la raison
Par ce mot, nous voilà d’accord.
rébarbade, à Philaris
Ma mie, embrassons-nous bien fort,
Et que notre paix soit durable.
Pour nous, plus de rivalité,
Je vous cède la primauté.
mais je me réserve la table.
Air : N’y a pas d’mal à ça
Femme de mon âge
Prend ce parti-là.
Bacchus dédommage
Quand l’Amour s’en va,
N’y a pas d’mal à ça.bis
Air :
Tandis que l’on apprête
Le plus charmant repas,
Qu’une brillante fête
Termine nos débats.
Rions, chantons, ma chère,
Et vive la gaité.
Opégué !
Ma commère,
Gai, gai, gai, opégué !
J’ai connu l’art de plaire,
Je vous l’enseignerai.
Des secrets de Cythère,
Je vous informerai.
Une leçon, ma chère,
Vous met sur le bon pied.
Opégué !
Ma commère,
Gai, gai, gai, opégué !
On danse. Rébarbade donne la main comiquement à Crispin, qui la conduit sous le berceau.
philaris
Air : Ouverture – du Diable à quatre
Pour goûter des biens parfaits,
Que rien ne trouble jamais,
Que la tendresse
Renaisse
Sans cesse
Par de nouveaux désirs.
Aimons,
Buvons,
Folâtrons,
L’amour prend soin de nos plaisirs.
Dans ce séjour enchanté,
Sous les lois de la gaité,
Qu’aucune peine,
Ne gène,
N’enchaîne,
La douce volupté.
Liberté ! liberté !
mondoron et philaris, ensemble
Chantons Bacchus, chantons l’Amour,
Pour nos plaisirs, suivons-les tour à tour.
L’Amour tempère notre ivresse,
Bacchus ranime la tendresse,
Qu’ils règnent la nuit et le jour.
Chantons, etc.
vaudeville
1
Dans l’âge brillant et frivole,
L’aimable et pétillant Damon
De l’Amour faisait son idole.
Par malheur il devint barbon,
En cet état que faire ?
Boire et renoncer à Cythère :
C’est ainsi que Bacchus
Doit remplacer Vénus.
2
Un caissier, amoureux d’Hortense,
L’enlève à grands frais à Lindor.
Son train, ses chevaux, sa dépense
Vident dans peu son coffre fort.
En cet état que faire ?
Boire et renoncer à Cythère :
C’est ainsi [que Bacchus
Doit remplacer Vénus].
3
Autrefois l’amusante Œnone,
Voyait à ses pieds mille amants.
Mais hélas ! chacun l’abandonne,
Depuis qu’elle a des cheveux blancs.
En cet état [que faire ?
Boire et renoncer à Cythère :
C’est ainsi que Bacchus
Doit remplacer Vénus].
4
Cléon, de l’ardeur la plus pure,
Aime une actrice d’Opéra.
Mais elle veut une voiture,
Et Cléon n’a pas de cela.
On fait de la main le geste de l’argent.
En cet état [que faire ?
Boire et renoncer à Cythère :
C’est ainsi que Bacchus
Doit remplacer Vénus].
5
Près d’un tendron fort peu sévère,
Un abbé faisait le galant.
Arrive un jeune mousquetaire,
Pour l’abbé le pas est glissant.
En cet état [que faire ?
Boire et renoncer à Cythère :
C’est ainsi que Bacchus
Doit remplacer Vénus].
6
Au parterre.
Messieurs, en tremblant je m’explique,
Nous touchons le moment fâcheux
Qui nous soumet à la critique.
Hélas ! que nous serions heureux
Si le désir de plaire,
Pouvais seul nous tirer d’affaire !
En faveur de l’objet,
Approuvez le projet.
Fin