Alain-René Le Sage, Jacques-Philippe d’Orneval
La Reine des péris
Parodie de l’opéra de ce nom
non jouée
[1725]
BnF ms. fr. 25471 avec les variantes du ms. fr. 9314.
Acteurs
La Reine des péris
Sélina, suivante de la Reine : Trivelin
Nourédin, roi d’Égypte : Arlequin
Ali, prince arabe
Fatime, princesse de Syrie
Chef des matelots, de Nourédin : Scaramouche
Génies
Dives
Troupe d’Iroquois et d’Iroquoises
La Reine des péris
Le théâtre représente un bois percé en allées et la mer dans l’éloignement.
Scène i
La Reine, Selima
sélina
Air : Ma belle diguedon
Dans ce bois qui vous amène ?
Belle diguedi diguedon dondaine.
Vous poussez des soupirs à foison.
Ma belle diguedi ma belle diguedon.
Qui peut causer votre peine ?
Belle diguedi diguedon dondaine,
Belle diguedi diguedon dondon.
la reine, soupirant
Ahi !
sélina
Air : Je jure par tes yeux
Dans quel état je voisbis
La reine des péris qui tient tout sous ses lois
Dont les vœux sont formés et remplis à la fois !
la reine
Air : Et zon zon zon
Il est des vœux, hélas,
Qui malgré ma puissance
Ne se remplissent pas...
sélina
J’entends votre silence.
Et zon zon zon,
Une tendre souffrance,
Et zon zon zon,
Trouble votre raison.
la reine
Air : Talalerire
Oui, c’est l’amour qui m’inquiète :
D’un mortel mon cœur est épris.
Je te l’apprends, mais sois discrète
Et cache ma honte aux péris ;
À mes dépens ils pourraient dire
Talaleri, talaleri, talarerire.
sélina
Vous avez raison. Peste ! Ils en feraient des gorges chaudes. Mais je suis curieuse de savoir votre aventure.
la reine
La voici. Un jour me promenant dans les airs, juchée sur un grosLa voici. Un jour me promenant dans les airs, juchée sur un gros Le ms. 25471 omet ce mot. \LC nuage, j’aperçus un beau garçon qui dormait à l’ombre d’un ormeau. nuage, j’aperçus un beau garçon qui dormait à l’ombre d’un ormeau.
Air : Une jeune nonette
Cruelle destinée !
Dans le moment
J’en fus embéguinée
Dieu sait comment.
Ma raison d’abord dit : holà !
Je le plantai là.
Mais malgré cela...
Ô gué lon la
Lanlaire
Ô gué lon la.
sélina
C’est-à-dire que vous ne pouvez l’oublier.
la reine
Eh, le moyen ! Pour m’achever de peindre, il vient d’arriver sur ce rivage.
sélina
Quoi, il serait dans ces lieux !
la reine
Je viens de le voir.
Air : J’avais juré de n’aimer de ma vie
Je prétendais ne l’aimer de ma vie
Le revoyant j’en ai repris l’envie
Mais chut, le voici. Que je crains ses dangereux appas ! Fuyons... Hélas !
Air : Quand le péril est agréable
Je me sens dans un trouble extrême ;
En vain je veux fuir le fripon.
On a des jambes de coton
Quand on fuit ce qu’on aime.
Scène ii
La Reine, Sélina, Nourédin, Ali
\nouredin[à la cantonade]
Enfants, allez vous informer du nom de ce pays.
la reine, bas à Sélina
C’est ce qu’il ne saura point.
Air : C’est à toi mon camarade
De ce nom par politique
Il ne faut pas lui parler.
Je veux qu’ici tout s’applique,
Plique, plique,
Je veux qu’ici tout s’applique
À le celer.
nourédin, à Ali
Air : Un soir après roquille
Laissons courir ces drilles
Dans cette île-ci,
Sur ces rives gentilles
Allons, cher Ali...
ali, apercevant la Reine et Sélina
Ah, mon Dieu ! les deux belles filles
Que je vois ici.
la reine, bas à Sélina
Apprenons leur destinApprenons leur destin Dans le ms. 9314, cette réplique est attribuée, comme la suivante, à Sélina. \LC..
sélina
Charmants inconnus, dites-nous par quelle aventure vous vous trouvez dans cette île.
ali
Air : Flon flon
L’impétueuse haleine
Des Aquilons brutaux
Sur la rive prochaine
A poussé nos vaisseaux.
Hé flon flon
Larira dondaine
Hé flon flon flon
Larira dondon.
Air : Blaise en revenant des champs
J’ai contre ces discourtois
Pesté cent fois.bis
À Sélina lui prenant la main.
Mais depuis que je vous vois,
Ne vous en déplaise,
Je me sens bien aise.
sélina, sur le ton du dernier vers
Est-il vrai, mon Blaise ?
la reine, à Nourédin
Et vousEt vous Cette phrase est omise dans fr. 9314. \LC ? ?
Air : Jean Gille
Voyons quel est votre style,
Jean-Gille,
Gille joli Jean.
Quel mal vous rend tout débile ?
Jean-Gille,
Gille joli Gille,
Gille joli Jean,
Joli Jean Jean-Gille,
Informez-nous en.
nourédin
Air : Paris est en grand deuil
Je suis un amoureux
Cent fois plus malheureux
Que je ne puis le dire.
Je suis un Saladin ;
Mon nom est Nourédin ;
L’Égypte est mon empire.
sélina, sur le ton du dernier vers, montrant Ali
Et quel est ce beau sire ?
nourédin
Air : Landeriri
Arabe il est de nation ;
Il me suit par affection.
Landerirette.
On l’appelle le prince Ali.
\ali[faisant la révérence\ali[faisant la révérence Le ms. 9314 omet cette rubrique. \LC]]
Landeriri.
nourédin
Air : Voyelles anciennes
Chez moi je vivais fort content
Lorsqu’il me vint en fantaisie
D’aller voir une aimable enfant.
Je fus puni de mon envie
Car je crois que j’en serai fou
Le reste de ma pauvre viiiiiiie.
la reine, d’un air dédaigneux
Hé, quel est donc ce beau bijou ?
nourédin
C’est la princesse de Syriiiiiiie.
la reine, interdite
Air : On n’aime point dans nos forêts
Pour allumer des feux constants
Songez vous qu’il faut bien des choses ?
nourédin
Elle a la fraîcheur du printemps,
Elle en a les lys et les roses.
Cette princesse est jeune, enfin,
Cela suffit à Nourédin.
la reine, inquiète
Vous lui avez sans doute donné dans la vue.
nourédin
Je n’en sais ma foi rien.
la reine
Mais vous lui avez parlé de votre amour ?
nourédin
Oui, des yeux, et je ne suis pas trop sur encore qu’elle y ait pris garde.
sélina
Voilà qui est bien avancé.
nourédin
Que voulez-vous ? Dans le temps que j’allais lui faire une déclaration d’amour dans un bois écarté où Fatime rêvait, tout d’un coup la nuit a banni la clarté, la terre a tremblé, les éclairs ont brillé, le tonnerre a grondé, les éléments ont bataillé et la princesse de Syrie...
la reine
Air : Je ne suis né ni roi, ni prince
Hé bien, qu’est elle devenue ?
nourédin
Onques\definition Onc ou onques Jamais \acad 1835 depuis on ne l’a vue.
Par mon ordre plus d’un héraut
En vain partout la trompettée.
Hélas ! ma chère dame, il faut
Que le diable l’ait emportée
Il pleure et se désespère.
ali
Vous voyez bien le désespoir qui le dévore ; voilà la vie qu’il mène depuis ce temps-là.
la reine
Air : Que Dieu bénisse la besogne
Consolez-vous, mon beau brunet.
sélina
Séchez vos pleurs, tendre poulet.
en partie burlesquement la reine, selina, ali, ensemble
Vous avez perdu l’espérance ;
De quoi vous sert votre constance ?
Scène iii
La Reine, Sélina, Ali, le chef des matelots de Nourédin
ali
Voici le chef de nos matelots.
nourédin, au chef
Air : N’y a pas d’mal à ça
Approchez. Sans doute
Madame voudra
Qu’un moment j’écoute
Ce marinier-là.
la reine
N’y a pas de mal à ça.bis
ali, au chef
Hé bien, qu’avez vous découvert ?
le chef des matelots
Air : Si dans le mal qui me possède
Nous avons vu de frais ombrages,
Des lilas et des tournesols,
Des perroquets, des rossignols
Qui portent d’étranges plumages
Et qui chantent des airs charmants
Avec des accompagnements.
nourédin
Comment s’appelle ce pays-ci ?
le chef des matelots
C’est ce que nous n’avons pu apprendre.
nourédin
La peste te crève avec tes ombrages et tes rossignols ! Le badaud, au lieu de faire sa commission, s’est amusé à la moutarde. Va-t’en au diable !
Il le chasse à coups de batte.
Scène iv
La Reine, Sélina, Nourédin, Ali
ali
Air : La ceinture
Quels sont donc ces climats si beaux ?
Permettez qu’on vous le demande.
sélina
Vous y guérirez de vos maux,
nourédin
Vous nous répondez en Normande\definition Répondre en Normand Un homme répond en Normand lorsqu’il ne dit ni oui ni non. \furetiere.
la reine, à Nourédin
Air : Pierre Bagnolet
Mon prince, devenez volage.
nourédin
Madame, je n’en ferai rien.
la reine
Mais ce maudit esclavage\versfaux \LC
Vous rend plus malheureux qu’un chien.
nourédin
Je le sais bien.bis
la reine
Allons donc, devenez volage.
nourédin
Ventrebleu, je n’en ferai rien.
sélina
Qu’il est obstiné !
la reine
N’en parlons plus. Que puis-je faire pour vous amuser ici ?
nourédin
Rien.
sélina
Voulez-vous qu’on vous régale d’une danse de matelots ?
nourédin
Voilà une danse bien placée ! J’ai bien envie de rire, ma foi ! Non, je veux m’en aller.
la reine
Air : Dedans nos bois il y a un ermite
Ne quittez pas ce rivage tranquille,
Demeurez dans ce bois.
De cent plaisirs qu’on goutte en cet asile,
Je vous laisse le choix.
nourédin
Vous voulez donc que je me satisfasse ?
Je choisis la chasse, moi,
Je choisis la chasse.
Il sort brusquement avec Ali, et l’on entend aussitôt sonner du cor.
Scène v
La Reine, Sélina
sélina
Cela est galant.
la reine
Air : Quand je vais à la chasse
Malgré ma politesse,
Malgré tous mes attraits,
Tu vois comme il me laisse
Pour courir nos forêts.
Le cruel me détrompe
Et méprisant ma loi
Avec sa trom trom trom trom trom Dans le ms. 9314, seulement trois fois \guill trom. \LC trompe
Va sonner loin de moi.bis
sélina
Aussi vous lui avez laisséAussi vous lui avez laissé Ce mot est omis dans le ms. 25471. \LC le choix de ses plaisirs. le choix de ses plaisirs.
la reine
Air : Ici les tendres oiseaux
Il va jusques à ce soir
Rêver à l’objet qu’il aime.bis
Le plaisir qu’il doit avoir
Fait mon désespoir extrême,
Mon extrême désespoir
sélina
Patience, patience, il ne faut pas jeter le manche après la cognée : il pourra vous aimer dans la suite.
la reine
Air : Tire, pousse, et aïe
D’une espérance vaine
Tu flattes mon ardeur.
Hélas ! de mon vainqueur
J’aurai bien de la peine
À dérober le tire, pousse et aïe,
À dérober le cœur.
sélina
Oh, que non !
la reine
Air : Quand on a prononcé ce malheureux oui
Déguisons lui toujours quelle Reine il offense.
S’il le savait hélas...
Apercevant Ali.
Mais son ami s’avance.
Je crois qu’il vient ici chercher ton entretien.
Va parle à ton amour, je vais penser au mien.
Elle se retire.
Scène vi
Sélina, Ali
sélina
Vous vous égarez, seigneur Ali ; nous ne sommes pas le gibier que vous cherchez.
ali
Écoutez un moment.
Air : Ce fut un dimanche après vêpres
C’est tout exprès que je m’égare ;
De la chasse je me sépare.
Le plaisir qui m’est le plus doux,
ou, ou, oux,
C’est de chasser auprès de vous,
ou, ou, ou, ou, ou, oux Dans le ms. 9314, les deux fois seulement \guill oux oux. \LC.
Vous savez que l’amour est une chasse.
sélina
Oui, mais pouvez vous soupirer pour une belle sans savoir qui elle est ?
Air : Il faut connaître,
Il faut connaître avant d’aimer,
Ma tourelourette,
Il faut connaître avant d’aimer,
Ma toureloure Le ms. 9314 omet les deux derniers vers. \LC !
ali
Air : J’offre ici mon savoir-faire
Quand je vois ce beau visage
Je sais tout entièrement\versfaux \LC.
]
Pour aimer un objet charmant
En faut-il savoir d’avantage ?
sélina, soupirant
Ouf !
ali
Air : Je ferai mon devoir
Unissez votre cœur au mien...
Vous ne dites rien.bis
Blâmez vous les discours d’Ali ?
sélina
Nenni, vraiment, nenni.bis
ali
Que vous flattez mes vœux ! Comment, j’aurais l’avantage... On entend un bruit de chasse.
sélina
Prince, suivez la chasse.
Air : Adieu donc, ma Nanon
Je vois venir la Reine ;
Adieu Dans le ms. 25471 : \guill Adieu donc. La métrique de l’air suppose ici un vers de six syllabes, et non de sept. \LC beau compagnon.
ali
Qui diable la ramène
Pour couper une scène
D’un style si mignon ?
Adieu donc, ma Nanon.
Il s’en va.
Scène vii
La Reine, Sélina
sélina
Vous paraissez bien gaie dans votre rêverie.
la reine
Air : Boire à son tire lire lir
L’espoir renaît soudain
Dans mon âme attendrie.bis
Je crois de Nourédin
La maîtresse périe.
Sans doute un jour
Mon tendre amour
Aura son, tire lire lir,
Aura son, toure loure lour,
Aura son tour.
L’orchestre en cette occasion Ms. 9314 : \guill en cet endroit. \LC joue l’air Dodo l’enfant do ; on voit paraître des génies qui apportent un trône de fleurs, où la princesse de Syrie est couchée et pâmée.
sélina
Air : Lonlanla derirette
Ah ! Que de fleurs ! Les beaux œillets !
Que de jasmins ! Que de muguets !
Lonlanla derirette !
Apercevant Fatime endormie.
Quel est ce tendron endormi ?
Lonlanla deriri.
Scène viii
La Reine, Sélina, Fatime princesse de Syrie, génies
un génie
Air : Ne montez plus sur vos dia-hu
Ma reine nous avons ôté
Cette beauté
Des griffes d’un dive
Qui voulait la... hé,
Holà, hé,
En faire à son gré !
la reine
Voilà qui est bien, laissez-nous. Les génies se retirent.
Scène ix
La Reine, Sélina, Fatime
la reine, après avoir observé Fatime
Air : Folies d’Espagne
Quoiqu’elle soit dans un état tranquille,
Ah, que ses maux me paraissent pressants !
Je veux ici lui donner un asile,
Çà, rendons lui l’usage de ses sens.
Elle touche Fatime de sa baguette.
Air : Réveillez-vous, belle endormie
Réveillez-vous, belle endormie.
fatime, ouvrant les yeux
Ciel !
sélina
Vous n’êtes plus au pouvoir
Du drôle\definition Drôle Homme qui cherche à faire tort à quelqu’un. \furetiere qui voulait, ma mie,
Vous donner un gîte ce soir.
fatime
Quel peut être ce séjour ?
la reine
Rassurez-vous, vous êtes avec de fort bonnes gens.
fatime
Air : Confiteor
Près de vous suis-je en sûreté Ms. 9314 : \guill en liberté. \LC
Contre un génie épouvantable ?
sélina
Vos jours, votre pudicité
Sont sous un appui favorable.
la reine
Je vous en fais dans ce moment
Un inviolable serment.
sélina
C’est comme si tous les notaires y avaient passé. Apprenez-nous qui nous protégeons.
fatime
Une princesse.
la reine
Une princesse ? Ho, ho ! je suis curieuse de savoir votre aventure.
fatime
La voici.
Air : La jeune Isabelle
Dans un vert bocage
Fort propre à l’amour,
J’étais à l’ombrage
Toute seule un jour.
Un dive effroyable
S’en vint m’accoster
Et faisant l’aimable
Voulut m’en conter\definition Conter Il lui en conte, pour dire, il lui en veut, il en est amoureux \furetiere.
sélina
Vous l’envoyâtes promener ?
fatime
Oui, mais il ne se rebuta point : il se mit à me faire endêver.
Air : Ziste, zeste, malepeste
Je lui dis : arrêtez-vous donc !
Ziste, zeste, patapon.
Il mit la main sous mon menton.
la reine
Ziste zeste,
Malepeste,
Qu’il est preste,
Ce fripon !
fatime
Air : L’autre jour dessous un ormeau
Je voulus m’en débarrasser :
Peine inutile.
J’avais beau le repousser,
Le prier de cesser,
Le mordre, le pincer,
Ce satyre indocile,
Me laissant crier en vain,
Allait toujours son train.bis
sélina
Les dives en amour sont un peu mousquetaires.
la reine
La pauvre enfant ! Continuez, continuez.
fatime
Air : Bouchez, naïades, vos fontaines
Aussitôt un affreux tonnerre
Fit trembler les cieux et la terre.
la reine, à part
D’un funeste pressentiment
Tout à coup je suis agitée.
fatime
Je me vois au même moment
Dans une caverne emportée.
sélina
Ahi, ahi !
fatime
Air : Au voleur, au voleur
Là, le génie en fureur
Veut redoubler \ibis mon malheur.
sélina
Au voleur, au voleur !
Au voleur, ma pauvre mère !
Au voleur, au voleur !
On veut ravir mon honneur.
fatime
Air : Et puis voilà comment
Dans cette crise infortunée
Je me trouve sans mouvement,
Au sommeil même abandonnée
Par un subit enchantement.
Et puis voilà comment
Je me vois
Dans ce bois
Toute étonnée,
Et puis voilà comment
Finit l’événement.
sélina
Vous en avez été quitte à bon marché.
la reine, tristement
Quel soupçon me vient dans l’esprit ?
fatime
Air : Je ne suis né ni roi, ni prince
Pourquoi faites vous la grimace ?
Qu’avez vous, madame, de grâce ?
Vous paraissez vous affliger.
Quoi ? seriez vous déjà marrie
D’avoir promis de protéger
La fille du roi de Syrie ?
sélina
Oh, voilà bien le diable !
la reine, à part
Ciel ! À Fatime. Non, la belle non ; allez faire un petit tour, allez tôt.
fatime, s’en allant
Ouais ! Quelle mouche la pique tout à coup ?
Scène x
La Reine, Sélina
la reine
Air : Ah ! La faute en est faite
Dieux ! Qu’ai-je fait ! Que je suis indiscrète\definition Indiscret Étourdi, imprudent \acad 1762
D’avoir promis une sûre retraite
À la beauté que Nourédin regrette !
sélina
Ah, ah ! La faute en est faite !
la reine
Air : Ô reguingué
Mais quoi ! Faudra-t-il sottement
Que je respecte mon serment ?
Ô reguingué, ô lonlanla.
Dois-je aux dépends de ma tendresse
Servir l’amant et la maîtresse ?
Non je n’en ferai rien. L’amour jaloux m’inspire un artifice pour punir l’ingrat qui me méprise. Il va voir de quel bois se chauffe la reine des péris.
sélina
Air : Joconde
Ma reine, quel ardent courroux !
Gardez vous de le suivre.
Faut-il qu’à des transports jaloux
Une péri se livre ?
la reine
Oh ! je ferai charivari !
Je veux venger ma flamme
Il est vrai que je suis péri,
Mais aussi je suis femme.
Je veux me venger absolument.
Elle fait des figures cabalistiques qui donnent à Fatime absente la ressemblance de Sélina.
Voilà qui est fait : je suis vengée.
sélina
Comment ?
la reine
Je viens de donner ta ressemblance à la princesse de Syrie, de sorte que son amant, quand il la verra, croira ne voir que toi.
sélina
Diable ! Votre colère vous a inspiré un tour bien ingénieux !
la reine
Je suis sûre que ce charme fera un bon effet sur Nourédin.
Air : L’onguent miton mitaine
N’est-ce pas s’y prendre bien ?bis
N’est-ce pas un bon moyen ?
sélina
Oh ! par ma foi, ma reine,
Pour le guérir ce n’est rien
Qu’onguent miton mitaine\definition Onguent miton mitaine Tout remède qui ne fait ni bien ni mal \acad 1762.
la reine
Mais ceci n’est qu’un accessoire ; je l’ai fait conduire dans l’île de l’inconstance.
sélina
Ah, parlez-moi de cela ! L’air de cette île vaut celui de Paris pour rendre un amant volage.
la reine
On lui aura appris là qui je suis et cela ne manquera pas de se déterminer en ma faveur.
sélina
Cela va sans dire.
la reine
Mes péris doivent de là le rapporter dans le désert qui est ici proche où Fatime se promène ; je vais, me rendant invisible, être témoin de leur conversation.
\scene[Le théâtre change et représente un désert.] Nourédin
seul
nourédin
Je reviens de l’île volage comme j’y étais alléJe reviens de l’île volage comme j’y étais allé Ms. 9314 : \guill comme j’y avais été. \LC. Ah, malicieuse reine,. Ah, malicieuse reine,
Air : Y avance, y avance
Tu fais jouer bien des ressorts !
Je me ris de tous tes efforts ;
Je garde ma persévérance.
Y avance, y avance, y avance,
Avec ton île d’inconstance.
Air : Gourdin
Aux cris d’un amant malheureux
Répondez, rochers affreux,
Témoins des peines que j’endure,
Lieux dépouillés de verdure
Où trépasse la nature,
Ture ture Ms. 9314 : \guill Ture lure. \LC
Turelure lure,
Voyez expirer Nourédin,
Derelindin derelin dindin
Derelin, din, din, din, din.
Apercevant Fatime qu’il prend pour Sélina. Mais Sélina paraît.
Scène xi
Nourédin, Fatime paraissant Sélina
fatime, à part sans voir Nourédin
Air : L’autre nuit, j’aperçus en songe
À quels maux suis-je réservée ?
J’ai perdu ce prince charmant
Qui me lorgnait si tendrement
Lorsque je me vis enlevée.
Apercevant Nourédin.
Mais quel homme paraît ? Grands dieux !
Est-ce lui qui s’offre à nos yeux ?
nourédin
Eh bien, madame la soubrette, votre maîtresse en est-elle la dupe ?
fatime, étonnée
Qu’est-ce que cela signifie ?
nourédin
Cela signifie que la reine des péris n’en croquera que d’une dent.
Air : Quand il aime, il aime
En dépit de son beau stratagème
Je serai de Fatime l’amant,
Et mon cœur sera toujours le même
Quand il aime, il aime, il aime, il aime,
Quand il aime, il aime constamment.
fatime
Quoi, vous aimez la princesse de Syrie et vous ne la reconnaissez pas !
nourédin, regardant de tous côtés
Je ne la vois point.
fatime
C’est moi.
nourédin
Plaît-il ?
fatime
Air : Non, non, il n’est point de plus joli nom
Oui, je suis cette princesse
Dont vous chérissez le nom
Et j’ai de votre tendresse
Par vos yeux reçu le don.
nourédin
Non non,
Vous n’êtes pas l’objet mignon
Que j’ai choisi pour maîtresse ;
Non non,
Loin de voir en vous ce tendron,
Je n’y vois qu’une guenon
fatime
Une guenon ! Qu’entends-je ? Ah ! Vos yeux sont fascinés et votre illusion est sans doute un ouvrage de la reine des péris.
nourédin
Ma foi, cela pourrait bien être...
fatime
Air : Un certain je ne sais qu’est-ce
Se peut-il que pour moi
Nourédin s’intéresse
Et que son cœur me méconnaisse ?
Il doit en m’écoutant, je crois,
Sentir un certain je ne sais qu’est-ce,
Sentir un certain je ne sais quoi.
nourédin
Oui, je commence à sentir cela... L’amour m’éclaire ; je n’en doute plus : c’est vous, adorable Fatime. Mais dites-moi, par quel hasard vous trouvez-vous ici ?
fatime
Je vais vous conter mes malheurs.
Le théâtre s’obscurcit, Fatime continue.
Air : Les Trembleurs
Mais hélas ! quel trouble fête,
Quelle effroyable tempête
Vient fondre sur notre têtes ?
Quel ennemi vient à nous ?
Justes dieux ! Sur cette rive
Je vois mon insolent dive.
Je suis perdue, il arrive !
Mon cher prince, sauvez-vous !
nourédin, sur le ton du dernier vers, tirant sa batte
Je veux le rouer de coups
Les éclairs brillent et le tonnerre se fait entendre.
Scène xii
Nourédin, Fatime, dives
chœur de dives, ensemble
Air : Allons voir allons voir allons voir
Allons voir, allons voir, allons voir
Cette rebelle Fatime,
Allons voir, allons voir, allons voir
Si nous la pouvons ravoir.
Les dives se disposent pour enlever Fatime ; Nourédin s’efforce de les arrêter.
nourédin
Barbares, arrêtez !
Scène xiii
Nourédin, Fatime, dives, péris
Les péris arrivent avec des camouflets\definition Camouflet Fumée épaisse qu’on souffle malicieusement au nez de quelqu’un avec un cornet de papier allumé \acad 1694, dont ils lancent la fumée sur les dives, qui en sont culbutés\footnote À l’Opéra, les péris, avec des urnes d’où exhalent des parfums, mettent en fuite les dives. (Note du ms. 25471.).
\ensemble[chante en partie le canon suivant\ensemble[chante en partie le canon suivant L’accolade à gauche de ces vers et cette didascalie laissent penser que les trois vers étaient chantés non pas successivement mais en même temps. \LC] chœur de péris
Nos ennemis font les mauvais.
Faisons jouer nos camouflets !
Culbute, culbute, culbute à jamais.
Les péris, après ce burlesque combat, poursuivent les dives fuyants, en chantant toujours le canon.
nourédin
Parbleu, voilà des parfums qui valent des mousquets.
Scène xiv
Nourédin, Fatime
fatime
Air : Ma raison s’en va beau train
Seigneur, sans ce prompt secours
Vous me perdiez pour toujours.
Mais retirons-nous :
Je crains le courroux
De votre enchanteresse.
La Reine des péris paraît tout à coup.
Scène xv
Nourédin, Fatime, la Reine des péris
la reine, achevant l’air
Mes chers enfants, rassurez-vous :
Je suis bonne princesse, lon la,
Je suis bonne princesse Le ms. 9314 omet \guill lon la et la répétition de \guill Je suis bonne princesse. \LC.
C’est moi qui vient de vous secourir.
nourédin
Reine, quelle reconnaissance...
la reine
Ce n’est pas tout : je vais ôter à Fatime les traits qui la cachent à vos yeux.
Elle touche Fatime de sa baguette et lui ôte la ressemblance de Sélina.
nourédin, transporté, à Fatime
Ah ! ma princesse, je revois vos appas !
la reine
Je fais plus : je triomphe de mon amour, et ne pouvant plaire à Nourédin, je le cède généreusement à la princesse de Syrie.
fatime
Quelle générosité !
Scène xvi
La Reine, Fatime, Nourédin, Ali, Sélina, péris
nourédin, à Ali
Cher Ali, partage ma joie : tiens, voilà Fatime !
Ali salue la princesse.
la reine, à Ali
Air : Tuton, tuton, tutaine
Vous, seigneur Ali, venez çà !
Voulez-vous bien de Sélina ?
ali
Très volontiers, ma reine.
la reine, à Sélina
Tutu,
Et toi, le veux-tu ?
sélina
Hé ton ton,
Parbleu, pourquoi non ?
C’est un bon garçon
De bonne façon,
Tutaine, tuton, tutaine.
la reine
Air : Mariez, mariez, mariez-moi
Finissons, mes chers amis,
Tous quatre je vous marie.
Aux péris.
Et vous, menez les péris
À notre messagerie.
Emballez, emballez, emballez-les,
Pour les porter en Syrie,
Emballez, emballez, emballez-les,
J’en veux bien faire les frais\footnote Ils volent enlevés à l’opéra dans un char qui ressemblait fort à une caisse. (Note du manuscrit 9314.).
chœur de péris, ensemble
Emballons, emballons, emballons-les,
Notre reine en fait les frais.
la reine
Air : Le cabaret est mon réduit
Venez ici, peuple iroquois,
Admirez ma noble victoire !
Obéissez à ma voix !
Venez célébrer ma gloire,
Venez célébrer, venez célébrer,
Venez célébrer ma gloire.
Une troupe d’Iroquois et d’Iroquoises viennent faire une danse qui finit la pièce.
Fin